Interview de M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'Etat à la défense et aux anciens combattants, à I-Télé le 27 novembre 2008, notamment sur les risques terroristes, la politique gouvernementale face à la crise et sur la Gauche moderne.

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Média : Itélé

Texte intégral

L. Bazin.- Et notre invité, c'est J.-M. Bockel, bonjour, secrétaire d'Etat à la Défense, socialiste passé à la gauche de N. Sarkozy. Vous créez Gauche moderne ce week-end, qui sera votre propre formation politique. Un mot de la situation internationale, au secrétaire d'Etat à la Défense : un attentat en Inde, une vidéo mettant en cause un otage français et un attentat à Kaboul ce matin à proximité de l'ambassade américaine, une alerte aux attentats dans le métro new-yorkais. Est-ce que la France peut être indemne de toute menace dans ce contexte-là ?
 
Non, pas du tout, la France sait que nous sommes tous concernés par la menace terroriste. Nous avons d'ailleurs pris toutes les mesures qu'il est possible de prendre depuis déjà un certain temps.
 
Cela veut dire clairement que le plan Vigipirate va être monté en niveau, porté à un niveau plus important pour les fêtes ?
 
Ecoutez, je ne préjuge pas des décisions concrètes qui seront prises, mais je peux vous dire que, quel que soit le niveau du plan Vigipirate, nous sommes au niveau de notre service de renseignements, au niveau de notre suivi de la situation, extrêmement attentifs et s'agissant de ce qui s'est passé dans ces différents pays, moi, j'étais avec des interlocuteurs indiens hier soir, dans des réunions Défense, naturellement, pour eux, c'est un élément nouveau, par rapport à des attentats qu'ils connaissaient déjà. Donc c'est effectivement, on sent bien que la région, là-bas devient de plus en plus enfin...
 
Pour comprendre, le Cachemire, le Pakistan, Afghanistan, tout ça
est entremêlé ?
 
Eh oui. Donc, cela nous ramène également à toute la problématique de notre présence avec nos alliés. Enfin, nous sommes là au coeur, vous le dites vous-mêmes, finalement dans votre questionnement, de notre sécurité. Que nos concitoyens...
 
Oui, est-ce qu'il y a une menace concrète à votre connaissance contre la France ? Est-ce qu'il y a eu des alertes ?
 
A ma connaissance non, mais on le dit d'ailleurs régulièrement, et on le rappelle régulièrement, nous ne sommes pas à l'abri de ces menaces très générales et s'agissant de l'otage français en Afghanistan, D. Egreteau, sachez que le Quai d'Orsay - je les avais encore ce matin, au téléphone -, sont extrêmement engagés dans cette démarche, mais avec évidemment la discrétion qui rend efficace leur action.
 
L'armée française est en train de chercher à localiser, on n'imagine bien l'endroit où se trouve cet otage, si ce n'est pas déjà fait ?
 
Nous sommes très engagés dans ce dossier, et plus on sera discrets, plus on sera efficaces.
 
Cela va paraître curieux de parler de politique partisane après ça. Et pourtant, c'est ce moment que vous choisissez la crise, la situation internationale, pour créer Gauche moderne, pourquoi maintenant ? Pourquoi pas il y a un an ? Pourquoi pas dans six mois ?
 
En fait, nous avons lancé Gauche moderne, il y a un an. Et après les municipales où nous avons été présents, ce parti politique, ce nouveau parti politique s'est structuré, nous sommes présents dans 20 régions françaises et samedi matin à Suresnes et dimanche matin, nous serons nombreux. Le Premier ministre d'ailleurs nous apportera le salut du Gouvernement, nous aurons un message du président.
 
C'est un parti de droite alors, ce n'est pas un parti de gauche ?
 
Non, non, nous sommes des hommes et des femmes de gauche ; Moi-même j'ai été au Parti socialiste pendant 34 ans, j'ai tenté pendant dix ans de le rénover et on a bien vu lors du dernier congrès... Je ne pensais pas que ce serait à ce point, dramatique, je ne pensais pas que le processus...
 
Vous dites c'est une tragédie grecque ?
 
Oui, c'est-à-dire qu'on sait que toutes les conditions pour que cela se termine mal sont réunies. Et malgré tout, ça se termine mal. Et je pense que ça va mal se terminer, parce que le processus de désagrégation est engagé. Moi, je ne m'en réjouis pas, parce que pour la démocratie, il est bon d'avoir une opposition solide, suffisamment solide pour même parfois pouvoir dire oui, lorsque l'intérêt national est en jeu.
 
C'est un paradoxe, vous créez un parti à gauche de N. Sarkozy, au sein de la majorité, en disant aux socialistes, "venez me rejoindre" et vous dites en même temps : "il faut une opposition solide" ?
 
Aujourd'hui l'esprit de la gauche européenne, c'est-à-dire de toutes les gauches qui se sont modernisées en Europe, du nord au Sud, qui ont su appréhender la réalité du monde, la réalité de leur pays, aujourd'hui c'est N. Sarkozy qui s'en inspire dans son travail, de modernisation, de réformes justes, sans oeillères, en bougeant les lignes, parce que c'est maintenant que ça se passe, la rénovation de la France. Eh bien, l'esprit d'audace aujourd'hui, c'est lui qui le porte. Au fond les idées que j'ai défendues pendant 10 ans au PS, dans l'esprit de la gauche européenne, que nous continuons à défendre, pour beaucoup d'entre elles, elles sont actuellement mises en oeuvre en France. Et vous savez, il n'est pas scandaleux dans n'importe quel autre pays européen qu'il y ait des alliances pour un temps ou plus longtemps entre des gens de droite et des gens de gauche, lorsque les intérêts sont en jeu, les intérêts vitaux d'un pays, sont en jeux, lorsqu'il s'agit vraiment de moderniser aujourd'hui et pas demain et Gauche Moderne va garder son identité, nous serons force de proposition, nous l'avons déjà été sur les sujets...
 
Oui, force de critiques aussi, par exemple au moment où on passe aujourd'hui, probablement le cap des deux millions de chômeurs à nouveau, est-ce que vous critiquerez une partie de la politique du gouvernement ?
 
Alors je vais vous dire, critiquer le gouvernement parce qu'il y a une crise économique mondiale qui vous impacte, franchement, ce ne serait pas très sérieux. Par contre, apporter des propositions pour aider le gouvernement, notamment dans le plan de relance qui se prépare, notamment dans l'attention aux plus démunis, à ceux qui sont le plus en difficulté à trouver des solutions encore plus efficaces. Par exemple les solutions qu'on trouve actuellement de « flexisécurité » c'est-à-dire préserver le parcours personnel avec un salaire, de chacun, l'aider  à retrouver du travail, comme certains pays socio démocrates l'ont déjà expérimenté, tout ayant la souplesse nécessaire à l'économie, c'est une idée que nous défendons à Gauche Moderne, moi-même depuis trois ans, et notre parti politique en fait un des axes et le Premier ministre nous le dira samedi. Donc là-dessus, nous nous sentons utiles comme force de proposition. Mais nous ne nous interdisons pas, de critiquer. Et je dis aux gens de gauche, aux gens du PS, qui n'en peuvent plus, qu'ils cessent de diaboliser N. Sarkozy, parce qu'ils voient qu'on a un capitaine à la barre du navire France, et qui pensent qu'il serait bon que la force politique de gauche au sein de la majorité soit renforcée par leur présence. Nous sommes des alliés, mais des alliés libres, capables de dire "oui", capables de dire "non". Qu'ils nous rejoignent, nous serons plus forts et nous pourrons encore davantage influer dans le sens de nos idées, de nos idées sociales, de nos idées de gauche, la démarche de modernisation du pays menée actuellement par le gouvernement de F. Fillon.
 
On va continuer à parler avec vous, évidemment. Mais on entend, ce que vous venez de dire, non, la social-démocratie n'est pas morte, et elle est aujourd'hui au gouvernement au côté de N. Sarkozy.
 
Eh oui !
 
Toujours en compagnie de J.-M. Bockel, le secrétaire d'Etat à la Défense et celui, le patron du futur parti Gauche moderne qui va donc être porté sous les fonts baptismaux par F. Fillon -vous voyez comme la précision peut être importante parfois. Et qui sera un parti de gauche, nous dit-il. (...) Les chiffres du chômage, on devrait repasser au-dessus de la barre des 2 millions de chômeurs, le ministre du Travail le confirmait ce matin. Est-ce que pour autant, il y a une fatalité ? Parce que ça, c'est grosso modo ce que vous me disiez tout à l'heure ?
 
Alors nous avons par exemple dans ma ville à Mulhouse, une usine PSA avec donc du chômage technique même plus important que ce qu'on nous avait annoncé, il y a quelques temps. Déjà, vous savez que l'industrie automobile c'est un exemple, c'est avec les sous-traitants, les équipementiers, les garagistes...
 
On dit un emploi dans l'industrie sur trois emplois perdus, dans le reste, chez les sous-traitants ?
 
Non, mais c'est d'une part l'industrie automobile c'est un emploi sur dix en France et d'autre part ce que vous dites est juste et moi, je le vérifie chez moi. Et c'est là qu'on voit, que les mesures qui sont actuellement prises, envisagées, celles qui apparaîtront dans le plan de relance, celles qui concernent également les salariés, à un moment donné, toutes ces mesures vont, sont la riposte adaptée, à cette situation...
 
On ne pourrait pas faire mieux ? Exercez-vous, puisque vous créez le nouveau parti et que vous avez promis d'être critique, on ne peut pas faire plus là ?
 
 Ecoutez, franchement, je vais vous donner un exemple, est-ce qu'il faut baisser la TVA sur les produits de consommation, alors que les prix sont en train de baisser et qu'on a besoin de la recette TVA ? C'est une décision qu'il ne faut pas...
 
Donc, vous dites non ?
 
Non, mais je veux dire que, aujourd'hui, on est dans une situation de crise où à chaque évolution, à chaque situation nouvelle, nous devons apporter des réponses. On ne peut pas prévoir, la situation dans un mois ou dans deux mois. Donc il faut...
 
Donc, il faut envisager éventuellement de baisser la TVA sur les produits de consommation ?
 
Ah ! Ce n'est pas ce que j'ai dit. Ce n'est pas ce que j'ai dit. Je vous donne l'exemple de ce qu'on a eu raison de ne pas faire dans la précipitation. Par contre on a raison d'utiliser les capacités que nous avons, pour soutenir l'investissement. Cela vaut aussi d'ailleurs pour le logement, la construction ; on sait bien que c'est un moteur économique extrêmement important. Je vais vous donner l'exemple de l'industrie, l'exemple de l'automobile, dans ce domaine-là, naturellement, le plan de relance apportera un certain nombre de réponses, que ce soit au niveau des salariés concernés ou au niveau de l'industrie elle-même. Mais cela vaudra également dans le domaine par exemple des grandes infrastructures.
 
Donc vous y travaillez....
 
Et les grandes infrastructures, c'est le TGV, qu'on a de toute façon besoin de continuer, de poursuivre, ce sont des infrastructures qui sont nécessaires pour la modernisation du pays et en temps de crise...
 
On a entendu. On ne va pas refaire la défense et l'illustration du plan, on l'a largement commenté hier. Je voulais vous porter vers d'autres sujets d'actualité.
 
D'accord !
 
Voilà, pourquoi je vous bouscule un peu. (...) Un sujet sur lequel, je veux vous interroger absolument, c'est celui des sans-abri. (...) Est-ce qu'on met oui ou non, à l'abri ces gens qui risquent de mourir de froid y compris contre leur volonté ?
 
Il ne faut pas le faire contre leur volonté, de mon point de vue. C'est une question extrêmement difficile, je la connais comme maire. Nous, nous préparons à l'hiver, comme nous le faisons chaque année, ces personnes sont...
 
Particulièrement à Mulhouse, oui.
 
Oui, ces personnes sont dans des situations très différentes. Certaines, de toute façon, ne voudront jamais, et d'autres seraient prêtes à condition de trouver des appartements adaptés ou parfois un hôtel, à repartir dans un commencement de vie normale. Parce que tout se tient, le travail, le logement, vous le savez. On ne peut pas, avoir de réponse générale, et je pense que... je préfère une incitation très forte, parfois même insistante, les jours de grand froid, avec une bonne connaissance, du terrain, de chaque situation. C'est vrai que c'est plus facile dans des villes moyennes, que dans une très grande ville. Plutôt qu'un couperet qui tombe à un moment donné et vous voyez bien comment c'est vécu, ce n'est pas très bien vécu. Donc d'ailleurs, je vois à la réaction de la ministre, qu'elle l'a entendu.
 
Elle l'a entendu. Merci, beaucoup d'avoir été notre invité, ce matin. Et on attend donc la nouvelle gauche que vous représenterez au côté de N. Sarkozy, sur une dimension critique.
 
Et propositionnelle.
 
Et propositionnelle, on a entendu, merci beaucoup.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 27 novembre 2008