Déclaration de M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, sur le bilan de la Présidence française du Conseil de l'Union européenne (PFUE), à l'Assemblée nationale le 27 novembre 2008.

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Circonstance : Audition devant la Commission des affaires économiques et la Commission chargée des affaires européennes de l'Assemblée nationale, le 27 novembre 2008

Texte intégral

Monsieur le Président de la Commission des Affaires économiques,
Monsieur le Président de la Commission des Affaires européennes,
Je vous remercie pour vos mots très aimables. Je remercie également Mesdames et Messieurs les Députés, ainsi que Jacques Toubon, qui, la semaine dernière, était présent comme moi-même au Parlement européen.
Ma décision n'a pas été facile à prendre car mes sentiments sont mêlés : regret, parce que mon engagement européen est fort ; satisfaction, parce que la proposition que m'ont faite le président de la République et le Premier ministre correspond à une certaine logique dans mon parcours. En tout cas, ce sera une autre façon de faire l'Europe.
Je me félicite également de tous les contacts que j'ai eus avec les parlementaires. Les débats en commission ont toujours été pour moi une grande source d'enrichissement. Je serai, comme vous l'avez souligné, Monsieur le Président, à votre disposition dans le cadre de mes nouvelles fonctions.
La date de mon départ, le 15 décembre, ne relève d'aucun caprice et tient à des contraintes juridiques. Comme vous pouvez le penser, j'aurais aimé poursuivre ma mission au-delà ; las, le droit est le droit et je me dois de m'y soumettre.
J'en viens au bilan de la Présidence française. Comme l'a souligné Pierre Lequiller, tous les Etats membres savent gré à la Présidence française et au président de la République de leur réactivité : ils ont su, qu'il s'agisse de la crise entre la Géorgie et la Russie ou de la crise financière, donner les "coups d'épaule" nécessaires pour bousculer certains principes et certaines méthodes. Alors que l'administration américaine traverse une période de transition, cela a permis à l'Union européenne de s'affirmer en tant qu'acteur global et d'être en avance pour apporter des réponses.
Au sein de ce bilan, le premier élément qui me semble essentiel tient à la rénovation de la méthode. Je gage que le mouvement ne s'arrêtera pas avec la fin de la Présidence française et que perdureront les nouveaux modes de gestion que nous avons soutenus. Les sujets économiques et financiers continueront à être traités au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement, dans les enceintes appropriées et dans le cadre de l'Eurogroupe. En effet, lorsque l'on partage la même monnaie, les mêmes intérêts et la même banque centrale, il convient d'entretenir un dialogue étroit. Et ce ne sont pas les événements du week-end dernier, au Royaume-Uni, qui me feront renoncer à l'idée qu'il y a une différence sensible entre les solidarités qui s'expriment au sein de l'Eurogroupe et celles qui peuvent survenir à l'échelle européenne.
Je ne dis pas que ce sera un phénomène régulier. Mais ce dont je suis sûr, c'est qu'il existe un espace commun : il y a des zones de solidarité, des intérêts partagés et une vision commune. Au sein de la zone euro, notamment avec nos partenaires allemands, nous avons une ambition industrielle commune au service de l'unité de l'Europe. En dépit de certaines divergences, nous avons la même ambition, et cela suffit à nous distinguer d'autres économies davantage tournées vers la finance, ou les services. Le patrimoine commun de la zone euro doit être pris en compte.
Désormais, rien ne sera plus comme avant. Je le dis, non pas parce que tout cela a eu lieu sous la Présidence française et sous l'impulsion de Nicolas Sarkozy - encore que son action personnelle ait été déterminante - mais parce que tout cela s'est produit à un moment où l'Europe a dû prendre ses responsabilités, inventer des procédures, et faire revenir la politique dans les affaires européennes. Désormais, quelles que soient les difficultés et les divergences, des débats politiques ont lieu au niveau européen. C'est sain et cela rend l'Europe vivante.
Plusieurs enquêtes montrent d'ailleurs que nos concitoyens ont désormais pris conscience de la valeur ajoutée de l'Europe en période de crise et que celle-ci ne se résume pas à une liturgie ou à un ensemble de règles de procédure à respecter.
La deuxième nouveauté de cette Présidence, c'est qu'on ne peut plus opposer une Europe communautaire à une Europe intergouvernementale. Les deux coexistent : dans un "mix" européen. Cela prouve que les traités ont raison et qu'il faut continuer à les soutenir. Une Europe nouvelle est en train de naître. Il y a complémentarité naturelle entre les actions nationales et communautaires.
En outre, nous avons tout intérêt à appliquer le Traité de Lisbonne. Son principal avantage est d'assurer la continuité. La gestion des crises a, en effet, mis en évidence la nécessité d'assurer, au niveau européen, une continuité d'action, et une bonne combinaison entre leadership et institutions. Sans leadership, les institutions, aussi bonnes soient-elles, font du sur-place. Sans institutions garantissant la continuité, tout leadership, aussi avisé soit-il, se trouve confronté à des mouvements aléatoires.
Je me trouvais avant-hier à Dublin et nos amis irlandais étaient hier à Paris. Dans le cadre de la préparation du Conseil des 11 et 12 décembre prochain, les contacts sont fructueux et je suis persuadé que nous trouverons un accord politique équilibré pour donner une perspective à la mise en oeuvre du Traité de Lisbonne.
Après le signal prometteur donné par l'excellent avis de la Cour constitutionnelle de la République tchèque - les déclarations du président Klaus ont peut-être aidé sans le vouloir - et après le congrès du parti ODS les 5 et 6 décembre prochain, il n'est pas exclu qu'une chambre vote la ratification du Traité de Lisbonne d'ici à la fin de l'année et que l'autre chambre se prononce en janvier ou février prochain.
J'en viens à la crise économique et aux mesures de relance. Un certain nombre d'Etats de l'Union européenne sont entrés en récession au troisième trimestre et les prévisions de croissance dans l'Union européenne ont été revues fortement à la baisse pour 2009 : la croissance serait au mieux nulle dans les Etats membres et les prévisions font état d'une contraction pouvant atteindre plus de 1 % du PIB dans certains pays. Nous devons donc conserver toute notre réactivité.
La Commission européenne a adopté hier des propositions pour le plan de relance. Il est vrai que les mesures sont de nature différente et touchent des champs d'intervention communautaires eux-mêmes différenciés. Mais c'est le propre d'un plan de relance présenté par la Commission européenne. Au reste, on ne peut pas demander aux instruments communautaires plus que ce qu'ils peuvent donner. Compte tenu du niveau d'intégration actuel aux plans budgétaire et financier, les institutions européennes ne disposent pas d'instruments financiers suffisants - et assez concentrés - pour conduire, seules, la relance européenne.
Au niveau européen, on dispose d'une "boîte à outils" et on joue sur différents aspects comme les enjeux climatiques, les marges du budget communautaire, les fonds structurels, les fonds sociaux. Je regrette que l'on ne puisse jouer davantage sur le fonds d'ajustement de la mondialisation et je souhaite par conséquent une révision des procédures afférentes, de sorte qu'il puisse être mobilisé pour les mesures de reconversion, d'adaptation et de mutation de secteurs industriels importants comme celui de l'automobile.
En mobilisant les instruments dont elle dispose, la Commission européenne exprime tout son soutien à l'industrie automobile. Pour tous ceux qui suivent l'actualité européenne, ce soutien est important car cela faisait longtemps que la politique économique européenne n'avait pas retenu une telle approche sectorielle. Bien entendu, il convient de compléter l'action au niveau national.
La chancelière allemande a indiqué hier qu'elle s'en tiendrait à un plan de relance de 32 milliards d'euros, représentant 1,3 % du PIB de son pays. Tel est l'effort moyen demandé par la Commission européenne aux Etats membres dans les secteurs de l'énergie, des infrastructures et de l'automobile. Le gouvernement allemand attendra le mois de janvier pour s'interroger sur le lancement de nouvelles mesures. Je pense qu'il y sera obligé dès cette date compte tenu de l'évolution de la situation économique.
Ce qui importe, c'est la bonne coordination entre les plans nationaux et le plan de relance européen pour ce qui concerne les baisses de TVA ciblées notamment sur les écoproduits et dans le secteur automobile, les exemptions fiscales, les plans pour le logement, l'efficacité énergétique et les infrastructures.
Il faut tenir compte des flexibilités communautaires dont disposent les Etats membres dans leur action. Conformément à la demande de la France, un assouplissement du pacte de stabilité et de croissance est prévu pour 2009. Dans une même démarche pragmatique, il est envisagé, en particulier pour soutenir les PME, une "relaxation" des législations relatives à la concurrence et aux aides d'Etat. Une certaine flexibilité est accordée dans le décaissement des fonds structurels dans plusieurs domaines, sachant qu'il existe des marges de 4 ou 5 milliards d'euros pour leur utilisation. Sans doute est-il aussi souhaitable de revoir un certain nombre de procédures.
Toutes ces dispositions doivent être accompagnées du point de vue macroéconomique, et nous devrons regarder les décisions prises par la Banque centrale européenne en complément des plans nationaux et du plan européen. Tout le monde admet désormais que l'arme des taux d'intérêt devra être encore utilisée dans les prochaines semaines par la BCE. Le but est d'utiliser les instruments de régulation et les marges disponibles en matière d'emprunts et de mobilisation des fonds au niveau communautaire, de manière à disposer d'une "boîte à outils" commune entre les Etats membres pour répondre aux propositions de la Commission. L'objectif est de parvenir à une relance nationale et communautaire égale à 1,5 % du PIB. La Présidence française est déterminée à obtenir ces décisions lors du Conseil des 11 et 12 décembre. Le président de la République a également annoncé que la France présenterait un plan de relance ambitieux au cours du mois de décembre.
J'en viens au paquet "énergie-climat" et je serai à votre disposition pour vous répondre sur la conférence de Poznan qui aura lieu la semaine prochaine. Tout ce qui a trait aux énergies renouvelables, au captage et au stockage du carbone a été réglé. Nous restons concentrés sur le problème du marché du carbone et des permis d'émission de CO2 - ETS ou Emissions Trading Scheme. Il est envisagé de prendre - du fait de la crise économique mais sans sacrifier les objectifs "3x20" -, les mesures adéquates pour les secteurs industriels les plus consommateurs d'énergie. Avec nos partenaires allemands et italiens, nous mettons au point plusieurs mesures en ce sens, qui visent notamment à accroître la gratuité de certains permis dans ces secteurs.
Le point le plus délicat qui reste en débat d'ici au Conseil européen du 11 décembre concerne les mécanismes de solidarité que nous devons mettre en place avec les pays d'Europe centrale et orientale et, au premier chef, avec la Pologne, qui est le pays le plus important de la région et celui qui possède l'industrie charbonnière de la plus grande taille. En tant que présidente de l'Union, la France plaide pour qu'un effort soit réalisé dans le cadre des enchères - ou dans d'autres cadres, les fonds structurels pouvant aussi être utilisés - pour affirmer cette solidarité. Il nous reste à convaincre un certain nombre de nos partenaires de faire de même et le dialogue reste difficile.
Il faut profiter des investissements que nous devons accomplir dans les secteurs des transports, du bâtiment, des infrastructures, des produits verts, pour lier le paquet "énergie-climat" aux mesures de relance prises dans les plans économique et financier. D'où l'importance des incitations fiscales, des plans d'infrastructures, des décaissements de fonds au niveau national et au niveau communautaire, en cohérence avec les efforts de nos économies en matière de R&D, d'innovation et de développement d'infrastructures.
Les progrès réalisés dans le domaine énergétique n'ont pas été suffisamment pris en compte. Je me souviens d'une période où il n'y avait pas d'Europe de l'énergie. Je ne prétends pas qu'elle existe aujourd'hui mais nous faisons de grands pas dans le sens de sa concrétisation, en concevant avec nos partenaires allemands une alternative à la séparation patrimoniale entre les grands opérateurs électriques et énergéticiens et en affirmant, tant au Conseil "énergie" qu'au Conseil européen du mois d'octobre, la nécessité de renforcer les interconnections, de disposer de capacités de stockage en commun, d'engager un dialogue plus structuré entre l'Europe et les pays producteurs d'énergie et de prendre des mesures particulières en matière d'investissement pour l'efficacité énergétique.
Quelles conséquences la situation actuelle a-t-elle sur la politique agricole commune ?
Lors du Conseil "agricole" du 20 novembre dernier, Michel Barnier a réussi à obtenir un très bon accord sur l'adaptation du cadre législatif de la politique agricole commune, ce qui n'était pas facile. Les instruments de stabilisation et d'intervention sont maintenus, et c'était notre premier objectif. Nous voulions éviter d'avoir un marché agricole dérégulé et essayions, pour cela, de faire comprendre que la hausse des prix ne pouvait être continue - les faits nous donnent raison jusqu'à présent - et qu'on allait encore vivre avec des cycles importants aussi bien dans le marché des céréales que dans celui de la production animale.
Michel Barnier a également obtenu la préservation d'outils d'intervention en direction des zones et des productions les plus fragiles : zones herbagères et zones d'élevage. Les gouvernements disposeront au niveau national d'une nouvelle "boîte à outils" afin que les aides européennes soient rééquilibrées selon les différentes catégories agricoles.
Nous avons également obtenu le maintien d'aides directes et de dispositifs d'assurance pour faire face aux risques climatiques et sanitaires, de plus en plus élevés.
Mais le débat n'est pas clos. Un nouveau Conseil des ministres se tiendra à Bruxelles, sur l'avenir de la Politique agricole commune après 2013. Nous espérons y faire adopter un document d'orientation, sur la base des conclusions du Conseil des ministres dit informel qui s'est tenu à Annecy. Notre but est double : affirmer la nécessité de maintenir une politique agricole structurée au niveau européen et d'avoir une production agricole importante, moderne et compatible avec les exigences d'environnement ; faire en sorte que l'agriculture européenne puisse jouer toutes ses cartes sur le marché mondial. Cela ne se fera pas au détriment des pays les plus pauvres et des pays en voie de développement. Compte tenu des règles qui sont les nôtres, notamment des règlements commerciaux, nous continuerons à faire entrer les produits de ces pays en franchise de droits et à aider au développement des cultures vivrières sur place.
Q - (A propos du plan européen de réponse à la crise ; à propos des leviers sur lesquels la France pourrait agir ; à propos de la Politique agricole commune ; à propos de l'OMC ; à propos de l'usage de la langue française dans les institutions européennes ; à propos des avancées du G20 ; à propos du sentiment "européen" en Europe ; à propos de la PESD).
R - Vos paroles, Madame, Messieurs les Députés, m'ont fait très plaisir.
Il est vrai, Monsieur Caresche, qu'on aurait pu attendre de la Commission une attitude plus proactive et plus anticipatrice, à la hauteur des préconisations du Livre blanc de M. Delors. Le plan de relance est une réponse à la crise mais la Commission aurait pu fixer un cadre d'action et de réflexion plus profond en ce qui concerne les infrastructures, la vision et la dimension sociale.
Quels sont les leviers sur lesquels on peut agir ?
Comme l'a indiqué M. Jacques Toubon, la BEI et les capacités d'emprunt sont des leviers importants. Dans un cadre pur et parfait, on devrait se diriger vers une sorte de fonds stratégique européen d'investissement. Je ne pense pas que l'Europe soit mûre pour regrouper les différentes caisses et fonds. La France ne serait pas le pays le plus réticent à une telle évolution, beaucoup moins que l'Allemagne. Elle plaide même en faveur d'un tel regroupement.
L'Europe devrait être plus ambitieuse sur les mobilisations de financements sur les projets d'infrastructures en matière énergétique, climatique ou industrielle. Elle a pris du retard. Une partie des grands projets décidés à Essen en 1994 reste encore d'actualité.
Il faut augmenter le capital de la Banque européenne d'investissement et lui donner les marges de manoeuvre nécessaires.
Des emprunts pourraient être contractés au niveau communautaire pour lancer des projets, par exemple en matière d'énergie ou de climat. Actuellement, tout est atone, et des emprunts seraient de nature à stimuler à nouveau la recherche et l'industrie.
L'emprunt me paraît un levier d'autant plus essentiel qu'il peut être internationalisé. A un moment où il y a des déplacements de capitaux et de richesses importantes à travers le monde, l'Europe pourrait utiliser de manière intelligente les capitaux asiatiques ou du Golfe pour un certain nombre de projets bien identifiés d'infrastructures. Macro économiquement, cela me paraît une idée intéressante, compte tenu, notamment, comme l'a souligné Jacques Toubon, des difficultés que nous avons sur le plan budgétaire.
Monsieur Myard, les traités sont toujours faits pour les temps calmes et beaux. Quand ce n'est pas le cas, il faut adapter et jouer à la fois sur le budgétaire, le monétaire et l'emprunt. Dès lors que le budgétaire est limité au niveau européen et que le monétaire est contraint par l'utilisation des traités, il ne reste plus que l'emprunt.
La coopération franco-allemande reste la pierre angulaire du système. La France et l'Allemagne ont une responsabilité particulière car elles sont, sous des aspects différents, les plus engagées, à la fois, pour l'unité européenne et les réalisations de l'Europe. C'est pourquoi leur coopération doit être traitée de manière particulière.
Les difficultés actuelles avec nos amis allemands viennent du fait qu'ils ne souhaitent plus de transferts importants au niveau communautaire. Pour des raisons tenant à leur politique intérieure, à la structure fédérale de leur Etat, à leur culture, au fait qu'ils ont déjà réalisé les réformes qui s'imposent et qu'ils sont compétitifs, les Allemands pensent que le temps n'est pas venu d'élaborer des réponses communautaires ou des plans communautaires, ce qui crée un hiatus. Personnellement, je pense qu'ils vont être rattrapés plus vite qu'ils ne l'imaginent par les réalités. Je fais remarquer à ce propos que le moins-disant européen n'est pas toujours celui que l'on croit.
En matière d'énergie et de climat, un effort de solidarité à l'égard des pays en développement et des pays les moins favorisés s'impose. La France plaide pour cette solidarité. L'Allemagne, quant à elle, est opposée, non pas à la solidarité, mais à la création de nouvelles procédures communautaires.
Je partage totalement votre analyse, Monsieur Fasquelle, sur ce que doit faire la France au niveau international à travers l'Europe.
Pour ce qui est de la politique commune de la pêche, M. Michel Barnier a obtenu de la Commission l'ouverture d'un débat européen. Les enjeux sont l'assouplissement de la règle des quotas, la recherche d'un juste équilibre entre préservation de la ressource et intérêts des pêcheurs, le renforcement de certaines mesures d'urgence - un plan pour une pêche durable doit être adopté par la Commission européenne - et la modernisation des flottes de pêche. Des moyens européens doivent venir en appui des moyens nationaux pour répondre à cette priorité.
En ce qui concerne l'OMC, il y a des tentatives de relance des négociations - le directeur général a pris des contacts -, mais il est clair que ces négociations ne peuvent reprendre que si elles sont équilibrées et que si elles incluent les services. A mon avis, en raison de deux facteurs bloquants, le processus sera plus long que ce qui est dit dans les commentaires : premièrement, je ne pense pas que l'Inde, qui est un acteur majeur de ces négociations internationales, soit prête à les reprendre compte tenu des échéances électorales et de la situation dramatique du pays à l'heure actuelle ; deuxièmement, je ne vois aucun signe de l'administration américaine laissant présager une volonté de conclure des négociations dans les deux prochains mois.
Quant à l'usage de la langue française, on part de loin avec l'élargissement. Bien qu'il alterne les langues, le président Barroso parle le plus souvent en français, mais, pour les autres commissaires, nous devons continuer l'effort de formation et de pédagogie. Cela a été fait sous la présidence française : il y a eu une très bonne sensibilisation, et avons été très attentifs à cet impératif. Mais il faut continuer.
Les parlementaires doivent être particulièrement vigilants sur cette question, notamment à l'égard de nos fonctionnaires et de nos diplomates, et ne pas lésiner, lors de l'examen des crédits de mon ministère, à la fois sur les formations linguistiques ou sur les invitations de commissaires européens à Paris... Toute une politique d'influence liée à la langue française est à développer.
Et il faut être, comme le président Ollier, intraitable sur l'usage de la langue française et signaler les manquements. Je ne connaissais pas cette histoire, Monsieur le Président, mais elle ne manque pas de sel ! On ne peut pas nous demander de promouvoir des Français au niveau de la Commission européenne et permettre certains comportements de nos concitoyens dans les enceintes nationales.
En ce qui concerne le G20, Monsieur Garrigue, le fait qu'il se réunisse, que le président de la République ait réussi à renforcer le rôle de l'Europe au sein de ce groupe, que l'on ait amené dans cette structure plutôt anglo-saxonne les Espagnols, la future présidence tchèque, me paraît tout à fait positif. Le fait que Gordon Brown ait repris l'idée d'une réunion au mois d'avril et que l'on soit engagé dans un processus de régulation économique international me paraît constituer un acquis notable.
Vous avez raison, Monsieur Garrigue, le G20 a mis en évidence notre retard en matière de régulation. Tout n'est pas rattrapable en un jour. Ce qu'il faut, c'est que les thèses françaises en matière de régulation économique et financière internationale ne perdent pas de leur pertinence et de leur influence quand la situation ira un peu mieux. En effet, quand les pays membres auront retrouvé 0,1 %, 0,2 % ou 0,3 % de croissance, ils reviendront au business as usual. C'est un peu ce que nos amis britanniques ont tendance à dire. Il faudra être vigilant et ce sera un combat de tous les instants.
L'histoire et les faits ont donné raison à un certain nombre de nos thèses. Il faut continuer à les faire diffuser ou faire fructifier sur le plan international.
Bien entendu, aujourd'hui, je vous réponds dans le cadre de mes fonctions présentes.
Nous pouvons être leader sur les agences de notation, les normes comptables, les rémunérations des dirigeants et des traders, la titrisation et la supervision. Le président de la Commission a demandé à Jacques de Larosière de faire des propositions en ce domaine.
Telle est ma vision des choses depuis mon poste actuel. Je serai ?? la disposition du président Ollier et du président Lequiller dans mes autres fonctions et je ne doute pas qu'ils sauront me rappeler mes éventuelles contradictions.
S'agissant de la création d'un fonds d'investissement stratégique, tout le monde s'accorde sur la nécessité d'être vigilant. S'il y avait une réglementation européenne, vous auriez totalement raison. L'Allemagne dispose d'une bonne réglementation, que l'on pourrait être tenté de porter au niveau communautaire, mais cela poserait des problèmes avec d'autres Etats plus libéraux.
Il faut aussi préserver l'ouverture aux investisseurs étrangers. Les fonds souverains ont adopté un code de bonnes conduites dit de Santiago. Nous avons besoin d'investisseurs à long terme car il y a une pénurie de capitaux. On peut utiliser le levier des emprunts, mais il ne faut pas non plus délaisser les détenteurs de capitaux qui se trouvent en Asie ou dans la région du Golfe - à condition toutefois de fixer des règles au niveau européen et que ses prêteurs s'engagent sur le long terme.
Pour ce qui concerne l'opinion publique, Madame Coutelle, je ressens une évolution positive en Irlande, d'où je reviens. Les Irlandais voient bien qu'ils peuvent avec la crise, se transformer en Islande !
Il reste une ambiguïté : d'un côté, la crise éloigne de l'Europe car ceux qui souffrent et voient les usines fermer considèrent qu'elle ne fait pas assez pour eux ; d'un autre côté, on comprend que seule l'Europe permettra de surmonter la crise.
En Pologne, il y a des évolutions positives sur l'euro, de même qu'en France.
L'évolution sera favorable tant que l'on fera preuve de détermination et que l'on fera de la politique. Ce que je retiens de mes fonctions - et je n'avais pas la même vision avant de les assumer -, c'est qu'il ne faut pas avoir peur de débattre et de poser problème. Il faut également que le débat reste vivant au niveau national pour mieux associer les citoyens. Et il ne faut pas renoncer à utiliser les symboles de l'Europe - le drapeau, le 9 mai... Si l'on a honte de les faire vivre, on ne peut pas demander aux citoyens d'être plus européens que les responsables politiques !
Monsieur Myard, le traité de Lisbonne représente une avancée puisque nous avons obtenu que la concurrence pure et parfaite ne figure plus dans les objectifs.
Pour ce qui est de la Politique étrangère et de sécurité commune, il ne faut pas exagérer, Monsieur Myard. Je pense qu'au Conseil européen des 11 et 12 décembre, nous allons progresser sur la défense. Même sans avoir les outils du Traité de Lisbonne, nous avons progressé en matière de Politique étrangère et de sécurité commune. L'Europe a été unie lors de la crise entre la Géorgie et la Russie, et elle arrive à renouer le dialogue avec cette dernière sur des bases nouvelles. Les Etats membres sont à peu près unis pour ce qui est du dialogue transatlantique et des grands sujets internationaux.
En ce qui concerne les missiles, le président de la République s'est exprimé en marge du sommet Union européenne-Russie. Il a clairement exprimé sa position et il a parfaitement raison. Quand les Polonais et les Tchèques ont donné leur accord aux Etats-Unis pour installer des missiles dans leurs pays, ils n'ont pas demandé aux Européens ce qu'ils en pensaient ni ce qu'ils voulaient faire. Une affirmation de la politique étrangère et de sécurité commune est la présence européenne sur le terrain : EUFOR, EULEX-Kosovo. C'est l'un des domaines où l'Europe a fait les plus grands progrès.
Q - (A propos d'un projet en matière de défense européenne ; à propos du sujet de la réserve de change).
R - Les choix de sécurité restent aujourd'hui, Monsieur Myard - vous le savez mieux que quiconque puisque vous défendez cette politique -, l'apanage des Etats.
Comme vous, je considère que les décisions qui ont été prises - en particulier la décision unilatérale de l'administration américaine - sont préoccupantes et ne plaident pas en faveur d'un renforcement de l'Alliance. Au demeurant, il n'est pas dit que le président élu, Barack Obama, aura les mêmes positions sur le déploiement des dispositifs antimissiles. Nous verrons comment se passeront ses premières prises de contact avec les Russes. Cela dit, l'annonce par la Russie, le jour de l'élection de M. Obama, de sa décision de déployer des missiles à Kaliningrad ne constitue pas non plus le meilleur signe d'ouverture.
Je partage vos inquiétudes. Nous ne sommes pas dans la même position que les Etats-Unis à l'égard de la Russie. Pour notre part, nous devons entretenir avec elle un dialogue ferme et continu. Nous devons notamment examiner ses propositions en matière de pacte de sécurité collective au niveau européen.
Vous avez raison, Monsieur Loos de rappeler qu'il est très important de dire les choses. Dans le domaine des énergies, se pose le problème du nucléaire. Dans celui de l'aéronautique, les Etats européens se débrouillent pas mal entre eux. Dans le secteur automobile, cela avance car des intérêts français, allemands et italiens sont en jeu. Dans le secteur de la pharmacie, les responsables de l'industrie pharmaceutique sont assez d'accord pour renforcer les règles de la propriété intellectuelle au niveau européen, mais, comme vous le savez, on bute toujours sur des problèmes de langue, de juridiction et de brevets.
S'agissant de la réserve de change, M. Lequiller a eu raison de rappeler que la Commission avait formulé plusieurs demandes. Elle a eu raison. Elle a bien fait de le faire car l'équilibre institutionnel entre la Commission et la BCE s'était singulièrement inversé au profit de cette dernière. C'était indispensable car le silence devenait assourdissant.
Comme vous le savez, les réserves de change sont mutualisées entre les banques centrales. Elles servent à crédibiliser la valeur internationale de l'euro, qui est un acquis essentiel. Si nous n'avions pas l'euro, nous ajouterions une crise à la crise. Dans les turbulences actuelles, il n'est pas mauvais de conserver des munitions pour des interventions de change en cas de crise extrême. Les évolutions de change sont actuellement très rapides, y compris sur l'euro. J'ai connu une période où l'on gérait l'euro à 0,80 ou 0,81 par rapport au dollar, et où l'on me demandait, compte tenu des fonctions qui étaient les miennes à l'époque, si cette monnaie allait encore tenir. L'euro reste volatil : le taux de change par rapport au dollar est passé en quelques semaines de 1,60 à 1,25. L'idée de conserver les réserves de change fait consensus.
Dans les aides qu'apportent les banques centrales au système financier, les sommes partent le matin et reviennent le soir à la Banque centrale européenne. Les gens utilisent ce système pour lever les craintes de leurs interlocuteurs. Je me demande si une gestion plus intelligente des réserves n'est pas envisageable. Par ailleurs, la Banque centrale est-elle fondée à rémunérer, comme elle le fait, des dépôts faits le matin et retirés le soir même ?
Monsieur Tourtelier, loin d'être modifés, les objectifs du paquet "énergie-climat" seront respectés. Le débat actuel porte sur les questions suivantes : qui paye ? Comment fait-on ? Quel va être le degré de solidarité ? M. Toubon a eu raison de rappeler que l'accord du Parlement serait très difficile à obtenir. Il y a accord sur 80 % du paquet, mais les 20 % restants fâchent !
En tant que Présidente de l'Union européenne, la France va plaider auprès de nos partenaires pour que des progrès soient réalisés en matière de solidarité : financement des réserves, affectation des revenus aux pays en développement et aux pays d'Europe centrale et orientale, sécurité énergétique.
J'ai bien retenu votre conseil pour la prochaine présidence française, en 2022 : il faudra s'appuyer davantage sur les aspects nationaux. Rassurez-vous, nous l'avons fait dans le secteur de l'agriculture.
Pourquoi 2022 ? Tout simplement parce que la Présidence de l'Union européenne restera semestrielle, à côté du président stable du Conseil européen.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 décembre 2008