Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur les relations entre la France et la Suisse, notamment en matière de coopération fiscale, Payerne le 28 novembre 2008.

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Circonstance : Déplacement en Suisse le 28 novembre 2008

Texte intégral

Je voudrais remercier le Président Couchepin pour cet accueil chaleureux, dans ce lieu magnifique, et vous dire que ce déplacement est, pour moi, un déplacement très important, parce que les relations entre la France et la Suisse sont importantes.
Elles sont importantes d'abord sur le plan des échanges, comme l'a indiqué le Président Couchepin à l'instant. Il y a grosso modo 170.000 Français qui vivent en Suisse et autant de Suisses qui vivent ou travaillent en France. La Suisse est le huitième client de la France ; c'est notre neuvième excédent commercial mondial, et les échanges commerciaux entre la France et la Suisse dépassent aujourd'hui les 20 milliards d'euros. En valeur absolue, les exportations françaises vers la Suisse sont plus importantes que les exportations françaises vers la Chine. Et s'agissant des petites et moyennes entreprises, la Suisse est devenue le premier partenaire commercial des PME françaises. Mais il y a d'autres raisons : il y a la francophonie, il y a aussi le très grand respect que nous avons pour les institutions démocratiques suisses. La Suisse partage, sur bien des sujets, et ce n'est pas étonnant lorsqu'on songe à notre histoire commune, des valeurs, j'allais dire des valeurs républicaines, qui sont les mêmes des deux cotés de la frontière.
Nous avons évoqué avec le Président Couchepin les grands sujets économiques européens, bilatéraux et internationaux. Nous avons d'abord évoqué la crise économique. J'ai eu l'occasion de présenter au Président Couchepin les mesures que nous avions prises et surtout celles que nous nous apprêtions à prendre, s'agissant de la relance économique. C'est très important pour la Suisse que la France se porte bien, puisque nos relations sont très étroites sur le plan économique, que l'Allemagne se porte bien. C'est dire si nous avons tous intérêt à ce que la relance européenne, qui va se mettre en place puissamment dans les prochaines semaines, soit également accompagnée de relance dans les autres pays aux bordures de l'Union. Nous avons évoqué les réformes à venir, nécessaires, du système financier international, d'une façon plus générale des institutions internationales - Dieu sait si la Suisse a une part importante dans l'histoire et le fonctionnement de ces institutions. Nous voulons notamment que le Fonds monétaire international, le forum de stabilité financière, jouent un rôle plus important à l'avenir pour éviter que nous nous retrouvions, comme cela vient de se passer, dans une crise financière qui n'a été prévue et donc anticipée par personne.
Comme vous le savez, nous avons évidemment parlé des questions fiscales. Vous savez que la France mène au sein de l'OCDE une action résolue contre tous les espaces qui ne sont pas suffisamment, de notre point vue, régulés, ou qui sont trop opaques dans les système financier international. Je veux dire tout de suite, pour dissiper un malentendu, que la Suisse n'est pas un paradis fiscal ; elle n'est pas considérée comme tel par l'OCDE, elle n'est pas considérée comme tel par la France. En revanche, nous avons des différences entre nos systèmes qui peuvent générer des malentendus, qui peuvent générer des obscurités, que certains peuvent mettre à profit. C'est la raison pour laquelle nous demandons à la Suisse qu'elle mette en oeuvre les normes les plus exigeantes de l'OCDE pour l'échange d'informations fiscales. Nous avons discuté de cette question avec le Président Couchepin. Nous avons décidé de mettre en place des groupes de travail pour poser l'ensemble des différences de nos systèmes ; le Président Couchepin évoquait à l'instant par exemple, sur le plan de la fiscalité, les différences qui existent entre les systèmes d'aide aux régions. La Suisse a un système fiscal qui peut avantager l'implantation des activités économiques, nous nous avons en Europe des dispositifs d'aides régionales ; eh bien, il faut mettre tout cela sur la table pour vérifier que ces systèmes sont comparables, compatibles, et ne créent pas de trop grandes différences, et nous y sommes évidemment tout à fait prêts.
J'ai indiqué au Président Couchepin que, dans l'esprit qui était le nôtre du renforcement de la coopération fiscale avec la Suisse, la France était prête à appliquer, de façon bilatérale et anticipée l'accord de lutte anti-fraude qui a été signé entre la Suisse et l'Union européenne même s'il n'est pas encore ratifié par tous les pays européens. Et je lui ai indiqué également que nous étions prêts l'avenant de 2006 à la convention fiscale entre la Suisse et la France. Nous avons encore quelques sujets de discussion, non pas avec la Suisse, mais simplement au plan national sur la question des travailleurs transfrontaliers, mais nous allons signer l'avenant 2006 à la convention fiscale entre la Suisse et la France.
J'ai présenté au Président Couchepin l'état des travaux de la présidence française de l'Union européenne, notamment en matière d'énergie et de climat, qui est un sujet qui intéresse beaucoup les citoyens suisses, et j'ai noté, avec beaucoup d'intérêt, la mise en place en Suisse d'un marché de quotas d'émission de CO2, et je veux remercier les autorités suisses pour leur soutien très puissant au projet français d'une plate-forme intergouvernementale sur la biodiversité. Nous avons évoqué l'entrée de la Suisse dans le système Schengen, et la fin des contrôles terrestres qui vont contribuer à rapprocher considérablement nos deux pays. De même le lancement des négociations, qui a été annoncé ce mois-ci en vue d'un accord de libéralisation des échanges agricoles, est de notre point de vue une excellente chose.
Nous avons également évoqué les relations transfrontalières, les relations bilatérales ; (il y a aujourd'hui plus de 120 accords bilatéraux entre la France et la Suisse) j'en mentionnais trois nouveaux dans la négociation et, particulièrement bien avancé, l'accord Gaznat relatif à la sécurité mutuelle d'approvisionnement en gaz, l'accord sur les échanges d'information en cas d'incident ou d'accident radiologique, ou l'accord de Paris relatif à la coopération transfrontalière en matière judiciaire, policière et douanière - ce que l'on appelle l'accord de Berne 2 -, qui sera examiné par le Conseil des ministres français à la mi-décembre, et qui sera examiné par le Parlement français au début de l'année 2009.
Nous avançons également sur les infrastructures qui intéressent nos deux pays, qu'elles soient ferroviaires ou routières ; nous avons parlé de la desserte de l'aéroport de Bâle/Mulhouse, et j'ai indiqué au Président Couchepin que je me rendrai en Haute Savoie le 5 décembre prochain pour inaugurer un tronçon de l'autoroute A41, qui permet une meilleure connexion entre Genève et Annecy.
Enfin, je voudrais, au titre de la présidence de l'Union européenne, exprimer toute la satisfaction qui est la nôtre devant l'accord qui a été donné par le Conseil fédéral à la nomination de madame Tagliavini à la tête de la mission internationale indépendante d'enquête sur le conflit en Géorgie.
Voilà. Vous le voyez, les rapports entre la France et la Suisse se caractérisent par une réelle densité, ceci dans presque tous les domaines. Ce que nous voulons, c'est renforcer encore cette densité, et c'est la raison de ma présence aujourd'hui.
Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 1er décembre 2008