Texte intégral
Le 25 novembre « Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes » est devenue, en presque dix ans, une date incontournable dans nos agendas.
Lorsque l'ONU l'a proclamé et a invité les gouvernements et les ONG à organiser des manifestations destinées à sensibiliser l'opinion publique sur ce fléau social, nous étions loin d'imaginer à quel point cet anniversaire resterait, d'année en année, d'une aussi brûlante actualité.
Dans le monde entier la violence contre les femmes et les filles demeure toujours une réalité dévastatrice. Cette violence est une violence au quotidien ; elle touche tous les pays, toutes les couches sociales, tous les âges. Elle reste pour les femmes qui en sont victimes la plus grande violation de leurs droits fondamentaux et un obstacle récurrent à la réalisation de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Les Etats mènent des campagnes de sensibilisation et des actions pour prévenir et lutter contre l'ampleur du phénomène. Ils adoptent des mesures juridiques de protection et de soutien des victimes.
Dans la plupart des pays, les ONG ont créé des structures d'accueil où les femmes peuvent se réfugier.
Au niveau européen, l'éradication de cette violence fait partie des actions prioritaires de notre agenda social. La violence faite aux femmes est un sujet que le progrès social ne règle pas, que la modernité n'épuise pas.
Voilà pourquoi, Monsieur le Premier Ministre, votre présence parmi nous ce soir, sur ce sujet aussi grave, est, permettez-moi de vous le dire, d'abord une très heureuse surprise, ici au Secrétariat d'Etat à la Solidarité auquel vous avez confié, avec le Président de la République, la responsabilité de la prise en charge des droits des femmes et de l'égalité, c'est-à-dire de s'attacher aux réalités que vit la moitié de la population française.
C'est aussi et surtout la marque de toute l'attention que vous n'avez cessé d'avoir pour le travail que nous avons entrepris, en lien étroit avec le Service du droit des femmes, avec toutes les associations présentes, avec les délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, - tous ces partenaires que je souhaite saluer ce soir - pour faire progresser les mentalités, offrir à chaque jeune fille les mêmes opportunités que ses camarades de classe masculins, donner aux jeunes femmes la possibilité de concilier le plus harmonieusement possible des maternités désirées et une aspiration légitime à une carrière professionnelle.
Votre seule présence ici ce soir témoigne de l'attention du Gouvernement et du Président de la République à cette politique du droit des femmes, si essentielle au maintien d'une société démocratique équilibrée.
Je suis profondément heureuse aussi que, de toutes les thématiques dont nous traitons, vous ayez spécifiquement choisi de nous accompagner sur cette question si difficile des violences faites aux femmes.
Car, dans le cortège des nations, la France n'est pas épargnée.
Les chiffres en témoignent :
1 femme sur 10 est victime de violences.
166 femmes sont décédées sous les coups de leur conjoint en 2007.
47 500 faits de violences volontaires sur femmes majeures par leur conjoint ou ex-conjoint ont été enregistrés cette même année.
Et ces chiffres sont encore plus alarmants si l'on y ajoute que les morts violentes au sein du couple ont augmenté de 14 % par rapport à 2006, selon le dernier rapport de la délégation aux victimes. Oui, ces chiffres sont alarmants.
Et cela est sans compter les 65 000 femmes et fillettes mutilées ou menacées de l'être, les 70 000 adolescentes de 10 à 18 ans potentiellement menacées de mariage forcé en Ile-de-France et dans 6 départements à forte population immigrée.
Oui, ces faits sont intolérables et inacceptables dans une démocratie comme la notre. Notre détermination à lutter contre toutes les formes de violence, à combattre toute atteinte à l'intégrité et à la dignité des femmes est à la hauteur des défis que nous lancent ces chiffres effroyables.
Voilà qui donne toute sa force à votre présence avec nous aujourd'hui, Monsieur le Premier Ministre.
Ensemble, nous disons que cette violence n'est pas une fatalité. Nous nous mobilisons toutes et tous pour aider les femmes à briser le silence, pour leur donner la force de réagir et les moyens d'agir. Nous ne pouvons tolérer qu'aucune femme ne reste à terre.
Je tiens d'ailleurs à saluer tous les acteurs de terrain, publics et privés, institutionnels et associatifs, dont l'engagement et les efforts de proximité sont constants. Ils sont présents à chaque étape de la reconstruction des victimes. Sans eux, nous ne pourrions venir en aide efficacement à toutes les femmes victimes.
Car, j'en suis convaincue, nous devons apporter aux femmes victimes une réponse globale et un parcours individualisé, si nous voulons qu'un jour, renaissant à elles-mêmes, ces femmes reprennent en main le cours de leur destin et que la confiance revienne ainsi que l'autonomie qui passe par le logement et par l'emploi.
Voilà pourquoi aussi un secrétariat d'Etat chargé des droits des femmes ne peut à lui seul épuiser le sujet, car ce travail est par essence interministériel. Sans cette approche transversale, nous ne pourrions pas avancer sur tous les fronts, comme nous le faisons avec Xavier BERTRAND sur le volet égalité salariale, par exemple.
Mais dès mon arrivée au ministère, j'ai su que la lutte contre les violences faites aux femmes serait une priorité impérative. L'année dernière, j'ai lancé le second plan triennal global de lutte contre les violences.
La journée d'aujourd'hui est un bon moment pour en dresser le premier bilan. Je voudrais insister plus particulièrement sur quelques mesures phares :
La mise en place progressive d'un réseau de référents locaux sur tout le territoire est un axe fort du plan. Ces référents ont pour vocation d'être les interlocuteurs uniques de proximité qui garantiront l'accompagnement et une réponse globale aux femmes victimes, leur évitant ainsi un parcours chaotique. Leur rôle sera déterminant, j'en suis convaincue, pour leur assurer un parcours qui leur permette de se reconstruire. Les 9 premiers référents vont être recrutés d'ici la fin de l'année 2008. Vingt autres départements projettent de les mettre en place en 2009.
Deuxième impératif : l'hébergement.
Lorsqu'une femme a le courage de s'en aller, elle doit pouvoir être accueillie et hébergée. Pour cela, j'ai souhaité améliorer et diversifier les réponses offertes en matière d'hébergement et de logement. Aussi ai-je privilégié les familles d'accueil, qui me paraissent, à côté d'autres formes d'hébergement, pouvoir apporter une réponse supplémentaire aux besoins des femmes victimes. Cette politique, je l'ai menée en lien avec ma collègue, Christine BOUTIN, Ministre du logement et de la ville, et avec les Conseils généraux qui se sont fortement mobilisés.
Aujourd'hui, plus de 70 familles ont été identifiées ou se sont portées candidates pour accueillir des femmes victimes de violence avec ou sans enfants. Elles sont réparties sur une vingtaine de départements.
Dans 15 d'entre eux, les familles seront agréées et opérationnelles d'ici la fin de l'année (la Sarthe fait partie de ces bons élèves...). J'avais annoncé 100 familles d'accueil d'ici 2010. Nous avons déjà dépassé 50 % de notre objectif. C'est très encourageant.
Plus globalement, nous veillons aussi à ce que les femmes victimes de violence conjugale soient prioritaires dans l'accès au logement. Une circulaire du 4 août dernier rappelle aux Préfets la nécessité de favoriser localement une meilleure prise en compte de leurs besoins au sein des dispositifs existants.
Ces exemples montrent combien il est essentiel que les collectivités territoriales soient étroitement associées à la politique que nous menons en matière de lutte contre les violences faites aux femmes. Par ailleurs, avec la Garde des Sceaux, nous avons mis en place un groupe de travail interministériel sur l'évolution du cadre juridique afin d'examiner et de rechercher des pistes d'amélioration, portant notamment sur une définition des violences psychologiques dans le code pénal et une articulation entre les procédures pénales et civiles.
Troisième axe fort : la prévention.
Prévenir c'est d'abord agir sur l'image de la femme. Eradiquer le phénomène des violences ne peut se concevoir sans réfléchir à l'image des femmes, à leurs représentations dans tous les domaines en commençant par l'éducation, dès le plus jeune âge.
La Commission de réflexion sur « l'image des femmes dans les médias », présidée par Michèle REISER m'a rendu son rapport le 25 septembre dernier. Ses constats sont éloquents. Le poids des clichés et des stéréotypes continue à peser et à compromettre les progrès en faveur des femmes. Nous avons l'ambition de faire évoluer les mentalités. Pour cela, il est important de prendre conscience de l'inacceptable décalage qui perdure entre les stéréotypes qui continuent à s'appliquer à la représentation des femmes et la place réelle qu'elles occupent dans la société.
Prévenir c'est aussi sensibiliser. J'ai lancé le 2 octobre dernier une campagne de communication grand public. Il s'agit d'une campagne de presse et d'affichage portant sur 3 cibles (la victime, le témoin et l'auteur) dédiée cette année aux violences au sein du couple. Cette campagne vit au quotidien grâce au site Internet gouvernemental sur l'ensemble des violences faites aux femmes avec des témoignages directs pour que le silence se brise.
En parler, éduquer, partager, soutenir et aider jusqu'à ce que revienne l'espérance d'une vie nouvelle, voilà l'objectif que nous nous sommes fixé. Voilà ce que nous rappelle la commémoration d'aujourd'hui. C'est un combat solidaire qui nous rassemble toutes et tous. C'est un combat que nous poursuivrons jusqu'à ce que disparaissent la peur et l'angoisse du visage des femmes.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 26 novembre 2008