Interview de Mme Valérie Létard, secrétaire d'Etat à la solidarité, sur internet le 25 novembre 2008, sur la violence envers les femmes, la prévention, l'accompagnement et le suivi des victimes.

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Circonstance : Chat sur le site http://www.stop-violences-femmes.gouv.fr, le 27 novembre 2008

Texte intégral


Bonjour à tous. 25 novembre 2008, c'est aujourd'hui la Journée internationale pour l'élimination de la violence envers les femmes. Nous recevons donc en direct Valérie Létard, secrétaire d'Etat à la solidarité qui va répondre aux questions que les internautes ont posé sur ce chat, soit dans les jours qui ont précédé, soit en direct aujourd'hui même, pendant notre entretien.
Madame la Ministre, bonjour.
- Bonjour.
Est-ce que je peux vous demander en guise d'introduction de nous dire quel a été votre agenda aujourd'hui, ces derniers jours, pour marquer cette date.
- Eh bien, écoutez, nous avons entamé notre mobilisation, en tous cas, notre campagne autour de cette journée du 25 dès la semaine dernière en nous rendant à Drancy pour lancer cette campagne par un échange très fructueux, très riche avec de nombreux jeunes, de la ville de Drancy et des environs qui sont tous et intéressés et mobilisés autour de la lutte contre les violences conjugales, autour de la lutte conter les violences faites aux femmes. Nous étions accompagnés de Lester Bilal, qui est un slammeur, un jeune d'origine ivoirienne qui après avoir perdu une de ses meilleures amies suite à des violences conjugales s'était promis à sa façon, avec son art, d'aider cette lutte contre les violences, d'essayer de faire passer un message auprès des jeunes, le message du respect mutuel, le message de la tolérance et surtout montrer que c'est par la jeunesse que nous arriverons à changer cette réalité. Lester fait un témoignage autour de cette chanson, de ce slam qui est absolument remarquable et je pense qui a touché le coeur des jeunes de ce quartier et qui a permis de libérer la parole.
On va d'ailleurs le diffuser tout à l'heure, à la fin de notre entretien. Et aujourd'hui même, donc, vous avez... ?
- Alors aujourd'hui, nous avons plusieurs événements importants. D'abord avec le Premier Ministre, qui va venir tout à l'heure au Ministère pour rappeler combien cette question des violences faites aux femmes concerne l'ensemble du gouvernement, tous les ministères, et que la mobilisation est générale. La mobilisation n'est pas que celle du Secrétariat à la Solidarité et aux Droits des Femmes, elle est celle du Ministère de la Justice. Nous travaillons avec Rachida Dati sur les violences psychologiques, sur l'amélioration de l'articulation entre le civil et le pénal. Ça veut dire que lorsqu'on a été en même temps victime de violences et qu'on doit partager un droit de garde, il faut que tout ça s'articule mieux. Et donc ça aussi on le travaille avec elle. On travaille avec Christine Boutin, sur toutes les questions d'accès au logement, à l'hébergement d'urgence, au logement social. On travaille avec Laurent Wauquier sur l'insertion professionnelle des femmes victimes de violences parce que l'autonomie elles ne pourront la retrouver qu'une fois qu'elles auront franchi le seuil de la porte et brisé le silence que si on les aide à retrouver un emploi.
Et les associations que vous recevrez tout à l'heure d'ailleurs...
- Nous allons bien sûr au travers de cette manifestation mobiliser tout le réseau associatif parce que tout cela n'est possible que grâce à ces associations qui émaillent le territoire, qui animent notre numéro vert, le 3919, ce qui est la main tendue, le premier contact que toute personne, qu'elle soit victime, auteur ou témoin, peut trouver pour essayer de comprendre ce qui lui arrive et comment elle peut agir pour sortir de ce silence.
Alors on va donc maintenant passer aux questions qui nous sont posées par les internautes. Première question : « Mon ami ne me frappe pas, mais il m'humilie, me rabaisse tous les jours, est-ce que ce sont des violences ? ».
- C'est une forme de violence, bien sûr. Simplement, encore une fois, lorsqu'on ne sait pas vraiment, lorsqu'on ne sait pas si l'on est oui ou non victime de violences, le numéro d'appel, le 3919, ou ce site Internet, qui est à la disposition des femmes, qui est ce site gouvernemental auquel vous pouvez tous accéder aujourd'hui, eh bien ce numéro d'appel, et cet écoutant que vous trouvez au bout du fil, est quelqu'un qui est formé, qui sait exactement vous orienter, vous expliquer si oui ou non vous êtes victime de violences, et comment vous pouvez agir, à la hauteur de ce qui vous arrive, il pourra vous orienter en fonction de la gravité de la situation, soit vers les forces de police, mais aussi si vous voulez garder l'anonymat, ou si vous ne voulez pas porter plainte a priori, de peur des répercussions, parce que vous avez peur pour vos enfants, eh bien anonymement, vous pourrez aller voir une association ou prendre contact avec elle, et comprendre dans quelle mesure vous pouvez entreprendre pour sortir de là malgré tout, et petit à petit construire une réponse, en comprenant que ça peut s'organiser sans que ce soit quelque chose de pénalisant pour vous.
Ce numéro, qui a reçu déjà énormément d'appels...
- Oh oui, énormément d'appels, beaucoup plus qu'on ne l'imaginait. Ce qu'on peut dire, c'est que ce numéro d'appel, c'est véritablement, d'abord je pense, 3919, c'est quelque chose de très lisible. Des dizaines de milliers d'appels, sur quelques mois, plus précisément 64 000 appels sur les 9 premiers mois de 2008, ce qui représente environ + 7000 appels/mois. Ce qu'on peut dire, c'est qu'on est en train de renforcer ce numéro d'appel, on va lui rendre énormément de moyens, parce qu'on se rend compte qu'il sature, parce qu'il est un peu victime de son succès, il est devenu lisible au travers des campagnes de sensibilisation que nous avons menées, mais c'est formidable parce que ça veut dire que les femmes s'interrogent, que ces campagnes de sensibilisation ça leur dit ce n'est pas une fatalité, vous n'êtes pas coupables, vous n'êtes pas responsables, et surtout ça ne peut pas durer comme ça. Il y a des gens pour vous accompagner, eh bien ce numéro d'appel il fait son effet, et il montre aussi aux gens, au travers de ces contacts que vous avez, à ces femmes qui sont dans ces situations, que l'on peut s'en sortir, qu'il y a des tas de personnes qui sont là pour accompagner toutes les situations quelle que soit leur gravité.
Prochaine question, elle concerne les hommes : « On dit que je suis un homme violent, je commence à m'en rendre compte, est-ce que je peux être aidé ? ».
- Par le même canal, c'est-à-dire qu'effectivement, non seulement on peut appeler ce même numéro d'appel. Le 3919 s'adresse aux femmes victimes, il s'adresse aux auteurs, qui peuvent être écoutés, accompagnés, orientés, et il s'adresse aux témoins. Alors pour les auteurs, il y a effectivement cette première porte d'entrée, et derrière il y a, avec le Ministère de la Justice, des actions qui sont menées pour accompagner les hommes auteurs de violences, les prendre en charge psychologiquement, qu'ils aient commis des violences graves, aggravées, à côté d'une sanction pénale, parce que lorsqu'ils ont commis des violences aggravées, en général, ils ont des sanctions, bien sûr, mais à côté de cela, nous travaillons l'accompagnement et la lutte contre la récidive. Pour que ça ne recommence pas, il faut que l'homme auteur comprenne pourquoi il en est arrivé là et qu'on lui explique comment sortir de là. Cet accompagnement psychologique, il est important à côté de la sanction, et quand on n'est pas allé jusqu'à la violence physique mais qu'on sent que les choses dérapent, là aussi on peut en prévention être accompagné. Il y a des associations qui mènent ces démarches, et là aussi, lorsque vous allez sur le site du gouvernement, vous avez une cartographie, vous cliquez sur cette cartographie, sur le département dans lequel vous habitez, et apparaît la liste des associations et des administrations que vous pouvez contacter en fonction de vos difficultés.
C'est très bien, ça répond d'ailleurs à la question suivante : « Comment trouver l'association la plus proche de chez moi ? ».
- C'est très concret, très pratique, vous avez les adresses qui sortent.
Alors, prochaine question : « Pourquoi les femmes doivent-elles quitter leur domicile lors de violences, il serait plus juste que le conjoint violent parte de lui-même, du domicile ? ».
- La loi le prévoit, c'est-à-dire que dans tout l'arsenal des nouvelles mesures qui ont été prises ces dernières années, est prévu ce qu'on appelle « l'éviction du conjoint violent ». C'est-à-dire que si le tribunal le décide, on peut faire sortir le conjoint violent du domicile. Mais il y a des femmes qui pour se reconstruire ont besoin de partir loin, mais il faut que ce soit le choix de la femme. Il faut que ce soit son choix de dire « je veux rester à la maison et il faut que mon conjoint s'éloigne et que je sois protégée », mais si elle souhaite partir se reconstruire ailleurs, il faut aussi que ce soit possible pour elle. Les deux solutions le sont et c'est bien à la femme victime de décider de la façon dont elle veut sortir de cette situation, et ce n'est pas à l'homme auteur de rester ou non à la maison.
Nous prenons le cas d'une femme, c'est la question qui s'affiche maintenant : « Je veux partir tout de suite, qui peut m'héberger ? ».
- Il y a plusieurs solutions possibles, et là encore une fois, sur son département, on peut trouver sur ce site les coordonnées, il y a des associations spécialisées qui vous orientent, ou le numéro d'appel vous oriente. Les solutions, c'est soit la violence elle est là depuis longtemps, et on a préparé son départ, et on a pu se faire aider par des associations pour trouver un logement social, soit ça s'est fait dans la catastrophe, suite à des violences importantes et subites, et là vous proposera, par le canal de la police, ou par des services associatifs spécialisés, soit une place en accueil et hébergement d'urgence, soit ce qu'on appelle des nuitées d'hôtel pour pouvoir partir tout de suite, en attendant de trouver la solution suivante. Nous travaillons aussi à de nouvelles expérimentations qui sont les accueils familiaux, les familles d'accueil parce qu'on se rend compte que par exemple, dans les territoires ruraux, il n'y a pas partout des foyers d'accueil et d'hébergement d'urgence. Que si ces foyers ne sont pas là, il faut bien trouver des solutions alternatives. Quand on est victime de violences, au fin fond de la ruralité, qu'est-ce qu'on fait, on reste chez soi ? Ce n'est pas possible. En même temps il n'y a pas de logement social partout, si on veut rester quand même dans l'endroit où on a toujours vécu, il faut trouver des solutions intermédiaires. Les familles d'accueil en sont une, on le teste, on l'expérimente sur 100 familles d'accueil en 2009 et on va ajuster les choses. Dès que ça fonctionnera bien, on généralisera ça sur le territoire avec les Conseils généraux, encore une solution supplémentaire, et Christine Boutin va nous aider en renforçant le nombre de maisons qui s'adresseront aux femmes victimes.
On peut considérer dans ce cas, justement, que les femmes victimes sont prioritaires ?
- Une circulaire est sortie au mois d'août, que nous avons signée Christine Boutin et moi-même, pour rappeler aux préfets que lorsqu'on attribue des logements sociaux, les femmes victimes de violences font partie des publics prioritaires, et ça c'était important pour nous de le rappeler.
C'était important de le signaler. Prochaine question : « Mon ami vient de me frapper, que dois-je faire ? ».
- Si vraiment on a été frappée violemment, si on est dans une situation de détresse et d'urgence, il faut bien sûr appeler la police. Maintenant, si effectivement on a peur de ce premier contact, le 3919 ça peut être une solution de repli. Mais véritablement, si on est dans cette situation d'urgence, c'est la police qu'il faut appeler.
Prochaine question, on nous dit parfois : « Vous vous occupez beaucoup des femmes, mais qu'en est-il des hommes battus ? ».
- Effectivement, il y a des hommes battus, même s'ils sont très minoritaires, et même si l'on peut constater que si des hommes peuvent être victimes de violences conjugales, d'abord il y a très peu de décès. Il y a 166 femmes qui décèdent chaque année contre 26 hommes dont 10 étaient auteurs de violences conjugales sur leur femme. Ca ne veut pas dire que les hommes ne peuvent pas être victimes de violences, simplement ce qu'il faut savoir c'est que le 3919 ouvre ses portes, son écoute, aussi aux hommes victimes de violences, on peut obtenir les mêmes informations et les mêmes orientations, que l'on soit un homme ou une femme victime de violences au sein du couple.
Autre question : « Ma voisine est battue par son mari, elle ne maîtrise pas bien le français, comment puis-je l'aider ? ».
- Les associations spécialisées et les services de police vous donnent les coordonnées de service d'interprétariat qui sont à votre disposition pour justement pouvoir bénéficier des traductions qui vous permettent d'être bien prise en charge.
Merci. Question suivante : « Mon mari me dit que je suis folle, que tout est de ma faute, que je le cherche, qu'il en a marre de moi et qu'il va me faire enfermer, que dois-je faire ? ».
- Il faut savoir que souvent la violence conjugale s'instaure en culpabilisant le conjoint ou la conjointe, que c'est une spirale infernale. C'est vrai que c'est par la culpabilité que la femme se retrouve enfermée, elle n'ose pas en parler parce que de jour en jour on lui a martelé l'idée qu'elle était responsable de tout. En plus, quand on a des enfants, quand on est dans une situation de dépendance financière, on se trouve un peu emprisonnée par cette situation. Mais tout ça est un peu tronqué par cette relation qui est toujours enfermée, intime, et il faut savoir encore une fois que la main tendue par ce numéro d'appel, cette association vous permettra d'y voir clair, de comprendre que votre situation n'est pas de votre fait, et qu'on ne peut pas rendre quelqu'un dépendant comme cela, que chacun doit avoir sa liberté dans le couple, sa liberté de choisir, sa liberté de partager des choses dans le respect mutuel et que quand on est dans cette situation, encore une fois, on peut avoir des informations, des indications, quelqu'un qui vous explique si c'est normal ou pas de se faire traiter de cette façon, est-ce que c'est normal de se voir au quotidien accuser de tas de choses. Il faut en parler, pour comprendre, et encore une fois, c'est toujours la même chose : le 3919. C'est vraiment la main tendue, c'est vraiment le premier recours et vous avez au bout du fil des gens d'expérience, des gens de qualité, qui vous font comprendre là où vous vous situez, le niveau de gravité, est-ce que c'est normal ou pas, et vous aller y voir un peu plus clair, voir qu'il existe des solutions différentes. C'est pas toujours aller à la police, parce que c'est vrai que ça fait peur, on a peur pour ses enfants, on a peur pour son conjoint, même si ce conjoint a été violent, parce qu'on ne sait pas ce qui va se passer derrière, et là on vous explique tout, que quelqu'un qui est violent doit être sanctionné, mais qu'il ne peut être accompagné. Ce n'est pas être coupable que de dire « Voilà, je suis dans une situation dramatique », bien au contraire, on peut s'en sortir, dans l'intérêt du conjoint violent qui en général est lui aussi dans une impasse, mais surtout dans l'intérêt de soi-même et de ses enfants, et de son avenir. On peut vraiment s'en sortir, ça n'est vraiment pas une fatalité. En parler c'est la première des choses, savoir qu'on peut briser le silence, qu'on sera écoutée, et qu'on sera accompagnée.
Et surtout se rendre compte qu'on n'est pas seule. Autre question cette fois-ci les violences au travail : « Mon patron me harcèle, que dois-je faire ? ».
- Même chose, il existe une législation du travail, actuellement nous réfléchissons avec ces associations qui réfléchissent aux violences au travail, pour voir quelles sont les failles législatives ou réglementaires qui doivent nous permettre de lutter contre le harcèlement au travail. Nous sommes en train de regarder comment au niveau réglementaire nous pouvons nous permettre de renforcer les choses. Le travail est en cours avec les associations, avec le Ministère du Travail, et à côté de cela, nous travaillons avec Xavier Bertrand pour faire en sorte que l'égalité salariale soit améliorée, parce que ça aussi ça permettra aux femmes plus d'autonomie, et nous travaillons aussi en sorte que demain il n'y ait plus seulement 8% de femmes dans les conseils d'administration d'entreprise. S'il y a plus de femmes en poste de responsabilité, les choses s'équilibreront certainement beaucoup plus et l'approche des hommes et des femmes dans l'entreprise sera certainement plus équilibrée et plus respectueuse aussi.
Comment peut-on expliquer cette nouvelle question d'une internaute : « Comment expliquer qu'il y ait tant de violence, et pourquoi les hommes battent-ils leur femme ? ».
- Souvent, des situations de difficulté, des situations d'incompréhension, je pense qu'on vit dans une société aussi où on a besoin de réapprendre à vivre ensemble, dans le respect. Je crois que tout le travail qu'il nous faut mener aujourd'hui avec les jeunes, avec les enfants à l'école sur la relation entre les filles et les garçons, est essentiel. L'éducation au respect mutuel, à la vie ensemble entre garçons et filles, des principes simples, de respect et de tolérance. Respecter la liberté de chacun, c'est la meilleure garantie d'une vie harmonieuse et d'une vie sereine au sein du couple comme dans la société. Les violences intra-familiales sont une réalité qui dépasse les violences au sein du couple. On les retrouve à différents niveaux, et je pense que tout cela relève d'un rappel d'un certain nombre de valeurs, de principes fondamentaux, qui sont des principes de respect et de tolérance. Je crois que ce travail d'éducation et de sensibilisation nous permettra de changer véritablement ces choses. Et plus le contexte et la réalité sont difficiles, économiquement, humainement, plus on est dans une société individualiste, et plus il faut rappeler ces valeurs simples mais essentielles pour pouvoir vivre ensemble.
On va s'intéresser maintenant à la loi, puisqu'un internaute nous demande comment déposer plainte.
- Soit on le fait directement par la police, en allant au commissariat ou à la gendarmerie, soit on peut le faire en allant porter plainte auprès du Procureur de la République, au Parquet de son arrondissement. Ce sont les deux démarches qui permettent de porter plainte. En général, il faut constituer un certificat médical, qui peut être fait soit par le médecin généraliste, soit par une consultation médico-judiciaire qui existe dans certains départements, et là c'est la police en général qui vous oriente. Mais le médecin généraliste peut le faire, ce certificat médical il est important parce qu'il identifie ce qu'on appelle un niveau d'incapacité de travail, que l'on soit salarié, ou non, mais ce niveau d'incapacité de travail. Il est important aussi dans la suite du travail judiciaire qui va être fait au tribunal prendra ce certificat médical dans le cadre de l'élaboration de la sanction qui sera définie pour l'auteur. La plainte elle se fait soit donc directement police ou gendarmerie, soit auprès du procureur.
« Est-ce que si je dépose plainte », demande une femme, « mon mari va aller en prison ? ».
- Tout sera défini par la gravité des faits, mais en même temps, est-ce que mon mari doit aller en prison, je pense que quand on a commis des actes de violence aggravés, il est logique qu'à un moment donné, la société pose des sanctions. A un moment donné, il faut quand on a commis des actes aussi graves, qu'il y ait quelque chose, sinon pourquoi, c'est un peu ce qui met le cadre, mais s'il doit y avoir sanction effectivement, cette sanction elle peut être graduée en fonction de la gravité et de la récidive. Donc ça peut être l'éviction du conjoint violent, l'éloignement, pas forcément la prison, ça peut être la prison lorsque les faits sont vraiment aggravés, et puis encore une fois la personne a été auteur de violences, il peut aussi bénéficier, dans le cadre de la lutte contre la récidive, d'un accompagnement psychologique pour éviter que cela recommence. Ce sont tous les outils disponibles, il peut y avoir aussi de la médiation, mais c'est vrai qu'en règle générale, l'objectif c'est bien d'accompagner la personne auteur, et quand même qu'elle se rende compte qu'elle a fait quelque chose de grave, qu'elle a commis un acte grave, et que cet acte grave il est répréhensible, il est puni par la loi parce qu'il n'est pas normal d'exercer de telles violences sur un conjoint plus fragile.
Alors il y a évidemment des femmes victimes, majoritairement, mais il y a aussi des personnes qui souhaitent aider, et on a là une question justement d'un groupe qui souhaiterait un nouveau lieu d'accueil et d'hébergement à Montreuil. « Est-ce qu'il y a des ressources nouvelles pour créer de nouvelles associations pour accueillir, orienter et héberger les femmes victimes de violences ? ».
- Il y a deux choses. D'abord, Christine Boutin a rappelé qu'elle souhaitait des crédits pour créer ce qu'on appelle des « appartements relais » pour les femmes victimes. Et donc, auprès du Ministère du Logement, il y a possibilité de déposer des dossiers, de prendre contact avec les services du Ministère ou les service déconcentrés, les services de l'Etat dans les départements et les régions, pour créer de nouveaux lieux d'accueil. De la même façon qu'on peut poser candidature pour les familles d'accueil, avec les départements pilotes qui ont été identifié, il y en a une vingtaine qui sont d'ores et déjà partants, et ensuite il y a une autre mesure que nous expérimentons aujourd'hui et qui est financée par les services des préfectures, c'est l'expérimentation d'un référent unique. Quand on est une femme victime, on s'engage, quand on sort de la maison, dans un véritable parcours du combattant. Il faut aller à la police, il faut un certificat médical, il faut trouver un logement, il faut trouver des ressources de remplacement, il faut trouver une nouvelle école pour les enfants. Tout ça c'est compliqué, ça dépend d'administrations différentes, et on se rend compte que souvent des femmes abandonnent l'idée de s'en aller parce que ça leur paraît inaccessible. Surtout qu'au bout, il faut trouver l'emploi, il faut trouver l'activité. Les femmes se disent, il y a des tas de gens qui peuvent m'aider, mais moi j'ai besoin de quelqu'un qui m'oriente, qui m'accompagne. Alors ce référent unique, que nous allons expérimenter et financer sur des territoires d'arrondissements, ou plus, en fonction de la taille du territoire et du poids de population, ce sera un facilitateur pour la femme victime puisque cette personne l'aidera dans les démarches, et l'orientera vers les différents services et l'accompagnera pour simplifier le parcours et lui trouver des solutions quand ça paraissait inaccessible pour éviter que des femmes abandonnent cette démarche trop compliquée.
Et on trouvera très concrètement les références, les contacts, sur le site ?
- Tous ces contacts sont sur le site, et sur le 3919 évidemment, et on dira quels sont les départements qui se sont engagés dans ces mesures, et les services de l'administration qui peuvent accompagner ces projets, ces nouvelles initiatives.
Prochaine question : « Je suis scandalisée par la minute de silence à l'Assemblée Nationale après la mort de Jean-Marie Demange qui a tué sa compagne ». Quel est votre sentiment ?
- Mon sentiment, d'abord, c'est une minute de silence, c'est vrai que c'est une démarche qui visait le décès de ce député qui a été violent mais qui visait aussi sa compagne qui a été victime de cela, elle s'adressait autant à la victime et à la situation et à ce drame, elle s'adressait aussi fortement à cette femme victime et aux enfants qu'elle a laissé. Ce que je peux dire, c'est qu'il n'y a pas eu d'éloge funèbre, pour les mêmes raisons, alors qu'il y a toujours un éloge funèbre lorsqu'un parlementaire décède. Vu les circonstances, ça n'a pas été le choix, effectivement, de l'Assemblée Nationale. Ce qu'on peut dire, c'est que cette minute de silence, qui est une démarche qui a toujours été mise en oeuvre par l'ensemble des assemblées, comme le Sénat, a visé véritablement toute cette famille qui malheureusement a subi les violences de ce conjoint qui était certainement désespéré, mais là aussi, ça ne peut pas se pardonner, on est bien d'accord, mais elle aussi, on pensait fortement à elle, surtout à elle. Et on pensait aux enfants qui sont restés, bien sûr, encore une fois, il n'y a pas eu d'éloge funèbre, parce que dans ce contexte, ça n'était pas logique.
Vous évoquez à l'instant les enfants, c'est aussi l'objet de la prochaine question : « Je suis perdue, je subis des violences psychologiques et physiques, et même devant mon fils, âgé de 6 ans, je ne sais pas quoi faire ».
- Je pense qu'il faut vraiment réagir, appeler le 3919, qui va dire en fonction d'où habite madame, vers qui s'orienter. Mais surtout, si son enfant est là, je crois que pour lui, si elle est capable de le subir, ou si elle n'arrive pas à franchir le seuil de la porte pour elle, qu'elle le fasse pour son enfant. Parce que ce sont des images que l'on garde toute la vie, et si elle part de chez elle, elle pourra se reconstruire avec son enfant, c'est essentiel parce que ce qui est difficile pour un adulte, c'est terrible pour un enfant de voir sa maman souffrir. Et je crois qu'il faut, dans leur intérêt , être accompagnée parce que ce n'est pas une fatalité, elle a un avenir devant elle, et il y a un numéro et quelqu'un qui pourra l'aider, qui lui dira la démarche à engager.
« Si je porte plainte contre mon mari, est-ce qu'on ne va pas me retirer la garde de mes enfants ? ».
- Ca n'a rien à voir, c'est une prise en charge globale, c'est son mari qui est auteur des violences, pas elle. Il faudra trouver une solution, une forme d'hébergement, pour elle, pour son enfant, si elle veut quitter le logement. Elle peut aussi rester dans son logement. Il y a des services qui pourront l'accompagner dans le domaine financier, pour trouver une solution, mais pourquoi lui retirerait-on ses enfants alors qu'elle a été victime de violences ? Ce n'est pas elle qui fait les violences, au contraire, si elle parle, si elle porte plainte, c'est pour préserver ses enfants, on ne va pas lui reprocher de protéger ses enfants.
Autre question : « Je suis menacée en permanence, il me harcèle, vient devant ma porte, comment puis-je me protéger ? ».
- Il faut le signaler absolument à la police pour qu'une mesure d'éviction et d'éloignement du conjoint soit engagée. Et là aussi c'est la police judiciaire qui a des outils pour accompagner tout cela.
Il y a encore beaucoup de choses qu'on aurait pu dire, on va parler des mutilations sexuelles, on n'a pas parlé non plus des mariages forcés, peut-être un petit mot rapide pour conclure ?
- Simplement, une fois sur ce site, on vous explique comment on peut réagir quand on est victime de mutilations ou de mariage forcé. On vous donne des explications, des coordonnées. L'année prochaine nous allons monter une campagne de sensibilisation face aux mariages forcés. Comment réagir ? Comment réagir lorsqu'on est victime de violences coutumières, de mutilations sexuelles ? Qu'est-ce qu'on a comme moyens pour s'en sortir ? Tout cela c'est vraiment notre objectif pour 2009, ce sera notre campagne de mobilisation après avoir traité des violences conjugales dans leur ensemble, nous allons maintenant essayer, sujet après sujet, comment aider des femmes victimes de violences, sous toutes leurs formes.
Et c'est parfaitement concret, j'espère que vous aurez apporté, je suis sûre d'ailleurs des réponses à toutes ces personnes qui vous ont interrogée, merci beaucoup madame la Ministre...
- C'est moi qui vous remercie.
On va maintenant écouter le slammeur engagé, Lester Bilal, qui a écrit une chanson et réalisé un clip sur les violences faites aux femmes.
Source http://www.stop-violences-femmes.gouv.fr, le 27 novembre 2008