Déclaration de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, sur l'organisation de la distribution des médicaments et la place des pharmaciens auprès des patients, Paris le 6 novembre 2008.

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Circonstance : 21ème journée annuelle de l'ordre national des pharmaciens à Paris le 6 novembre 2008.

Texte intégral

Monsieur le Président, cher Jean Parrot, Monsieur le Professeur Grimaldi, Mesdames et Messieurs,
Devant les turbulences qui ont agité ces derniers mois la pharmacie d'officine, ma position, vous le savez, est restée ferme et déterminée. Mon combat pour défendre le modèle officinal français a été entendu au niveau national, mais reste d'actualité au niveau européen.
Je sais combien l'Ordre a été et reste un allié précieux dans ce combat.
Vous êtes à l'écoute des adaptations nécessaires pour les pharmaciens, à commencer par la mise en place du libre accès, dont vous avez compris l'enjeu pour la protection de notre système de distribution sécurisé au service des malades. L'évolution des règles de maillage territorial a également été réalisée avec vous. Vous savez combien votre avis m'est précieux et nous travaillons d'ailleurs en ce moment ensemble au décret créant les « centrales d'achats ».
J'ai aussi salué l'initiative du dossier pharmaceutique.
Nous partageons les mêmes convictions. La conviction que les pharmaciens ont de réelles compétences, malheureusement encore sous-exploitées. La conviction qu'ils ont de réelles missions, dont l'élargissement profitera à celui qui, seul, fait l'objet de notre intérêt commun : le patient.
C'est dans ce sens que j'ai initié des groupes de travail permettant d'anticiper les évolutions de votre métier. Comme vous l'avez souligné, cher Jean, les pharmaciens doivent pouvoir offrir de nouveaux services. Il leur faut s'impliquer davantage dans la prévention ou dans l'accompagnement thérapeutique. Il leur faut contribuer au renforcement du lien entre la ville et l'hôpital, pour une meilleure continuité du parcours thérapeutique.
C'est pour oeuvrer, ensemble, à l'élaboration de la pharmacie de demain que j'ai souhaité vous offrir ces espaces de réflexion et d'expression.
Nous devons, désormais, parvenir à des actions concrètes sur les différents axes définis, qui pourraient prendre leur place, le cas échéant, dans mon projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires ».
Il faut des mesures opérationnelles, et non une inclusion sans intérêt des missions de tous les professionnels de santé, ce qui alourdirait le texte.
Vous avez déjà la volonté et les atouts pour assumer, sans attendre des textes législatifs, de nouvelles missions. Ainsi pourrez-vous prendre en charge, pour les patients qui le souhaitent, la réalisation des « piluliers », service qui pourra éventuellement être payant. Nul besoin de loi pour le permettre : un décret vous a récemment été adressé, ainsi qu'aux syndicats, pour consultation.
De même, l'intégration des pharmaciens au réseau des OMEDIT (observatoires régionaux des médicaments, dispositifs médicaux et innovations thérapeutiques) relève d'une simple décision organisationnelle. Elle serait un atout majeur pour mieux connaître votre réseau de proximité et mieux échanger avec les autres professionnels de santé, libéraux et hospitaliers, de votre région.
La collaboration entre professionnels de santé est, en effet, l'une des priorités de ma politique. Elle est inscrite dans mon projet de loi et les pharmaciens occupent explicitement, de ce point de vue, une place centrale.
Les pharmaciens seront dans l'avenir appelés à jouer un rôle de plus en plus important, par exemple dans les Etablissements d'Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD). Le PLFSS, tel qu'il vient d'être voté par l'Assemblée nationale, prévoit d'expérimenter l'intégration des médicaments dans les forfaits de soins des EHPAD. Cette mesure doit être saisie comme une véritable opportunité. Alternative au déploiement des Pharmacies à usage intérieur (PUI), elle mettra fin à un système qui était source de dépenses incohérentes, mais surtout d'un très mauvais usage des médicaments.
Elle permettra, en outre, de revaloriser le rôle du pharmacien avec lequel l'EHPAD aura passé convention. Ce dernier apportera son expertise afin de rationaliser les polyprescriptions, de recourir autant que possible aux médicaments anciens et peu coûteux, d'améliorer l'observance, la gestion des stocks et les circuits du médicament.
Je souhaite que nous nous donnions les moyens et le temps nécessaire pour mettre en place un tel système, dans l'intérêt des patients comme des professionnels.
Si j'ai souhaité souligner la confiance mutuelle qui nous a toujours unis, ainsi que l'ampleur des réflexions encore à mener, c'est que je sais combien la collaboration avec l'Ordre est précieuse. Il est impératif de maintenir cette confiance pour faire aboutir toutes les actions destinées à préserver un service pharmaceutique de qualité et de proximité.
Aussi, je ne passerai pas sous silence les inquiétudes qui sont les vôtres et j'y répondrai d'autant plus aisément que je suis convaincue que vos doutes, bien que compréhensibles, ne sont pas légitimes.
S'agissant de la biologie que, cher Jean, tu as évoquée, je ne ferai pas ici en avant-première le discours que j'ai préparé pour mon intervention cet après-midi aux Journées internationales de biologie.
Toutefois, je tiens à manifester ma déception de constater que l'Ordre des pharmaciens balaie d'un revers de la main l'ensemble des réflexions conduites ensemble pour éviter que la biologie française ne se voie imposer un modèle contraire à l'intérêt des patients.
Vous le savez, l'ouverture du capital des laboratoires de biologie médicale n'est pas une initiative de mon gouvernement. Depuis la mise en demeure par la Commission européenne en 2005, cette question a fait l'objet de nombreuses interventions de la part du gouvernement comme de votre part, malheureusement sans succès. Le processus est arrivé à une phase irréversible.
La suppression de cette restriction s'impose aujourd'hui parce que l'Europe nous a contraints à faire face à nos propres incohérences : si la réserve du capital des laboratoires aux seuls biologistes est un impératif pour la protection de la santé publique, pourquoi cette règle ne s'applique-t-elle pas aux 25 % actuellement ouverts ? Le système actuel a permis la création de chaînes que vous semblez redouter.
Afin que l'ouverture du capital ne soit pas imposée de manière brutale, j'ai souhaité prendre l'initiative d'une réforme qui mette en place les règles prudentielles indispensables à la préservation d'une biologie médicale de qualité. En encadrant l'ouverture du capital, en réaffirmant l'aspect médial de la biologie, ma réforme garantira que l'intérêt des patients sera bien demain le seul guide pour les choix stratégiques professionnels des laboratoires.
En ce qui concerne, enfin, le contentieux communautaire actuel sur les officines, je suis résolue à défendre les spécificités de la pharmacie française. Les arguments sont nombreux : les trois piliers interdépendants sur lesquels notre système repose, le capital réservé à 100 %, la menace de pénétration des médicaments contrefaits, ou encore l'exclusion explicite de la directive services.
Le contentieux avec l'Italie et une question préjudicielle allemande sur le même sujet ont été examinés le 3 septembre par la Cour de Justice des communautés européennes (CJCE). La France s'est associée à la défense du capital réservé aux pharmaciens.
Par ailleurs, la Présidence française de l'Union européenne m'a donné l'occasion d'échanger avec mes homologues européens, notamment lors de la réunion informelle à Angers et, plus récemment, au Forum pharmaceutique européen, le 2 octobre. Pour cet événement, j'ai souhaité poser comme thème du déjeuner la contrefaçon des médicaments. Ce débat était essentiel pour défendre notre modèle de circuit sécurisé sur l'ensemble de la chaîne de distribution jusqu'au patient, et c'est pour cette raison que j'ai souhaité le porter au niveau européen.
Ces questions sont trop graves pour être traitées au travers de plaidoiries devant la Cour de Justice : c'est entre Etats membres que nous devons sereinement en débattre. C'est pourquoi j'ai proposé à mes homologues européens d'adresser une lettre commune à la Commission.
Parallèlement, nous poursuivons nos échanges avec les Directions générales Marché intérieur et Santé et protection du consommateur pour faire valoir nos arguments. Mon cabinet a, il y a quelques jours encore, défendu nos valeurs au cours d'une réunion européenne sur l'officine organisée à Bruxelles par cette même DG Marché intérieur.
La cohérence de mon action, tout entière orientée vers la préservation et l'adaptation d'un service pharmaceutique de qualité, performant et au juste prix, témoigne de mon engagement à vos côtés.
Elle est la preuve que nous devons poursuivre, ensemble, les réflexions sur la pharmacie de demain.
Votre profession tirera les bénéfices de cette collaboration.
Tel sera le cas, aussi et surtout, de nos concitoyens, eux qui, en franchissant le seuil de leur pharmacie, y trouveront plus que jamais compétence, sens de l'écoute et protection.
Je vous remercie.
Source http://www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr, le 26 novembre 2008