Déclaration de M. Alain Joyandet, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie, sur les financements innovants en matière d'aide au développement, à Doha (Qatar)le 29 novembre 2008.

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Circonstance : Conférence des Nations unies sur le financement du développement, à Doha (Qatar) du 29 novembre au 2 décembre 2008

Texte intégral

Je voudrais d'abord remercier le Secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon d'honorer de sa présence cette réunion majeure sur les financements innovants. Je souhaite également remercier le président en exercice du Groupe pilote sur les financements innovants, Djigui Camara, ministre de la Coopération et du Plan de Guinée, mon ami Philippe Douste-Blazy, ainsi que les ministres, les ambassadeurs, les représentants des Organisations internationales et des ONG qui nous font l'immense plaisir de participer à cet événement. C'est la force du Groupe pilote, et l'autorité morale des Nations unies, que de réunir l'ensemble des acteurs intéressés à innover en matière de développement.
La Communauté internationale a confirmé sa mobilisation en vue de l'atteinte des OMD (Objectifs du Millénaire pour le Développement). L'Union européenne a réitéré son engagement d'atteindre l'objectif de 0,7 % du PIB en 2015.
Toutefois, l'ampleur et l'urgence des besoins à satisfaire doit nous conduire à explorer toutes les pistes pour lever les fonds nécessaires.
C'est la décision adoptée lors de la Conférence de Monterey en 2002, et confirmée depuis lors à l'occasion de nombreuses réunions internationales. Lors d'une conférence tenue à Paris en 2006, le Groupe pilote sur les contributions de solidarité a été mis en place. Il rassemble 55 pays membres, 3 pays observateurs et diverses organisations internationales. C'est en son sein que se conduit désormais la réflexion sur la question.
Mais de quoi parlons-nous ?
Les financements innovants se sont mis en place par étape, en fonction de l'évolution des techniques financières et de communication, selon le génie créateur et la capacité de conviction de leurs concepteurs, selon enfin la mobilisation civique en faveur d'actions de solidarité, essentiellement dans le domaine de la santé.
Permettez-moi de faire un point rapide sur les outils élaborés et les résultats obtenus. Ceci me permettra de dégager une forme de jurisprudence sur ce que sont et ce que devront être les financements innovants pour trouver la meilleure place dans l'architecture de l'aide.
Trois projets pilotes ont été conçus et mis en place depuis Monterrey : la taxe sur les billets d'avion finançant UNITAID, la Facilité financière pour la vaccination (IFFIm) en partenariat avec GAVI, et un programme de garantie d'achats futurs (AMC) auxquels on peut ajouter le mécanisme RED développé par le Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose.
La taxe de faible montant sur les billets d'avion est prélevée dans 11 pays, et le sera bientôt je l'espère dans les 17 autres pays ayant annoncé leur intention de la mettre en oeuvre. Elle a permis de lever en 2008 la somme de 300 millions de dollars.
La facilité financière pour la vaccination a été mise en place à l'initiative et avec le soutien de 6 pays européens, rejoints par l'Afrique du Sud, et je l'espère très prochainement par le Brésil. La facilité doit lever sur les marchés financiers pour le compte des Etats participants 4 milliards de dollars sous forme d'obligations à 20 ans.
La garantie d'achat futur lancée en 2007 par 5 pays et la fondation Gates en coopération avec la Banque mondiale vise à stimuler la recherche sur des vaccins destinés aux pays pauvres en assurant des débouchés. Elle devrait porter sur 1,5 milliard de dollars sur 12 ans.
Le mécanisme RED, enfin, permet de lever des contributions volontaires à l'occasion de l'utilisation de cartes de crédit.
La valeur ajoutée des financements tient donc en trois points :
1. ce sont des mécanismes destinés à apporter des ressources additionnelles à l'aide publique au développement traditionnelle,
2. ce sont des mécanismes qui visent à apporter des ressources stables, pérennes et prévisibles,
3. enfin, ces mécanismes visent à mieux répartir les fruits de la mondialisation ou à en corriger certains aspects négatifs.
Les mécanismes cités, centrés sur des enjeux de santé, sont complémentaires en agissant sur toute la chaîne de traitement. La complémentarité est un point particulièrement important pour nous, je me permets d'insister sur la nécessite d'éviter les structures inutiles et de favoriser les synergies. C'est ainsi que les financements innovants respecteront les principes de l'efficacité de l'aide que nous avons consacrés tous ensemble à Accra.
Nous sommes désormais à un tournant, et j'appelle cette conférence, forte des succès des premières expériences, à inaugurer un changement d'échelle.
La période récente a été riche en prises de positions porteuses d'espoir.
Je citerai la déclaration à haut niveau du "Groupe quadripartite" (France, Espagne, Chili, Brésil) adoptée le 24 septembre 2008 à New York.
Je citerai encore la réunion à Conakry les 6 et 7 novembre dernier du groupe pilote désormais rejoint par le Japon.
Je citerai enfin l'engagement de l'Union européenne le 11 novembre dernier à promouvoir la mise en oeuvre des mécanismes innovants.
Dans ce contexte porteur, de nouveaux outils sont à l'expérimentation ou en gestation. L'expérience allemande qui va consister à affecter au développement 10% du produit de la vente aux enchères des quotas d'émission est stimulante pour nous tous. Philippe Douste-Blazy va nous présenter l'idée d'une contribution volontaire sur les billets d'avion différente de la taxe. Par ailleurs, à taxe sur les transactions financières sera présentée par l'ONG "Step out poverty".
Je terminerai en vous exhortant à respecter deux principes de base pour la réussite de notre grand pari.
Le respect des principes de l'efficacité de l'aide, sur lesquels je ne reviendrai pas.
L'adéquation de chaque instrument avec la nature des besoins à couvrir et des défaillances du marché ou de la régulation publique traditionnelle qu'il est censé pallier.
Il faut nous poser les bonnes questions à ce sujet : souhaitons-nous trouver des ressources pérennes, prévisibles, pour des dépenses récurrentes et nécessitant une très grande stabilité, ou bien des ressources immédiatement disponibles (par émission d'emprunts) ou encore disponibles de façon certaine à moyen terme (AMC) ? Souhaitons-nous prélever la ressource sur des activités peu taxées ou ayant des "externalités négatives", sur des acteurs peu impliqués dans le financement de l'aide au développement ?
Mesdames, Messieurs,
Depuis la Conférence de Monterrey, que de changements ! Les équilibres mondiaux se recomposent, pratiquement sous nos yeux, et l'idée d'une régulation accrue de la mondialisation a fait son chemin, comme l'a rappelé avec force le président de la République. Or la crise financière que traverse aujourd'hui le monde ne peut que renforcer notre volonté. Elle impose à la communauté internationale de compléter grâce à ces mécanismes innovants, l'aide traditionnelle et les flux privés, tout en réfléchissant à une meilleure régulation de la mondialisation. Ces mécanismes innovants pourront servir les deux objectifs.
Enfin et surtout, en conformité avec l'orientation majeure de cette conférence, ils devront continuer à être élaborés en associant pays du Nord, pays du Sud, ONG et organisations internationales.
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 décembre 2008