Texte intégral
Nous devions parler de l'Ukraine et de la Géorgie. Vous avez vu que nous avons obtenu un document commun. Le fameux MAP n'a pas été évoqué, sinon pour dire qu'il faudra un jour en décider : pour l'Ukraine comme pour la Géorgie, pour des raisons différentes, les conditions qui avaient été évoquées à Bucarest ne sont pas remplies aujourd'hui. Les deux commissions qui travaillent avec l'Ukraine et avec la Géorgie doivent continuer leurs travaux. Il ne nous semblait pas possible d'aller plus loin, mais la question se posera un jour bien entendu.
Nous avons par ailleurs très clairement et très largement parlé du dialogue avec la Russie, avec beaucoup de calme, d'intérêt et de propositions positives qui se sont fait jour. Sans illusion, en gardant les yeux ouverts, nous avons évoqué le rôle de la Présidence française du Conseil de l'Union européenne au moment de la crise de la Géorgie. Du point de vue de la France, nous avons souligné combien il était nécessaire d'entretenir les relations avec ce grand voisin.
Cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas attentifs à la façon dont ces relations se développent. Cela ne veut pas dire non plus que nous sommes pressés de définir très précisément cet espace économique commun qui a été évoqué par le président Sarkozy - en particulier au Sommet d'Evian - et que nous devons, dès maintenant, définir ce que devrait être la sécurité européenne. Cependant, la façon dont les problèmes ont été évoqués par les uns et par les autres est très intéressante et laisse complètement ouvertes toutes les possibilités qui vont se faire jour dans les semaines, dans les mois qui viennent entre la Russie et l'OTAN au bon soin du Secrétaire général. C'est à lui d'imprimer le rythme, de rencontrer les ambassadeurs et d'entamer ou de retrouver le dialogue nécessaire.
De notre point de vue, il n'y a pas d'autres solutions avec ces voisins auxquels nous lie l'histoire et l'économie que de leur parler. Il n'y a pas d'autres moyens pour s'assurer de leurs sentiments, de leur perspective, de leurs soucis, et même de leurs exigences. Voilà ce qui aujourd'hui nous a paru être un grand progrès avec la participation très intense de tous au sein de l'Alliance atlantique.
Q - Aujourd'hui, vous avez pris la décision de ne pas intégrer la Géorgie au MAP, qu'est-ce que ce programme national annuel signifie ? S'agit-il d'un pas en avant ou simplement d'une avancée diplomatique pour calmer le jeu avec la Géorgie et la Russie ? De quelle sorte de signal s'agit-il pour la Russie ?
R - Il n'est pas question de la Russie dans cette démarche. Il s'agit d'une question impliquant l'OTAN et la Géorgie. Nous devions adopter une position commune entre différentes nations et différentes opinions, et nous l'avons fait. Cela signifie que des progrès ont été faits entre l'OTAN et la Géorgie, mais il reste encore beaucoup à faire. Nous ne reportons pas indéfiniment ce débat, nous avons souligné les lacunes et dans la conjoncture actuelle, une telle adhésion était impossible.
Par conséquent, il ne s'agissait pas seulement de considérer le point de vue russe, mais également notre propre point de vue et celui de la Géorgie.
Quant à l'Ukraine, nous sommes dans le même cas de figure, même s'il ne s'agit pas des mêmes raisons. Nous devons considérer l'implication nationale, le processus démocratique en cours.
Que devions-nous attendre des discussions relatives au MAP aujourd'hui ? Pas grand chose. A Bucarest, nous avions dit, et nous le confirmons aujourd'hui, qu'il revenait au ministre des Affaires étrangères de définir la feuille de route. C'est un processus qui est toujours en cours.
Les conditions n'étaient pas totalement précises aujourd'hui, nous avons néanmoins pris clairement nos responsabilités ensemble, avec une attitude commune et une déclaration conjointe dont vous avez eu connaissance.
Q - Vous avez dit que vous n'aviez pas évoqué le MAP du fait de nombreuses raisons. Quelles sont ces raisons ? Quels critères la Géorgie n'a-t-elle pas remplis ? L'un de vos homologues allemand a déclaré, aujourd'hui, que le Caucase et la Géorgie n'étaient pas une région stable. Que doit-on faire ? Quelles sont les raisons pour lesquelles vous n'avez pas évoqué le MAP aujourd'hui ?
R - Je ne souhaite pas revenir sur l'ensemble des raisons. Vous savez que nous sommes attentifs, que nous avons été présents et nous avons fait tout ce que nous pouvions faire, ce qui a été accepté par l'ensemble de la communauté internationale. Nous nous sommes rendus en Géorgie et nous avons mis fin aux combats, obtenant un cessez-le-feu, le retrait des troupes russes et finalement la tenue de négociations à Genève. Nous nous sommes réjouis des conclusions du deuxième sommet de Genève, les parties se sont parlé et c'est le début d'un accord politique, nous ne savons pas pour quand quand mais c'est un début dont il convient de se réjouir.
Q - Monsieur le Ministre, je souhaiterais vous poser une question relative à la situation au Moyen-Orient. Pensez-vous que le Processus d'Annapolis et les promesses du président Bush concernant la création d'un Etat palestinien soient morts. Qu'en est-il du siège de Gaza ?
R - Le Processus d'Annapolis est très important. Il y avait au début un certain scepticisme quant à ce processus, aujourd'hui beaucoup moins. Nous devons poursuivre ce qui a été mis en place et j'espère que la nouvelle administration américaine, avec le président Obama et sa secrétaire d'Etat, Hillary Clinton, soutiendra cette initiative en permettant ainsi d'aller de l'avant. Je souhaiterais exprimer également ma considération à l'égard de Condoleezza Rice, qui s'est montrée particulièrement impliquée dans ce dossier. On pourrait dire que le Processus d'Annapolis est un peu le processus de Condoleezza. Elle a reconnu les efforts des deux parties, et essayé que les conditions soient remplies, mais c'est très difficile.
Je crois qu'il est impossible de recommencer un nouveau processus. Les Israéliens et les Palestiniens se parlent, il y a eu plusieurs rencontres comme celle du Quartet à Charm el-Cheikh, il est prévu également une réunion le 15 décembre à New York. Je ne sais pas si je pourrais y être présent, mais sincèrement je crois au Processus d'Annapolis.
Et ce n'est pas seulement ma propre opinion personnelle, les Palestiniens et les Israéliens, croient, eux aussi, au Processus d'Annapolis. Pour le moment, Abu Mazen devrait continuer à assumer ses responsabilités une année supplémentaire et Israël attend la formation d'un nouveau gouvernement, ce qui rend difficile la situation, mais je crois que nous sommes en bonne voie.
Q - Au sujet de Gaza ?
R - Je connais bien la situation à Gaza. Nous l'avons d'ailleurs évoqué ce matin dans le but de préparer le déjeuner de travail dont le thème portait sur les questions méditerranéennes. Effectivement, la situation actuelle est délicate parce qu'il n'y a pas de libre accès et un embargo sur les provisions. Nous avons demandé aux Israéliens de lever les check points, et j'espère qu'ils le feront dans quelques heures ou peut-être jours.
De notre côté, nous - la France et l'Union européenne - faisons parvenir une aide humanitaire, et nous ne le faisons pas au nom de l'OTAN étant donné que l'OTAN n'est pas concernée.
Q - Monsieur le Ministre, une question sur la Macédoine si vous me le permettez. J'aimerais savoir si vous en avez parlé aujourd'hui. La question du "non" sera-t-elle résolue sous peu ? Voyez-vous un plan B pour la Macédoine si elle ne rejoint pas l'OTAN ?
R - Nous n'avons pas parlé de cette question. Nous avons évoqué la Macédoine seulement à propos des Balkans et des progrès faits dans cette région. Jean-Pierre Jouyet, mon secrétaire d'Etat aux Affaires européennes s'est rendu en Macédoine il y a quelques jours. Il en a ramené une excellente impression mais, honnêtement, je ne peux pas me mettre à la place ni de l'ARYM ni de la Grèce.
J'ai vraiment essayé de les aider mais il y a là un problème en soi, pas simplement pour l'adhésion dans l'Union européenne mais plus largement avec le reste des Balkans occidentaux. Il faut vraiment que ces deux pays fassent un effort pour trouver une attitude commune, un nom acceptable par les deux côtés. Vous savez, il faut l'unanimité dans l'Union européenne. Nous n'en avons pas parlé. Je me rendrai en Macédoine bientôt, dès que j'en aurais le temps. Nous étions un peu pris par les problèmes du Kosovo où cela ne va pas si mal que cela. L'équilibre est fragile dans les Balkans.
Q - Comment évaluez-vous le dialogue entre l'Alliance atlantique et les pays méditerranéens ? Ce dialogue ne rejoint-il pas un peu le dialogue pour la Méditerranée que le président Sarkozy a lancé ?
R - Pour répondre à votre question, tout à l'heure au déjeuner, j'étais devant les quarante-trois pays de l'Union pour la Méditerranée. C'était le même dialogue, la même nécessité de reconnaître à la fois cette formidable culture qui nous a tous conditionnés et, en même temps, les difficultés réelles entre la Rive sud et la Rive Nord de la Méditerranée.
C'était très intéressant de donner l'exemple de ce qui s'est passé pour l'Union pour la Méditerranée, en particulier à la rencontre de Marseille où des progrès ont été rendus possibles. Je suis extrêmement heureux d'avoir pu constituer avec tous nos amis, les quarante-trois pays, un secrétariat général avec je l'espère dans quelques temps un secrétaire général et six secrétaires généraux adjoints, dont l'un est israélien et un autre palestinien.
Finalement, ce qui a différencié le dialogue avec l'Alliance atlantique, c'est que l'Union pour la Méditerranée s'articule autour de projets très forts : les autoroutes de la mer, le plan solaire... Il s'agit là d'actions qui, je l'espère, se développeront, et qui représentent une différence importante. Si j'en crois les dernières nouvelles qui m'ont été données, les financements commencent à venir et, en période de crise, ce sont des informations tout à fait notables.
Q - Vous êtes un très bon connaisseur de la situation dans les Balkans et surtout du Kosovo. Vous avez dit que les choses ne vont pas aussi mal qu'on puisse l'imaginer mais aujourd'hui EULEX n'a pas été déployée. Il y a eu des manifestations au Kosovo. Croyez-vous que cela peut compliquer les choses ?
R - Je crois que EULEX sera déployée dans quelques jours. Si on est prudent, si on ne procède pas avec brutalité, si on prend en compte les intérêts des uns et des autres, de mes amis les Kosovars et de mes amis les Serbes, je pense que vous aurez une bonne surprise dans quelque temps.
Cela n'a pas été simple. Les obstacles juridiques étaient majeurs entre la MINUK et EULEX. Il est nécessaire que l'Europe prenne en charge cette partie des Balkans qui je l'espère sera une partie intégrante de l'Union européenne au plus vite, selon les procédures habituelles, sans rien heurter, sans rien précipiter.
Je pense que l'on peut dire, mais je ne suis pas du tout sûr de moi, que c'est un processus sur dix ans. Les choses évoluent plutôt positivement, mais je peux me tromper. J'ai l'impression que ces derniers temps cela n'a pas été facile du côté kosovar. On a eu l'impression de plus de compréhension du côté serbe; avant c'était le contraire. J'espère que cela continuera et que cette alternance, un jour, pourra s'équilibrer avec des rapports qui permettront aux Serbes et aux Kosovars de se parler, d'entretenir un commerce normal et de se diriger tous deux vers l'Union européenne.
Q - En ce qui concerne le dialogue avec la Russie, pensez-vous que la décision de l'Union européenne d'aujourd'hui de relancer les négociations a joué un rôle majeur sur la décision de l'OTAN aujourd'hui ?
R - Nous avons en effet expliqué ce projet et de nombreux orateurs en ont parlé pendant la séance plénière. Nous avons ensuite eu des contacts bilatéraux qui font la richesse de ces réunions de l'Alliance atlantique. Nous en avons parlé, mais juste comme une proposition ouverte. A Evian, à l'occasion de la rencontre avec le président Medvedev, ou à Nice lors du sommet Union européenne - Russie, nous ne pensions pas du tout proposer un document final, bouclé, avec une sécurité européenne précisément mise au point. Nous pensions qu'il était nécessaire d'ouvrir le champ et de dialoguer parce que nous sommes voisins. Comme vous le savez, nous avons évoqué un sommet de l'OSCE.
Pourquoi un sommet de l'OSCE ? Parce que c'est le seul endroit de notre point de vue où les Russes, les Américains, les Géorgiens, les Ukrainiens se rencontrent. Il nous semblait possible d'évoquer une rencontre de l'OSCE qui permettrait de mieux nourrir ce débat qui s'est amorcé très modestement, sans aucune répulsion, sans aucune réticence.
Q - Est-il possible pour l'Ukraine de devenir pays membre de l'OTAN sans MAP (sans Membership Action Plan) ? Et la seconde question : en France, on dit que l'Ukraine doit se concentrer davantage sur l'intégration dans l'Union européenne que dans l'OTAN. Qu'en pensez-vous ?
R - Quand on a un MAP, on a eu l'intégration : cela s'est toujours passé ainsi jusqu'à présent. Pour le moment, nous avons constaté que des progrès restaient à faire. J'en reste là parce que c'est la position commune. La situation intérieure de l'Ukraine ne semble pas très précise. Nous attendons. J'espère que vous attendez aussi une clarification sur l'Alliance : les possibilités, le gouvernement, etc. Nous avons reçu, comme vous le savez, il n'y a pas longtemps, le président Iouchtchenko. Malheureusement, il n'était pas venu avec son Premier ministre ; il semble que cela ne soit pas possible de venir ensemble pour le moment. C'est une affaire intérieure à l'Ukraine ; nous en prenons acte.
Maintenant, est-ce qu'il vaut mieux une adhésion à l'Union européenne ? C'est la même chose. L'Union européenne et l'Ukraine se sont fixé l'objectif d'un partenariat important et nous allons y travailler. Nous sommes d'accord avec cela et des progrès seront faits. Il y a aussi une commission entre l'Alliance atlantique et l'Ukraine. Je ne peux pas préjuger de l'avenir mais rien n'est fermé.
Q - Quels sont vos espoirs pour le prochain sommet de l'OTAN en France ?
R - Le prochain sommet de l'OTAN se déroulera en avril, à Kehl et à Strasbourg. J'espère que ce sera l'occasion d'approfondir, en tout cas c'est un des buts, une définition plus adaptée de l'Alliance atlantique. Tout le monde a évoqué cette nécessité.
Il y a quinze ou vingt ans, il était très difficile de penser que l'Alliance atlantique, qui était née de la guerre froide, qui s'opposait au Pacte de Varsovie, serait engagée au Kosovo et en Afghanistan, comme elle l'est aujourd'hui.
Doit-on désormais en tirer un certain nombre de leçons ? Sûrement, mais le monde tourne à toute vitesse. Nous étions évidemment bien incapables de prévoir les attentats du 11 septembre, ni ceux de Bombay. Nous allons donc parler de tout cela. Le prochain sommet de l'OTAN en sera l'occasion. Nous allons faire le point sur bien des sujets.
Aujourd'hui, c'était vraiment une réunion très positive. Il y avait, je le souligne, l'Albanie et la Croatie, que je n'ai pas salué tout à l'heure, qui étaient présentes et qui ont également pris la parole. Voilà une raison supplémentaire d'avoir confiance dans cette Alliance.
Nous pensons pouvoir tenir toute notre place au sein de l'OTAN, sans oublier, nous l'avons dit plusieurs fois, la défense européenne. Je précise une fois de plus que le monde avance à grande vitesse et que l'OTAN doit avancer aussi vite dans ses définitions et dans les tâches qui lui incombe.
Q - Mais des divisions existent ?
R - Quelles divisions existent aujourd'hui, alors que nous avons fait, si j'ose dire, un programme commun ? Il n'y a pas de divisions dans les résolutions qui ont été adoptées ; il reste seulement encore une petite différence à propos de la Russie sur deux ou trois adjectifs. Vous savez, au cours des réunions, les positions respectives font l'objet de négociations, mais elles ne sont pas contradictoires, elles sont complémentaires.
Sur l'Ukraine et la Géorgie, tout le monde pensait que nous n'allions pas trouver une position commune. Eh bien, nous avons trouvé une position commune ! Et je crois qu'elle est juste. Ce n'est pas pour dire du mal, certainement pas de l'Ukraine, ni même de la Géorgie, mais les conditions sont telles que l'octroi d'un MAP n'est pas possible.
De plus, nous devons, c'est mon point de vue, dialoguer avec la Russie avec précaution. Et je pense que cela aussi est accepté. Je crois que le document sera prêt.
Q - La France et la Présidence française de l'Union européenne, à de multiples reprises, vous avez espéré, souhaité que la prochaine administration américaine oeuvrera pour le multilatéralisme, pour un renouvellement du partenariat. Hier, M. Obama, a abondé dans ce sens et présenté la nomination d'Hillary Clinton. Q'en pensez-vous ?
R - J'en pense beaucoup de bien. J'ai de l'amitié pour Mme Rice et je la regretterai.. Mme Rice est une formidable figure de ténacité, d'intelligence, d'obstination... Nous n'étions pas toujours d'accord mais je salue son talent, son intelligence, tout ce qu'elle nous a apporté.
Je connais bien Hillary Clinton. Je l'ai déjà félicitée et j'aurai l'occasion de la rencontrer bientôt, à partir du 20 janvier. Nous avons reçu M. Obama. Il a dit qu'il voulait travailler avec l'Europe ; cela tombe très bien car nous aussi nous souhaitons travailler avec les Etats-Unis.
Hier, lorsque j'ai eu connaissance de la liste complète de ceux qui avaient été nommés aussi bien au Conseil national de sécurité qu'aux secrétariats d'Etat des Etats-Unis, j'ai fait parvenir au président Obama le document des Vingt-sept sur le dialogue transatlantique. Il s'agit de travailler ensemble, d'essayer de décider ensemble, d'appliquer les décisions et d'être proche les uns des autres. Nous attendons maintenant les réactions américaines.
Je pense qu'avec le président Obama - sans produire des prédictions définitives - rien ne sera plus comme avant quant à la place des Etats-Unis, qui demeureront cette puissance extrêmement importante, certainement la plus importante, mais qui ne sera plus seule. Je pense que le président Obama ne souhaite pas qu'elle soit seule. Je pense surtout que ce n'est plus possible.
Il y a tellement de choses à faire dans ce monde qui tourne si vite. Cette élection du président américain a eu une dimension mondiale. C'est la première élection sur la planète où tout le monde avait un avis ; nous en attendons donc beaucoup : la crise mondiale, la finance, l'économie, bientôt le social.
Regardez ce qui se passe en Afrique. Regardez ce qui se passe au Congo. Regardez ce qui se passe de la Mauritanie à la Somalie, du Zimbabwe au Darfour... Nous sommes incapables, les uns et les autres, de faire respecter ce que j'ai été personnellement tellement heureux de proposer en partie au monde : le droit d'ingérence, la responsabilité de protéger.
Sur la régulation économique, il y a là encore un chantier considérable - pour le moment la nouvelle équipe qui a été constituée en partie pour les questions économiques ne s'est pas prononcée sur les réformes que nous proposions à Washington devant le G20. Il y a de l'espoir, mais nous savons combien la situation est difficile - je parle au nom de la Présidence de l'Union européenne - et combien les incertitudes sont très grandes.
Pour la première fois, les incertitudes sont plus importantes dans le monde riche que dans le monde en développement. Ce n'est pas parce que le monde riche est fragile qu'il faut négliger le monde en développement. C'est d'ailleurs le sens de la présence du président Sarkozy, président de l'Union européenne, seul représentant occidental à Doha, pour dire: "Nous n'abandonnons pas l'aide au développement". La situation est difficile en ce moment, très difficile. Mais, nous avons fait un petit progrès et nous continuons, c'est fondamental.
Dans une période de crise comme celle que nous visons, il est difficile de s'occuper en même temps du paquet "énergie-climat", du monde en développement que nous devons continuer à soutenir, des exigences de défense européenne dont j'ai parlées, etc.
Q - La France a lancé une initiative pour une Conférence sur l'Afghanistan, le 15 décembre prochain. Qu'en est-il ? Ne croyez-vous pas que la brèche ouverte entre le président Karzaï et les Taliban est un peu inquiétante ?
R - Ce qui est inquiétant, ce sont les Taliban, pas le président Karzaï. Une conférence est prévue à la fin de semaine prochaine avec les voisins de l'Afghanistan, comme nous l'avons tous souhaité. Cette conférence permettra surtout d'écouter les pays voisins de l'Afghanistan que nous avons déjà eu l'occasion de rencontrer lors du sommet très intéressant entre l'Union européenne et les pays d'Asie centrale. Nous avons dit à ce moment-là qu'il faillait vraiment écouter les représentants de ces pays qui, je l'espère, viendront tous, malgré les difficultés actuelles entre l'Inde et le Pakistan. Nous pensons que la solution, s'il y en a une, c'est d'abord d'écouter les gens.
Donc, sur l'Afghanistan le président Karzaï a dit qu'il voulait dialoguer. C'est un progrès, à mon avis, considérable. Maintenant, c'est aux Afghans de parler entre eux avant tout et d'offrir un format adéquat. Le président Karzaï a parlé au mollah Omar deux fois. Un dialogue national doit avoir lieu, j'en suis tout à fait sûr.
Il n'y aura pas de solution uniquement militaire mais il y a une solution de sécurisation nécessaire pour donner confiance aux Afghans, à l'armée afghane, au gouvernement afghan et à cette démocratie qui s'affirme, même si elle est imparfaite.
En tout cas, je suis très désireux d'entendre les pays voisins : le Pakistan, l'Iran, etc. Je suis tout à fait sûr que ce sera intéressant. Mais nous n'attendons pas de solutions miracles et à la sortie de cette rencontre, nous aurons une recette pour la paix en Afghanistan.
Q - Le président Sarkozy rencontrera-t-il le Dalaï-Lama ?
R - Oui Monsieur.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 décembre 2008
Nous avons par ailleurs très clairement et très largement parlé du dialogue avec la Russie, avec beaucoup de calme, d'intérêt et de propositions positives qui se sont fait jour. Sans illusion, en gardant les yeux ouverts, nous avons évoqué le rôle de la Présidence française du Conseil de l'Union européenne au moment de la crise de la Géorgie. Du point de vue de la France, nous avons souligné combien il était nécessaire d'entretenir les relations avec ce grand voisin.
Cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas attentifs à la façon dont ces relations se développent. Cela ne veut pas dire non plus que nous sommes pressés de définir très précisément cet espace économique commun qui a été évoqué par le président Sarkozy - en particulier au Sommet d'Evian - et que nous devons, dès maintenant, définir ce que devrait être la sécurité européenne. Cependant, la façon dont les problèmes ont été évoqués par les uns et par les autres est très intéressante et laisse complètement ouvertes toutes les possibilités qui vont se faire jour dans les semaines, dans les mois qui viennent entre la Russie et l'OTAN au bon soin du Secrétaire général. C'est à lui d'imprimer le rythme, de rencontrer les ambassadeurs et d'entamer ou de retrouver le dialogue nécessaire.
De notre point de vue, il n'y a pas d'autres solutions avec ces voisins auxquels nous lie l'histoire et l'économie que de leur parler. Il n'y a pas d'autres moyens pour s'assurer de leurs sentiments, de leur perspective, de leurs soucis, et même de leurs exigences. Voilà ce qui aujourd'hui nous a paru être un grand progrès avec la participation très intense de tous au sein de l'Alliance atlantique.
Q - Aujourd'hui, vous avez pris la décision de ne pas intégrer la Géorgie au MAP, qu'est-ce que ce programme national annuel signifie ? S'agit-il d'un pas en avant ou simplement d'une avancée diplomatique pour calmer le jeu avec la Géorgie et la Russie ? De quelle sorte de signal s'agit-il pour la Russie ?
R - Il n'est pas question de la Russie dans cette démarche. Il s'agit d'une question impliquant l'OTAN et la Géorgie. Nous devions adopter une position commune entre différentes nations et différentes opinions, et nous l'avons fait. Cela signifie que des progrès ont été faits entre l'OTAN et la Géorgie, mais il reste encore beaucoup à faire. Nous ne reportons pas indéfiniment ce débat, nous avons souligné les lacunes et dans la conjoncture actuelle, une telle adhésion était impossible.
Par conséquent, il ne s'agissait pas seulement de considérer le point de vue russe, mais également notre propre point de vue et celui de la Géorgie.
Quant à l'Ukraine, nous sommes dans le même cas de figure, même s'il ne s'agit pas des mêmes raisons. Nous devons considérer l'implication nationale, le processus démocratique en cours.
Que devions-nous attendre des discussions relatives au MAP aujourd'hui ? Pas grand chose. A Bucarest, nous avions dit, et nous le confirmons aujourd'hui, qu'il revenait au ministre des Affaires étrangères de définir la feuille de route. C'est un processus qui est toujours en cours.
Les conditions n'étaient pas totalement précises aujourd'hui, nous avons néanmoins pris clairement nos responsabilités ensemble, avec une attitude commune et une déclaration conjointe dont vous avez eu connaissance.
Q - Vous avez dit que vous n'aviez pas évoqué le MAP du fait de nombreuses raisons. Quelles sont ces raisons ? Quels critères la Géorgie n'a-t-elle pas remplis ? L'un de vos homologues allemand a déclaré, aujourd'hui, que le Caucase et la Géorgie n'étaient pas une région stable. Que doit-on faire ? Quelles sont les raisons pour lesquelles vous n'avez pas évoqué le MAP aujourd'hui ?
R - Je ne souhaite pas revenir sur l'ensemble des raisons. Vous savez que nous sommes attentifs, que nous avons été présents et nous avons fait tout ce que nous pouvions faire, ce qui a été accepté par l'ensemble de la communauté internationale. Nous nous sommes rendus en Géorgie et nous avons mis fin aux combats, obtenant un cessez-le-feu, le retrait des troupes russes et finalement la tenue de négociations à Genève. Nous nous sommes réjouis des conclusions du deuxième sommet de Genève, les parties se sont parlé et c'est le début d'un accord politique, nous ne savons pas pour quand quand mais c'est un début dont il convient de se réjouir.
Q - Monsieur le Ministre, je souhaiterais vous poser une question relative à la situation au Moyen-Orient. Pensez-vous que le Processus d'Annapolis et les promesses du président Bush concernant la création d'un Etat palestinien soient morts. Qu'en est-il du siège de Gaza ?
R - Le Processus d'Annapolis est très important. Il y avait au début un certain scepticisme quant à ce processus, aujourd'hui beaucoup moins. Nous devons poursuivre ce qui a été mis en place et j'espère que la nouvelle administration américaine, avec le président Obama et sa secrétaire d'Etat, Hillary Clinton, soutiendra cette initiative en permettant ainsi d'aller de l'avant. Je souhaiterais exprimer également ma considération à l'égard de Condoleezza Rice, qui s'est montrée particulièrement impliquée dans ce dossier. On pourrait dire que le Processus d'Annapolis est un peu le processus de Condoleezza. Elle a reconnu les efforts des deux parties, et essayé que les conditions soient remplies, mais c'est très difficile.
Je crois qu'il est impossible de recommencer un nouveau processus. Les Israéliens et les Palestiniens se parlent, il y a eu plusieurs rencontres comme celle du Quartet à Charm el-Cheikh, il est prévu également une réunion le 15 décembre à New York. Je ne sais pas si je pourrais y être présent, mais sincèrement je crois au Processus d'Annapolis.
Et ce n'est pas seulement ma propre opinion personnelle, les Palestiniens et les Israéliens, croient, eux aussi, au Processus d'Annapolis. Pour le moment, Abu Mazen devrait continuer à assumer ses responsabilités une année supplémentaire et Israël attend la formation d'un nouveau gouvernement, ce qui rend difficile la situation, mais je crois que nous sommes en bonne voie.
Q - Au sujet de Gaza ?
R - Je connais bien la situation à Gaza. Nous l'avons d'ailleurs évoqué ce matin dans le but de préparer le déjeuner de travail dont le thème portait sur les questions méditerranéennes. Effectivement, la situation actuelle est délicate parce qu'il n'y a pas de libre accès et un embargo sur les provisions. Nous avons demandé aux Israéliens de lever les check points, et j'espère qu'ils le feront dans quelques heures ou peut-être jours.
De notre côté, nous - la France et l'Union européenne - faisons parvenir une aide humanitaire, et nous ne le faisons pas au nom de l'OTAN étant donné que l'OTAN n'est pas concernée.
Q - Monsieur le Ministre, une question sur la Macédoine si vous me le permettez. J'aimerais savoir si vous en avez parlé aujourd'hui. La question du "non" sera-t-elle résolue sous peu ? Voyez-vous un plan B pour la Macédoine si elle ne rejoint pas l'OTAN ?
R - Nous n'avons pas parlé de cette question. Nous avons évoqué la Macédoine seulement à propos des Balkans et des progrès faits dans cette région. Jean-Pierre Jouyet, mon secrétaire d'Etat aux Affaires européennes s'est rendu en Macédoine il y a quelques jours. Il en a ramené une excellente impression mais, honnêtement, je ne peux pas me mettre à la place ni de l'ARYM ni de la Grèce.
J'ai vraiment essayé de les aider mais il y a là un problème en soi, pas simplement pour l'adhésion dans l'Union européenne mais plus largement avec le reste des Balkans occidentaux. Il faut vraiment que ces deux pays fassent un effort pour trouver une attitude commune, un nom acceptable par les deux côtés. Vous savez, il faut l'unanimité dans l'Union européenne. Nous n'en avons pas parlé. Je me rendrai en Macédoine bientôt, dès que j'en aurais le temps. Nous étions un peu pris par les problèmes du Kosovo où cela ne va pas si mal que cela. L'équilibre est fragile dans les Balkans.
Q - Comment évaluez-vous le dialogue entre l'Alliance atlantique et les pays méditerranéens ? Ce dialogue ne rejoint-il pas un peu le dialogue pour la Méditerranée que le président Sarkozy a lancé ?
R - Pour répondre à votre question, tout à l'heure au déjeuner, j'étais devant les quarante-trois pays de l'Union pour la Méditerranée. C'était le même dialogue, la même nécessité de reconnaître à la fois cette formidable culture qui nous a tous conditionnés et, en même temps, les difficultés réelles entre la Rive sud et la Rive Nord de la Méditerranée.
C'était très intéressant de donner l'exemple de ce qui s'est passé pour l'Union pour la Méditerranée, en particulier à la rencontre de Marseille où des progrès ont été rendus possibles. Je suis extrêmement heureux d'avoir pu constituer avec tous nos amis, les quarante-trois pays, un secrétariat général avec je l'espère dans quelques temps un secrétaire général et six secrétaires généraux adjoints, dont l'un est israélien et un autre palestinien.
Finalement, ce qui a différencié le dialogue avec l'Alliance atlantique, c'est que l'Union pour la Méditerranée s'articule autour de projets très forts : les autoroutes de la mer, le plan solaire... Il s'agit là d'actions qui, je l'espère, se développeront, et qui représentent une différence importante. Si j'en crois les dernières nouvelles qui m'ont été données, les financements commencent à venir et, en période de crise, ce sont des informations tout à fait notables.
Q - Vous êtes un très bon connaisseur de la situation dans les Balkans et surtout du Kosovo. Vous avez dit que les choses ne vont pas aussi mal qu'on puisse l'imaginer mais aujourd'hui EULEX n'a pas été déployée. Il y a eu des manifestations au Kosovo. Croyez-vous que cela peut compliquer les choses ?
R - Je crois que EULEX sera déployée dans quelques jours. Si on est prudent, si on ne procède pas avec brutalité, si on prend en compte les intérêts des uns et des autres, de mes amis les Kosovars et de mes amis les Serbes, je pense que vous aurez une bonne surprise dans quelque temps.
Cela n'a pas été simple. Les obstacles juridiques étaient majeurs entre la MINUK et EULEX. Il est nécessaire que l'Europe prenne en charge cette partie des Balkans qui je l'espère sera une partie intégrante de l'Union européenne au plus vite, selon les procédures habituelles, sans rien heurter, sans rien précipiter.
Je pense que l'on peut dire, mais je ne suis pas du tout sûr de moi, que c'est un processus sur dix ans. Les choses évoluent plutôt positivement, mais je peux me tromper. J'ai l'impression que ces derniers temps cela n'a pas été facile du côté kosovar. On a eu l'impression de plus de compréhension du côté serbe; avant c'était le contraire. J'espère que cela continuera et que cette alternance, un jour, pourra s'équilibrer avec des rapports qui permettront aux Serbes et aux Kosovars de se parler, d'entretenir un commerce normal et de se diriger tous deux vers l'Union européenne.
Q - En ce qui concerne le dialogue avec la Russie, pensez-vous que la décision de l'Union européenne d'aujourd'hui de relancer les négociations a joué un rôle majeur sur la décision de l'OTAN aujourd'hui ?
R - Nous avons en effet expliqué ce projet et de nombreux orateurs en ont parlé pendant la séance plénière. Nous avons ensuite eu des contacts bilatéraux qui font la richesse de ces réunions de l'Alliance atlantique. Nous en avons parlé, mais juste comme une proposition ouverte. A Evian, à l'occasion de la rencontre avec le président Medvedev, ou à Nice lors du sommet Union européenne - Russie, nous ne pensions pas du tout proposer un document final, bouclé, avec une sécurité européenne précisément mise au point. Nous pensions qu'il était nécessaire d'ouvrir le champ et de dialoguer parce que nous sommes voisins. Comme vous le savez, nous avons évoqué un sommet de l'OSCE.
Pourquoi un sommet de l'OSCE ? Parce que c'est le seul endroit de notre point de vue où les Russes, les Américains, les Géorgiens, les Ukrainiens se rencontrent. Il nous semblait possible d'évoquer une rencontre de l'OSCE qui permettrait de mieux nourrir ce débat qui s'est amorcé très modestement, sans aucune répulsion, sans aucune réticence.
Q - Est-il possible pour l'Ukraine de devenir pays membre de l'OTAN sans MAP (sans Membership Action Plan) ? Et la seconde question : en France, on dit que l'Ukraine doit se concentrer davantage sur l'intégration dans l'Union européenne que dans l'OTAN. Qu'en pensez-vous ?
R - Quand on a un MAP, on a eu l'intégration : cela s'est toujours passé ainsi jusqu'à présent. Pour le moment, nous avons constaté que des progrès restaient à faire. J'en reste là parce que c'est la position commune. La situation intérieure de l'Ukraine ne semble pas très précise. Nous attendons. J'espère que vous attendez aussi une clarification sur l'Alliance : les possibilités, le gouvernement, etc. Nous avons reçu, comme vous le savez, il n'y a pas longtemps, le président Iouchtchenko. Malheureusement, il n'était pas venu avec son Premier ministre ; il semble que cela ne soit pas possible de venir ensemble pour le moment. C'est une affaire intérieure à l'Ukraine ; nous en prenons acte.
Maintenant, est-ce qu'il vaut mieux une adhésion à l'Union européenne ? C'est la même chose. L'Union européenne et l'Ukraine se sont fixé l'objectif d'un partenariat important et nous allons y travailler. Nous sommes d'accord avec cela et des progrès seront faits. Il y a aussi une commission entre l'Alliance atlantique et l'Ukraine. Je ne peux pas préjuger de l'avenir mais rien n'est fermé.
Q - Quels sont vos espoirs pour le prochain sommet de l'OTAN en France ?
R - Le prochain sommet de l'OTAN se déroulera en avril, à Kehl et à Strasbourg. J'espère que ce sera l'occasion d'approfondir, en tout cas c'est un des buts, une définition plus adaptée de l'Alliance atlantique. Tout le monde a évoqué cette nécessité.
Il y a quinze ou vingt ans, il était très difficile de penser que l'Alliance atlantique, qui était née de la guerre froide, qui s'opposait au Pacte de Varsovie, serait engagée au Kosovo et en Afghanistan, comme elle l'est aujourd'hui.
Doit-on désormais en tirer un certain nombre de leçons ? Sûrement, mais le monde tourne à toute vitesse. Nous étions évidemment bien incapables de prévoir les attentats du 11 septembre, ni ceux de Bombay. Nous allons donc parler de tout cela. Le prochain sommet de l'OTAN en sera l'occasion. Nous allons faire le point sur bien des sujets.
Aujourd'hui, c'était vraiment une réunion très positive. Il y avait, je le souligne, l'Albanie et la Croatie, que je n'ai pas salué tout à l'heure, qui étaient présentes et qui ont également pris la parole. Voilà une raison supplémentaire d'avoir confiance dans cette Alliance.
Nous pensons pouvoir tenir toute notre place au sein de l'OTAN, sans oublier, nous l'avons dit plusieurs fois, la défense européenne. Je précise une fois de plus que le monde avance à grande vitesse et que l'OTAN doit avancer aussi vite dans ses définitions et dans les tâches qui lui incombe.
Q - Mais des divisions existent ?
R - Quelles divisions existent aujourd'hui, alors que nous avons fait, si j'ose dire, un programme commun ? Il n'y a pas de divisions dans les résolutions qui ont été adoptées ; il reste seulement encore une petite différence à propos de la Russie sur deux ou trois adjectifs. Vous savez, au cours des réunions, les positions respectives font l'objet de négociations, mais elles ne sont pas contradictoires, elles sont complémentaires.
Sur l'Ukraine et la Géorgie, tout le monde pensait que nous n'allions pas trouver une position commune. Eh bien, nous avons trouvé une position commune ! Et je crois qu'elle est juste. Ce n'est pas pour dire du mal, certainement pas de l'Ukraine, ni même de la Géorgie, mais les conditions sont telles que l'octroi d'un MAP n'est pas possible.
De plus, nous devons, c'est mon point de vue, dialoguer avec la Russie avec précaution. Et je pense que cela aussi est accepté. Je crois que le document sera prêt.
Q - La France et la Présidence française de l'Union européenne, à de multiples reprises, vous avez espéré, souhaité que la prochaine administration américaine oeuvrera pour le multilatéralisme, pour un renouvellement du partenariat. Hier, M. Obama, a abondé dans ce sens et présenté la nomination d'Hillary Clinton. Q'en pensez-vous ?
R - J'en pense beaucoup de bien. J'ai de l'amitié pour Mme Rice et je la regretterai.. Mme Rice est une formidable figure de ténacité, d'intelligence, d'obstination... Nous n'étions pas toujours d'accord mais je salue son talent, son intelligence, tout ce qu'elle nous a apporté.
Je connais bien Hillary Clinton. Je l'ai déjà félicitée et j'aurai l'occasion de la rencontrer bientôt, à partir du 20 janvier. Nous avons reçu M. Obama. Il a dit qu'il voulait travailler avec l'Europe ; cela tombe très bien car nous aussi nous souhaitons travailler avec les Etats-Unis.
Hier, lorsque j'ai eu connaissance de la liste complète de ceux qui avaient été nommés aussi bien au Conseil national de sécurité qu'aux secrétariats d'Etat des Etats-Unis, j'ai fait parvenir au président Obama le document des Vingt-sept sur le dialogue transatlantique. Il s'agit de travailler ensemble, d'essayer de décider ensemble, d'appliquer les décisions et d'être proche les uns des autres. Nous attendons maintenant les réactions américaines.
Je pense qu'avec le président Obama - sans produire des prédictions définitives - rien ne sera plus comme avant quant à la place des Etats-Unis, qui demeureront cette puissance extrêmement importante, certainement la plus importante, mais qui ne sera plus seule. Je pense que le président Obama ne souhaite pas qu'elle soit seule. Je pense surtout que ce n'est plus possible.
Il y a tellement de choses à faire dans ce monde qui tourne si vite. Cette élection du président américain a eu une dimension mondiale. C'est la première élection sur la planète où tout le monde avait un avis ; nous en attendons donc beaucoup : la crise mondiale, la finance, l'économie, bientôt le social.
Regardez ce qui se passe en Afrique. Regardez ce qui se passe au Congo. Regardez ce qui se passe de la Mauritanie à la Somalie, du Zimbabwe au Darfour... Nous sommes incapables, les uns et les autres, de faire respecter ce que j'ai été personnellement tellement heureux de proposer en partie au monde : le droit d'ingérence, la responsabilité de protéger.
Sur la régulation économique, il y a là encore un chantier considérable - pour le moment la nouvelle équipe qui a été constituée en partie pour les questions économiques ne s'est pas prononcée sur les réformes que nous proposions à Washington devant le G20. Il y a de l'espoir, mais nous savons combien la situation est difficile - je parle au nom de la Présidence de l'Union européenne - et combien les incertitudes sont très grandes.
Pour la première fois, les incertitudes sont plus importantes dans le monde riche que dans le monde en développement. Ce n'est pas parce que le monde riche est fragile qu'il faut négliger le monde en développement. C'est d'ailleurs le sens de la présence du président Sarkozy, président de l'Union européenne, seul représentant occidental à Doha, pour dire: "Nous n'abandonnons pas l'aide au développement". La situation est difficile en ce moment, très difficile. Mais, nous avons fait un petit progrès et nous continuons, c'est fondamental.
Dans une période de crise comme celle que nous visons, il est difficile de s'occuper en même temps du paquet "énergie-climat", du monde en développement que nous devons continuer à soutenir, des exigences de défense européenne dont j'ai parlées, etc.
Q - La France a lancé une initiative pour une Conférence sur l'Afghanistan, le 15 décembre prochain. Qu'en est-il ? Ne croyez-vous pas que la brèche ouverte entre le président Karzaï et les Taliban est un peu inquiétante ?
R - Ce qui est inquiétant, ce sont les Taliban, pas le président Karzaï. Une conférence est prévue à la fin de semaine prochaine avec les voisins de l'Afghanistan, comme nous l'avons tous souhaité. Cette conférence permettra surtout d'écouter les pays voisins de l'Afghanistan que nous avons déjà eu l'occasion de rencontrer lors du sommet très intéressant entre l'Union européenne et les pays d'Asie centrale. Nous avons dit à ce moment-là qu'il faillait vraiment écouter les représentants de ces pays qui, je l'espère, viendront tous, malgré les difficultés actuelles entre l'Inde et le Pakistan. Nous pensons que la solution, s'il y en a une, c'est d'abord d'écouter les gens.
Donc, sur l'Afghanistan le président Karzaï a dit qu'il voulait dialoguer. C'est un progrès, à mon avis, considérable. Maintenant, c'est aux Afghans de parler entre eux avant tout et d'offrir un format adéquat. Le président Karzaï a parlé au mollah Omar deux fois. Un dialogue national doit avoir lieu, j'en suis tout à fait sûr.
Il n'y aura pas de solution uniquement militaire mais il y a une solution de sécurisation nécessaire pour donner confiance aux Afghans, à l'armée afghane, au gouvernement afghan et à cette démocratie qui s'affirme, même si elle est imparfaite.
En tout cas, je suis très désireux d'entendre les pays voisins : le Pakistan, l'Iran, etc. Je suis tout à fait sûr que ce sera intéressant. Mais nous n'attendons pas de solutions miracles et à la sortie de cette rencontre, nous aurons une recette pour la paix en Afghanistan.
Q - Le président Sarkozy rencontrera-t-il le Dalaï-Lama ?
R - Oui Monsieur.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 décembre 2008