Déclaration de M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'Etat à la défense et aux anciens combattants, sur les avancées de l'Europe de la défense et de la sécurité, à Paris le 2 décembre 2008.

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Circonstance : 55ème session plénière de l'Assemblée européenne de sécurité et de défense-Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale, à Paris le 2 décembre 2008

Texte intégral


Monsieur le Président, Jean-Pierre MASSERET,
Monsieur le Rapporteur, Daniel DUCARME (Belgique, groupe libéral : portant sur la réponse au rapport annuel du Conseil ayant trait à « Une stratégie de sécurité et de défense commune »)
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Laissez-moi vous dire, tout d'abord, l'immense plaisir que j'ai à me retrouver parmi vous, dans cet hémicycle d'Iéna où j'ai également siégé en tant que parlementaire français, membre de la délégation pour l'UEO. A quelques mois du dixième anniversaire de la Politique Européenne de Sécurité et de Défense (PESD) définie lors du Sommet d'Helsinki en 1999, la France a souhaité mettre l'Europe de la Défense et sa dimension citoyenne au coeur des priorités de sa présidence. La Politique européenne de sécurité et de défense (PESD) peut ainsi être à la fois le levier et la condition de la relance du projet européen, auquel nous sommes tous ici très attachés. Dix ans après le Sommet de Saint-Malo, « l'Europe de la défense et de la sécurité », reste, en effet, largement plébiscitée par les opinions publiques européennes, comme tend à le démontrer tous les eurobaromètres. Le conflit de cet été entre la Géorgie et la Russie est venu nous rappeler combien l'UE, quand elle est unie et parle d'une seule voix donne réellement corps au projet européen. La mise en place du plan de paix proposé à Moscou et à Tbilissi par le Président de la République, Nicolas Sarkozy, en liaison avec les partenaires européens témoigne de notre volonté d'agir concrètement, nous Européens, pour la sécurité et la stabilité de notre voisinage continental. L'appel pour une conférence des donateurs censée ouvrir la voie à la reconstruction économique et des infrastructures en témoigne. Il en est de même de la volonté d'associer conjointement l'UE et l'OSCE - à travers la création d'une force de police temporaire internationale placée sous leur double égide. L'UE tend ainsi à devenir un acteur global, autonome en matière de défense, de politique étrangère, de sécurité à l'intérieur comme à l'extérieur de ses frontières. Le prochain Conseil européen des 11 et 12 décembre prochains devrait également confirmer les hautes ambitions capacitaires, opérationnelles et industrielles que la PESD souhaite développer pour être mieux entendu dans le monde. Parmi ces objectifs, je pense notamment à la mise à jour de la « Stratégie de sécurité et de défense commune pour l'Europe » (intitulée Pour une Europe sûre dans un monde meilleur) qui, cinq ans après sa présentation par le Haut-Représentant de l'UE et Secrétaire général de l'UEO, Javier SOLANA, mérite un réexamen. La SES se devait d'être actualisée au regard des nouvelles menaces auxquelles nous devons faire face (notamment les nouvelles formes d'insécurités - qu'elles soient d'ordre écologiques, alimentaires, énergétiques, financières...). Je sais l'importance que vous accordez à la révision, en parallèle, du concept stratégique de l'OTAN (1999). Le 60ème Sommet de l'Alliance à Strasbourg / Baden-Baden, en avril prochain, devrait ainsi aboutir à une « Déclaration sur la sécurité de l'Alliance ». Compte tenu de l'appartenance souvent croisée de la majorité de ses membres, un rapprochement entre les deux concepts stratégiques de l'UE et de l'OTAN semble pertinent. Il s'agit, en tout état de cause de rappeler à travers ces deux documents, combien il importe de renforcer notre détermination commune à agir ensemble pour faire face aux grandes menaces d'aujourd'hui (proliférations, terrorisme, effets du réchauffement climatique, raréfaction des sources énergétiques...) sans pour autant dupliquer les moyens. Mais il semble impératif d'apporter une réponse aux besoins de commandement des opérations de l'UE. En effet, la croissance du nombre de missions (une vingtaine à ce jour), le coût de ces dernières, leur nature, militaires ou civilo-militaires, (EUFOR, EUPOL, EULEX) nous impose : - d'assurer la continuité entre la planification stratégique et la planification opérationnelle, notamment dans le cadre du déploiement d'une force de réaction rapide ; - d'assurer une meilleure coordination civilo-militaire dans les opérations de l'UE ; - de renforcer les liens entre l'UE et l'OTAN. La France a ainsi pris une initiative visant à renforcer les capacités européennes de gestion de crises et de planification. Tous ces éléments tendent, en effet, à justifier la création, à Bruxelles, d'une structure permanente réduite. Ce« noyau dur » d'Etat-major opérationnel pourrait être composé d'une cinquantaine d'officiers, qui seraient renforcés selon les besoins (jusqu'à 150 officiers permanents). Cette coordination des moyens militaires européens aurait, par exemple, un effet immédiat direct pour les opérations d'évacuation des ressortissants européens en zone de tensions. L'actualité en Thaïlande de ces derniers jours tend à en confirmer le besoin. Je tenais à saluer, à cet effet, le travail qu'ont réalisé Daniel DUCARME et Doug HENDERSON sur ces deux importants sujets. Concernant le souci de rationalisation des structures existantes qui s'impose, en période de budget contraint, il conviendrait aussi de tendre nettement plus en faveur d'une « mutualisation » de nos forces. Il nous faut développer une culture européenne partagée de la défense, au travers d'une plus grande interopérabilité des hommes et des matériels. J'ai eu l'occasion, à l'école militaire, devant l'ensemble des commandants d'écoles de formations d'officiers et d'universitaires venant de tous les pays européens de lancer le programme d'échanges de jeunes officiers Erasmus militaire. Cette initiative permettra aux jeunes officiers européens d'effectuer une partie de leur formation académique et opérationnelle dans un autre Etat membre. Grâce à ces échanges, c'est une véritable conscience commune européenne de la défense qui naîtra chez les hommes qui la mettent en oeuvre. L'existence depuis 2005 du Collège Européen de Sécurité et de Défense (CESD) complète cette volonté de partage d'expériences. Il convient aussi de pérenniser les passerelles qui doivent être approfondies entre monde de la défense, « thinks tanks », entreprises, fondations et universités. Le renforcement de l'Institut d'Etudes de Sécurité de l'UE de Paris tend à répondre à ce besoin. Par ailleurs, s'agissant des équipements, la projection des forces en opérations, à travers les trois composantes (terre, air, mer) est concernée par quelques programmes emblématiques de coopération communautaires. C'est notamment le cas : pour les hélicoptères lourds de transport dont cherche à se doter l'UE ;pour la flotte européenne de transport aérien (d'ici 2014) ;pour la création d'une unité multinationale d'A-400M. Pour compléter, cette obligation de mutualiser les moyens, une coopération aéronavale européenne ainsi que le développement de la capacité de projection d'une base aérienne deviennent des réalités. Un premier exercice européen se tiendra en France dans les prochaines semaines. D'autre part, dans le domaine de l'information et du renseignement, le développement d'un ambitieux programme spatial européen est en cours. Le programme MUSIS de satellite d'observation militaire qui doit remplacer les satellites actuellement utilisés (Hélios, SAR-Lupe, Cosmo SkyMed) confirme que la fonction « connaissance et anticipation », est devenue un élément déterminant sur les théâtres d'opération. Pour accroître la protection des forces et leur efficacité en opérations, la Présidence française de l'UE a également lancé au sein de l'Agence Européenne de Défense un nouveau programme de déminage maritime à l'horizon 2015. Outre ces projets capacitaires très concrets, le renforcement durable des capacités militaires européennes était également une priorité de notre présidence. Dans ce cadre, l'Agence Européenne de Défense (AED), verra ses moyens financiers et d'actions augmentés sensiblement. En faisant de l'OCCAR (Organisation conjointe de la coopération en matière d'armement) le bras exécutif de l'AED, cette nouvelle gouvernance permettra de garantir la continuité du développement de certains projets européens - depuis la phase de conception jusqu'à celle de production. Nous avons adopté, à cet effet, le budget 2009 de l'Agence, en augmentation malgré un contexte international défavorable (Ce budget s'élève désormais à 30 millions d'euros, soit une augmentation de 2,5 millions d'euros par rapport à 2008). La Présidence française de l'UE, en soutenant son plan de développement des capacités, souhaite que l'AED joue un rôle déterminant dans le développement des capacités européennes critiques. Ce plan s'inscrit dans la mise en place d'une base industrielle et technologique de défense européenne (BITD) crédible. Certes, s'il appartient aux entreprises d'initier les convergences industrielles, c'est bien aux Etats de faciliter la constitution de grands groupes européens de taille mondiale, qui puissent rivaliser avec les groupes industriels américains, en s'appuyant davantage sur un riche réseau de PME innovantes. Pour cela, les 27 ministres de la défense se sont engagés, sur initiative française, sur trois mesures concrètes qui portent déjà leurs fruits : · un effort accru en matière de Recherche & Technologie de défense ( Je rappelle que les Européens tous ensemble dépensent 6 fois moins que les Etats-Unis (67 mds d'euros pour les USA) ; · La mise en place d'un véritable espace européen d'échange d'équipement de défense, au travers du « paquet défense » de la Commission (adoption fin décembre des directives communautaires sur les marchés publics de défense et les transferts intra-communautaires) ; · Le renforcement des PME dans les processus d'acquisition (meilleur accès à la commande publique par exemple). Enfin, la PFUE a poursuivi son action dans la gestion et la résolution des crises internationales. - En BOSNIE, nous avons commencé la planification d'une nouvelle mission qui puisse succéder à l'actuelle opération ALTHEA. Il pourrait s'agir, dans un premier temps, d'une mission de conseil et d'entraînement au profit des autorités bosniennes. - Au TCHAD, l'opération EUFOR Tchad/RCA - après une mise en place quelque peu difficile démontre aujourd'hui sa légitimité. Elle agit notamment au profit des populations civiles affectées par la crise du Darfour, et a permis de sécuriser l'action des organisations humanitaires (près de 80 ONG y travaillent). Cette mission européenne, exemplaire par sa diversité (18 nations y participent) doit désormais être relevée par une mission de l'ONU. La décision du Conseil de sécurité (résolution 1834) mentionnant son intention de déployer une force onusienne en relève d'EUFOR est, par conséquent, une première étape essentielle. Dans cette perspective, la France sera notamment en mesure de proposer des capacités critiques indispensables dans le domaine de la logistique pour le déploiement de la force onusienne en relève d'EUFOR. Enfin, je voudrais terminer mon propos en évoquant la récente initiative franco-espagnole en matière de lutte contre la piraterie. Sur une initiative de Hervé Morin et de la ministre espagnole de la défense Carme Chacon, l'ensemble des Etats membres ont pris la décision de lancer, dans le courant du mois, l'opération navale européenne ATALANTE afin de lutter contre la piraterie au large de la Somalie, dans le Golfe d'Aden (dans le cadre des résolutions 1814, 1816 et 1838 de l'ONU). Cette première opération navale de l'UE, ATALANTE, a pour objectif : - de protéger les convois du Programme Alimentaire Mondial (PAM) ; - d'assurer la libre circulation maritime ; - de surveiller les zones les plus dangereuses. L'opération Atalante sera commandée depuis l'Etat-major opérationnel de Northwood (GB), et mis en oeuvre, dans un premier temps sous commandement britannique (L'exercice antipiraterie qui s'est tenu hier à Toulon, démontre que le dispositif est déjà pleinement opérationnel). Bien évidemment, tous les acteurs concernés, notamment l'OTAN - à travers la Task Force 150 - seront prises en compte pour faire face à ce qui est devenu un fléau mondial de grande ampleur ( comme l'attaque du pétrolier Sirius Star en témoigne). En conclusion, je voudrais souligner à nouveau la réalité et les avancées concrètes de l'Europe de la défense et de la sécurité. Mais il est indispensable qu'un dialogue politique constructif et permanent soit maintenu entre les européens. Je voudrais souligner que la PESD s'inscrit bien dans une triple logique : celle de la nécessité d'une certaine autonomie dans sa phase de planification stratégique et opérationnelle;celle de l'émergence d'une industrie d'armement européenne ;et celle de l'interopérabilité des hommes et des forces qu'ils servent. C'est à nous de construire l'avenir de la défense européenne. J'y mets toute mon énergie car je suis convaincu que l'Europe de la paix, la nôtre et celle que nous apportons à l'extérieur de nos frontières doit mobiliser toutes nos énergies. Je vous remercie pour votre attention et suis, bien évidement, à votre disposition pour répondre à toutes vos questions.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 8 décembre 2008