Texte intégral
Mesdames et Messieurs, chers amis, merci d'avoir pris l'initiative d'organiser ce colloque qui se tient à l'occasion de la journée mondiale de refus de la misère. Avant-hier, à Aubagne, près de Marseille, une délégation des participants à la 7ème table ronde sur la pauvreté et l'exclusion sociale a eu l'occasion de découvrir un écomusée provençal, situé dans un décor de carte postale. L'objet de cette visite n'était cependant pas la distraction : il s'agissait de prendre connaissance des conditions pratiques de mise en oeuvre d'un contrat selon les termes duquel 10 % des travaux devaient être exécutés par des personnes en insertion - contrat passé par la collectivité d'Aubagne, en accord avec l'article 14 du Code des marchés publics. Au total, 2 000 heures ont ainsi pu être consacrées à l'insertion et le chantier a donné lieu à deux embauches.
Comment transformer un acte courant, indispensable au fonctionnement quotidien de l'administration (passer un marché), en un outil en faveur de l'insertion des personnes éloignées de l'emploi et souvent reléguées, de ce fait, dans des situations d'exclusion ? Il s'agit de faire en sorte que des contraintes juridiques deviennent des outils de lutte contre la pauvreté, par diverses manières que les échanges de la journée permettront d'éclairer. On peut, par exemple, réserver une partie de l'exécution d'un marché à des personnes en insertion. On peut aussi choisir d'attribuer le marché au soumissionnaire le plus performant au regard d'objectifs d'insertion préalablement définis. Notre première expérience d'inclusion de clauses sociales concernait la réalisation d'enquêtes confiées à des instituts de sondage. Nous avons tout entendu, de la part de ces derniers, pour le moins sceptiques quant au principe de la démarche, qui a pourtant été menée avec succès.
Le gouvernement français souhaite mobiliser, pour sa part, les clauses d'insertion. Il a pris cet engagement le 9 avril dernier, en se fixant l'objectif d'un recours systématique à ces clauses en vue d'atteindre un taux de recours d'au moins 10 % de ses achats courants aux entreprises d'insertion par l'économique. Ceci suppose une mobilisation des services contrôlés par l'Etat dont une circulaire veillera à définir les conditions. L'engagement des deux entités de Bercy sera indispensable à l'atteinte des objectifs fixés. Ce colloque, à l'organisation duquel Jean-Baptiste de Foucauld a beaucoup contribué, témoigne d'ores et déjà de cet engagement.
Il me semble que la plupart des questions juridiques que posaient les anciennes clauses en faveur du mieux-disant social ont trouvé réponse à ce jour, tant à l'échelle nationale qu'au niveau de l'Union européenne : la sécurité juridique des clauses auxquelles nous prévoyons de recourir est aujourd'hui établie. L'enjeu principal réside donc dans la diffusion de la connaissance de ces clauses et dans leur mise en oeuvre réussie. Un rapport a paru, il y a un an, sur les clauses sociales. Sans préconiser l'ajout de dispositions juridiques nouvelles, il plaidait, de façon plus originale, pour l'utilisation des
dispositions existantes, dont la mise en oeuvre se heurtait parfois à des blocages, notamment du fait d'une connaissance insuffisamment partagée. A l'issue de la journée de Besançon sur les clauses d'achat public, un congressiste m'avait interrogé sur la situation des autres pays européens du point de vue de ces pratiques. Nous aurons l'occasion aujourd'hui d'en savoir davantage. En tout état de cause, il existe une réelle appétence de nos partenaires pour utiliser l'expérience française comme un levier sur ces questions.
Hier, s'est tenue pour la première fois une réunion des ministres des Etats membres de l'Union européenne sur la question de la pauvreté. Il a ainsi été décidé de mettre en place un réseau des bonnes pratiques reliant ces partenaires. L'utilisation des clauses sociales répond pleinement à l'objectif stratégique d'inclusion active qui a fait l'objet d'une recommandation de la Commission européenne, le 15 octobre dernier. Ce concept est simple. Il repose sur trois piliers :
- un revenu minimum, lequel existe dans 25 Etats sur 27 ;
- le retour et l'accompagnement vers l'emploi ;
- l'accès aux services sociaux des personnes les plus défavorisées.
Le principe d'inclusion active consiste à reconnaître qu'il faut miser sur ces trois piliers pour lutter contre la pauvreté, de façon compatible avec les grands principes de notre modèle social et économique. Ainsi, par exemple, si le droit à un revenu minimum est reconnu, le retour à l'emploi ne doit pas se traduire par une perte ou une stagnation de ce revenu. Une stratégie d'inclusion active doit donc s'accompagner de mécanismes garantissant que le retour à l'emploi soit assorti d'une augmentation des revenus.
La mobilisation des outils de retour à l'emploi, dans des conditions maximisant le levier que constitue la commande publique, nous paraît tout à fait importante dans ce cadre. Pouvoirs publics, entreprises classiques, entreprises d'insertion, bénéficiaires de l'insertion se trouvent être des partenaires dans la mise en oeuvre de ces marchés. Tous les Etats européens peuvent être gagnants dans cette démarche. Merci à tous de contribuer à faire connaître les travaux et les réflexions nourris au cours de cette journée.
Source http://www.minefe.gouv.fr, le 4 décembre 2008