Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Nous venons de terminer un Conseil européen qui restera dans l'histoire de l'Europe puisque trois types de grandes décisions ont été prises à l'unanimité. Et je me souviens quand, au dernier Conseil européen, j'avais indiqué que j'avais accepté l'unanimité pour le paquet énergie-climat, un certain nombre avaient écrit qu'en faisant cela, je renonçais, je sacrifiais le paquet énergie-climat. Vous allez voir qu'il n'en est rien.
Première chose, le processus de Lisbonne est relancé. Les Irlandais seront de nouveau consultés. Pour ce faire, nous avons indiqué à l'unanimité que si le traité de Lisbonne était ratifié par tous les Etats membres, chaque Etat membre aurait un commissaire. Si on reste sur Nice, on reste dans une Commission dont le nombre diminuera, si on passe sur Lisbonne, chaque Etat membre aura un commissaire.
Deuxièmement, des engagements politiques ont été donnés aux Irlandais concernant la neutralité, concernant la fiscalité, concernant la famille. Ce sont des thèmes récurrents et importants pour nos amis irlandais. Et nous avons mis sur la table un compromis qui permet d'assurer à chacun qu'il ne sera pas obligé de faire une procédure nouvelle de ratification du Traité de Lisbonne, qu'il n'y aura pas de modification du Traité de Lisbonne. Mais en même temps pour donner une valeur juridique aux engagements politiques des vingt-six Etats membres à l'égard des Irlandais, nous nous sommes engagés à ce qu'au moment du prochain élargissement - est-ce que ce sera 2010, est-ce que ce sera 2011 ? -, au moment où vraisemblablement la Croatie nous rejoindra, à ce moment là de toute manière il faudra un nouveau traité, un traité d'adhésion, ratifié par les vingt-sept Etats membres, puisque l'Europe à ce moment là deviendra vingt-huit. Eh bien nous en profiterons, à ce moment là, pour ajouter au traité d'adhésion de la Croatie un protocole irlandais et, par ailleurs, l'augmentation du nombre des parlementaires européens, comme cela avait été indiqué dans le cadre de la transition Nice-Lisbonne.
Je voudrais dire combien le Premier ministre irlandais a été courageux. Nous avons été, Bernard KOUCHNER et moi-même, en Irlande. Je crois que j'ai eu trois déjeuners de travail avec Brian COWEN, Gordon BROWN a été, comme à son habitude, un Européen extrêmement constructif. Je ne vous cache pas que les discussions ont été longues et précises, encore très tôt ce matin, très longuement ce matin. L'Europe recommence sa marche en avant institutionnelle, elle se dotera d'institutions fortes et je pense que personne ne peut contester aujourd'hui la nécessité d'un président du conseil exerçant un véritable leadership, et pas pour six mois, pour deux ans et demi.
Pour le Président BARROSO et pour moi-même, c'est une très grande satisfaction parce que nous somme engagés pour le Traité de Lisbonne ; il est un peu, quand même, notre enfant. Le non français, la campagne électorale, Lisbonne. Je veux dire également combien la Chancelière MERKEL avait joué un rôle essentiel au moment de l'adoption du traité. C'est une excellente nouvelle pour tous les Européens et je ne doute pas qu'avec ces réponses et la crise, toute l'Irlande comprendra qu'on a besoin d'elle en Europe. Nous avons, nous les Européens, besoin de l'Irlande et l'Irlande le sait bien, elle a besoin des autres. C'est tous ensemble que l'on va affronter la crise et c'est une très bonne nouvelle.
Deuxièmement, sur la politique économique, tout le monde a montré son accord absolu sur la gravité de la crise, pas une voie discordante. Tout le monde est d'accord sur la nécessité d'une relance sur la base du projet du Président BARROSO, aux environs d'1,5 point de PIB, tout le monde. Et on a même demandé au Président BARROSO d'utiliser 5 Mds d'euros qui n'ont pas été dépensés sur les autres chapitres budgétaires pour les mettre au service de la relance. La seule chose que nous lui avons demandé, c'est qu'il nous propose des projets précis. Je ne vais pas rentrer dans le détail, vous verrez le communiqué. Je répondrai bien sûr avec le Président à vos questions, mais nous voulons moins de procédures contraignantes, au moins pour l'année 2009 et pour l'année 2010, le relèvement - pour que les chantiers commencent plus vite -, le relèvement des seuils de « de minimis » que la France demandait. Et pour ceux qui s'en inquièteraient, on a aussi décidé dans la foulée que sur la TVA à taux réduit, la décision serait prise avant le mois de mars, enfin plus exactement au Conseil Ecofin de mars. Cela fait trois ans que l'on en parle, on est en train de changer les habitudes en Europe, on parle un peu moins et on agit bien davantage. La décision sera prise en mars, elle fait l'objet de discussions avec Angela MERKEL. On a trouvé cet accord et je me suis assuré auprès de la Chancelière - et je lui fais toute confiance - que c'est dans un état d'esprit constructif qu'elle donnera instruction à son ministre des Finances d'aborder ce sujet.
Hier, on a fait un bon dîner sur le thème de la relance, tout le monde est d'accord, tout le monde est en ligne, on a trouvé, y compris avec le Président de l'Eurogroupe des ministres des Finances, M. JUNCKER, on a trouvé un accord qui consiste à dire que le pacte reste en vigueur. On a besoin d'un pacte ; ce pacte, il faut que son application reprenne dès le lendemain de la crise. Notre objectif reste, à moyen terme, la réduction des déficits et de l'endettement, mais à situation exceptionnelle, moyens exceptionnels. Pendant la crise, on prend les mesures nécessaires pour lutter contre la crise. Accord complet, et je vous demande de le croire, chacun y a mis du sien, et notamment Jan Peter BALKENENDE et le Premier ministre suédois. Tout le monde tire dans le même sens.
Enfin le paquet énergie-climat. Ce qui se passe est vraiment historique, il n'y a pas un continent au monde qui se soit doté de règles aussi contraignantes que celles que nous venons d'adopter à l'unanimité, pas un continent au monde. Les objectifs restent les mêmes 2020 : les « trois fois vingt », je n'y reviens pas. Comme la présidence de la Commission, nous avons fait valoir que la crise ne pouvait en aucun cas être une excuse pour ne pas avancer sur la protection de l'environnement. C'est au contraire une volonté d'aller plus loin pour changer nos modèles économiques, aller vers une croissance durable, vers une croissance verte, modifier les sources d'énergies en Europe, et franchement, cela a été beaucoup plus facile qu'on ne l'a dit.
Mon voyage à Gdansk a été extrêmement intéressant. Il faut essayer de comprendre les problèmes. La seule chose que nous ayons faite, c'est de négocier pour les nouveaux pays de l'Est un certain nombre de dérogations. Je m'en explique très simplement : un pays comme la Pologne, de 38 millions d'habitants, est branché à 95% sur le charbon, si on ne lui permettait pas de lisser son effort sur une pente, je vais vous donner quelques éléments, cela consisterait à leur imposer des augmentations de 200 à 300% du prix de l'électricité pour les Polonais. Ce n'est pas possible. Ce n'est pas socialement acceptable. Ce n'est pas une question de défense de l'environnement ou pas, ce n'est pas socialement acceptable. Alors qu'avons-nous fait ? On a fait quelque chose de très simple : les Polonais, comme les autres d'ailleurs, ont les mêmes obligations que toute l'Europe mais on leur permet d'affecter une partie des quotas gratuits affectés à chaque gouvernement ; eh bien eux auront le droit de l'affecter aux producteurs d'électricité, selon une pente qui les amènera à 0 - je parle en émission de CO2 en 2020.
Cela a été difficile jusqu'au dernier moment, cette nuit, avec la Hongrie, avec la Pologne ; non pas qu'ils ne voulaient pas satisfaire aux exigences de la protection de l'environnement, mais ils se trouvent face a des difficultés économiques et énergétiques considérables. C'est vraiment quelque chose d'historique qui a été mis en oeuvre et j'ai fait valoir à mes partenaires européens que ce n'est quand même pas au moment où les Etats-Unis, enfin, se dotent d'un président élu qui met la défense de l'environnement au coeur des ses priorités que l'Europe va abandonner cette priorité. Cela n'aurait aucun sens, ce serait lamentable, historiquement lamentable. Il y a Potsdam, il y a les Américains ; eh bien l'Europe pourra prendre la parole en disant : voilà, nous, on l'a fait, faites le maintenant. L'Europe, elle ne peut être écoutée que si elle est exemplaire.
Enfin je voudrais terminer en disant combien j'ai été heureux de travailler main dans la main avec le Président BARROSO qui a été un partenaire intelligent, courageux, réactif. Et en plus, très agréable dans les innombrables voyages que nous avons faits ensemble. On en fera encore un au Brésil, puisqu'on a un sommet, et franchement, je ne regrette en rien le changement de la position française qui consiste, au lieu de critiquer la Commission - ce qui ne sert pas à grand-chose -, à travailler avec elle absolument main dans la main. Je veux dire que le secrétariat du Conseil a été remarquable. Je veux rendre hommage à mon équipe, ils ont travaillé très dur. Je veux dire à Jean-Louis BORLOO combien il nous a aidé à déblayer le terrain sur des mesures qui n'étaient pas du tout techniques mais vraiment extrêmement importantes ; combien Bernard KOUCHNER est pour moi un partenaire et un ami indispensable ; combien on va regretter Jean-Pierre JOUYET, même s'il va prendre des responsabilités, on continuera de travailler ensemble. Comme vous le savez, Jean-Pierre JOUYET a été mon collaborateur - s'il me permet de le dire -, il y a quelques années, et je savais parfaitement ce que je faisais en lui proposant. Et puis je voudrais dire à François FILLON qu'on a changé, je crois, les habitudes. Nous ne sommes pas en cohabitation, et on a fait tous les Conseils européens ensemble, tous les sommets ensemble, c'est comme cela qu'on travaille. Parce que l'Europe c'est notre quotidien, ce ne sont pas des affaires étrangères, l'Europe. Il est parfaitement indispensable que le Premier ministre, qui a une vocation interministérielle, soit du 1er janvier au 31 décembre dans les affaires européennes avec le Président de la République. Je n'ai jamais compris ces histoires de domaine réservé où le Premier ministre ne devrait pas s'occuper d'Europe ou d'international. Je ne comprends pas. L'Europe, c'est capital. L'Europe, c'est notre quotidien. Comment imaginer que le Président de la République aille en Europe et puis que le Premier ministre ne participe surtout pas ? Cela n'a aucun sens. J'espère que je ne suis pas modéré en disant cela, je me fais comprendre. Donc on a fait une fameuse équipe.
Je voudrais vous annoncer qu'en accord avec le Premier ministre, j'ai demandé à Bruno LE MAIRE de remplacer Jean-Pierre JOUYET, d'être donc secrétaire d'Etat auprès de Bernard KOUCHNER - qui m'a donné lui aussi son accord -, aux Affaires européennes. J'ai signé le décret de nomination tôt ce matin. Bruno LE MAIRE sera donc à nos côtés mardi au Parlement européen. N'oublions pas la codécision. Cette nomination, nous y avons beaucoup réfléchi, le Premier ministre et moi, on a fait le choix d'un homme jeune, d'un homme talentueux, compétent, profondément européen. Et j'espère que chacun comprend que, dans mon esprit, c'est aussi une façon de dire à la majorité que chacun qui veut apporter sa pierre à l'oeuvre de réforme que nous engageons en France est le bienvenu. Je ne peux pas être un homme d'ouverture vis-à-vis d'une partie de la gauche et ne pas être d'une même ouverture vis-à-vis de l'ensemble des sensibilités de ma propre famille politique. Personne ne le comprendrait. Voilà.
Je souhaite bon courage à la Présidence tchèque. Cela a été une excellente nouvelle pour l'Europe que le Premier ministre Mirek TOPOLANEK ait gagné la bataille interne à son parti. Et je voudrais dire qu'il a été courageux, M. TOPOLANEK, parce qu'il a gagné en disant que s'il gagnait, il ratifierait, comme l'a autorisé la Cour constitutionnelle tchèque, Lisbonne. Cela montre quoi ? Cela montre que dans des pays où il y a de l'euroscepticisme, les chefs d'Etat et de gouvernement doivent être courageux, affirmer leurs convictions. Moi, j'ai été élu à 53% dans un pays qui a voté non à 55%. Et moi, contrairement à la dame qui était mon adversaire, je n'ai pas promis un référendum. C'est comme cela qu'on a débloqué la situation en Europe. Vous savez, nos peuples peuvent parfois aspirer à dire « non » à l'Europe mais même celui qui aspire à dire « non » à l'Europe, ne veut pas que son chef d'Etat, ou chef de gouvernement soit dans la même position d'isolement. Et M. TOPOLANEK a gagné, c'est bien, et il a gagné en disant qu'il ratifierait Lisbonne. Il peut compter sur le soutien de la France.
Vous voulez savoir si cela va me manquer ? Peut-être. Mais après tout, vous n'allez pas m'en vouloir d'aimer l'Europe. C'était vraiment deux très belles journées.
M. JOSE MANUEL BARROSO - Merci, merci beaucoup. Tout d'abord je voudrais rendre hommage au Président SARKOZY et à son équipe qui a conduit l'Europe à travers une passe très difficile. Il avait au départ un programme déjà très chargé mais les différentes crises - la crise en Géorgie, la crise financière - ont rendu les choses difficiles. Son engagement, son dévouement, son énergie, son intelligence politique ont renforcé l'Europe. Ces deux derniers jours, je crois pouvoir le dire, nous avons montré que l'Europe est unie et la résolution de passer de la crise à la reprise, et d'apporter une prospérité durable.
Avant le Conseil, j'ai dit que ce serait sans doute le Conseil européen le plus important auquel j'aurais été appelé à participer. C'est effectivement le cas. Je suis heureux de pouvoir vous dire que nous sommes parvenus à un accord historique, non seulement du fait qu'on puisse avancer sur le Traité de Lisbonne, mais aussi des décisions importantes qui ont été prises, qui concernent la réponse politique à la crise, principale préoccupation de nos concitoyens. Nous avons adopté également un paquet historique sur le climat et l'énergie, et c'est le programme de loin le plus ambitieux jamais adopté de par le monde dans un pays ou sur un continent. Il y a un accord sur le plan de relance conformément à notre proposition. Nous sommes convenus de nous placer sur la trajectoire de la reprise. Une approche qui sera concertée. Il s'agit de tenir compte des approches des différents Etats membres, d'agir ensemble. Il s'agit d'éviter une solution qui serait la même, imposée à tous, mais il s'agit de concerter nos efforts. Il y a un accord en ce qui concerne les propositions de la Commission de créer une impulsion économique suffisante pour qu'il y ait un impact pour doper la demande et restaurer la confiance. Il s'agit d'injecter 1,5% du PIB dans des économies européennes. Mais la dépense doit être futée, intelligente pour que nos économies soient plus résistantes à la crise et plus compétitives. Il s'agit d'apporter cette impulsion et aussi viser la durabilité. Cela doit aller de pair. Je suis satisfait que le Conseil européen ait suivi les propositions de la Commission qui demande aux Etats membres de revenir très vite dans le cadre de ce que prévoit le pacte de stabilité et de croissance pour les déficits. Il s'agit d'avoir cette impulsion, ce stimulant à court terme, mais notre préoccupation, c'est le moyen et le long terme, et nous sommes parvenus je crois à un très grand consensus sur ce point. Je crois qu'il s'agit effectivement d'une crise grave mais si nous nous y prenons bien, l'Europe peut ressortir renforcée.
En ce qui concerne le paquet ??nergie-climat, vous savez que la Commission a présenté ses propositions à ce sujet en janvier, le 23 janvier de cette année. En moins d'un an, les Etats membres sont parvenus à un accord unanime sur les propositions les plus ambitieuses jamais connues. Le Parlement - je peux le dire aujourd'hui, et j'aurais dit l'inverse si le résultat avait été à l'opposé -, mais je crois qu'on peut dire aujourd'hui, oui, l'Europe a franchi avec succès son test de crédibilité.
Lorsque nous parlons du climat, nous sommes sérieux. Maintenant il s'agit de parachever ce travail, c'est-à-dire de parvenir aussi à un accord avec le Parlement européen la semaine prochaine. Je crois que cela sera possible. Ces derniers jours, il y a eu une négociation ardue, ce qui est naturel, mais n'oublions pas le point le plus important : après tous les ajustements apportés, nous avons garanti une réduction de 20% des émissions en 2020, l'objectif de 20% d'énergie renouvelable en 2020, et nous avons également garanti qu'on allait accroitre l'efficacité énergétique de 20%. Il y a quelque temps, beaucoup de voix critiques faisaient entendre que ce serait impossible, que l'Europe serait incapable de le faire. Et plus récemment, face à la crise économique et financière, on a dit : l'Europe va renoncer à ses engagements. Non, l'Europe a décidé de s'y tenir à ces engagements. Je crois que nous avons montré que la sécurité énergétique, une action sur le climat, la croissance, tout cela peut être mené de façon qui se soutient mutuellement pour surmonter la crise. Nous savions que le monde nous attendait. Notre message à nos partenaires sur le plan mondial est le suivant : « Yes you can ». Si, c'est possible, vous aussi vous pouvez faire ce que nous nous faisons. Oui, il est possible d'atteindre les objectifs sur lesquels nous nous sommes engagés. Voilà le message que nous voulons faire passer à tous nos partenaires. Et je serai encore plus clair, et notamment à l'adresse de nos partenaires américains : il y a un nouveau Président aux Etats-Unis qui a fait une déclaration très importante s'agissant de l'engagement des Etats-Unis sur le climat. Nous lui demandons de se joindre à nous, Europe, et avec nous de conduire le monde dans cet effort planétaire. Nous avons besoin du soutien américain dans cette initiative.
Au sujet de Lisbonne, nous avons trouvé la marche à suivre avec nos amis irlandais. C'est une solution qui tient compte des préoccupations irlandaises, mais qui ne rend pas nécessaire pour les autres une nouvelle ratification. L'Irlande comprendra, je crois, combien cela est important, pour nous, que l'Irlande soit des nôtres, combien nous pouvons être importants pour l'Irlande, on l'a montré, dans les difficultés économiques. Je voudrais rendre hommage au Premier ministre irlandais, mais aussi à la maturité des vingt-six partenaires qui ont montré qu'il était possible de trouver une solution animée d'un esprit européen véritable. Je peux dire que ce Conseil européen, sous la conduite de Nicolas SARKOZY, a créé une plateforme pour que nous puissions franchir ces mers tumultueuses, mais maintenant il faut réfléchir à la dimension planétaire. Il y a la poursuite au niveau du G20. Maintenant, je voudrais appeler le Président américain pour que les idées convergent avec les nôtres, créant ce plan transatlantique pour le climat. Faisons-le pour le bien de l'Europe, de l'Amérique mais aussi du monde. Nous avons besoin d'une telle impulsion, sans cela il n'y aura pas de solution à l'échelle planétaire. Nous savons que dans le monde actuel nous sommes de plus en plus interdépendants. Nous avons besoin de cet effort de cette dimension. L'Europe est prête, espérons que d'autres seront prêts pour déployer les mêmes efforts.
LE PRÉSIDENT - Merci José Manuel. J'ai oublié que sur la défense européenne, il y a des conclusions extrêmement importantes. Excusez-moi, mais il y a tellement de choses. On aura l'occasion d'en parler, sur le Zimbabwe également, il y a des décisions très importantes.
QUESTION - Monsieur le Président, après tous les succès que vous avez décrits, est-ce que vous êtes rassuré sur le fait que l'Union européenne sera entre de bonnes mains à partir du 1er janvier 2009 ? Qu'attendez-vous de la Présidence tchèque ?
LE PRÉSIDENT - Bien-sûr qu'elle sera entre de bonnes mains. Je l'ai dit. Vous voulez que je le répète ? Oui, elle sera entre de très bonnes mains. Et puis, il y a des règles qui s'appliquent. Les Tchèques laisseront la Présidence aux Suédois. Si la presse suédoise me pose la question : est-ce que la Présidence est entre de bonnes mains ? Je dirai : oui, elle est entre de bonnes mains. Et puis, en 2009, j'espère qu'on aura le Traité de Lisbonne.
QUESTION - Monsieur le Président, quelles sont les mesures qui ont été adoptées dans le cadre de l'accord sur le paquet énergie-climat pour protéger les industries européennes, les secteurs industriels en matière de permis à polluer, pour qu'ils ne soient pas soumis plus durement à la concurrence internationale ? Quelles sont les dérogations pour ce que demandaient l'Italie et l'Allemagne ?
M. JEAN-LOUIS BORLOO - Ce qui était prévu, dans l'hypothèse où il n'y aurait pas d'accord à Copenhague - et seulement dans cette hypothèse là, car comme le disait José Manuel BARROSO, « Yes, United States can ! », on le leur dira à Poznan tout à l'heure, uniquement dans cette hypothèse là -, pour ceux qui sont confrontés avec des critères d'exposition à la concurrence extrêmement forte, on fait en sorte que l'industrie européenne la plus exposée soit obligée d'aller vers la meilleure technologie connue disponible. Et en-dessous de cette technologie là, vous ne payez pas, pour simplifier le quota, pour dire les choses. En revanche, au-dessus, vous payez, vous créez ce marché de la même manière, sachant que tout ceci est amélioré, progressif tous les ans jusqu'à 2020. Ce qui permet donc d'aller..., vous savez que les écarts de technologie sont considérables selon les sites : certains secteurs, c'est de l'ordre de 20 à 30% mais pour d'autres, c'est de 1 à 3. C'est absolument gigantesque. Donc voilà l'équilibre qui a été trouvé, je dois dire assez simplement et je dois dire à l'unanimité de ceux qui ont de l'industrie et de ceux qui n'en ont pas.
LE PRÉSIDENT - Je dois rendre hommage à l'Italie. Comme chacun le sait, il n'y avait pas un enthousiasme énorme au début. On a trouvé, grâce au Président BERLUSCONI, un accord assez rapide, avec l'Allemagne également. Il a fallu négocier une possibilité d'aider 2013-2016 les nouvelles centrales, celles qui seront construites et pollueront moins pour éviter une distorsion de concurrence entre la Pologne et l'Allemagne. Tout le monde a bien compris que le monde ne pouvait pas continuer comme cela, que finalement ce n'était pas une peine qu'on leur infligeait, mais une opportunité d'aller vers de nouveaux processus de production, et que cela allait obliger l'ensemble de l'industrie européenne à se moderniser vers les technologies les meilleures. Les « benchmarks », dont parlaient Jean-Louis, sur la base du 10% de ce qui se vend le mieux, cela va nous obliger à réformer l'ensemble de l'appareil industriel européen pour produire de façon moins polluante. C'est comme cela qu'on va gagner la bataille de l'innovation et que l'on va prendre de l'avance. Franchement, ça n'a pas été si difficile que cela.
QUESTION - Monsieur le Président, j'avais une question à vous poser. Est-ce que vous pensez, que durant ces 180 jours, vous avez convaincu l'Europe ou est-ce que c'est l'Europe qui vous a convaincu ?
LE PRÉSIDENT - Je n'ai pas réfléchi comme cela. Sans doute, vous savez que... comment voulez-vous que travaillant tous les jours, voyageant si souvent, bien-sûr que je suis influencé par tous les gens que j'ai rencontrés, tout ce que j'ai entendu. Cela m'a surtout appris à prendre en considération les problèmes des autres. Et la nécessité absolue de trouver un compromis. C'est très difficile quand on est Président du Conseil d'être à l'écoute, de présider de façon souple et en même temps de ne pas laisser dériver les choses. J'avais prévenu sur le paquet énergie-climat qu'il y avait des choses que je ne ferais pas. J'ai tenu. Je n'aime pas qu'on termine à 4 heures du matin, épuisé, pour négocier sur trois cacahuètes. Les gens normaux travaillent toute la journée, vont se coucher 22h30/ 23h00. J'estime qu'en ayant présidé 8 heures de suite de réunion hier, c'était absolument inutile d'aller au-delà. Je pense que quand on est à vingt-sept chefs d'Etat et de gouvernement autour de la table, on prend la parole une fois pour dire ce que l'on a à dire. On n'est pas obligé de la reprendre six fois. J'estime que, si on prend la parole pour dire : ma position est non-négociable, alors c'est que l'on ne veut pas de compromis, donc il faut assumer cela et donc je n'ai pas à rechercher de compromis. Je pense que le rôle de la Présidence, ce n'est pas de faire une espèce de monstre non identifiable où on a fait plaisir à tout le monde, mais d'essayer d'être juste et équitable. Au fond, la Présidence a mis sur la table un paquet. Ce paquet, nous l'avons mûrement travaillé et réfléchi avec nos équipes, et c'est vrai qu'on l'a peu modifié. Alors, appelez cela du leadership, mais je pense que c'est de l'organisation.
Oui, j'ai été influencé par les autres. Surtout, ce que l'on a voulu montrer, c'est que le problème de l'Europe, c'est qu'elle n'avait pas assez d'ambition. Parce que quand vous convoquez un Conseil européen avec de grandes ambitions et de grandes décisions, alors vous vous donnez les moyens de surmonter des blocages nationaux. Parce que chacun comprend bien que si c'est pour un grand objectif, il faut surmonter les intérêts égoïstes. Si vous n'avez pas une grande ambition et de grands objectifs, pourquoi voulez-vous que les gens acceptent de sacrifier des petits intérêts ? Donc, c'est beaucoup plus facile d'avoir une grande ambition.
Le message que je veux laisser à l'Europe, c'est celui-là : il faut que nous ayons de grandes ambitions, pas de petites. Parce que les petites, personne n'y comprend rien et au nom de petites ambitions collectives, on ne sacrifie pas ses intérêts égoïstes. Au nom d'un grand dessein collectif, on peut accepter de surmonter ses craintes nationales. Voilà ce qui a été démontré.
Je veux d'ailleurs dire que le Parlement européen joue un très grand rôle. J'ai déjeuné trois fois avec tous les Présidents de groupe, avec Bernard KOUCHNER et Jean-Pierre JOUYET. Ils nous ont apporté une aide considérable. Par exemple, avant le Conseil européen, je les ai vus pour leur dire où nous allions atterrir. Nous sommes en codécision sur le paquet énergie-climat. C'est comme cela que cela doit marcher. L'Europe doit exister. L'Europe doit être volontariste. L'Europe doit avoir des ambitions. L'Europe doit arrêter d'être naïve. L'Europe doit porter un projet politique. L'Europe doit faire de la politique. L'Europe doit bousculer le monde qui doit changer. L'Europe doit être présente au sommet de Londres avec des propositions extrêmement fortes. L'Europe ne doit pas se donner le ridicule de ne pas avoir d'institutions qui marchent. L'Europe doit faire des efforts. Le monde a besoin de l'Europe, mais d'une Europe qui relève la tête, qui pense quelque chose et qui dit quelque chose. Le prix du meilleur européen ne doit pas être donné à celui qui ne pense rien, qui ne dit rien et qui ne croit en rien pour ne réveiller personne. Il faut prendre des risques.
Autour de la table, j'ai été extrêmement heureux de voir quelque chose : y compris quand on a fait des choses qui ne suscitaient pas le consensus au début, une très grande tolérance, pour peu qu'on comprenne où on voulait aller. C'est cela qui a manqué : de l'ambition, de la volonté de porter un modèle européen sans agressivité avec les autres, y compris lorsqu'on a parlé de défense européenne, ce matin. Cela ne me gêne pas du tout de dire : en coopération avec l'OTAN, avec nos amis de l'OTAN, mais l'Europe doit avoir une politique de défense à elle avec ses alliés. Mais l'Europe ne peut pas être un nain en matière de défense et un géant en matière économique. Ce n'est pas possible. Sur des sujets de cette nature, vraiment, on a trouvé un parfait accord. Cela progresse. Je suis sûr que les belles années de l'Europe sont devant nous si l'on veut bien continuer sur ce rythme.
QUESTION - Les autorités polonaises nous ont expliqué que le mécanisme de solidarité que vous avez négocié va donner à la Pologne 15 Mds d'euros cette année. C'est une somme énorme. Je voudrais voir si vous partagez cette interprétation et aussi si vous avez vraiment dit au Premier ministre TUSK qu'il est le meilleur négociateur que vous connaissiez.
LE PRESIDENT - Je peux en connaître un autre, de bon négociateur ! D'abord, M. TUSK a été un partenaire exigeant, rugueux, mais honnête, loyal, qui a respecté sa parole. La Pologne bénéficiera de quota gratuit. Mais enfin, c'est normal. La Pologne, c'est 38 millions d'habitants. Son industrie a été sacrifiée à l'époque du rideau de fer et du Pacte de Varsovie. Ils sont à 95% sur le charbon. Si on ne les aide pas ! Mais il faut qu'ils fassent un effort absolument considérable. Donald TUSK a donc bien négocié. C'est un homme de qualité. Je rappelle que le Président KACZYNSKI avait bien négocié mais qu'il avait signé le Traité de Lisbonne, dans mon bureau. De mon point de vue, cela me paraît compliqué d'avoir signé le Traité de Lisbonne à Bruxelles et de refuser de le signer à Varsovie. C'est le même ! Il a quand même dit autour de la table qu'il ne ferait pas obstacle à l'adoption du Traité. Le Premier ministre hongrois est un partenaire aussi très exigeant, très pugnace. Qu'est-ce que vous voulez ? Quand on veut avoir un accord, c'est normal qu'ils défendent leurs intérêts. Mais enfin, ils seront à 0%, les Polonais aussi en 2020, comme les autres.
QUESTION - Vous le disiez, dernier sommet de votre présidence à vingt-sept, en tout cas, sommet important. Quel bilan personnel tirez-vous ? Avez-vous quelques regrets, au passage, puisqu'on est à l'heure des bilans ? On se dit tout.
LE PRESIDENT - Vraiment ? Quelle invitation ! C'est Noël ! Pour dire franchement, je n'ai aucun regret. Les objectifs que nous nous sommes assignés, je parle sous votre contrôle, ce n'est pas qu'ils ont été atteints, c'est qu'on a été bien au-delà. Je ne parle pas de durée, même le bilan de santé de la PAC - je ne veux pas vous imposer tout cela -, l'Union pour la Méditerranée, etc., auxquels j'attache une importance cruciale. Non, je n'ai aucun regret. Simplement, peut-être, cette remarque. Quand j'ai commencé la présidence, on m'a dit : « six mois, c'est peu ». Mais regardez ce que l'on a fait en six mois. Et puis, ce qui m'a bien plu, c'est de tripler le nombre de Conseils européens par rapport à ce qui était prévu ! Je trouve cela fantastique. On a changé tellement d'habitudes ! Je trouve qu'il y ait des sommets à date fixe, oui. Je pense que dans un sommet comme celui de la Présidence française, se voir deux fois, cela serait choquant, serait ridicule, absolument ridicule. Et encore, je parle des conseils mais je n'oublie pas les différents sommets à l'Elysée. Il faut que l'Europe soit beaucoup plus réactive, beaucoup plus mobile, et arrête de s'enfermer dans des procédures.
Je prends un exemple, c'est tellement révélateur : on a commencé par le Traité de Lisbonne, hier, parce que cela permettait la présence du Président du Parlement européen, Hans-Gert Pöttering. Je me retourne et je vois que le ministre d'Etat, Jean-Louis BORLOO n'était pas là. « Demandez-lui de rentrer ». « Non, on ne peut pas, il n'y a pas assez de chaises ». Un de mes collaborateurs dit : « je vais lui donner un siège ». Non, on va faire une révolution, un putsch, on va mettre une chaise de plus ! Cela ne se fait pas. Si vous ne la mettez pas, j'irai la chercher moi-même ! Cela, c'est l'Europe qui meurt ! C'est un détail ? Ce n'est pas un détail. Ils sont capables de passer des heures pour savoir le nombre de chaises par délégation ! Cela n'a aucun sens. Il faut mettre de la vie. Il faut mettre de la souplesse. Il faut mettre de la liberté. Il faut mettre de l'interactif.
Autre exemple. Nous avons parlé hier de la politique économique au dîner, José-Manuel peut le dire, c'était très libre. Moi, j'ai dit ce matin au conseil : on n'en reparle pas. On lit le texte, si vous avez des problèmes avec le texte, vous nous le dites, mais on ne refait pas la même discussion. On ne va pas parler des mêmes choses deux fois de suite. Il y a eu trois heures pour en parler au dîner, je n'accepterai pas une minute de débat le matin. J'accepte le débat sur une formulation qui n'irait pas, parce que la présidence n'a pas bien fait son travail, je l'accepte tout à fait, mais pas de nouveau débat. On ne peut pas fonctionner si on ne met pas des règles extrêmement précises. C'est vrai, il m'est arrivé de refuser la parole, des choses comme cela, parce qu'on n'a pas à redire plusieurs fois la même chose quand on est vingt-sept. Quand il est arrivé à un chef de délégation de dire que ce qu'il demandait, c'était non négociable, je dis : « c'est non négociable, alors prépare-toi à annoncer l'échec !. Parce que si l'on commence à dire : c'est ce que je propose ou rien, ce n'est pas la peine qu'on se donne la peine de trouver un compromis. Cela, ce n'est pas européen.
C'est pour cela que l'on s'est bien entendu avec José-Manuel, parce qu'on avait la volonté de bouger les choses. Je dois d'ailleurs dire que Jean-Claude TRICHET, Président de la BCE, j'ai apprécié le pragmatisme dont il fait preuve en ce moment. Je n'avais pas compris que c'était possible, mais ça l'est et Jean-Claude a fait un travail remarquable à la tête de la BCE. Je dois dire que même dans la discussion que l'on a eue sur l'économie, il a été très libre, acceptant les remarques, les échanges, bien sûr, on écoute, et notamment sur le plan de soutien aux banques, il a été parmi les plus moteurs. Voilà. Je crois que c'est cela dont l'Europe a besoin : des grandes ambitions, moins de formalisme, de snobisme sur les procédures, les badges, les accrédités, l'ennui mortel de réunions où, sous prétexte que les problèmes sont difficiles, on parle de la périphérie des problèmes. Prenez maintenant le texte que l'on a sorti, il n'y a pas de petits sujets. Il y a des conseils des ministres pour des sujets plus techniques, là sur les chefs d'Etat et de gouvernement, il faut faire de la politique.
QUESTION - Vous avez parlé de l'Europe de la défense. En quoi, pour vous, c'est un succès ? En quoi, pour vous, l'Europe de la défense peut être un succès quand à la lettre de BAN Ki-Moon sur l'intervention européenne au Congo, vous dites non ?
LE PRESIDENT - Ce sont bien des sujets différents, je parle sous le contrôle de Bernard KOUCHNER. D'abord, sur la politique européenne de défense, c'est un succès de voir que, maintenant, personne ne voit la politique européenne de défense comme une politique agressive à l'endroit des Etats-Unis. Mais c'est un progrès monumental ; même le Président BUSH a dit au dernier sommet de l'OTAN de Bucarest que politique européenne de défense, c'était nécessaire. Nos amis polonais y prendront toute leur part. Je ne veux pas rentrer dans le détail de tout ce que l'on annonce, c'est indispensable et j'ai dans la tête le prochain sommet de l'OTAN de Strasbourg. Il faut que l'on avance. Nos amis anglais sont prêts à avancer. L'ensemble des Européens comprennent que ce n'est pas : ou l'amitié avec les Etats-Unis ou l'indépendance de la sécurité de l'Europe. On peut faire les deux. On doit d'ailleurs faire les deux, ensemble.
Sur la question du Congo. Je veux d'ailleurs rendre hommage à tout ce qu'a fait Bernard KOUCHNER en la matière. Le problème, ce n'est pas du tout que l'Europe ne veut pas y prendre sa part, l'Europe est prête à y prendre sa part. Je fais deux remarques. La première, c'est qu'à l'heure actuelle, en RDC, il y a 17 000 soldats de l'ONU, que c'est la plus importante opération onusienne. Je suis désolé, quand il y a déjà 17 000 soldats et que l'on m'explique qu'il n'y en a que 800 qui servent, je me demande si c'est nécessaire d'en envoyer 3 000 de plus, avec 17 000 ! Première remarque. C'est une question.
Deuxième remarque. On met RDC, Rwanda, Angola. J'ai eu moi-même au téléphone le Président DOS SANTOS qui est un acteur régional, qui m'a dit : « l'armée angolaise, dont vous connaissez l'efficacité, est prête à s'engager pour la paix à condition que ce soit sous mandat ONU. Question que je pose : « est-ce que, par souci d'efficacité, il vaut mieux, s'il y a besoin de renforts - je rappelle qu'il y a 84 aéronefs là-bas -, est-ce qu'il ne vaut pas mieux faire appel d'abord à des forces régionales, quasiment prêtes, installées, qu'à des forces européennes ?
Dernier point. S'agissant des forces européennes, on est au Tchad. Maintenant, après m'être battu pour que l'on soit, avec Bernard KOUCHNER, au Tchad pour stabiliser cette région du monde, avec le Darfour à côté où tout le monde nous a dit : c'est une nouvelle opération entre guillemets « France-Afrique » de la France. Je ne vois pas comment on pourrait nous reprocher de ne pas vouloir être présents en RDC.
Enfin, s'il s'agit d'aider par un pont aérien pour des vivres, de l'humanitaire, pourquoi pas ? Et puis, si vous voulez que j'aille au bout de ma pensée, il faudra un jour que l'on discute de la présence des armées françaises, par exemple en Côte d'Ivoire, où j'attends avec grande impatience les élections ; que nous redéployons aux soldats au service de la paix dans d'autres régions d'Afrique où d'ailleurs, on connaît nos responsabilités. Nous ne pouvons pas tout faire. Je l'ai dit au Secrétaire général BAN Ki-Moon, il le fait d'ailleurs. C'est un homme que je soutiens et que j'apprécie. Il y a peut-être des problèmes d'organisation et pas simplement des problèmes de quantité ou de nombre.
Dire cela ce n'est pas se désintéresser de la RDC où d'ailleurs nous avons prévu avec Bernard KOUCHNER de nous rendre en janvier 2009 et j'aurai l'occasion d'en dire plus. Ce n'est vraiment pas un désintérêt. J'ai eu le Président KAGAME, le Président KABILA, le Président DOS SANTOS. Bernard y est allé. On essaye de trouver la meilleure solution. On ne peut pas non plus être partout, toujours, sans limite. Et surtout, peut-être y-a-t-il des endroits où il n'y a pas un soldat de l'ONU. Y aller là où il y a 17 000 soldats de l'ONU...Entre cela et ne rien faire, il y a un équilibre que l'on est en train de trouver. On ne veut pas ne rien faire.
QUESTION - Vous avez dit à lors de votre discours à Strasbourg que vous ne laisserez pas s'installer à nouveau les mauvaises habitudes en Europe. Vous comptiez peser sur la scène européenne donc je voulais savoir comment vous pensez faire concrètement ?
Deuxièmement, sous votre Présidence, il y a eu une dégradation des relations entre l'Union européenne et la Chine. Quel conseil donnez-vous à la Présidence tchèque pour établir de bonnes relations avec la Chine ?
LE PRESIDENT - Vous avez une manière particulièrement sympathique de poser la question. Moi tout seul, je porte la faute ? C'est-à-dire que le Parlement européen n'a pas reçu le Dalaï Lama ? Le Premier ministre belge n'a pas reçu le Dalaï Lama ? Et le Premier ministre tchèque n'a-t-il pas reçu le Dalaï Lama ? Je me trompe ? Parce que je ne sais pas, en écoutant votre question je me demandais si j'étais le seul responsable. Je regrette cette crispation. Je la regrette parce que je crois que c'est l'intérêt de l'Europe d'avoir de bonnes relations avec la Chine, et c'est l'intérêt de la Chine d'avoir de bonnes relations avec l'Europe. Parce que quand la Chine consomme des produits européens ou nous envoie ses touristes, c'est bien pour l'économie européenne. Mais quand les entreprises françaises et européennes commandent aux entreprises chinoises, c'est bien pour la croissance chinoise. Cela va dans les deux sens.
Deuxièmement je suis allé aux Jeux olympiques. En tant que Président du Conseil européen, c'est moi qui ai fait prendre la décision d'y aller. Même si tous m'ont soutenu. Mais j'avais dit que je verrais le Dalaï Lama avant la fin de l'année 2008, je l'ai fait. Ce n'est pas avoir de bonnes relations ou de mauvaises relations avec un partenaire que de se laisser dicter sa conduite. Ce ne sont pas des amis qui se dictent la conduite. Ce sont des vassaux. L'idée que je me fais de l'Europe c'est une Europe libre, indépendante, défendant ses valeurs.
Donc le conseil que je donne, d'abord je n'ai pas de conseil à donner, la règle que je m'impose, c'est de réagir à tout cela avec beaucoup de calme, beaucoup de sérénité. Il n'y a qu'une seule Chine. Je le dis pour Taiwan et pour le Tibet. Et on a besoin de la Chine dans la gouvernance mondiale. On retrouvera les moyens de dialoguer tranquillement et sereinement. Mais pas au prix de renier nos propres valeurs européennes. D'ailleurs, vous êtes Allemand ? C'était bien la position de Mme MERKEL ? Je crois même qu'à l'époque elle n'avait pas été tout à fait comprise par toute la classe politique allemande. Vous voyez que l'axe entre Mme MERKEL et moi, cela marche bien.
QUESTION - Monsieur le Président, vous nous avez expliqué que l'Europe a besoin d'institutions fortes. Or, si je me souviens bien les négociateurs de Nice comme de Lisbonne avaient conclu que pour avoir une Commission forte il fallait une Commission moins nombreuse. Est-ce que ces négociateurs se sont trompés ou bien est ce que vous pensez que la Commission doit avoir un rôle différent, peut être un peu moins centralisateur ?
LE PRESIDENT - Je pense qu'ils se sont trompés. J'ai le doit d'avoir des convictions. D'abord nous avons demandé que le nouveau Président de la Commission soit désigné en juillet. L'engagement que j'avais pris, je l'ai tenu. Il y aura les élections européennes en juin, sur la base du Traité de Nice et la désignation du Président de la Commission en juillet. C'est extrêmement important. Vous connaissez mon choix, mon soutien, je n'ai pas changé et je n'ai pas varié.
Deuxièmement, pour la Commission : elle a un rôle essentiel, mais je pense que c'est une erreur de supprimer la Présidence tous les six mois - elle restera mais elle ne sera pas sur la même manière - et en même temps de priver certains pays d'un représentant à la Commission. C'est trop.
Voilà que si on a Lisbonne, certains pays ne présideront plus l'Europe. Ils seront présidents un peu virtuels puisqu'il y aura un président élu pour 2 ans et demi. Et si en même temps vous privez d'une représentation nationale à la Commission, vous faites une grave erreur. C'est une grave erreur. La meilleure preuve c'est que tout cela n'était pas stabilisé puisque dans le Traité de Lisbonne, il était prévu - vous le savez très bien, vous connaissez très bien les choses -, que l'on en rediscuterait en 2014. C'est donc bien qu'il n'était pas si assuré. Mais je trouve que c'est trop de refuser à certains pays une possibilité de présidence et de refuser en plus un commissaire.
J'ajoute que si la Commission n'a pas de commissaire allemand et un commissaire français et trois commissaires baltes, d'après vous elle est plus forte la Commission ou elle est moins forte ?
Enfin dernier point, je donne mon point de vue, je pense qu'à l'avenir il faut renforcer les pouvoirs du Président de la Commission. Je m'en explique, c'est très simple, parce que plus vous aurez de commissaires, plus le Président de la Commission doit avoir une autorité sur les commissaires pour qu'il y ait une doctrine. Sinon c'est la pagaille. Nous sommes vingt-deux commissaires ou trente commissaires, je ne vois pas ce que cela change au problème. Je vous le dis comme je le pense : cela ne change rien. Donc c'est un engagement en tout connaissance de cause que j'ai pris. C'était cela ou pas de Lisbonne. Je trouve que ce n'est pas du tout un sacrifice.
Enfin dernier point, la Commission a besoin d'un leadership fort à la tête du Conseil européen. Parce que s'il n'y a pas de leadership fort à la tête du Conseil européen, la Commission se trouve alors dans une situation où elle doit à la fois être la gardienne de l'esprit des traités et faire de la politique. Le bon équilibre de nos institutions, c'est un Président du Conseil politique qui entraine un Président de la Commission gardien de l'esprit des traités, qui doit, en parfait partenariat avec le Président du Conseil, faire son travail aux confins de la technique et de la politique. S'il n'y a pas un leadership fort à la tête du Conseil, la Commission se trouve en situation très désagréable de devoir être tout à la fois, ce qui la fragilise. C'est cela la magie et la subtilité des institutions européennes. J'y crois très fortement. Bien loin d'affaiblir la Commission, notre proposition la renforce. Avec un Président de la Commission qui ait autorité. Pendant ces six mois, souvent j'ai appelé M. BARROSO pour lui dire : aide-nous, parce que tous tes commissaires n'ont pas la même rapidité de réaction. C'est ce que je pense. Maintenant que je m'en vais, je peux le dire.
QUESTION - Monsieur le Président, pour revenir très rapidement au bilan de votre présidence, une présidence, on l'a dit, qui a été une présidence de gestion de crise. Est-ce qu'au final vous pensez avoir réconcilié les Français avec l'idée européenne ?
LE PRESIDENT - Gestion de crise ... quand même ! Le paquet énergie-climat cela n'a rien à voir avec la gestion de crise. La politique européenne de défense, cela n'a rien à voir avec la gestion de crise. L'Union pour la Méditerranée avec Israël, secrétaire général adjoint, - hommage soit rendu au Sommet de Marseille, Bernard a été fantastique - avec les Palestiniens, tous les Arabes et la Ligue arabe présents, ce n'est pas de la gestion de la crise.
La gestion de crise : on a eu une guerre, la finance et l'économie. Est-ce que l'on a réconcilié ? En tout cas on a progressé. Je pense que l'image de l'Europe aujourd'hui, elle est plus forte qu'elle n'était au début de la Présidence française. Mais les événements nous ont certainement servis.
Mais je voudrais terminer en vous disant cela : cela m'a passionné, ce que j'ai fait. J'ai été très heureux de le faire. Cela a été un grand honneur, pas du tout une charge. Cela a été une ouverture d'esprit pour moi considérable. Cela a été passionnant, épanouissant et assez facile. Je pense que quand on a la chance de présider comme cela vingt-sept pays, c'est une opportunité fantastique, que l'on n'a pas le droit de s'en plaindre. J'ai été Président du Conseil de la première seconde et je le serai jusqu'à la dernière. J'espère que tous ceux qui me succèderont aimeront autant le job, parce que l'Europe mérite d'être incarnée, mérite d'être défendue, et mérite d'avoir un visage.Je peux vous dire vraiment que je me suis fait de nouveaux amis, j'ai découvert beaucoup de choses.
Je ne parle pas de vous...Allez bon Noël !
Nous venons de terminer un Conseil européen qui restera dans l'histoire de l'Europe puisque trois types de grandes décisions ont été prises à l'unanimité. Et je me souviens quand, au dernier Conseil européen, j'avais indiqué que j'avais accepté l'unanimité pour le paquet énergie-climat, un certain nombre avaient écrit qu'en faisant cela, je renonçais, je sacrifiais le paquet énergie-climat. Vous allez voir qu'il n'en est rien.
Première chose, le processus de Lisbonne est relancé. Les Irlandais seront de nouveau consultés. Pour ce faire, nous avons indiqué à l'unanimité que si le traité de Lisbonne était ratifié par tous les Etats membres, chaque Etat membre aurait un commissaire. Si on reste sur Nice, on reste dans une Commission dont le nombre diminuera, si on passe sur Lisbonne, chaque Etat membre aura un commissaire.
Deuxièmement, des engagements politiques ont été donnés aux Irlandais concernant la neutralité, concernant la fiscalité, concernant la famille. Ce sont des thèmes récurrents et importants pour nos amis irlandais. Et nous avons mis sur la table un compromis qui permet d'assurer à chacun qu'il ne sera pas obligé de faire une procédure nouvelle de ratification du Traité de Lisbonne, qu'il n'y aura pas de modification du Traité de Lisbonne. Mais en même temps pour donner une valeur juridique aux engagements politiques des vingt-six Etats membres à l'égard des Irlandais, nous nous sommes engagés à ce qu'au moment du prochain élargissement - est-ce que ce sera 2010, est-ce que ce sera 2011 ? -, au moment où vraisemblablement la Croatie nous rejoindra, à ce moment là de toute manière il faudra un nouveau traité, un traité d'adhésion, ratifié par les vingt-sept Etats membres, puisque l'Europe à ce moment là deviendra vingt-huit. Eh bien nous en profiterons, à ce moment là, pour ajouter au traité d'adhésion de la Croatie un protocole irlandais et, par ailleurs, l'augmentation du nombre des parlementaires européens, comme cela avait été indiqué dans le cadre de la transition Nice-Lisbonne.
Je voudrais dire combien le Premier ministre irlandais a été courageux. Nous avons été, Bernard KOUCHNER et moi-même, en Irlande. Je crois que j'ai eu trois déjeuners de travail avec Brian COWEN, Gordon BROWN a été, comme à son habitude, un Européen extrêmement constructif. Je ne vous cache pas que les discussions ont été longues et précises, encore très tôt ce matin, très longuement ce matin. L'Europe recommence sa marche en avant institutionnelle, elle se dotera d'institutions fortes et je pense que personne ne peut contester aujourd'hui la nécessité d'un président du conseil exerçant un véritable leadership, et pas pour six mois, pour deux ans et demi.
Pour le Président BARROSO et pour moi-même, c'est une très grande satisfaction parce que nous somme engagés pour le Traité de Lisbonne ; il est un peu, quand même, notre enfant. Le non français, la campagne électorale, Lisbonne. Je veux dire également combien la Chancelière MERKEL avait joué un rôle essentiel au moment de l'adoption du traité. C'est une excellente nouvelle pour tous les Européens et je ne doute pas qu'avec ces réponses et la crise, toute l'Irlande comprendra qu'on a besoin d'elle en Europe. Nous avons, nous les Européens, besoin de l'Irlande et l'Irlande le sait bien, elle a besoin des autres. C'est tous ensemble que l'on va affronter la crise et c'est une très bonne nouvelle.
Deuxièmement, sur la politique économique, tout le monde a montré son accord absolu sur la gravité de la crise, pas une voie discordante. Tout le monde est d'accord sur la nécessité d'une relance sur la base du projet du Président BARROSO, aux environs d'1,5 point de PIB, tout le monde. Et on a même demandé au Président BARROSO d'utiliser 5 Mds d'euros qui n'ont pas été dépensés sur les autres chapitres budgétaires pour les mettre au service de la relance. La seule chose que nous lui avons demandé, c'est qu'il nous propose des projets précis. Je ne vais pas rentrer dans le détail, vous verrez le communiqué. Je répondrai bien sûr avec le Président à vos questions, mais nous voulons moins de procédures contraignantes, au moins pour l'année 2009 et pour l'année 2010, le relèvement - pour que les chantiers commencent plus vite -, le relèvement des seuils de « de minimis » que la France demandait. Et pour ceux qui s'en inquièteraient, on a aussi décidé dans la foulée que sur la TVA à taux réduit, la décision serait prise avant le mois de mars, enfin plus exactement au Conseil Ecofin de mars. Cela fait trois ans que l'on en parle, on est en train de changer les habitudes en Europe, on parle un peu moins et on agit bien davantage. La décision sera prise en mars, elle fait l'objet de discussions avec Angela MERKEL. On a trouvé cet accord et je me suis assuré auprès de la Chancelière - et je lui fais toute confiance - que c'est dans un état d'esprit constructif qu'elle donnera instruction à son ministre des Finances d'aborder ce sujet.
Hier, on a fait un bon dîner sur le thème de la relance, tout le monde est d'accord, tout le monde est en ligne, on a trouvé, y compris avec le Président de l'Eurogroupe des ministres des Finances, M. JUNCKER, on a trouvé un accord qui consiste à dire que le pacte reste en vigueur. On a besoin d'un pacte ; ce pacte, il faut que son application reprenne dès le lendemain de la crise. Notre objectif reste, à moyen terme, la réduction des déficits et de l'endettement, mais à situation exceptionnelle, moyens exceptionnels. Pendant la crise, on prend les mesures nécessaires pour lutter contre la crise. Accord complet, et je vous demande de le croire, chacun y a mis du sien, et notamment Jan Peter BALKENENDE et le Premier ministre suédois. Tout le monde tire dans le même sens.
Enfin le paquet énergie-climat. Ce qui se passe est vraiment historique, il n'y a pas un continent au monde qui se soit doté de règles aussi contraignantes que celles que nous venons d'adopter à l'unanimité, pas un continent au monde. Les objectifs restent les mêmes 2020 : les « trois fois vingt », je n'y reviens pas. Comme la présidence de la Commission, nous avons fait valoir que la crise ne pouvait en aucun cas être une excuse pour ne pas avancer sur la protection de l'environnement. C'est au contraire une volonté d'aller plus loin pour changer nos modèles économiques, aller vers une croissance durable, vers une croissance verte, modifier les sources d'énergies en Europe, et franchement, cela a été beaucoup plus facile qu'on ne l'a dit.
Mon voyage à Gdansk a été extrêmement intéressant. Il faut essayer de comprendre les problèmes. La seule chose que nous ayons faite, c'est de négocier pour les nouveaux pays de l'Est un certain nombre de dérogations. Je m'en explique très simplement : un pays comme la Pologne, de 38 millions d'habitants, est branché à 95% sur le charbon, si on ne lui permettait pas de lisser son effort sur une pente, je vais vous donner quelques éléments, cela consisterait à leur imposer des augmentations de 200 à 300% du prix de l'électricité pour les Polonais. Ce n'est pas possible. Ce n'est pas socialement acceptable. Ce n'est pas une question de défense de l'environnement ou pas, ce n'est pas socialement acceptable. Alors qu'avons-nous fait ? On a fait quelque chose de très simple : les Polonais, comme les autres d'ailleurs, ont les mêmes obligations que toute l'Europe mais on leur permet d'affecter une partie des quotas gratuits affectés à chaque gouvernement ; eh bien eux auront le droit de l'affecter aux producteurs d'électricité, selon une pente qui les amènera à 0 - je parle en émission de CO2 en 2020.
Cela a été difficile jusqu'au dernier moment, cette nuit, avec la Hongrie, avec la Pologne ; non pas qu'ils ne voulaient pas satisfaire aux exigences de la protection de l'environnement, mais ils se trouvent face a des difficultés économiques et énergétiques considérables. C'est vraiment quelque chose d'historique qui a été mis en oeuvre et j'ai fait valoir à mes partenaires européens que ce n'est quand même pas au moment où les Etats-Unis, enfin, se dotent d'un président élu qui met la défense de l'environnement au coeur des ses priorités que l'Europe va abandonner cette priorité. Cela n'aurait aucun sens, ce serait lamentable, historiquement lamentable. Il y a Potsdam, il y a les Américains ; eh bien l'Europe pourra prendre la parole en disant : voilà, nous, on l'a fait, faites le maintenant. L'Europe, elle ne peut être écoutée que si elle est exemplaire.
Enfin je voudrais terminer en disant combien j'ai été heureux de travailler main dans la main avec le Président BARROSO qui a été un partenaire intelligent, courageux, réactif. Et en plus, très agréable dans les innombrables voyages que nous avons faits ensemble. On en fera encore un au Brésil, puisqu'on a un sommet, et franchement, je ne regrette en rien le changement de la position française qui consiste, au lieu de critiquer la Commission - ce qui ne sert pas à grand-chose -, à travailler avec elle absolument main dans la main. Je veux dire que le secrétariat du Conseil a été remarquable. Je veux rendre hommage à mon équipe, ils ont travaillé très dur. Je veux dire à Jean-Louis BORLOO combien il nous a aidé à déblayer le terrain sur des mesures qui n'étaient pas du tout techniques mais vraiment extrêmement importantes ; combien Bernard KOUCHNER est pour moi un partenaire et un ami indispensable ; combien on va regretter Jean-Pierre JOUYET, même s'il va prendre des responsabilités, on continuera de travailler ensemble. Comme vous le savez, Jean-Pierre JOUYET a été mon collaborateur - s'il me permet de le dire -, il y a quelques années, et je savais parfaitement ce que je faisais en lui proposant. Et puis je voudrais dire à François FILLON qu'on a changé, je crois, les habitudes. Nous ne sommes pas en cohabitation, et on a fait tous les Conseils européens ensemble, tous les sommets ensemble, c'est comme cela qu'on travaille. Parce que l'Europe c'est notre quotidien, ce ne sont pas des affaires étrangères, l'Europe. Il est parfaitement indispensable que le Premier ministre, qui a une vocation interministérielle, soit du 1er janvier au 31 décembre dans les affaires européennes avec le Président de la République. Je n'ai jamais compris ces histoires de domaine réservé où le Premier ministre ne devrait pas s'occuper d'Europe ou d'international. Je ne comprends pas. L'Europe, c'est capital. L'Europe, c'est notre quotidien. Comment imaginer que le Président de la République aille en Europe et puis que le Premier ministre ne participe surtout pas ? Cela n'a aucun sens. J'espère que je ne suis pas modéré en disant cela, je me fais comprendre. Donc on a fait une fameuse équipe.
Je voudrais vous annoncer qu'en accord avec le Premier ministre, j'ai demandé à Bruno LE MAIRE de remplacer Jean-Pierre JOUYET, d'être donc secrétaire d'Etat auprès de Bernard KOUCHNER - qui m'a donné lui aussi son accord -, aux Affaires européennes. J'ai signé le décret de nomination tôt ce matin. Bruno LE MAIRE sera donc à nos côtés mardi au Parlement européen. N'oublions pas la codécision. Cette nomination, nous y avons beaucoup réfléchi, le Premier ministre et moi, on a fait le choix d'un homme jeune, d'un homme talentueux, compétent, profondément européen. Et j'espère que chacun comprend que, dans mon esprit, c'est aussi une façon de dire à la majorité que chacun qui veut apporter sa pierre à l'oeuvre de réforme que nous engageons en France est le bienvenu. Je ne peux pas être un homme d'ouverture vis-à-vis d'une partie de la gauche et ne pas être d'une même ouverture vis-à-vis de l'ensemble des sensibilités de ma propre famille politique. Personne ne le comprendrait. Voilà.
Je souhaite bon courage à la Présidence tchèque. Cela a été une excellente nouvelle pour l'Europe que le Premier ministre Mirek TOPOLANEK ait gagné la bataille interne à son parti. Et je voudrais dire qu'il a été courageux, M. TOPOLANEK, parce qu'il a gagné en disant que s'il gagnait, il ratifierait, comme l'a autorisé la Cour constitutionnelle tchèque, Lisbonne. Cela montre quoi ? Cela montre que dans des pays où il y a de l'euroscepticisme, les chefs d'Etat et de gouvernement doivent être courageux, affirmer leurs convictions. Moi, j'ai été élu à 53% dans un pays qui a voté non à 55%. Et moi, contrairement à la dame qui était mon adversaire, je n'ai pas promis un référendum. C'est comme cela qu'on a débloqué la situation en Europe. Vous savez, nos peuples peuvent parfois aspirer à dire « non » à l'Europe mais même celui qui aspire à dire « non » à l'Europe, ne veut pas que son chef d'Etat, ou chef de gouvernement soit dans la même position d'isolement. Et M. TOPOLANEK a gagné, c'est bien, et il a gagné en disant qu'il ratifierait Lisbonne. Il peut compter sur le soutien de la France.
Vous voulez savoir si cela va me manquer ? Peut-être. Mais après tout, vous n'allez pas m'en vouloir d'aimer l'Europe. C'était vraiment deux très belles journées.
M. JOSE MANUEL BARROSO - Merci, merci beaucoup. Tout d'abord je voudrais rendre hommage au Président SARKOZY et à son équipe qui a conduit l'Europe à travers une passe très difficile. Il avait au départ un programme déjà très chargé mais les différentes crises - la crise en Géorgie, la crise financière - ont rendu les choses difficiles. Son engagement, son dévouement, son énergie, son intelligence politique ont renforcé l'Europe. Ces deux derniers jours, je crois pouvoir le dire, nous avons montré que l'Europe est unie et la résolution de passer de la crise à la reprise, et d'apporter une prospérité durable.
Avant le Conseil, j'ai dit que ce serait sans doute le Conseil européen le plus important auquel j'aurais été appelé à participer. C'est effectivement le cas. Je suis heureux de pouvoir vous dire que nous sommes parvenus à un accord historique, non seulement du fait qu'on puisse avancer sur le Traité de Lisbonne, mais aussi des décisions importantes qui ont été prises, qui concernent la réponse politique à la crise, principale préoccupation de nos concitoyens. Nous avons adopté également un paquet historique sur le climat et l'énergie, et c'est le programme de loin le plus ambitieux jamais adopté de par le monde dans un pays ou sur un continent. Il y a un accord sur le plan de relance conformément à notre proposition. Nous sommes convenus de nous placer sur la trajectoire de la reprise. Une approche qui sera concertée. Il s'agit de tenir compte des approches des différents Etats membres, d'agir ensemble. Il s'agit d'éviter une solution qui serait la même, imposée à tous, mais il s'agit de concerter nos efforts. Il y a un accord en ce qui concerne les propositions de la Commission de créer une impulsion économique suffisante pour qu'il y ait un impact pour doper la demande et restaurer la confiance. Il s'agit d'injecter 1,5% du PIB dans des économies européennes. Mais la dépense doit être futée, intelligente pour que nos économies soient plus résistantes à la crise et plus compétitives. Il s'agit d'apporter cette impulsion et aussi viser la durabilité. Cela doit aller de pair. Je suis satisfait que le Conseil européen ait suivi les propositions de la Commission qui demande aux Etats membres de revenir très vite dans le cadre de ce que prévoit le pacte de stabilité et de croissance pour les déficits. Il s'agit d'avoir cette impulsion, ce stimulant à court terme, mais notre préoccupation, c'est le moyen et le long terme, et nous sommes parvenus je crois à un très grand consensus sur ce point. Je crois qu'il s'agit effectivement d'une crise grave mais si nous nous y prenons bien, l'Europe peut ressortir renforcée.
En ce qui concerne le paquet ??nergie-climat, vous savez que la Commission a présenté ses propositions à ce sujet en janvier, le 23 janvier de cette année. En moins d'un an, les Etats membres sont parvenus à un accord unanime sur les propositions les plus ambitieuses jamais connues. Le Parlement - je peux le dire aujourd'hui, et j'aurais dit l'inverse si le résultat avait été à l'opposé -, mais je crois qu'on peut dire aujourd'hui, oui, l'Europe a franchi avec succès son test de crédibilité.
Lorsque nous parlons du climat, nous sommes sérieux. Maintenant il s'agit de parachever ce travail, c'est-à-dire de parvenir aussi à un accord avec le Parlement européen la semaine prochaine. Je crois que cela sera possible. Ces derniers jours, il y a eu une négociation ardue, ce qui est naturel, mais n'oublions pas le point le plus important : après tous les ajustements apportés, nous avons garanti une réduction de 20% des émissions en 2020, l'objectif de 20% d'énergie renouvelable en 2020, et nous avons également garanti qu'on allait accroitre l'efficacité énergétique de 20%. Il y a quelque temps, beaucoup de voix critiques faisaient entendre que ce serait impossible, que l'Europe serait incapable de le faire. Et plus récemment, face à la crise économique et financière, on a dit : l'Europe va renoncer à ses engagements. Non, l'Europe a décidé de s'y tenir à ces engagements. Je crois que nous avons montré que la sécurité énergétique, une action sur le climat, la croissance, tout cela peut être mené de façon qui se soutient mutuellement pour surmonter la crise. Nous savions que le monde nous attendait. Notre message à nos partenaires sur le plan mondial est le suivant : « Yes you can ». Si, c'est possible, vous aussi vous pouvez faire ce que nous nous faisons. Oui, il est possible d'atteindre les objectifs sur lesquels nous nous sommes engagés. Voilà le message que nous voulons faire passer à tous nos partenaires. Et je serai encore plus clair, et notamment à l'adresse de nos partenaires américains : il y a un nouveau Président aux Etats-Unis qui a fait une déclaration très importante s'agissant de l'engagement des Etats-Unis sur le climat. Nous lui demandons de se joindre à nous, Europe, et avec nous de conduire le monde dans cet effort planétaire. Nous avons besoin du soutien américain dans cette initiative.
Au sujet de Lisbonne, nous avons trouvé la marche à suivre avec nos amis irlandais. C'est une solution qui tient compte des préoccupations irlandaises, mais qui ne rend pas nécessaire pour les autres une nouvelle ratification. L'Irlande comprendra, je crois, combien cela est important, pour nous, que l'Irlande soit des nôtres, combien nous pouvons être importants pour l'Irlande, on l'a montré, dans les difficultés économiques. Je voudrais rendre hommage au Premier ministre irlandais, mais aussi à la maturité des vingt-six partenaires qui ont montré qu'il était possible de trouver une solution animée d'un esprit européen véritable. Je peux dire que ce Conseil européen, sous la conduite de Nicolas SARKOZY, a créé une plateforme pour que nous puissions franchir ces mers tumultueuses, mais maintenant il faut réfléchir à la dimension planétaire. Il y a la poursuite au niveau du G20. Maintenant, je voudrais appeler le Président américain pour que les idées convergent avec les nôtres, créant ce plan transatlantique pour le climat. Faisons-le pour le bien de l'Europe, de l'Amérique mais aussi du monde. Nous avons besoin d'une telle impulsion, sans cela il n'y aura pas de solution à l'échelle planétaire. Nous savons que dans le monde actuel nous sommes de plus en plus interdépendants. Nous avons besoin de cet effort de cette dimension. L'Europe est prête, espérons que d'autres seront prêts pour déployer les mêmes efforts.
LE PRÉSIDENT - Merci José Manuel. J'ai oublié que sur la défense européenne, il y a des conclusions extrêmement importantes. Excusez-moi, mais il y a tellement de choses. On aura l'occasion d'en parler, sur le Zimbabwe également, il y a des décisions très importantes.
QUESTION - Monsieur le Président, après tous les succès que vous avez décrits, est-ce que vous êtes rassuré sur le fait que l'Union européenne sera entre de bonnes mains à partir du 1er janvier 2009 ? Qu'attendez-vous de la Présidence tchèque ?
LE PRÉSIDENT - Bien-sûr qu'elle sera entre de bonnes mains. Je l'ai dit. Vous voulez que je le répète ? Oui, elle sera entre de très bonnes mains. Et puis, il y a des règles qui s'appliquent. Les Tchèques laisseront la Présidence aux Suédois. Si la presse suédoise me pose la question : est-ce que la Présidence est entre de bonnes mains ? Je dirai : oui, elle est entre de bonnes mains. Et puis, en 2009, j'espère qu'on aura le Traité de Lisbonne.
QUESTION - Monsieur le Président, quelles sont les mesures qui ont été adoptées dans le cadre de l'accord sur le paquet énergie-climat pour protéger les industries européennes, les secteurs industriels en matière de permis à polluer, pour qu'ils ne soient pas soumis plus durement à la concurrence internationale ? Quelles sont les dérogations pour ce que demandaient l'Italie et l'Allemagne ?
M. JEAN-LOUIS BORLOO - Ce qui était prévu, dans l'hypothèse où il n'y aurait pas d'accord à Copenhague - et seulement dans cette hypothèse là, car comme le disait José Manuel BARROSO, « Yes, United States can ! », on le leur dira à Poznan tout à l'heure, uniquement dans cette hypothèse là -, pour ceux qui sont confrontés avec des critères d'exposition à la concurrence extrêmement forte, on fait en sorte que l'industrie européenne la plus exposée soit obligée d'aller vers la meilleure technologie connue disponible. Et en-dessous de cette technologie là, vous ne payez pas, pour simplifier le quota, pour dire les choses. En revanche, au-dessus, vous payez, vous créez ce marché de la même manière, sachant que tout ceci est amélioré, progressif tous les ans jusqu'à 2020. Ce qui permet donc d'aller..., vous savez que les écarts de technologie sont considérables selon les sites : certains secteurs, c'est de l'ordre de 20 à 30% mais pour d'autres, c'est de 1 à 3. C'est absolument gigantesque. Donc voilà l'équilibre qui a été trouvé, je dois dire assez simplement et je dois dire à l'unanimité de ceux qui ont de l'industrie et de ceux qui n'en ont pas.
LE PRÉSIDENT - Je dois rendre hommage à l'Italie. Comme chacun le sait, il n'y avait pas un enthousiasme énorme au début. On a trouvé, grâce au Président BERLUSCONI, un accord assez rapide, avec l'Allemagne également. Il a fallu négocier une possibilité d'aider 2013-2016 les nouvelles centrales, celles qui seront construites et pollueront moins pour éviter une distorsion de concurrence entre la Pologne et l'Allemagne. Tout le monde a bien compris que le monde ne pouvait pas continuer comme cela, que finalement ce n'était pas une peine qu'on leur infligeait, mais une opportunité d'aller vers de nouveaux processus de production, et que cela allait obliger l'ensemble de l'industrie européenne à se moderniser vers les technologies les meilleures. Les « benchmarks », dont parlaient Jean-Louis, sur la base du 10% de ce qui se vend le mieux, cela va nous obliger à réformer l'ensemble de l'appareil industriel européen pour produire de façon moins polluante. C'est comme cela qu'on va gagner la bataille de l'innovation et que l'on va prendre de l'avance. Franchement, ça n'a pas été si difficile que cela.
QUESTION - Monsieur le Président, j'avais une question à vous poser. Est-ce que vous pensez, que durant ces 180 jours, vous avez convaincu l'Europe ou est-ce que c'est l'Europe qui vous a convaincu ?
LE PRÉSIDENT - Je n'ai pas réfléchi comme cela. Sans doute, vous savez que... comment voulez-vous que travaillant tous les jours, voyageant si souvent, bien-sûr que je suis influencé par tous les gens que j'ai rencontrés, tout ce que j'ai entendu. Cela m'a surtout appris à prendre en considération les problèmes des autres. Et la nécessité absolue de trouver un compromis. C'est très difficile quand on est Président du Conseil d'être à l'écoute, de présider de façon souple et en même temps de ne pas laisser dériver les choses. J'avais prévenu sur le paquet énergie-climat qu'il y avait des choses que je ne ferais pas. J'ai tenu. Je n'aime pas qu'on termine à 4 heures du matin, épuisé, pour négocier sur trois cacahuètes. Les gens normaux travaillent toute la journée, vont se coucher 22h30/ 23h00. J'estime qu'en ayant présidé 8 heures de suite de réunion hier, c'était absolument inutile d'aller au-delà. Je pense que quand on est à vingt-sept chefs d'Etat et de gouvernement autour de la table, on prend la parole une fois pour dire ce que l'on a à dire. On n'est pas obligé de la reprendre six fois. J'estime que, si on prend la parole pour dire : ma position est non-négociable, alors c'est que l'on ne veut pas de compromis, donc il faut assumer cela et donc je n'ai pas à rechercher de compromis. Je pense que le rôle de la Présidence, ce n'est pas de faire une espèce de monstre non identifiable où on a fait plaisir à tout le monde, mais d'essayer d'être juste et équitable. Au fond, la Présidence a mis sur la table un paquet. Ce paquet, nous l'avons mûrement travaillé et réfléchi avec nos équipes, et c'est vrai qu'on l'a peu modifié. Alors, appelez cela du leadership, mais je pense que c'est de l'organisation.
Oui, j'ai été influencé par les autres. Surtout, ce que l'on a voulu montrer, c'est que le problème de l'Europe, c'est qu'elle n'avait pas assez d'ambition. Parce que quand vous convoquez un Conseil européen avec de grandes ambitions et de grandes décisions, alors vous vous donnez les moyens de surmonter des blocages nationaux. Parce que chacun comprend bien que si c'est pour un grand objectif, il faut surmonter les intérêts égoïstes. Si vous n'avez pas une grande ambition et de grands objectifs, pourquoi voulez-vous que les gens acceptent de sacrifier des petits intérêts ? Donc, c'est beaucoup plus facile d'avoir une grande ambition.
Le message que je veux laisser à l'Europe, c'est celui-là : il faut que nous ayons de grandes ambitions, pas de petites. Parce que les petites, personne n'y comprend rien et au nom de petites ambitions collectives, on ne sacrifie pas ses intérêts égoïstes. Au nom d'un grand dessein collectif, on peut accepter de surmonter ses craintes nationales. Voilà ce qui a été démontré.
Je veux d'ailleurs dire que le Parlement européen joue un très grand rôle. J'ai déjeuné trois fois avec tous les Présidents de groupe, avec Bernard KOUCHNER et Jean-Pierre JOUYET. Ils nous ont apporté une aide considérable. Par exemple, avant le Conseil européen, je les ai vus pour leur dire où nous allions atterrir. Nous sommes en codécision sur le paquet énergie-climat. C'est comme cela que cela doit marcher. L'Europe doit exister. L'Europe doit être volontariste. L'Europe doit avoir des ambitions. L'Europe doit arrêter d'être naïve. L'Europe doit porter un projet politique. L'Europe doit faire de la politique. L'Europe doit bousculer le monde qui doit changer. L'Europe doit être présente au sommet de Londres avec des propositions extrêmement fortes. L'Europe ne doit pas se donner le ridicule de ne pas avoir d'institutions qui marchent. L'Europe doit faire des efforts. Le monde a besoin de l'Europe, mais d'une Europe qui relève la tête, qui pense quelque chose et qui dit quelque chose. Le prix du meilleur européen ne doit pas être donné à celui qui ne pense rien, qui ne dit rien et qui ne croit en rien pour ne réveiller personne. Il faut prendre des risques.
Autour de la table, j'ai été extrêmement heureux de voir quelque chose : y compris quand on a fait des choses qui ne suscitaient pas le consensus au début, une très grande tolérance, pour peu qu'on comprenne où on voulait aller. C'est cela qui a manqué : de l'ambition, de la volonté de porter un modèle européen sans agressivité avec les autres, y compris lorsqu'on a parlé de défense européenne, ce matin. Cela ne me gêne pas du tout de dire : en coopération avec l'OTAN, avec nos amis de l'OTAN, mais l'Europe doit avoir une politique de défense à elle avec ses alliés. Mais l'Europe ne peut pas être un nain en matière de défense et un géant en matière économique. Ce n'est pas possible. Sur des sujets de cette nature, vraiment, on a trouvé un parfait accord. Cela progresse. Je suis sûr que les belles années de l'Europe sont devant nous si l'on veut bien continuer sur ce rythme.
QUESTION - Les autorités polonaises nous ont expliqué que le mécanisme de solidarité que vous avez négocié va donner à la Pologne 15 Mds d'euros cette année. C'est une somme énorme. Je voudrais voir si vous partagez cette interprétation et aussi si vous avez vraiment dit au Premier ministre TUSK qu'il est le meilleur négociateur que vous connaissiez.
LE PRESIDENT - Je peux en connaître un autre, de bon négociateur ! D'abord, M. TUSK a été un partenaire exigeant, rugueux, mais honnête, loyal, qui a respecté sa parole. La Pologne bénéficiera de quota gratuit. Mais enfin, c'est normal. La Pologne, c'est 38 millions d'habitants. Son industrie a été sacrifiée à l'époque du rideau de fer et du Pacte de Varsovie. Ils sont à 95% sur le charbon. Si on ne les aide pas ! Mais il faut qu'ils fassent un effort absolument considérable. Donald TUSK a donc bien négocié. C'est un homme de qualité. Je rappelle que le Président KACZYNSKI avait bien négocié mais qu'il avait signé le Traité de Lisbonne, dans mon bureau. De mon point de vue, cela me paraît compliqué d'avoir signé le Traité de Lisbonne à Bruxelles et de refuser de le signer à Varsovie. C'est le même ! Il a quand même dit autour de la table qu'il ne ferait pas obstacle à l'adoption du Traité. Le Premier ministre hongrois est un partenaire aussi très exigeant, très pugnace. Qu'est-ce que vous voulez ? Quand on veut avoir un accord, c'est normal qu'ils défendent leurs intérêts. Mais enfin, ils seront à 0%, les Polonais aussi en 2020, comme les autres.
QUESTION - Vous le disiez, dernier sommet de votre présidence à vingt-sept, en tout cas, sommet important. Quel bilan personnel tirez-vous ? Avez-vous quelques regrets, au passage, puisqu'on est à l'heure des bilans ? On se dit tout.
LE PRESIDENT - Vraiment ? Quelle invitation ! C'est Noël ! Pour dire franchement, je n'ai aucun regret. Les objectifs que nous nous sommes assignés, je parle sous votre contrôle, ce n'est pas qu'ils ont été atteints, c'est qu'on a été bien au-delà. Je ne parle pas de durée, même le bilan de santé de la PAC - je ne veux pas vous imposer tout cela -, l'Union pour la Méditerranée, etc., auxquels j'attache une importance cruciale. Non, je n'ai aucun regret. Simplement, peut-être, cette remarque. Quand j'ai commencé la présidence, on m'a dit : « six mois, c'est peu ». Mais regardez ce que l'on a fait en six mois. Et puis, ce qui m'a bien plu, c'est de tripler le nombre de Conseils européens par rapport à ce qui était prévu ! Je trouve cela fantastique. On a changé tellement d'habitudes ! Je trouve qu'il y ait des sommets à date fixe, oui. Je pense que dans un sommet comme celui de la Présidence française, se voir deux fois, cela serait choquant, serait ridicule, absolument ridicule. Et encore, je parle des conseils mais je n'oublie pas les différents sommets à l'Elysée. Il faut que l'Europe soit beaucoup plus réactive, beaucoup plus mobile, et arrête de s'enfermer dans des procédures.
Je prends un exemple, c'est tellement révélateur : on a commencé par le Traité de Lisbonne, hier, parce que cela permettait la présence du Président du Parlement européen, Hans-Gert Pöttering. Je me retourne et je vois que le ministre d'Etat, Jean-Louis BORLOO n'était pas là. « Demandez-lui de rentrer ». « Non, on ne peut pas, il n'y a pas assez de chaises ». Un de mes collaborateurs dit : « je vais lui donner un siège ». Non, on va faire une révolution, un putsch, on va mettre une chaise de plus ! Cela ne se fait pas. Si vous ne la mettez pas, j'irai la chercher moi-même ! Cela, c'est l'Europe qui meurt ! C'est un détail ? Ce n'est pas un détail. Ils sont capables de passer des heures pour savoir le nombre de chaises par délégation ! Cela n'a aucun sens. Il faut mettre de la vie. Il faut mettre de la souplesse. Il faut mettre de la liberté. Il faut mettre de l'interactif.
Autre exemple. Nous avons parlé hier de la politique économique au dîner, José-Manuel peut le dire, c'était très libre. Moi, j'ai dit ce matin au conseil : on n'en reparle pas. On lit le texte, si vous avez des problèmes avec le texte, vous nous le dites, mais on ne refait pas la même discussion. On ne va pas parler des mêmes choses deux fois de suite. Il y a eu trois heures pour en parler au dîner, je n'accepterai pas une minute de débat le matin. J'accepte le débat sur une formulation qui n'irait pas, parce que la présidence n'a pas bien fait son travail, je l'accepte tout à fait, mais pas de nouveau débat. On ne peut pas fonctionner si on ne met pas des règles extrêmement précises. C'est vrai, il m'est arrivé de refuser la parole, des choses comme cela, parce qu'on n'a pas à redire plusieurs fois la même chose quand on est vingt-sept. Quand il est arrivé à un chef de délégation de dire que ce qu'il demandait, c'était non négociable, je dis : « c'est non négociable, alors prépare-toi à annoncer l'échec !. Parce que si l'on commence à dire : c'est ce que je propose ou rien, ce n'est pas la peine qu'on se donne la peine de trouver un compromis. Cela, ce n'est pas européen.
C'est pour cela que l'on s'est bien entendu avec José-Manuel, parce qu'on avait la volonté de bouger les choses. Je dois d'ailleurs dire que Jean-Claude TRICHET, Président de la BCE, j'ai apprécié le pragmatisme dont il fait preuve en ce moment. Je n'avais pas compris que c'était possible, mais ça l'est et Jean-Claude a fait un travail remarquable à la tête de la BCE. Je dois dire que même dans la discussion que l'on a eue sur l'économie, il a été très libre, acceptant les remarques, les échanges, bien sûr, on écoute, et notamment sur le plan de soutien aux banques, il a été parmi les plus moteurs. Voilà. Je crois que c'est cela dont l'Europe a besoin : des grandes ambitions, moins de formalisme, de snobisme sur les procédures, les badges, les accrédités, l'ennui mortel de réunions où, sous prétexte que les problèmes sont difficiles, on parle de la périphérie des problèmes. Prenez maintenant le texte que l'on a sorti, il n'y a pas de petits sujets. Il y a des conseils des ministres pour des sujets plus techniques, là sur les chefs d'Etat et de gouvernement, il faut faire de la politique.
QUESTION - Vous avez parlé de l'Europe de la défense. En quoi, pour vous, c'est un succès ? En quoi, pour vous, l'Europe de la défense peut être un succès quand à la lettre de BAN Ki-Moon sur l'intervention européenne au Congo, vous dites non ?
LE PRESIDENT - Ce sont bien des sujets différents, je parle sous le contrôle de Bernard KOUCHNER. D'abord, sur la politique européenne de défense, c'est un succès de voir que, maintenant, personne ne voit la politique européenne de défense comme une politique agressive à l'endroit des Etats-Unis. Mais c'est un progrès monumental ; même le Président BUSH a dit au dernier sommet de l'OTAN de Bucarest que politique européenne de défense, c'était nécessaire. Nos amis polonais y prendront toute leur part. Je ne veux pas rentrer dans le détail de tout ce que l'on annonce, c'est indispensable et j'ai dans la tête le prochain sommet de l'OTAN de Strasbourg. Il faut que l'on avance. Nos amis anglais sont prêts à avancer. L'ensemble des Européens comprennent que ce n'est pas : ou l'amitié avec les Etats-Unis ou l'indépendance de la sécurité de l'Europe. On peut faire les deux. On doit d'ailleurs faire les deux, ensemble.
Sur la question du Congo. Je veux d'ailleurs rendre hommage à tout ce qu'a fait Bernard KOUCHNER en la matière. Le problème, ce n'est pas du tout que l'Europe ne veut pas y prendre sa part, l'Europe est prête à y prendre sa part. Je fais deux remarques. La première, c'est qu'à l'heure actuelle, en RDC, il y a 17 000 soldats de l'ONU, que c'est la plus importante opération onusienne. Je suis désolé, quand il y a déjà 17 000 soldats et que l'on m'explique qu'il n'y en a que 800 qui servent, je me demande si c'est nécessaire d'en envoyer 3 000 de plus, avec 17 000 ! Première remarque. C'est une question.
Deuxième remarque. On met RDC, Rwanda, Angola. J'ai eu moi-même au téléphone le Président DOS SANTOS qui est un acteur régional, qui m'a dit : « l'armée angolaise, dont vous connaissez l'efficacité, est prête à s'engager pour la paix à condition que ce soit sous mandat ONU. Question que je pose : « est-ce que, par souci d'efficacité, il vaut mieux, s'il y a besoin de renforts - je rappelle qu'il y a 84 aéronefs là-bas -, est-ce qu'il ne vaut pas mieux faire appel d'abord à des forces régionales, quasiment prêtes, installées, qu'à des forces européennes ?
Dernier point. S'agissant des forces européennes, on est au Tchad. Maintenant, après m'être battu pour que l'on soit, avec Bernard KOUCHNER, au Tchad pour stabiliser cette région du monde, avec le Darfour à côté où tout le monde nous a dit : c'est une nouvelle opération entre guillemets « France-Afrique » de la France. Je ne vois pas comment on pourrait nous reprocher de ne pas vouloir être présents en RDC.
Enfin, s'il s'agit d'aider par un pont aérien pour des vivres, de l'humanitaire, pourquoi pas ? Et puis, si vous voulez que j'aille au bout de ma pensée, il faudra un jour que l'on discute de la présence des armées françaises, par exemple en Côte d'Ivoire, où j'attends avec grande impatience les élections ; que nous redéployons aux soldats au service de la paix dans d'autres régions d'Afrique où d'ailleurs, on connaît nos responsabilités. Nous ne pouvons pas tout faire. Je l'ai dit au Secrétaire général BAN Ki-Moon, il le fait d'ailleurs. C'est un homme que je soutiens et que j'apprécie. Il y a peut-être des problèmes d'organisation et pas simplement des problèmes de quantité ou de nombre.
Dire cela ce n'est pas se désintéresser de la RDC où d'ailleurs nous avons prévu avec Bernard KOUCHNER de nous rendre en janvier 2009 et j'aurai l'occasion d'en dire plus. Ce n'est vraiment pas un désintérêt. J'ai eu le Président KAGAME, le Président KABILA, le Président DOS SANTOS. Bernard y est allé. On essaye de trouver la meilleure solution. On ne peut pas non plus être partout, toujours, sans limite. Et surtout, peut-être y-a-t-il des endroits où il n'y a pas un soldat de l'ONU. Y aller là où il y a 17 000 soldats de l'ONU...Entre cela et ne rien faire, il y a un équilibre que l'on est en train de trouver. On ne veut pas ne rien faire.
QUESTION - Vous avez dit à lors de votre discours à Strasbourg que vous ne laisserez pas s'installer à nouveau les mauvaises habitudes en Europe. Vous comptiez peser sur la scène européenne donc je voulais savoir comment vous pensez faire concrètement ?
Deuxièmement, sous votre Présidence, il y a eu une dégradation des relations entre l'Union européenne et la Chine. Quel conseil donnez-vous à la Présidence tchèque pour établir de bonnes relations avec la Chine ?
LE PRESIDENT - Vous avez une manière particulièrement sympathique de poser la question. Moi tout seul, je porte la faute ? C'est-à-dire que le Parlement européen n'a pas reçu le Dalaï Lama ? Le Premier ministre belge n'a pas reçu le Dalaï Lama ? Et le Premier ministre tchèque n'a-t-il pas reçu le Dalaï Lama ? Je me trompe ? Parce que je ne sais pas, en écoutant votre question je me demandais si j'étais le seul responsable. Je regrette cette crispation. Je la regrette parce que je crois que c'est l'intérêt de l'Europe d'avoir de bonnes relations avec la Chine, et c'est l'intérêt de la Chine d'avoir de bonnes relations avec l'Europe. Parce que quand la Chine consomme des produits européens ou nous envoie ses touristes, c'est bien pour l'économie européenne. Mais quand les entreprises françaises et européennes commandent aux entreprises chinoises, c'est bien pour la croissance chinoise. Cela va dans les deux sens.
Deuxièmement je suis allé aux Jeux olympiques. En tant que Président du Conseil européen, c'est moi qui ai fait prendre la décision d'y aller. Même si tous m'ont soutenu. Mais j'avais dit que je verrais le Dalaï Lama avant la fin de l'année 2008, je l'ai fait. Ce n'est pas avoir de bonnes relations ou de mauvaises relations avec un partenaire que de se laisser dicter sa conduite. Ce ne sont pas des amis qui se dictent la conduite. Ce sont des vassaux. L'idée que je me fais de l'Europe c'est une Europe libre, indépendante, défendant ses valeurs.
Donc le conseil que je donne, d'abord je n'ai pas de conseil à donner, la règle que je m'impose, c'est de réagir à tout cela avec beaucoup de calme, beaucoup de sérénité. Il n'y a qu'une seule Chine. Je le dis pour Taiwan et pour le Tibet. Et on a besoin de la Chine dans la gouvernance mondiale. On retrouvera les moyens de dialoguer tranquillement et sereinement. Mais pas au prix de renier nos propres valeurs européennes. D'ailleurs, vous êtes Allemand ? C'était bien la position de Mme MERKEL ? Je crois même qu'à l'époque elle n'avait pas été tout à fait comprise par toute la classe politique allemande. Vous voyez que l'axe entre Mme MERKEL et moi, cela marche bien.
QUESTION - Monsieur le Président, vous nous avez expliqué que l'Europe a besoin d'institutions fortes. Or, si je me souviens bien les négociateurs de Nice comme de Lisbonne avaient conclu que pour avoir une Commission forte il fallait une Commission moins nombreuse. Est-ce que ces négociateurs se sont trompés ou bien est ce que vous pensez que la Commission doit avoir un rôle différent, peut être un peu moins centralisateur ?
LE PRESIDENT - Je pense qu'ils se sont trompés. J'ai le doit d'avoir des convictions. D'abord nous avons demandé que le nouveau Président de la Commission soit désigné en juillet. L'engagement que j'avais pris, je l'ai tenu. Il y aura les élections européennes en juin, sur la base du Traité de Nice et la désignation du Président de la Commission en juillet. C'est extrêmement important. Vous connaissez mon choix, mon soutien, je n'ai pas changé et je n'ai pas varié.
Deuxièmement, pour la Commission : elle a un rôle essentiel, mais je pense que c'est une erreur de supprimer la Présidence tous les six mois - elle restera mais elle ne sera pas sur la même manière - et en même temps de priver certains pays d'un représentant à la Commission. C'est trop.
Voilà que si on a Lisbonne, certains pays ne présideront plus l'Europe. Ils seront présidents un peu virtuels puisqu'il y aura un président élu pour 2 ans et demi. Et si en même temps vous privez d'une représentation nationale à la Commission, vous faites une grave erreur. C'est une grave erreur. La meilleure preuve c'est que tout cela n'était pas stabilisé puisque dans le Traité de Lisbonne, il était prévu - vous le savez très bien, vous connaissez très bien les choses -, que l'on en rediscuterait en 2014. C'est donc bien qu'il n'était pas si assuré. Mais je trouve que c'est trop de refuser à certains pays une possibilité de présidence et de refuser en plus un commissaire.
J'ajoute que si la Commission n'a pas de commissaire allemand et un commissaire français et trois commissaires baltes, d'après vous elle est plus forte la Commission ou elle est moins forte ?
Enfin dernier point, je donne mon point de vue, je pense qu'à l'avenir il faut renforcer les pouvoirs du Président de la Commission. Je m'en explique, c'est très simple, parce que plus vous aurez de commissaires, plus le Président de la Commission doit avoir une autorité sur les commissaires pour qu'il y ait une doctrine. Sinon c'est la pagaille. Nous sommes vingt-deux commissaires ou trente commissaires, je ne vois pas ce que cela change au problème. Je vous le dis comme je le pense : cela ne change rien. Donc c'est un engagement en tout connaissance de cause que j'ai pris. C'était cela ou pas de Lisbonne. Je trouve que ce n'est pas du tout un sacrifice.
Enfin dernier point, la Commission a besoin d'un leadership fort à la tête du Conseil européen. Parce que s'il n'y a pas de leadership fort à la tête du Conseil européen, la Commission se trouve alors dans une situation où elle doit à la fois être la gardienne de l'esprit des traités et faire de la politique. Le bon équilibre de nos institutions, c'est un Président du Conseil politique qui entraine un Président de la Commission gardien de l'esprit des traités, qui doit, en parfait partenariat avec le Président du Conseil, faire son travail aux confins de la technique et de la politique. S'il n'y a pas un leadership fort à la tête du Conseil, la Commission se trouve en situation très désagréable de devoir être tout à la fois, ce qui la fragilise. C'est cela la magie et la subtilité des institutions européennes. J'y crois très fortement. Bien loin d'affaiblir la Commission, notre proposition la renforce. Avec un Président de la Commission qui ait autorité. Pendant ces six mois, souvent j'ai appelé M. BARROSO pour lui dire : aide-nous, parce que tous tes commissaires n'ont pas la même rapidité de réaction. C'est ce que je pense. Maintenant que je m'en vais, je peux le dire.
QUESTION - Monsieur le Président, pour revenir très rapidement au bilan de votre présidence, une présidence, on l'a dit, qui a été une présidence de gestion de crise. Est-ce qu'au final vous pensez avoir réconcilié les Français avec l'idée européenne ?
LE PRESIDENT - Gestion de crise ... quand même ! Le paquet énergie-climat cela n'a rien à voir avec la gestion de crise. La politique européenne de défense, cela n'a rien à voir avec la gestion de crise. L'Union pour la Méditerranée avec Israël, secrétaire général adjoint, - hommage soit rendu au Sommet de Marseille, Bernard a été fantastique - avec les Palestiniens, tous les Arabes et la Ligue arabe présents, ce n'est pas de la gestion de la crise.
La gestion de crise : on a eu une guerre, la finance et l'économie. Est-ce que l'on a réconcilié ? En tout cas on a progressé. Je pense que l'image de l'Europe aujourd'hui, elle est plus forte qu'elle n'était au début de la Présidence française. Mais les événements nous ont certainement servis.
Mais je voudrais terminer en vous disant cela : cela m'a passionné, ce que j'ai fait. J'ai été très heureux de le faire. Cela a été un grand honneur, pas du tout une charge. Cela a été une ouverture d'esprit pour moi considérable. Cela a été passionnant, épanouissant et assez facile. Je pense que quand on a la chance de présider comme cela vingt-sept pays, c'est une opportunité fantastique, que l'on n'a pas le droit de s'en plaindre. J'ai été Président du Conseil de la première seconde et je le serai jusqu'à la dernière. J'espère que tous ceux qui me succèderont aimeront autant le job, parce que l'Europe mérite d'être incarnée, mérite d'être défendue, et mérite d'avoir un visage.Je peux vous dire vraiment que je me suis fait de nouveaux amis, j'ai découvert beaucoup de choses.
Je ne parle pas de vous...Allez bon Noël !