Déclaration de M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'Etat à la défense et aux anciens combattants, en hommage aux anciens combattants français de la Guerre de Corée, à Arrow Head le 10 décembre 2008.

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Circonstance : Déplacement en Corée du Sud du 9 au 12 décembre-inauguration du monument de "Arrow Head", le 10 décembre 2008

Texte intégral

Monsieur le Ministre,
Monsieur l'Ambassadeur,
Messieurs les parlementaires,
Messieurs les officiers généraux,
Mesdames et Messieurs,
Nous voici réunis à l'emplacement de la célèbre « côte 281 », qui est entré dans la légende sous le nom de « Arrow Head ».
Ici, il y a près de 60 ans, s'illustrèrent avec éclat les soldats du Bataillon Français de Corée, aux côtés de leurs alliés coréens et américains.
Durant une semaine, à l'Automne 1952, « Arrow Head » fût le théâtre de féroces combats, qui devaient décider à nouveau du sort de la capitale, Séoul, déjà tombée par deux fois aux mains de l'ennemi.
Durant trois ans, sous la bannière des Nations Unies, seize nations coalisées devaient s'opposer aux volontés hégémoniques des troupes de la Corée du Nord et de ses alliés chinois.
Parmi elles, figuraient les 3.421 soldats du Bataillon Français de Corée, qui devait particulièrement s'illustrer durant ces combats.
Pour la première fois de leur histoire, des soldats français s'engageaient dans un conflit sous un autre drapeau que le leur.
Pour la première fois, des troupes françaises étaient engagées sans que les intérêts vitaux de la France ne soient directement menacés.
L'engagement de la France en Corée entre 1951 et 1953 fût donc la première opération multilatérale à laquelle notre pays participa.
Après les errements de la Société Des Nations (SDN) dans l'entre-deux-guerres, la réaction vigoureuse des Nations Unies face à l'agression dont la Corée du Sud faisait l'objet était un signal fort pour un monde en quête de repères.
La guerre de Corée fût également une guerre sans merci, qui opposa durement les deux « blocs » soviétiques et américains, alors rivaux sur le grand échiquier de la Guerre Froide.
Je voudrais vous dire ma grande émotion d'être ici aujourd'hui parmi vous, en compagnie des vétérans et des amis de ces hommes qui s'engagèrent ici au nom d'une certaine idée de la liberté du monde.
Notre présence aujourd'hui à « Arrow Head » a pour objectif de rappeler le courage des hommes qui prirent part à ces combats de la Guerre de Corée et de rendre justice à leur engagement.
La République de Corée n'a pas oublié l'enjeu de cette guerre sans merci qui se livra durant trois ans sur son territoire.
De nombreux lieux de mémoire rappellent ainsi les étapes de ce conflit décisif, au cours duquel se jouèrent les conditions de son existence comme nation libre et indépendante.
Aujourd'hui, nous sommes fiers et heureux de concourir à notre tour à l'entretien de ce devoir de mémoire qui met à l'honneur les liens anciens et fraternels que nos deux pays entretiennent, de longue date.
Je voudrais dire à nos amis coréens et aux représentants des autres nations présents aujourd'hui que la France n'oublie pas les combats que nous livrèrent ensemble en ces lieux, pour défendre une nation libre et souveraine.
Et si parfois le souvenir de ces événements anciens s'estompe avec le temps, il est de notre devoir d'entretenir la flamme du souvenir, en apportant notre soutien aux associations et aux initiatives privées comme celle, exemplaire, conduite en ces lieux par l'Association Nationale des Anciens et des Amis des Forces Françaises de l'ONU et du Régiment de Corée, dont je salue le Président, mon ami le Député Patrick Beaudouin.
Mesdames et Messieurs, notre présence ici vise à entretenir ce passé que nous avons en partage. C'est pourquoi le monument que nous inaugurons aujourd'hui est si important.
Ici, à « Arrow Head », les hommes du Bataillon Français de Corée et ses alliés coréens et américains devaient écrire une page glorieuse des combats de la guerre de Corée.
En cet Automne 1952, le front s'était figé. Alors que des pourparlers de paix s'étaient engagés, une nouvelle offensive menaçait à nouveau la capitale.
« Arrow Head » était un verrou stratégique qu'il fallait tenir à tout prix. Et il fût tenu.
Au prix de lourdes pertes et de terribles sacrifices, la « côte 210 » resta aux mains des troupes chargées de la défendre.
Durant une semaine, du 5 au 12 octobre 1952, les hommes des trois compagnies du Bataillon Français de Corée endurèrent de lourdes pertes.
Elles résistèrent à de terribles bombardements qui ne furent pas sans rappeler ceux, également meurtriers, de la Première Guerre mondiale.
Dans un décor de flammes et d'explosions, les soldats français, coréens et chinois se livrèrent ici à un combat sauvage. Une section de pionniers se défendit jusqu'au dernier souffle, au corps à corps, et même à coups de pelle, avant d'être anéantie, submergée par l'assaillant.
Mais, au final, « Arrow Head » tint bon, et la route de la capitale resta fermée aux assaillants.
Durant ces combats décisifs, les soldats français engagés à défendre la « côte 201 » furent renforcés par des éléments du 23e régiment de la prestigieuse division d'infanterie américaine « Indianhead », formée en France en 1917.
A travers l'engagement commun en Corée, renaissait ainsi la fraternité d'armes franco-américaine déjà éprouvée sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale.
Aujourd'hui, nous sommes ici réunis pour rendre hommage à tous les combattants disparus durant cette guerre longue et meurtrière.
Aujourd'hui nous sommes réunis ici pour rendre hommage au courage et à l'abnégation de tous ceux qui combattirent à « Arrow Head ».
Je pense, en particulier, aux 262 combattants du Bataillon Français de Corée qui ne revinrent pas mais aussi aux 238.000 combattants sud-coréens tombés pour défendre leur patrie, aux côtés des 38.000 morts de la coalition des Nations Unies.
Aujourd'hui nous rendons également hommage aux survivants qui ont fait le déplacement avec nous à « Arrow Head », afin d'honorer la mémoire de tous leurs camarades disparus.
Le monument que nous inaugurons ensemble est un témoignage pour les générations futures, à qui il rappellera le sacrifice de tous les hommes venus combattre ici au nom de la liberté.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 17 décembre 2008