Déclaration de Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur les priorités françaises pour l'enseignement supérieur, notamment la mobilité des étudiants et la formation tout au long de la vie dans les universités européennes, Bruxelles le 2 décembre 2008.

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Circonstance : Audition devant la commission de la culture et de l'éducation du Parlement européen à Bruxelles le 2 décembre 2008

Texte intégral


Je voudrais tout d'abord vous dire que c'est une joie pour moi de vous retrouver aujourd'hui, à quelques semaines de la fin de la Présidence française du Conseil de l'Union européenne.
Le 15 juillet dernier, ici même, j'étais venue avec mon collègue Xavier Darcos, Ministre de l'éducation nationale, vous présenter nos priorités en matière éducative.
Je vous avais annoncé trois grandes priorités pour l'enseignement supérieur :
- la mobilité des étudiants, des enseignants et des chercheurs
- l'assurance-qualité
- la formation tout au long de la vie dans les universités européennes
Ces trois priorités ont pris un relief nouveau dans le contexte de crise que nous connaissons. Le Plan européen de relance économique présenté la semaine dernière par la Commission l'a rappelé : la crise que nous traversons ne doit pas nous conduire à réduire notre investissement dans l'éducation, ou dans la recherche. Au contraire, le ralentissement économique mondial actuel doit nous amener à accélérer la mise en oeuvre de tous les aspects de la Stratégie de Lisbonne.
Je suis en effet convaincue que nos efforts communs dans l'éducation, la formation et la recherche, sont sans doute les meilleures armes anti-crise.
* La mobilité des étudiants
Je voudrais tout d'abord vous présenter les résultats sur notre première priorité : la mobilité.
Et je commencerai par évoquer le programme Erasmus Mundus qui a fait l'objet d'un important travail commun entre le Parlement européen et le Conseil.
J'ai eu l'occasion de le dire à mes collègues lors du Conseil Education du 21 novembre ; je suis très heureuse du résultat atteint.
Le deuxième volet du programme Erasmus Mundus sera adopté en point A lors de la réunion du Conseil de lundi prochain. Il sera opérationnel dès le 1er janvier 2009 : notre objectif commun est donc atteint.
Je veux remercier votre commission et en particulier votre rapporteur, Madame Marielle de SARNEZ, pour l'excellent travail mené en commun. Ce travail aura permis une adoption en première lecture, d'étudier les quelque 200 amendements proposés par les commissions parlementaires et d'aboutir à un texte équilibré et ambitieux.
Le programme Erasmus Mundus II pourra ainsi amplifier une dynamique lancée en 2004 qui a déjà permis d'attribuer 6.000 bourses, d'accueillir en Europe plus d'un millier d'enseignants venus de tous les continents et favoriser la mise en place d'une centaine de masters conjoints associant les établissements d'enseignement supérieur d'Europe et de pays tiers.
En s'étendant non seulement au niveau du master mais aussi au niveau du doctorat, en simplifiant les procédures administratives et en bénéficiant de financements plus importants, Erasmus Mundus II est emblématique de notre ambition d'une Europe forte, attractive et ouverte sur le monde.
C'est une ambition qui est au coeur de deux rapports que votre commission est appelée à examiner prochainement: le premier sur la mobilité des chercheurs, « Favoriser les carrières et la mobilité : un partenariat européen pour les chercheurs », le second sur la mobilité des travailleurs, le « Plan européen pour la mobilité de l'emploi ».
C'est dans le même esprit que le Conseil, le 21 novembre dernier, a adopté des conclusions sur la mobilité des jeunes en Europe.
Ces conclusions ont été préparées sur la base du rapport du groupe de haut niveau, constitué à l'initiative de la Commission, sous la présidence de Madame Maria-Joao RODRIGUES et des orientations issues de la conférence organisée par la Présidence française à Nancy, les 4 et 5 novembre, sur le thème de « l'Europe de l'enseignement supérieur, un espace de mobilité à renforcer ».
Ce texte vise à donner un nouvel élan à la mobilité des jeunes Européens et à faire en sorte qu'elle devienne la règle plutôt que l'exception.
Ces rencontres et les conclusions du Conseil mettent en avant des enseignements de trois ordres :
- premièrement, il n'est plus suffisant de dire aux jeunes et à leurs professeurs que la mobilité est utile, il faut aussi le leur démontrer, témoignages et chiffres à l'appui. Une mobilité, c'est en effet une décision réfléchie, un choix reposant notamment sur l'évaluation des atouts supplémentaires qu'elle apporte dans un parcours de formation. Ces atouts, il nous faut sans cesse les démontrer car c'est l'absence de désir de mobilité parmi les jeunes Européens qui constitue l'un des principaux freins à la mobilité.
- deuxièmement, si le développement de la mobilité est une réussite de l'Europe de l'éducation avec plus d'1,7 million d'échanges Erasmus 20 ans après la création du programme, elle reste encore bien trop limitée. D'excellents programmes comme Comenius ou Léonardo pâtissent toujours d'un lourd déficit de notoriété et d'attractivité. Et finalement seuls 4% des étudiants européens peuvent mentionner un séjour universitaire ou professionnel à l'étranger en bas de leur Curriculum Vitae à la fin de leurs études. Aujourd'hui, la mobilité des jeunes n'est donc malheureusement pas la règle, mais une exception trop souvent réservée aux mieux informés ou aux plus favorisés.
- Troisièmement, nous devons nous fixer de nouveaux objectifs pour développer la mobilité des jeunes en Europe.
C'est ce que le Conseil a souhaité faire en adoptant des conclusions qui affichent clairement que « chaque jeune devrait avoir la possibilité de prendre part à une forme de mobilité pendant son parcours d'étude ou de formation, en effectuant un stage en milieu professionnel, ou dans le cadre d'activités de volontariat. ».
Par ces conclusions, nous disons que la mobilité doit désormais devenir la règle, une règle qui doit s'appliquer dans tous les parcours de formation : dans l'enseignement secondaire et dans l'enseignement supérieur, dans l'enseignement général et dans l'enseignement et la formation professionnels.
En particulier, dans l'enseignement supérieur, les Etats membres se sont engagés à faire en sorte que la mobilité devienne « une composante » des cursus des établissements d'enseignement supérieur européens.
Pour concrétiser de telles ambitions, il me semble nécessaire de prolonger nos efforts à trois niveaux :
- d'abord, réduire les obstacles culturels et linguistiques qui limitent le désir de mobilité et créer de nouvelles formes de mobilité. C'est ainsi que je me suis adressée à tous les ministres européens de l'enseignement supérieur pour leur proposer que nous développions les échanges entre nos écoles ou universités d'été;
- ensuite, améliorer l'information sur les formations proposées aux étudiants européens, ainsi que les conditions de l'accueil des étudiants en mobilité et de validation des séjours d'études à l'étranger ;
- enfin, augmenter et diversifier les sources de financement de la mobilité, notamment par le biais d'une implication de la Banque européenne d'investissement ou d'une plus grande utilisation du Fonds social européen.
* L'assurance-qualité et le classement européen des universités
Parce que la mobilité des jeunes doit répondre à un projet individuel, qui doit s'inscrire parfaitement dans un parcours de formation, il est indispensable d'assurer aux étudiants la garantie de la qualité des formations qu'ils suivent en dehors de leur pays d'origine. C'était la deuxième priorité de la Présidence française.
C'est bien sûr le renforcement de l'assurance-qualité en Europe qui le permettra. Et la conférence organisée à Strasbourg les 9 et 10 septembre derniers a permis de le souligner.
Mais l'Union européenne a choisi d'aller plus loin encore pour offrir aux étudiants une information plus lisible pour qu'ils puissent apprécier les opportunités de formation qui s'offrent à eux, non seulement en Europe mais aussi dans le monde entier.
La conférence organisée à Paris les 13 et 14 novembre dernier a permis de lancer un signal politique très important : l'Europe a choisi de ne plus subir les classements des autres mais souhaite se doter de son propre classement des universités d'Europe et du monde entier : le classement européen des universités.
Ce classement devra être conçu comme une aide à la décision de mobilité des étudiants en offrant une information claire et objective sur l'offre de formations en Europe et dans le monde.
C'est pourquoi, un classement européen doit construire une véritable cartographie des disciplines en Europe. Il faut que les étudiants européens disposent de toutes les informations nécessaires pour construire un parcours européen de formation autour de leur propre projet professionnel. L'étudiant en droit n'a pas le même besoin que le mathématicien, l'historien ne cherche pas la même information que l'étudiant en biologie.
Le classement européen des universités sera un outil au service des étudiants, leur permettant de s'orienter parmi les formations proposées en Europe et de choisir sur la base d'une information objective et calibrée en fonction de leurs besoins individuels. C'est en ce sens qu'il deviendra un véritable moteur de la mobilité étudiante en Europe, mais aussi un outil pour nos enseignants et nos chercheurs.
La Présidence française, qui a beaucoup milité pour la mise en place d'un tel outil, se félicite de la décision de la Commission européenne de lancer avant la fin de l'année 2008 un appel d'offres pour mettre en place ce classement d'ici 2010.
* La Charte des universités européennes pour la formation tout au long de la vie
Je terminerai cette présentation du bilan de la Présidence française dans le domaine de l'enseignement supérieur par notre troisième priorité : le renforcement de la contribution des universités européennes à la formation tout au long de la vie.
Je vous l'avais dit lors de notre rencontre du 15 juillet dernier, le Premier Ministre François Fillon, en décembre 2007, à la Sorbonne, avait lancé un véritable défi à l'Association européenne des Universités.
Nous avions en effet demandé à l'EUA de rédiger, en quelques mois, un texte qui pourrait constituer un signal fort pour développer la formation tout au long de la vie au sein des universités européennes.
En quelques mois, l'EUA a réussi à préparer la Charte des universités européennes pour la formation tout au long de la vie.
Cette Charte constitue un engagement des universités européennes, mais s'adresse également aux gouvernements européens. C'est pourquoi, elle a été présentée lors de la réunion informelle des ministres de l'Education, la semaine dernière, à Bordeaux.
Cette Charte vise à « faire de la formation tout au long de la vie un élément du développement stratégique des universités dans le futur ».
A Bordeaux, les Etats membres ont souligné l'importance du travail accompli par l'EUA. Ils ont également réaffirmé que l'université est le lieu naturel de la formation, y compris de la formation tout au long de la vie.
Parce que l'université, c'est une formation efficace, transparente, portable dans toutes les branches professionnelles.
Parce que l'université, ce sont des diplômes nationaux, mais aussi reconnus au niveau européen grâce à l'harmonisation européenne des diplômes.
Notre réunion de Bordeaux aura, je l'espère, permis de donner une nouvelle impulsion à la formation tout au long de la vie dans les universités européennes. Pour cela, l'université doit aussi se rapprocher davantage de ses partenaires naturels du monde socio-économique. Les entreprises, les administrations, les associations y sont prêtes et le souhaitent, elles l'ont également rappelé la semaine dernière.
Madame la Président,
Mesdames et Messieurs les députés,
Voici en quelques mots, un bilan trop rapide de la Présidence française dans le domaine de l'enseignement supérieur. Je n'ai pas eu le temps d'évoquer d'autres sujets, comme la mise en place de l'Institut européen d'innovation et de technologie à Budapest, où je me suis rendue le 15 septembre dernier. Vos questions permettront sans aucun doute de les aborder.
Mon collègue, Xavier DARCOS, Ministre de l'éducation nationale, vous présentera tout à l'heure le bilan de la Présidence française dans les domaines de l'enseignement scolaire et de l'enseignement et de la formation professionnels.
Je tiens d'ores et déjà à vous exprimer les remerciements de la Présidence française pour la qualité du travail que nous avons mené en commun tout au long de ce deuxième semestre 2008.
Je n'ai aucun doute que ce travail se poursuivra dans ces mêmes conditions au cours de la future Présidence tchèque.
Source http://ue2008.fr, le 12 décembre 2008