Texte intégral
C. Barbier.- V. Pécresse, bonjour.
Bonjour.
"Marche-arrière", "recul", "repli"... Le report de la réforme de la classe de seconde est-il le signal d'un coup d'arrêt, d'un coup de froid sur toutes les réformes ?
Eh bien, je crois d'abord qu'il n'est pas question de renoncer à cette réforme du lycée, qui est une réforme absolument essentielle, sur laquelle X. Darcos travaille depuis maintenant un an, et en tant que ministre de l'Enseignement supérieur, moi, j'en ressens la nécessité, parce que c'est en amont pour mes jeunes étudiants, ceux qui arrivent, ceux qui ont des difficultés à l'université, une réforme clé, pour leur donner vraiment le socle de base, qui leur permettra de réussir ensuite après le baccalauréat.
Alors, X. Darcos a travaillé pendant un an, mais a-t-il assez dialogué avec les syndicats ?
Eh bien, il souhaite prendre le temps d'un dialogue complémentaire, c'est à lui de juger s'il faut faire encore davantage la pédagogie d'une réforme, qui est quand même une réforme lourde, puisqu'il s'agit de donner à la fois aux lycéens un socle commun de connaissances très solide, en même temps, de leur permettre d'avoir une approche à la carte de leurs options, ce qui les préparera davantage à l'université, et puis, de leur donner du soutien individualisé. Donc on passe d'une logique, j'allais dire de prêt-à-porter à une logique de sur-mesure ; il faut évidemment prendre le temps d'expliquer une réforme, qui est une réforme essentielle.
Alors, ce n'est pas une annulation, c'est un report, vous nous le confirmez. Alors, les parents, les profs, les lycéens maintiennent la pression, occupations hier, manifestations aujourd'hui ; est-ce qu'il ne faudrait pas la retirer complètement, cette réforme, et repartir table rase ?
Non, je crois que vraiment, le travail qui a été fait va dans la bonne direction, et c'est en s'inspirant des meilleures méthodes pédagogiques des pays qui nous entourent que cette réforme est élaborée. Et vraiment, moi, qui vois arriver les lycéens à l'université, je peux vous dire que nous ressentons vraiment le besoin que chaque lycéen ait un socle de connaissances très solide dans toutes les matières. Aujourd'hui, dans mon plan « Réussir en licence », dans la lutte contre l'échec en premier cycle à l'université - vous savez qu'il y a un jeune sur deux qui va échouer en premier cycle à l'université - ce qu'on me demande, c'est de la consolidation des acquis de la Terminale, ça veut dire que la réforme du lycée, elle est urgente, elle est essentielle.
Qui a décidé ce report, c'est le président de la République ou c'est le ministre de l'Education ?
Je ne sais pas comment les choses se sont faites, mais j'imagine qu'il ne peut pas y avoir une feuille de papier entre le ministre de l'Education nationale et le président de la République.
Est-il vrai que la crainte de violences dans les lycées occupés ou dans les rues, que le syndrome grec a joué sur ce report ?
Je crois qu'il ne faut pas mélanger les situations. La question de la réforme, notre pays est en grande réforme, X. Darcos a déjà fait la réforme du primaire, nous avons, nous, fait la réforme de l'université, donc je veux dire, les réformes sont en cours, elles sont en train de se dérouler. Il y a aujourd'hui une contestation de ces réformes, qui est une contestation notamment par le Parti socialiste, qui, maintenant qu'il est un petit peu ragaillardi, au lieu de se mettre dans une dynamique de propositions, se met dans une logique de protestation et court derrière l'extrême gauche.
Pour vous, il y a une manipulation politique des lycéens ?
Il y a une partie de volonté politique de la gauche, une partie d'irresponsabilité et de caractère incendiaire d'une gauche qui préfère jeter de l'huile sur le feu plutôt que de proposer des pistes de réformes. Cette réforme du lycée, sur le fond, je suis persuadée que si elle prend le temps de la regarder, la gauche ne la contestera pas.
Vous pensez que la gauche va jusqu'à souhaiter des violences, des débordements ?
Je ne pense pas qu'elle les souhaite ouvertement, mais je pense qu'elle met de l'huile sur le feu, et que ça n'est pas responsable face à l'urgence qu'il y a d'améliorer les conditions d'études de nos lycéens, et je le vois même dans mon secteur, je veux dire, l'université, la réforme de l'autonomie est en route, c'est une oeuvre de longue haleine, ça fait dix-huit mois qu'on y travaille, et la gauche, par des mouvements de protestation, prend le risque aujourd'hui de gêner cette réforme, alors qu'elle la souhaite, elle a dit qu'elle la souhaitait, elle a dit qu'elle était nécessaire.
Alors, l'UNEF justement - syndicat d'étudiants, vos clients, si j'ose dire - eh bien l'UNEF rejoint les lycéens, soutient les manifestants grecs. Craignez-vous que les universités à la rentrée de janvier par exemple s'embrasent ?
Mais je crois qu'il n'y a pas... il ne faut pas tout mélanger, et je pense que nos universités méritent qu'on ne mélange pas les sujets. Aujourd'hui, quand on parle d'autonomie des universités, on parle d'un mouvement qui va améliorer la qualité des formations, permettre aux universités de recruter les meilleurs professeurs, leur permettre d'améliorer leurs cursus, leur permettre de prendre des initiatives pédagogiques, leur permettre d'avoir des meilleurs programmes de recherche, et tout ça, avec une impulsion considérable budgétaire, puisque chaque universitaire - je dis bien chaque université - va voir en 2009 son budget augmenter d'au moins 10%, chaque université. Donc la situation à l'université est une situation de changement, accompagné par l'Etat, et pour le bénéfice des étudiants.
Certains présidents d'université pensent que vous allez donner plus à celles qui marchent en retirant à celles qui sont déjà un peu en rade.
Mais c'est tout l'inverse, c'est tout l'inverse. Pour la première fois, nous faisons une répartition des moyens qui est fonction de la vraie activité des universités, parce que depuis dix ans, depuis quinze ans, les universités qui accueillent le plus d'étudiants sont pénalisées par le fait que l'Etat ne met pas assez de moyens sur l'université et n'a peut-être pas le courage de mettre les moyens là où sont les étudiants.
Les IUT, les instituts universitaires technologiques, craignent de perdre des moyens, parce que justement, maintenant, ils vont être confiés directement aux universités autonomes ; c'est un vrai risque pour eux ?
D'abord, je crois que l'avenir des IUT est dans les universités, les étudiants d'IUT aujourd'hui, à 80%, vont continuer leurs études, il n'y a pas d'avenir pour les IUT en dehors de l'université. Et donc il faut construire la confiance entre les directeurs d'IUT et les présidents d'université, et c'est ce que nous faisons avec une charte de bonne conduite, qui a été signée au ministère. Et je serai la garante de ce que les IUT continueront d'être le fer de lance de notre politique d'enseignement supérieur, avec une insertion professionnelle qui est excellente, et avec des formations qui sont des filières de réussite, notamment pour les jeunes plus défavorisés.
Envisagez-vous de reporter votre réforme de la première année de fac de médecine dans tout ce chambardement ?
Ecoutez, elle passe au Parlement aujourd'hui, je crois que dans le cadre de notre plan pour lutter contre l'échec en première année à l'université, la réforme de la première année de médecine est évidemment un point fort, il y a 80% d'échecs en première année de médecine, c'est un formidable gâchis humain. Nous souhaitons transformer la première année de médecine en L1 Santé, en première année de santé, et donner comme ça à tous les jeunes qui s'engagent dans ces études médicales des possibilités de réorientation en cas d'échec ; je crois que c'est une urgence, je crois que nous n'avons pas à sélectionner par l'échec tous nos jeunes médecins.
En tant qu'élue francilienne, est-ce que vous regrettez que le travail du dimanche soit abandonné, on n'aura droit qu'à huit ou dix dimanches par an, c'est-à-dire que ça ne changera rien ?
Je crois que sur cette question du travail du dimanche, il ne faut pas faire des généralisations, je crois que la démarche du cas par cas est une démarche qui est intéressante, celle du libre choix, parce que je crois que, il faut préserver les rythmes de vie des familles et les équilibres de vie des familles. Mais préserver les équilibres de vie des familles en Ile-de-France, paradoxalement, ou dans certaines grandes agglomérations, ça veut dire ouvrir les magasins le dimanche, ça veut dire empêcher les familles d'être obligées, parce qu'elles ne peuvent pas faire leurs courses en semaine, parce qu'on a 80 minutes de transport par jour, parce que les rythmes de vie sont comme ça, c'est leur permettre de pouvoir aller dans les centres commerciaux, y compris le dimanche.
Plus que huit dimanches par an, vous souhaitez que pour l'Ile-de-France, on ait une petite exception ?
Ah, moi, je souhaiterais que pour l'Ile-de-France, il puisse y avoir un libre choix et qu'il puisse y avoir une ouverture plus large.
X. Bertrand a pris les rênes de l'UMP, est-il vrai que vous avez refusé des responsabilités à l'UMP en échange d'un renoncement à votre candidature aux régionales, en Ile-de-France ?
Ecoutez, cette proposition ne m'a jamais été faite.
Faut-il reporter ces élections régionales, elles sont prévues en mars 2010, on se redonne un an pour pouvoir par exemple mettre à plat la carte des territoires ?
Oh, vous savez, reporter les modes de scrutin, les Français n'aiment pas ça. Ils ont l'impression qu'on fait un hold-up sur la démocratie et le suffrage universel. Je ne pense pas qu'il faille changer les dates. Je pense qu'on peut changer toutes les règles du jeu, mais ça suppose que la réforme portée par E. Balladur soit une réforme très ambitieuse, qui rapproche les départements et les régions, de façon à ce que l'élection régionale devienne en réalité inséparable de l'élection cantonale, et donc à ce moment-là, il faudrait effectivement réfléchir à la bonne date de cette élection.
Que répondez-vous à J.-P. Huchon, président socialiste de l'Ile-de-France, qui préfèrerait vous affronter parce que, dit-il, vous n'y connaissez rien ?
Mais je crois que quand on fait sortir quelqu'un de ses gonds, c'est plutôt bon signe.
Le scandale Madoff. Natixis, BNP, Société Générale : la France est touchée. Faut-il sanctionner les banquiers français responsables ?
Je crois que c'est hallucinant de voir qu'au 21ème siècle aujourd'hui, avec les règles prudentielles que nous avons mises en place sur des marchés, il puisse y avoir des escroqueries de ce type, et surtout que des banques françaises puissent encore se laisser prendre à ce genre de piège.
Sanction donc contre les irresponsables ?
Eh bien, je crois... enfin, les irresponsables ! L'irresponsable en question, c'est monsieur... c'est les escrocs qui ont géré l'argent en dépit de toutes règles, et je pense qu'il faut voir comment les décisions ont été prises d'investir.
V. Pécresse, merci. Bonne journée.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 16 décembre 2008