Texte intégral
M. le président.- Chers collègues, en votre nom, je souhaite remercier très chaleureusement M. Martin Hirsch, Haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, de sa venue parmi nous, pour parler du dossier qu'il défendait ce matin à l'Assemblée nationale. Il a souhaité que la société civile soit indirectement associée au débat pour que nous soyons parfaitement au courant des textes et des financements.
Je voudrais également remercier le directeur adjoint de votre cabinet qui vous accompagne, Etienne Grass. Son nom n'est pas inconnu à certains d'entre nous. En effet, durant six mois, il a été stagiaire dans mon équipe au Conseil économique, social et environnemental.
Monsieur Hirsch, je sais que votre temps est contraint. Les questions qui vous seront posées seront donc brèves. Vous avez la parole.
M. Hirsch. - Monsieur le président, merci beaucoup de votre accueil. En effet, j'ai des contraintes de temps. Nous avons siégé à l'Assemblée nationale jusqu'à deux heures trente du matin. Je repars pour le vote solennel de ce projet de loi à dix-sept heures.
Je suis très honoré de parler devant vous pour la première fois depuis que la réforme de la Constitution accroît encore votre rôle dans les institutions. J'aurais trouvé bizarre que ce texte vive sa vie parlementaire sans passer par chez vous, car il y a presque un an dans cette enceinte, le Président de la République fixait un cap pour toute la Nation, celui de réduire d'un tiers la pauvreté dans les cinq prochaines années.
Cet objectif a été longtemps attendu, préparé, débattu. Les forces de la société civile que vous représentez avaient montré que le chemin de l'éradication de la pauvreté était non seulement possible, mais le seul qui permette à notre économie de mobiliser tout son potentiel de croissance. Pour cela, il était urgent de cesser de considérer les personnes qui sont éloignées durablement du marché du travail comme une charge pour la collectivité, mais comme un potentiel de ressources humaines insuffisamment valorisé.
Il était urgent de considérer qu'une partie de la société ne peut être tenue à l'écart des droits les plus fondamentaux parmi lesquels le droit de vivre des fruits de son travail tient une place essentielle.
Tel est tout le sens du texte qui a été débattu au parlement ces quinze derniers jours. Ce texte dit quelque chose de simple : « ne pensez pas que le combat contre la pauvreté est d'un autre siècle, ne pensez pas que l'on ne peut rien faire. »
Nombreuses sont les personnes qui nous ont dit pour préparer cette réforme : « Si vous vouliez vraiment réduire la pauvreté, il aurait suffit d'augmenter les minima sociaux.» C'est vrai. Mais d'autres rétorquent à bon droit, qu'augmenter le RMI tel qu'il est constitué aujourd'hui, c'est encore augmenter la durée de travail nécessaire pour que le travail soit plus rémunérateur que l'inactivité.
Les syndicats nous ont dit : « Si vous vouliez vraiment réduire la pauvreté, il fallait augmenter le salaire minimum.» C'est vrai aussi, mais les chefs d'entreprise nous ont rétorqué avec raison qu'en augmentant le salaire minimum dans le système actuel et sans rien changer, on risquait d'alourdir le coût du travail et de réduire les opportunités d'emploi des moins qualifiés.
Nombreux sont ceux qui nous disent : « Pour lutter contre la pauvreté, il suffit de mettre plus d'argent dans la redistribution », mais lorsque la redistribution ne se fait pas activement, elle entretient la « centrifugeuse » sociale.
J'entends aussi ceux qui nous ont dit : « avant de dépenser plus, vérifions que la dépense sociale est efficace. ». Après tout, nous avons un niveau de dépenses sociales élevé et un niveau de pauvreté qui ne baisse pas, pourquoi en rajouter ?
C'est pourquoi nous avons choisi d'en rajouter, mais aussi de transformer et de changer le système. Nous avons refusé les renoncements. Ce sont des démissions face à la persistance de la société qui font le lit des inégalités. C'est la manifestation de notre difficulté à accepter que l'on ne peut tout faire qui nous rend impuissant.
Les décisions publiques impliquent des contraintes. Il est très compliqué de considérer trois objectifs : aider ceux qui en ont le plus besoin, inciter au retour à l'emploi, préserver les finances publiques.
C'est le défi de nos états providences si nous voulons les transformer en sociétés soutenantes.
Le RSA s'attaque de front à ces problèmes de conciliation entre le travail et la solidarité que notre pays a un peu occultés depuis dix ans. Si le RSA court plusieurs objectifs à la fois, ce n'est pas par excès d'ambition, c'est son objet même, sa nature même, sa force même. Avec le RSA, nous refusons d'occulter aucune des dimensions du problème.
Celui que nous cherchons à soutenir à travers le RSA est celui que l'on oublie toujours, car il n'entre pas dans les plans de théories toutes faites, celui qui a un peu trop de revenu pour avoir le RMI ou pas tout à fait assez pour avoir la prime pour l'emploi, dont je rappelle qu'elle ne concerne pas la moitié des travailleurs pauvres.
En expérimentant le RSA, des présidents de Conseils généraux ont réalisé dans leur département, qu'ils connaissent pourtant bien et où ils ont la responsabilité du RMI depuis longtemps, que 25 % des allocataires travaillaient déjà, mais pour des « prunes ».
Le RSA apportera dès qu'il sera en application, si le parlement le vote, dès le mois de juin prochain, en moyenne cent six euros par mois et par ménage bénéficiaire. Ces ménages seront trois millions et demi.
C'est pourquoi le RSA est un pont qui se tend entre deux rives de notre système de protection sociale qui n'ont cessé de s'éloigner l'une de l'autre. D'un côté, il y a eu la sécurité sociale des salariés, un édifice sophistiqué, mais fragile qui s'est construit par petite touche depuis 1946 en comptant des chantiers réguliers, de l'autre, il y a l'ensemble de l'assistance, de l'aide sociale accrochée au territoire, bien souvent bricolée dans l'adversité et qui n'a jamais réussi à trouver une forme suffisamment cohérente.
Les révolutionnaires avaient installé dans les grandes villes des bureaux de bienfaisance pour offrir le secours aux veuves, aux vagabonds, aux gens de rien. Dans les années vingt, ont été développés des centres sociaux pour les salariés contraints de voyager de ville en ville à la recherche d'un emploi.
Depuis trente ans, notre système d'aide sociale a cherché à se professionnaliser et à se doter du corpus théorique qui lui a fait défaut au fur et à mesure que le principe de la charité publique s'est révélé trop étroit pour tenir compte de la complexité de notre société.
La réduction constante de la pauvreté dans les quatre décennies de l'après-guerre, favorisée par la montée en charge de notre système de retraite et par le dynamisme de notre politique familiale a masqué une progression lente, mais insidieuse, de la pauvreté des personnes d'âge actif.
Nous comptons de trop nombreux travailleurs pauvres. Ce phénomène, nous l'avons longtemps négligé. Nous pensions être à l'abri de la paupérisation au travail grâce à l'instauration d'un salaire minimum, d'une réglementation de travail considérée comme protectrice.
Ces travailleurs pauvres sont trois tiers : un tiers qui travaille à temps partiel et qui de ce fait est pauvre, un tiers qui travaille par intermittence, mais aussi un tiers qui travaille à plein temps toute l'année, mais qui n'arrive pas compte tenu des charges de famille, à franchir le seuil de la pauvreté.
Entre 2003 et 2005, le nombre de travailleurs pauvres a augmenté de plus 21 %, années pendant lesquelles, pourtant, le salaire minimum a connu ses plus fortes revalorisations.
Le Conseil d'analyse économique le rappelait récemment : l'existence d'un salaire minimum n'endigue pas forcément la pauvreté laborieuse.
La création du RSA impose de repenser la société française comme un continuum de situations. Elle est enfin une construction dans laquelle on n'oppose pas les salariés installés d'un côté, et les chômeurs de l'autre, sans vouloir regarder la société toute entière, et avec elle, les gens toujours plus nombreux qui sont oubliés dans l'entre deux des protections.
En 1943, l'Archevêque de Canterburry, William Temple, a inventé, en pleine guerre, le terme d'Etat Providence : « Welfare State » pour s'opposer au « warfare state » de l'Allemagne Nazie.
Avec le RSA, nous montrons que nous ne désarmons pas contre la misère. Nous posons donc les bases d'une société soutenante.
Le RSA est une réforme qui repose sur plusieurs convictions : d'abord, la conviction qu'aucune technocratie ne peut refuser le travail à une personne sous prétexte qu'elle serait trop désocialisée, trop cassée, trop non conforme, trop peu ceci, ou trop peu cela, dès lors qu'un employeur est prêt à l'aventure avec elle, qu'il s'agisse d'un employeur privé, d'un employeur public, ou d'un employeur de l'économie solidaire.
Nous avons la conviction - et ce thème a été longuement débattu - qu'il n'y a pas de citoyens a priori et définitivement inemployables.
Nous avons la conviction qu'une économie qui vit l'insertion de plusieurs millions d'actifs comme une charge, et non comme une force de production, ne pourra jamais être compétitive.
Nous avons la conviction que l'on ne peut pas distinguer deux salariés dans une même entreprise, selon qu'ils soient ou non passés par la case départ, et qu'ils aient un jour connu ou non les minimas sociaux.
Le principe « à travail égal, situation familiale équivalente, salaire égal » doit maintenant s'appliquer.
Nous avons la conviction qu'il n'est plus tolérable de demander à certains citoyens de travailler gratuitement dans notre société, c'est-à-dire de ne pas voir leurs revenus augmenter quand ils reprennent du travail, parce qu'on leur reprend d'une main, ce qu'ils vont gagner de l'autre !
Nous avons le sentiment que les personnes qui sont concernés par les situations de pauvreté sont compétentes pour nous aider à construire, à gérer, et à faire vivre ce RSA.
C'est la raison pour laquelle nous avons introduit dans le projet de loi l'idée qu'il y avait obligation, à chaque niveau, depuis le service public de l'emploi jusqu'aux collectivités territoriales d'impliquer les personnes intéressées - on n'a pas dit « les usagers » - aux différents dispositifs.
La réforme que nous défendons devant le Parlement est née d'un petit groupe de gens qui s'étaient réunis pendant trois mois, il y a un peu plus de trois ans, pour mettre sur pied une stratégie efficace contre la pauvreté. Certains sont sur vos bancs... !
Elle est née ensuite de l'initiative de quelques départements courageux qui ont voulu courir l'aventure. Elle a pris son essor et sa réalité dans les circuits parfois très sinueux des administrations d'État qui ont quelquefois hésité, puis tourné à pleine allure pour la concevoir.
Pour tous ceux qui y ont travaillé - et ces organisations et ces personnes sont bien représentées aujourd'hui - l'adoption du RSA par le Parlement serait un aboutissement. Ce serait aussi le formidable point de départ d'une course contre la pauvreté, qu'il nous faut gagner, parce qu'elle est une course contre la montre.
Cette réforme n'est pas un aboutissement, c'est une obligation pour chacun d'entre nous. Il n'est pas inutile, au moment où nous allons tourner la page du RMI, de rappeler dans quelles conditions ce dernier a été construit.
Un consensus politique exceptionnel avait été trouvé. Ce fut au prix d'un certain nombre d'ambiguïtés qui sont celles qui posent problème aujourd'hui.
La philosophie du nouveau dispositif consiste à mettre en regard deux nouveaux droits : un droit au revenu qui est une forme de nouveau droit social fondamental, et un droit à l'insertion, présenté comme une ardente obligation nationale, et qui devait être le moteur de la sortie vers l'emploi des bénéficiaires du RMI.
La portée de ce droit demeurait largement indéterminée à l'insertion. Certains y voyaient un droit subjectif de l'individu avec, pour contrepartie, une obligation pour la collectivité - au départ, les départements devaient mettre à disposition certains moyens - pendant que d'autres y voyaient le noeud nécessaire au niveau duquel allaient se tendre, dans le cadre d'un contrat d'insertion, les devoirs et les droits des individus.
D'autres enfin le concevaient comme la garantie que les bénéficiaires du RMI seraient accompagnés en tenant compte globalement de l'ensemble de leurs problèmes : problèmes de logement, problèmes sanitaires, problèmes de garde d'enfants, etc. Les ambiguïtés sont parfois fécondes, notamment lorsqu'elles donnent des marges de manoeuvre aux acteurs locaux.
Ce fut le cas pour le RMI, avec la reconnaissance du droit, à un filet de sécurité défini nationalement, qui n'a pas remis en cause les initiatives locales.
Certains le craignaient en 1988, mais au contraire, on a constaté depuis vingt ans, sous la conduite des départements, l'émergence d'une ingénierie sociale et locale de l'insertion, que l'on rencontre peu dans les autres pays d'Europe, et qui permet d'apporter des réponses sur mesure aux besoins des personnes en insertion.
Le RMI arrive néanmoins aujourd'hui au bout de sa logique. Il avait été conçu comme une prestation subsidiaire, et exceptionnelle pour quelques dizaines de milliers de familles, particulièrement éloignées du marché du travail.
Il avait été conçu en considérant qu'il s'adressait à des personnes et c'est comme cela qu'avait été écrit l'article premier de la loi du RMI, pour les personnes dans l'incapacité de travailler.
Ce que nous écrivons aujourd'hui dans la loi, c'est que nous créons le RSA pour garantir un revenu minimum à des personnes qui sont dans la capacité ou non de travailler.
Dans un deuxième temps, cela permet de garantir qu'à chaque fois que les revenus du travail augmentent, les ressources globales augmentent elles aussi.
Nous avons vérifié ces éléments localement, sur le terrain, à travers des programmes expérimentaux qui ont démontré un gain de revenus réels et qui ont démontré également un effet sur l'emploi.
Nous avons mis en place un protocole d'une très grande rigueur, avec un comité d'évaluation présidé par M. Bourguignon, président de l'École de l'économie de Paris, ancien économiste en chef de la banque mondiale.
Il nous a permis de vérifier, dans les zones où l'on expérimentait le RSA, comparées à des zones témoins, choisies avec soin pour avoir la même évolution, ce qui se passait, mois après mois. Qu'avons-nous constaté ?
Que le taux de retour à l'emploi était de 30 % supérieur dans les zones expérimentales. Nous avons constaté que la proportion de ceux qui reprenaient du travail, et qui étaient au RMI depuis plus de quatre ans, était plus importante dans les zones expérimentales que dans les zones témoins.
Nous avons constaté qu'il n'y avait pas, dans les zones expérimentales, d'aggravation, ni du temps partiel, ni de la précarité.
Nous avons constaté que plus de 40 % des allocataires des zones expérimentales disaient qu'ils pouvaient reprendre un emploi qu'ils n'auraient pas repris sans le dispositif.
Nous avons constaté une mobilisation des différents acteurs qui ont repris confiance dans le système. Ils se sont aperçus que plutôt que de gérer des impasses, ils pouvaient donner des perspectives à des personnes.
Nous avons constaté qu'il y avait des personnes qui avaient pu se trouver depuis plus de cinq ans, dans une situation difficile, sans qu'on leur propose d'emploi, pensant qu'il était obscène de leur parler de travail, personnes pour lesquelles le retour à l'emploi pouvait être une perspective sérieuse.
Avec le RSA, nous réfutons la condamnation, parfois perpétuelle, à l'inemployabilité. C'est une notion souvent défendue avec bonne foi, mais qui se retourne toujours contre ceux ainsi relégués. C'est un choix important, il est pour nous délibéré. Nul ne doit être considéré définitivement comme inemployable.
Parfois, c'est à l'emploi d'adapter ses exigences à des capacités moins fortes, à une productivité plus faible.
Cette notion, explicite ou sournoise, est porteuse de dérives dangereuses qu'il faut combattre, si nous classons des gens comme inemployables.
Avec le RSA, nous souhaitons la clarté, clarté sur son financement, clarté sur ses effets, clarté sur les droits et devoirs de ses bénéficiaires.
Si cela existait, les associations d'insertion n'existeraient pas, et les Emmaüs non plus.
Nous avons aussi fait le pari de la transparence, par rapport à des effets pervers et potentiels du RSA, effets que nous avions identifiés depuis le départ, par rapport à la réalité du statu quo.
C'est donc pour nous aider que le RSA a été conçu, dès le départ, avec les partenaires sociaux dont la plupart ont considéré qu'il serait positif sur le marché du travail.
Cela ne veut pas dire qu'il ne comporte pas de risques, cela veut dire que les avantages excèdent largement les risques.
Nous ne concevons pas le RSA comme un instrument magique capable de résoudre tous les problèmes. Nous considérons qu'il peut faire reculer le nombre des travailleurs pauvres et faire augmenter un indicateur fondamental c'est-à-dire la proportion des actifs dont les revenus du travail constituent la majorité de leurs ressources.
Nous avons fait cette réforme sans porter de jugement moral sur les individus, sans parler d'effet incitatif. Nous avons considéré que la frontière entre l'assistance et la solidarité se situait à un endroit qui était celui que les personnes elles-mêmes avaient identifié. Lorsque vous demandez aux gens à quel moment ils se sentent assistés et à quel moment ils se sentent soutenus, ils vous répondent qu'ils se sentent assistés si la majorité de leurs ressources ne viennent pas d'eux-mêmes et qu'ils se sentent soutenus si la majorité de leurs ressources proviennent de leur travail, éventuellement complétées par des aides au logement, par des allocations familiales, par un sursalaire, par une prime pour l'emploi, etc.
Cette frontière n'est donc pas morale. C'est une frontière objective que les personnes se fixent.
Nous ne portons pas de jugement moral sur les personnes, mais sur une société qui a accepté de faire fonctionner à plein régime la centrifugeuse et qui a accepté que, dans ce pays, des gens ne gagnent pas plus d'argent en reprenant le travail que lorsqu'ils ne travaillaient pas.
Sur tous ces sujets, nous avions saisi les partenaires sociaux au sein du Conseil de l'orientation pour l'emploi. Nous avions abondamment consulté dans le cadre d'un Livre Vert. Les réponses que nous avions reçues manifestaient des attentes et la difficulté d'intégrer les enjeux des populations les plus démunies dans les grandes négociations sociales. C'est un enjeu très important sur lequel nous travaillons avec bon nombre d'entre vous depuis très longtemps. Il ne doit pas y avoir d'un côté les politiques sociales nobles, que l'on discute autour de la grande table de la salle à manger, et de l'autre, les politiques sociales pauvres, que l'on mène avec les miettes sur le coin de la table de la cuisine, avec quelques militants, quelques engagés !
Nous avons toujours pensé que nous résoudrions le problème de la pauvreté s'il se traitait au niveau le plus noble, le plus logique, dans les enceintes les plus reconnues et les plus légitimes.
C'est le sens de la démarche que nous avons initiée pendant plusieurs mois dans le cadre du Grenelle de l'insertion. Chacun des acteurs, y compris les personnes concernées, étaient représentés dans différents collèges pour discuter un certain nombre de propositions, que nous transformons aujourd'hui en loi. Nous transformons les différents contrats en un contrat unique d'insertion. L'objectif est que ces contrats, qui sont souvent aidés pour l'employeur mais peu aidants pour le salarié, deviennent de véritables marches intermédiaires vers l'emploi durable.
Le défi est le même en temps d'accalmie qu'en pleine tempête. Nous allons entrer dans une période difficile, qui va être dure pour les plus vulnérables et les plus faibles. C'est pourquoi il ne faut pas hésiter à avancer à marche forcée.
Avant de conclure, je voudrais insister sur un point. Cette réforme se situe dans la continuité des travaux que vous avez lancés depuis près de vingt ans. Je voudrais rendre hommage au rôle irremplaçable qu'a joué le Conseil Economique Social et Environnemental dans la conception des politiques de lutte contre la pauvreté et les exclusions. C'est le sens de ma présence parmi vous aujourd'hui.
Quelques grandes figures ont incarné votre mobilisation. Je sais que vous les gardez en mémoire et que vous les honorez. En 1987, c'était le rapport du père Wrésinski et le RMI fut créé l'année suivante. Dix ans plus tard, en 1998, Geneviève Anthonioz de Gaulle, par un avis remarquable de votre Assemblée, jeta les fondements de la loi ô combien importante de lutte contre les exclusions.
Nos citoyens attendent vos avis. Nos concitoyens attendent votre mobilisation. Nos concitoyens attendent votre implication sur ces sujets de la même façon qu'ils ont besoin de la mobilisation de l'Etat, des départements et de toute la société civile.
Réduire la pauvreté dans un pays comme la France est possible. Accroître la proportion de ceux qui tirent la majorité de leurs revenus du travail est possible. Ne laisser personne sans un accompagnement adapté à ses besoins est possible.
C'est à ces possibles que nous nous estimons collectivement tenus et que nous nous attachons sans relâche pour faire en sorte que les moyens que notre Nation consacre à la solidarité se traduisent quotidiennement par un recul des situations de vulnérabilité et de pauvreté.
Je vous remercie de votre attention.
(Applaudissements)
M. le Président.- Les 27 et 28 mai dernier, lorsque nous votions dans cette enceinte le rapport annuel de conjoncture que nous devons à la Nation, dont le rapporteur était Mme Pungier du groupe Force Ouvrière, nous exprimions déjà des angoisses quant au financement de cette réforme.
Qui souhaite intervenir ? La parole est à Mme Grard.
Mme Grard.- Monsieur le Président, Monsieur le Haut-commissaire, Mesdames, Messieurs, nous approchons de la journée mondiale du refus de la misère. C'est un rendez-vous que les pauvres du monde entier nous donnent à tous. Pour une fois, ce sont eux qui nous convoquent et nous demandent, à cette occasion : « Où en êtes-vous ? Où en êtes-vous du refus de la misère ? Où en êtes-vous des politiques pour venir à bout de ce fléau ? Où en êtes-vous personnellement pour être à nos côtés ? »
Comme vous l'avez rappelé, Monsieur le Haut-commissaire, cela a beaucoup de sens pout nous que l'an dernier, le président Sarkozy ait choisi cette date pour exprimer les axes et les ambitions de sa politique dans ce domaine. Cela a du sens qu'il ait choisi ce lieu qui, depuis des années, guide notre pays dans ce que doit être une politique globale et cohérente, une politique guidée par l'accès de tous aux droits de tous.
Cela a du sens de choisir ce lieu qui s'est donné comme devise que les avancées soient mesurées à l'aulne des progrès de la qualité de vie des plus démunis.
Ici même, le président Sarkozy s'est engagé à réduire d'un tiers la pauvreté dans ce pays. Nous souhaitons que cet engagement ne concerne pas le tiers le moins souffrant, mais qu'il soit un tiers du chemin accompli avec tous, en ayant comme repère le plus démuni.
Vous avez fixé des indicateurs pour suivre cet objectif : un tableau de bord en quinze points. Nous vous demandons, Monsieur le Haut-commissaire, de publier chaque année ce tableau de bord. Si les données n'ont pas encore été recueillies, publiez les dernières valeurs connues et les objectifs que vous vous fixez. Et faites-le chaque année, le 17 octobre.
C'est aussi à l'aulne de cette devise du Conseil économique, social et environnemental que nous suivrons le RSA. D'aucuns affirment qu'il est un outil pour soutenir les travailleurs pauvres. Tant mieux car ils en ont besoin. Tout ce qui contribuera à les faire sortir de la pauvreté est bon à prendre.
Mais entraînera-t-il les autres ? Aurez-vous comme repère, là encore, les plus fragiles, les plus éloignés de ce droit à l'emploi ? Nous craignons malheureusement que non. Et nous serons vigilants pour que le RSA soit un progrès pour eux.
Depuis le départ, nous avons dit que nous ne voulions pas d'un Grenelle du quart ou du tiers, mais de tous. Depuis des années, nous avons appris que rien ne sera gagné tant que nous ne saurons pas être partenaires des plus pauvres. Est-ce le chemin que prendra le RSA quand on voit la façon dont les personnes seront associées au choix de leur référent ?
Pour terminer, je vous invite, Monsieur le Haut-commissaire, le 17 octobre prochain, sur le parvis des droits de l'homme et des libertés, pour dialoguer avec des jeunes.
(Applaudissements)
M. le président.- La parole est à M. Hirsch pour quelques mots de réponse à Mme Grard, qui s'exprimait au nom des plus meurtris de notre pays.
M. Hirsch.- Je vous remercie, madame, pour vos interpellations.
Publierons-nous régulièrement les données de ce tableau de bord ?
La réponse est « oui », parce que c'est notre principal levier. Si les données sont confidentielles, tout le monde s'en moque. C'est parce que les données sont sur la place publique que l'on peut faire bouger, sinon cela n'a aucun impact. Il faut parfois assumer les mauvais résultats. Ces indicateurs ont été construits avec les différents acteurs pour qu'ils puissent s'y reconnaître, les considérer comme légitimes, appuyer dessus pour fouetter le cocher s'il n'avance pas !
Cette démarche d'indicateurs est évidente. L'objectif est la réduction de la pauvreté. Si l'on ne se fixe pas d'objectif, il n'y a aucune chance qu'il soit atteint. Excusez-moi d'être aussi trivial, mais il s'agit de sortir de l'incantation. Tant que l'on n'éradique pas, aucun progrès n'est sensible. L'éradication est une utopie créatrice mais, sur les chemins de l'éradication, il y a des jalons à mesurer, à respecter, à tenir, dont il faut vérifier les écarts.
Ces indicateurs permettent-ils de vérifier que l'on ne s'adressera pas uniquement aux mieux placés dans la pauvreté, au détriment des très grands pauvres ?
A la surprise de nombreux acteurs, lorsque nous avons commencé à expérimenter le RSA, on nous a expliqué que cela n'allait concerner que les gens qui sont au RMI depuis trois mois, qui ne font que passer, mais que cela n'aurait aucun impact sur ceux qui y sont depuis longtemps. Au contraire ! Des personnes considérées comme perdues, qu'il n'était pas la peine d'accompagner, à qui il n'était pas nécessaire de demander l'avis, ont repris du travail.
Dans la réforme, figure un certain nombre de dispositions. Par exemple, la reconnaissance du statut particulier d'un certain nombre de formes d'organisation pour les plus démunis, depuis l'association Espoir de Colmar jusqu'au mouvement Emmaüs, pour faire en sorte que ce statut qui avait été fait pour les personnes les plus en difficulté soit reconnu comme un statut légal, et non comme une sorte de marge dans la société.
Plus largement, l'association des personnes concernées a été un des éléments moteurs. Si vous mettez autour d'une table des responsables d'une CAF, d'une ANPE, d'une MSA, d'un département, d'une ville, de quoi vont-ils discuter ? Ils vont discuter des conventions financières qui les lient entre eux. Si vous ajoutez quelques personnes concernées et intéressées autour de la table, le ton de la conversation change parce qu'ils sont rappelés à l'objet pour lequel ils travaillent.
C'est un levier, de la même façon que les indicateurs et la procédure contradictoire sont des leviers puissants.
Vous avez évoqué la question de la pauvreté dans le monde. Je me permets de vous conseiller la lecture d'un ouvrage remarquable « Pourquoi êtes-vous pauvres ? », de William T. Vollmann, publié aux éditions Actes Sud il y a quelques semaines. C'est un romancier qui s'est baladé dans le monde entier, aux États-Unis comme en Thaïlande ou au Yémen, qui a rencontré des gens qu'il estimait pauvres, miséreux, à qui il a demandé : « Pourquoi êtes-vous pauvres ? »
Il a recueilli des témoignages d'une force exceptionnelle, qui donnent envie de continuer à travailler. Je vous recommande ce livre d'ici au 17 octobre, date à laquelle nous nous reverrons.
(Applaudissements.)
M. le président.- La parole est à M. Toulisse, au nom du groupe de la CFDT.
M. Toulisse.- Cela a pour nous une très forte signification que, à quelques minutes du passage de votre loi, vous nous rencontriez au Conseil économique, social et environnemental.
Notre expérience dans la gestion des Assedic et de toutes les questions de l'emploi montre la nécessité d'un accompagnement fort et durable des personnes qui choisissent le retour au travail.
Comment comptez-vous booster cet accompagnement ?
Il ne faut pas faire l'impasse sur les jeunes. Nous devons trouver un dispositif pour les jeunes en situation de grande difficulté.
M. Hirsch.- L'accompagnement est un élément clef. Si certaines personnes peuvent s'en passer, d'autres en auraient besoin et n'en bénéficient pas.
Nous avons procédé à certains changements. Le nouvel opérateur de l'emploi ne pourra se défiler devant aucun des publics. Nous avons affirmé la vocation universelle du nouvel opérateur et l'obligation de traiter les allocataires du RSA comme tous les autres. C'est un changement par rapport à la situation précédente. Nous avions fait le constat que seul un tiers des allocataires du RMI étaient inscrits à l'ANPE.
Dans le projet de loi, nous avons décrit un dispositif d'orientation permettant de voir s'il faut aller directement vers l'accompagnement vers l'emploi ou s'il y a des difficultés sociales, de logement ou sanitaires telles qu'il convient d'avoir au préalable un passage où la dimension sociale l'emporte.
Nous obligeons les différents acteurs à désigner un référent unique côté professionnel et un correspondant systématique côté social. Un certain nombre d'éléments ont été posés, qui seront les guides pour les différentes conventions.
Nous avons également fait en sorte que les partenaires sociaux s'en saisissent.
Annie Thomas a présidé un des groupes de travail du Grenelle de l'insertion. Le 27 mai 2007, conclusion d'une feuille de route entre les différents partenaires sociaux et engagement des partenaires sociaux de prendre en compte la situation de l'insertion et des plus démunis dans les différentes négociations sociales, dont celles sur l'emploi et le chômage. Quelques semaines après, mise en place du nouvel opérateur, premier conseil d'administration, première question posée par les représentants : est-on sûr d'accorder suffisamment de place et de moyens aux parcours des futurs allocataires du RSA ?
La continuité est donc assurée.
S'agissant des jeunes, vous avez raison. Ce matin, je discutais avec Valérie Pécresse de la difficulté des étudiants qui ont peu de ressources. Ce chantier n'est pas traité dans ce projet de loi, mais est évidemment important. De la même façon que, dans une commission, nous avons travaillé avec Hubert Brin sur les familles vulnérables, quelque chose reste à faire pour les jeunes vulnérables.
M. le président.- La parole est à M. Guyau, au nom de la FNSEA.
M. Guyau.- J'interviens au nom de la FNSEA et de tout le monde agricole. Je ne suis que le président d'honneur de la FNSEA aujourd'hui.
Ce qui se fait est remarquable. Réintégrer les gens dans le monde du travail est important.
Je voudrais attirer votre attention sur les zones rurales les plus profondes, où il n'est pas toujours possible de retrouver de l'activité.
Je voudrais aussi insister sur le terme « actif », car pour les retraités et les faibles retraites, l'activité n'est pas toujours possible.
Dans les secteurs agricoles, il est de plus en plus difficile d'avoir un emploi supplémentaire, mais il faudra le prendre en compte pour les retraités agricoles, voire même pour toutes les femmes qui malheureusement, compte tenu de l'évolution de leur statut matrimonial, se trouvent à la retraite sans une véritable couverture sociale.
Enfin, la veille du 17 octobre, journée de la pauvreté, il y a la journée mondiale de l'alimentation. Avoir droit à l'alimentation est, aussi, un élément indispensable pour travailler. J'invite tout le monde à manifester ce jour-là.
M. le président.- La parole est à M. Blanchard-Dignac.
M. Blanchard-Dignac.- Monsieur le Haut-commissaire, une question technique. La contribution additionnelle est-elle une taxe affectée et, si oui, dans le contexte financier actuel, avez-vous une garantie de recette ?
M. Hirsch.- Ce sera un prélèvement de 1,1 % sur les revenus du capital affecté au fonds national des solidarités actives que la loi est en train de créer, dans lequel il n'y a aucune dérivation. Nous avons regardé quels pouvaient être l'impact et la sensibilité aux aléas des différents cours de bourse. Il y a des produits comme l'assurance vie, les actions, les dividendes, les revenus fonciers, etc. Les estimations que l'on a faites montrent qu'au moins les trois-quarts de ces produits ne sont pas sensibles aux éléments conjoncturels. C'est sur un quart qu'il peut y avoir un effet. Du coup, un autre financement est prévu, l'effet du plafonnement des niches fiscales, dont la loi prévoit aussi d'affecter le produit au fonds.
Mais nous n'avons pas encore pensé à y mettre les recettes des jeux ! Dans l'Eure, la première zone où l'on a expérimenté le RSA, à côté de Louviers, en allant travailler avec les bénéficiaires et discuter avec le Conseil général le montant que l'on allait consacrer aux expérimentations, je me suis arrêté au café du coin qui faisait PMU. J'ai été extraordinairement frappé par le montant des gains qui avaient été joués et le montant des gains en lui-même. Cela correspondait à peu près à ce que l'on allait y consacrer ! Cela m'a énormément fait réfléchir !
M. Blanchard-Dignac.- Ce n'est pas en tant que président d'une entreprise de jeux que je suis là, mais en tant que conseiller économique, social et environnemental.
Une suggestion : face à la nécessité d'avoir absolument cette recette pour financer une dépense que personne ne conteste, la garantie de recette est certainement une piste intéressante dans le contexte financier actuel !
M. Hirsch.- Absolument.
M. le président.- À cet égard, le dossier demeure ouvert jusqu'à la discussion budgétaire.
M. Hirsch.- Tout à fait.
Mme Pungier.- Vous avez porté avec tellement de conviction cette idée de RSA que l'on n'ose à peine exprimer des critiques, voire quelques doutes. Néanmoins, je vais formuler une interrogation que nous avons déjà exprimée, sans obtenir de réponses claires.
Dans ce pays, il y a beaucoup d'emplois précaires et un développement extraordinaire du travail à temps partiel, particulièrement pour les femmes. Nous craignons que le RSA soit dans cette boîte de Pandore qui s'appelle les effets d'aubaine. Nous aimerions l'instauration d'une sorte de bouclier social visant à ce que l'on ne crée ni un énième contrat précaire s'ajoutant à ceux existant, ni une opportunité supplémentaire pour développer un peu plus le temps partiel contraint.
Enfin, une remarque par rapport à votre exposé brillant. Vous avez un peu caricaturé la construction de la sécurité sociale. Avec quarante années de recul, la sécurité sociale, financée normalement sur la base d'une politique économique durable, a permis d'éviter la pauvreté et l'indigence. On aimerait bien qu'il en soit ainsi pour le RSA.
M. Hirsch.- J'espère ne pas avoir dit le contraire car effectivement, nous avions deux leviers de protection, l'un est plutôt attaché aux droits des salariés découlant de la construction de la sécurité sociale, l'autre vient plutôt de la charité, puis de l'aide sociale. Ces deux leviers étaient fondamentaux, encore fallait-il les concilier pour qu'ils ne se neutralisent pas l'un l'autre. L'attachement à ces constructions est tout à fait entier.
Les critiques et les doutes sont les bienvenus. C'est par eux que l'on a construit le revenu de solidarité active et c'est grâce à cela, aussi, que l'on a fait le choix suivant : que le revenu de solidarité actif s'inscrive dans un contrat de travail de droit commun et qu'il ne se traduise ni par un alourdissement du coût du travail, ni par un allégement de charges pour les entreprises, l'un risquant de donner un effet d'aubaine, l'autre risquant d'avoir un effet d'éviction.
Nous avons eu des doutes en construisant ce RSA et nous entendons les critiques. C'est la raison pour laquelle nous donnons rendez-vous tous les ans pour faire le point sur l'évolution du temps partiel, de la précarité et des différentes situations, afin de voir si des mesures correctrices doivent éventuellement être prises. J'espère que nous ferons des évaluations suffisamment convaincantes pour que, si elles pointent des dangers, ils puissent être pris en compte.
M. Brin.- Sur la question des critiques et des doutes, Martin Hirsch et moi savons de quoi nous parlons. Nous nous sommes affrontés quelquefois sur le sujet...
M. Hirsch.- Et retrouvés !
M. Brin.- À titre d'information, ce matin, nous avons finalisé le vote d'un projet d'avis à la section des affaires sociales sur Vingt-cinq ans de politique d'insertion des jeunes. Nous l'examinerons en séance plénière dans quinze jours.
Mercredi et jeudi prochains, vous organisez une grande table ronde à Marseille sur les questions de l'inclusion sociale. Je ne pourrai m'y rendre car je préside la section des affaires sociales. En revanche, Mme Catherine Dumont, notre rapporteure sera présente.
M. Hirsch.- Il s'agit d'une manifestation européenne dans le cadre de la présidence française, dans laquelle nous allons discuter une journée avec les différentes parties prenantes européennes et, le lendemain, réunir, pour la première fois, les membres des vingt-sept gouvernements en charge des politiques de lutte contre la pauvreté sur le thème de l'inclusion active, qui est la traduction en langage bruxellois du mot solidarité active.
Merci pour l'invitation sur l'insertion des jeunes et pour vos appréciations, questions, critiques et constructions.
(Applaudissements)
M. le président.- Monsieur le Haut-commissaire, nous vous remercions d'être intervenu aujourd'hui, précisément au sein de l'assemblée de la société civile et de l'avoir fait avec autant de coeur et d'engagement.
Source http://www.conseil-economique-et-social.fr, le 15 décembre 2008