Texte intégral
R. Duchemin.- La "Question du jour" on la pose ce matin au secrétaire d'Etat aux Solidarités actives. Bonjour M. Hirsch.
Bonjour.
Merci d'être en direct avec nous ce matin sur France Info. On va d'abord parler avec vous de la consommation. Vous avez réunion aujourd'hui prévue avec L. Chatel et C. Lagarde pour parler justement d'un projet, qui est dans les cartons de Bercy à l'heure actuelle. Projet qui devrait être présenté à l'Assemblée au premier trimestre 2009, projet sur justement le crédit à la consommation, avec, on a le sentiment, deux visions un petit peu différente des choses, celle de Bercy, de C. Lagarde, qui insiste pour qu'on mette le paquet sur cette consommation, parce qu'elle représente quand même 10% de la consommation des ménages, et puis vous qui peut-être êtes un petit peu sur une ligne différente. Vous dites "attention", il faut vraiment, vraiment l'encadrer pour que les Français ne s'endettent pas outre mesure ?
Ecoutez, moi je suis sur une ligne qui est extrêmement simple : je ne trouve pas tolérable que les gens les plus modestes aient la tête sous l'eau, parce qu'on leur propose des produits dans lesquels ils doivent payer 20% d'intérêts, et donc je ne tolère pas que plus on est modeste, plus on doit payer cher l'accès au crédit. Finalement, vous avez juste deux choix : soit on vous refuse carrément le crédit, et dans ce cas-là vous ne pouvez pas consommer du tout, soit quand on vous le donne, ce n'est pas qu'on vous le donne, c'est qu'on le vend très cher, à 20%, beaucoup plus cher que les gens aisés. On a fait d'ailleurs un test ; ma directrice de cabinet a appelé les différents établissements bancaires, en se faisant passer pour quelqu'un aux revenus modestes. Et alors là, effectivement, ça n'a pas manqué.
Qu'est-ce qu'on vous a dit ?
Une offre à 20%, et quand elle a dit, « mais si j'emprunte un peu plus ? », on lui a dit, « si vous empruntez un peu plus, vous aurez une mensualité un peu plus forte », alors même que c'était effectivement pour un taux d'intérêt deux fois moins élevé. Donc, on l'a dissuadée, on l'a poussée vers le produit le plus cher, le plus dangereux, et je dis même le plus toxique. Et puis ensuite, quatre relances téléphoniques, quand on laisse son portable, pour se faire dire : « alors, vous vous dépêchez de le prendre ce crédit-là ? » Donc, il faut mettre un holà à ce système. Et je pense que Bercy est en train d'infléchir, parce qu'effectivement on a mis un pied dans la porte, et je voyais que C. Lagarde, avec laquelle on va se retrouver tout à l'heure, a effectivement, je pense, maintenant, la volonté de pouvoir agir. Ça me paraît normal. Sur le crédit à la consommation, juste, excusez-moi, un chiffre : dans les 20 dernières années 11 lois ! Et pourtant, doublement du montant des dossiers de surendettement, et pourtant explosion du crédit revolving.
Justement, 43 millions de crédits revolving, on est quasiment les champions du monde...
Non, non, non...
On fait presque mieux que les Anglais.
Non, non, quand même pas. Non, non, justement.
D'un côté il y a la relance de l'économie, de l'autre côté il y a comment aider les Français dans ce type de cas. Qu'est-ce qu'on fait ? C'est quoi la bonne solution ?
La bonne solution ce n'est pas de... on ne relance pas l'économie en piégeant les gens, en leur mettant des boulets aux pieds. Il y a deux choses. Premièrement, on augmente leur pouvoir d'achat et leurs revenus, et c'est pour ça que dans le plan de relance, il y a 1 milliard d'euros pour les plus modestes, juste pour 3,5 millions de ménages qui auront une prime de 200 euros au mois d'avril, ce qui correspond à, j'allais dire, deux mois moyens de Revenu de solidarité active, pour les allocataires du RMI, mais pour tous les smicards, pour tous ceux qui ont des aides au logement. Donc, tous les auditeurs aujourd'hui, qui nous écoutent, qui perçoivent des aides au logement, ils peuvent savoir qu'ils auront une prime de 200 euros au mois d'avril...
On va y venir.
... Première chose, et puis deuxième chose, de faire en sorte que l'accès justement au crédit, il soit orienté vers le crédit le moins cher, le plus responsable, et pas précipitant vers le surendettement.
Je voudrais être bien sûre de vous comprendre, M. Hirsch...
Je suis sûr que les auditeurs comprennent.
Qu'est-ce qui pose problème dans ce que, aujourd'hui, C. Lagarde propose, et qu'est-ce que vous souhaitiez justement qu'elle infléchisse ?
Pour l'instant, il n'y a pas de problème dans ce qu'elle propose, au contraire, je me réjouis qu'elle affiche la volonté de ne pas laisser la tendance actuelle. Donc, pour l'instant... Aujourd'hui, dans 2 heures, on va en discuter avec des parlementaires. Parmi les parlementaires, il y en a certains qui sont allés jusqu'à proposer l'interdiction du crédit revolving sur le lieu de vente ; il y en a d'autres qui disent : il suffit de changer la publicité ; il y en a des troisièmes qui disent : on fait confiance aux banques ; il y en a des quatrièmes qui disent : on développe un fichier d'interdits ou un fichier positif, où les banques sont obligées d'aller vérifier que quelqu'un n'a pas déjà un crédit. Donc on prend ces différentes idées, et on se donne à peu près 6 ou 8 semaines, 2 mois, pour à partir de là faire un texte sur lequel, moi ce à quoi je tiens mordicus, c'est que ce ne soit pas de l'habillage, c'est que ce ne soit pas cosmétique, que ce ne soit pas effectivement pouvoir re-encourager la chose, mais que ce soit donner un coup de frein au crédit toxique et un coup d'accélérateur à ce qu'on appelle le crédit responsable. Le crédit responsable, ça veut dire un taux d'intérêt faible, ça veut dire une probabilité de tomber sur un endettement faible, et ça veut dire des possibilités effectivement d'avoir des échéances, des mensualités, supportables.
Puisqu'on est en train de parler des personnes qui sont en difficultés, il y a quelque chose qui s'est produit hier, c'est la déclaration de L. Chatel sur le prix du gaz, M. Hirsch. Je voudrais votre avis sur ce qu'a dit le porte-parole du Gouvernement. Il y avait une partie de l'UMP qui demandait à ce que le prix du gaz soit baissé, L. Chatel dit : peut-être au mois d'avril, mais pas en janvier. Ce n'est pas un petit peu dommage ?
Ecoutez, les prix de l'énergie c'est effectivement un poste important de dépenses, donc le fait que déjà ça n'augmente pas, c'est mieux que ce qu'on a connu les derniers temps. Moi je pense qu'il y a une chose qui est accélérée très rapidement, c'est l'accès au tarif social, parce qu'il y a 2 millions de personnes normalement pour lesquelles il y a un tarif social qui est prévu pour le gaz et pour l'électricité, il n'y en a que 600 000 personnes qui ont un accès réel, et que c'est pas mal qu'il y ait encore un peu de pression des consommateurs pour qu'on aille plus loin que cela.
On va parler du RMI, M. Hirsch. Le nombre d'allocataires a baissé entre septembre 2007 et septembre de cette année. Sur le papier, on est à -4%, c'est plutôt a priori une bonne nouvelle, sauf que, le chiffre pourrait laisser croire que finalement ça va mieux. En fait ce n'est pas le cas. On va avoir un effet retard avec les chiffres du chômage, c'est ça ?
C'est une réelle bonne nouvelle que depuis 2 ans le nombre d'allocataires du RMI ait constamment baissé, et heureusement. Deuxième bonne nouvelle, que lorsqu'on expérimente le RSA, qui va remplacer le RMI, le taux de sorties vers l'emploi augmente, donc on a des instruments pour le faire. Mais la mauvaise c'est l'arrivée de la crise...
Mais est-ce qu'on ne va pas prendre un coup de boomerang ?
Bien sûr que si, c'est pour ça qu'on s'agite, c'est pour ça qu'on travaille, c'est pour ça qu'on met les bouchées doubles, pour faire en sorte qu'effectivement on ne subisse pas une rehausse, alors qu'on voit effectivement des secteurs - il y a encore des secteurs, et il y aura toujours des secteurs, même en période de crise - qui ont besoin de main d'oeuvre. Et on n'a pas le droit de rester les bras ballants avec d'un côté des employeurs qui ne recruteraient pas et de l'autre des allocataires du RMI qui re-augmenteraient. C'est pour ça qu'on accélère tout. On accélère le RSA...
Donc vous redoutez aujourd'hui de devoir aider plus de foyers que prévu, avec le RSA ?
Oui..., je ne sais pas, on s'y prépare.
Vous n'avez pas de chiffres ?
Non, il n'y a pas de chiffres. Ce que je peux vous dire c'est qu'on sera au rendez-vous, c'est-à-dire qu'effectivement, d'abord heureusement qu'on fait cela, et que s'il faut faire plus il faut faire plus. C'est pour ça que crédit à la consommation d'un côté, prime de solidarité active de l'autre, accélération du RSA.
Au rendez-vous avec notamment la prime de 200 euros.
200 euros, voilà, 200 euros, c'est l'équivalent de deux mois. Vous savez, à partir de juillet prochain, les salariés modestes, c'est-à-dire par exemple quelqu'un qui vit avec 2 enfants, au SMIC, ou quelqu'un qui travaille à mi-temps, aura en moyenne, les gens auront 110 euros de plus par mois, tous les salariés modestes. Donc en fait, 2 mois d'avance, pour accélérer les choses.
Dernière question, M. Hirsch. Il y a polémique en ce moment. Quel regard portez-vous sur les petits règlements de comptes en interne au Gouvernement ? On a vu qu'il y avait plusieurs noms qui circulaient, comme étant sur la sellette : R. Dati, R. Yade hier. Vous en pensez quoi de tout ça ?
Quel regard je porte ?
Oui.
Moi je regarde ailleurs.
Vous regardez ailleurs. Très bien. M. Hirsch, merci beaucoup d'avoir été en direct avec nous ce matin sur France Info. Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 15 décembre 2008