Texte intégral
C'est à nouveau avec un très grand plaisir que je me retrouve devant vous pour dresser un bilan d'étape des actions de la Présidence française dans le domaine de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Comme vous le savez, l'égalité entre les femmes et les hommes est un principe fondamental solidement ancré dans l'histoire de la construction européenne et la France a saisi l'opportunité de Présidence pour en faire l'une de ses priorités.
Dans un contexte économique et social particulièrement difficile, les échanges en matière d'égalité et de lutte contre les discriminations multiples nous ont permis de mieux identifier les défis auxquels l'Europe est confrontée.
La richesse des débats engagés lors de la Réunion informelle des ministres européens en charge de la famille (le 18 septembre) par exemple, lors du Sommet de l'égalité des chances (le 30 septembre) ou lors de la Conférence sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes tenue à Lille les 13 et 14 novembre derniers, suivie d'une réunion informelle des ministres concernés, a montré combien cette question est au coeur de nos préoccupations communes et combien les 27 Etats de l'Union sont déterminés à faire progresser l'égalité hommes-femmes dans la sphère politique, économique et sociale.
Les axes forts du programme de la Présidence française que je vous avais présentés le 15 juillet dernier, définis dans la continuité des actions initiées par la Présidence slovène, étaient, je le rappelle au nombre de trois :
- assurer l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes et permettre aux femmes d'accéder ainsi à l'indépendance économique,
- renforcer l'accès aux droits et la lutte contre les stéréotypes,
- évaluer et approfondir les progrès accomplis dans la mise en oeuvre du Programme d'action de Pékin.
Je commencerai par le dernier point évoqué car les textes sont encore en cours de discussion. Je me réfère notamment au rapport sur « les femmes et les conflits armés » et aux indicateurs associés qui doivent être proposés. La problématique s'articule autour de six objectifs stratégiques, parmi lesquels la participation des femmes au règlement des conflits à l'échelle de la prise de décisions et la protection des femmes vivant dans ces situations de conflits armés. Je souhaite, comme chacun et chacune d'entre vous, que ce rapport nous permette de franchir une étape supplémentaire en apportant une réponse européenne à la situation des femmes concernées. Je citerai également le rapport d'évaluation des indicateurs « articulation vie familiale/vie professionnelle » que la Présidence française avait initié en 2000. D'ores et déjà, je me félicite des débats constructifs qui se sont déroulés à Lille le mois dernier sur cette problématique. J'y reviendrai ultérieurement.
Par ailleurs, la Présidence française a souhaité consolider, au plan législatif, les progrès significatifs déjà réalisés pour éliminer les inégalités et intégrer le principe de genre dans tous les domaines.
Depuis 1973, on compte de nombreuses directives sur l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes en matière de travail et d'emploi. Sous l'impulsion régulière de l'Europe, les évolutions sont encourageantes : il suffit de souligner que 15 des 27 Etats de l'Union ont atteint l'objectif de 60 % de taux d'emploi pour les femmes fixé à Lisbonne à l'horizon de 2010. De même, l'Europe a donné un cadrage général pour le congé de maternité. Désormais, selon les pays concernés, le congé maternité varie entre 14 et 20 semaines, étant rémunéré entre 60 et 100 % des salaires antérieurs. En France, le congé maternité s'étale de 16 à 26 semaines en moyenne. Deux propositions de directives ont été présentées par la Commission au mois d'octobre. Elles prévoient la révision de la directive de 1992 sur les congés de maternité et la révision de la directive de 1986 sur l'application du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes chez les travailleurs exerçant une activité indépendante. Ces deux propositions ont été assorties, notamment, d'un rapport sur le développement des modes de garde d'enfants, qui montre que nous devons encore nous mobiliser pour faire plus en la matière.
Au-delà des directives, des actions de nature incitatives ont été, sont et seront menées, sous l'impulsion de la Commission européenne, qui a placé ces priorités au coeur de sa feuille de route 2006-2010 pour l'égalité entre les femmes et les hommes.
Que le sujet de l'égalité entre les femmes et les hommes ne soit pas traité à la marge, nous en sommes toutes et tous convaincus car l'Europe est un lieu d'engagement collectif au service du progrès social. Pourtant, dans le contexte actuel de crise financière que nous connaissons, certains pourraient penser que l'urgence est ailleurs. Je crois au contraire que cette question est, dans ce contexte, plus fondamentale encore. En temps de crise économique, les femmes ne doivent pas être la variable d'ajustement alors qu'elles représentent plus de la moitié de la population, qu'elles sont actrices du monde économique et constituent un enjeu stratégique pour l'avenir. Il est au contraire essentiel d'affirmer que l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est un enjeu économique majeur et de se donner les moyens de relever ce défi. L'égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes, nous en parlons depuis plus de 30 ans mais nous n'y sommes pas encore. Je tiens à saluer le travail mené, au Parlement européen, par Madame Edit BAUER, dont le récent rapport confirme la persistance de l'écart de rémunération entre hommes et femmes et contient des recommandations qui rejoignent les initiatives du Gouvernement français en matière de dialogue social, d'accompagnement des entreprises et de sanctions à l'égard des plus réticentes. Le changement est en marche et les apports de l'Europe ont été, sont et seront déterminants. Mais force est de reconnaître que la situation des femmes dans le monde du travail des 27 pays de l'Union connaît encore de fortes disparités. Nous avons encore du travail pour faire progresser l'égalité entre les sexes dans la sphère économique, sociale et politique.
Nos échanges de bonnes pratiques organisés autour de cette thématique depuis juillet ont contribué à préciser les enjeux auxquels nous sommes confrontés et à définir des objectifs à atteindre. Des représentants d'Etats membres et d'institutions européennes, des partenaires sociaux, des entreprises et des acteurs de la société civile sont intervenus pour valoriser leurs expériences.
Face aux indicateurs de ségrégation sur le marché du travail, de rémunération et de présence de femmes aux postes décisionnels les résultats constatés signalent peu de progrès depuis plusieurs années.
Nous sommes tous d'accord pour affirmer que le choix dans l'orientation des jeunes filles doit être étendu et diversifié. Les constats qui ont été faits sur les parcours scolaires des filles et des garçons sont similaires dans l'Europe des 27. Les stéréotypes et clichés pèsent encore de tout leur poids et constituent des obstacles tenaces à la mixité des activités. Des initiatives nous ont été présentées, à Lille, pour lutter dès le plus jeune âge contre ces stéréotypes notamment au Danemark grâce à des livres et des formations aux éducateurs. Tous les intervenants l'ont affirmé à juste titre : il faut donner la possibilité aux filles de choisir d'autres voies que celles traditionnellement offertes. Il faut encourager les femmes qui le souhaitent à exercer des activités dont elles sont encore largement exclues, comme la recherche, les métiers scientifiques, la haute technologie, le bâtiment...mais aussi dans les carrières artistiques. Je tiens ici à rendre hommage à votre collègue Claire GIBAULT. Elle sait combien les métiers des arts et du spectacle sont marqués par de fortes disparités et la persistance de situations de ségrégations.
A cet égard, je souhaite souligner, comme le prévoit le programme d'action de Pékin, l'importance des indicateurs qui permettent de rendre compte de la qualité de l'image des femmes dans les médias. Vous savez que cette question me tient à coeur, et je partage avec Michèle REISER, membre du conseil supérieur de la audiovisuel en France, qui m'a remis un rapport à ce sujet, la conviction qu'un outil de « monitorage » des médias serait très utile pour encourager les professionnels à s'autoréguler et éviter l'inacceptable décalage entre les stéréotypes qui continuent à s'appliquer à la représentation des femmes et la place réelle qu'elles occupent dans la société. Au niveau européen, il nous est possible d'avancer dans le même sens, dans le cadre du Programme d'action de Pékin adopté en 1995. La France soutient fortement tous les progrès qui peuvent être fait dans cette direction, dans le cadre européen mais aussi dans le cadre du CEDAW. Cela fait également écho aux conclusions du Conseil EPSSCO du 9 juin 2008 sur le thème « éliminer les stéréotypes fondés sur le sexe dans la société » et à la résolution du Parlement européen du 3 septembre 2008 sur l'impact du marketing et de la publicité sur l'égalité des genres. A ce sujet, je tiens à nouveau à saluer le rapport de Madame Eva-Britt SVENSSON.
Par ailleurs, la question essentielle de la place des femmes dans les instances de direction des grandes entreprises a été abordée. Le rapport de la commission européenne sur l'égalité entre les hommes et les femmes 2008 confirme que la présence de femmes dirigeantes dans les entreprises stagne. Là encore, des mesures s'imposent. L'expérience norvégienne d'instauration d'un quota de 40%, grâce à la loi votée en 2005, a produit ses effets : en 2007, il y a 28,8% de femmes dans les Conseils d'administration, alors qu'elles étaient en dessous de 10% en 2004. Les bonnes pratiques des uns peuvent inspirer les autres.
L'égalité dans l'emploi et à la prise de décision ne peut se réaliser sans parvenir à combler les différences salariales entre hommes et femmes : au niveau européen, la différence de rémunération stagne aux alentours de 15% depuis 2003. La Commission a montré son plein engagement à mettre tout en oeuvre pour combattre cet écart de rémunération entre les femmes et les hommes dans une Communication adoptée le 18 juillet 2007. Nous nous associons pleinement à cette démarche, qui consiste à développer les capacités d'analyse du phénomène, qui reste complexe et mal compris, afin d'identifier les améliorations possibles. La Présidence française a proposé que l'Europe se fixe des objectifs communs de réduction des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes. Les débats qui se sont tenus à ce sujet lors de la réunion ministérielle informelle des ministres en charge de la parité a montré qu'un certain nombre d'Etats membres étaient prêts à accepter de tels objectifs, et dans le même temps, que d'autres doivent encore être convaincus du bien fondé de cette démarche. Pour tous, en revanche, la question de la réduction des écarts de salaire entre les femmes et les hommes est un sujet de préoccupation majeure. Eurostat réunit désormais un groupe de travail pour améliorer la qualité et la comparabilité des données, en recourant à une source unique pour l'ensemble des Etats membres. Les premiers résultats sont attendus fin 2008 pour l'année de référence 2006. Sur cette base nous pourrons enfin procéder à des comparaisons.
Un des éléments clés de l'égalité professionnelle c'est l'articulation entre vie professionnelle et la vie familiale Je voudrais à cet égard rappeler que le taux d'emploi baisse chez les femmes ayant de jeunes enfants à charge (-13,6 points en moyenne). C'est en développant le nombre de places d'accueil pour les enfants, en diversifiant les réponses tout en veillant à leur qualité que nous rassurerons les parents et leur permettrons de s'engager sans appréhension dans l'emploi. La nécessité de mettre en oeuvre ces objectifs est clairement réaffirmée par la Présidence française, y compris dans la déclaration du trio que j'évoquerai en fin d'intervention. Par ailleurs, les partenaires sociaux européens ont engagé des négociations en vue de la révision éventuelle de la directive sur les congés parentaux, et ils nous communiqueront prochainement leurs propositions.
Enfin, pour lancer une dynamique, la Présidence française a proposé la création d'un réseau européen d'entreprises qui regroupera l'ensemble des entreprises reconnues dans chaque pays pour leur engagement concret en faveur de l'égalité professionnelle. Cette idée a reçu le soutien de l'ensemble des participants à la réunion ministérielle informelle de Lille, y compris de la Commission, et l'engagement a été pris de mettre en place ce réseau d'ici 2010. Il s'agira ainsi de mutualiser les bonnes pratiques des entreprises d'une manière ou d'une autre (label, prix, trophée...) afin d'inciter celles qui ne se sont pas encore ou pas assez engagées en faveur de l'égalité professionnelle à adopter une démarche similaire et permettre aux membres du réseau de s'améliorer à partir de l'exemple de leurs homologue. Cet effet d'entraînement contribuera, j'en suis convaincue, à améliorer la situation au bénéfice des salariés parents.
Je terminerai en quelques mots sur la déclaration commune que nous avons adoptée le 14 novembre dernier dans le cadre du deuxième trio présidentiel avec mes collègues, Mme Dzamila STEHLIKOVA, ministre de la République tchèque et Mme Nyamko SABUNI, ministre de la Suède.
Le fonctionnement en trio permet d'assurer la continuité des actions engagées dans différents domaines, dont l'égalité entre les femmes et les hommes. C'est pourquoi, avec la République tchèque et la Suède, nous avons souhaité, comme l'avait déjà fait le 1er trio - Allemagne, Portugal, Slovénie- inscrire la politique de l'égalité entre les femmes et les hommes dans le programme sur 18 mois. En outre, comme l'avait également fait le 1er trio, nous avons élaboré ensemble une déclaration portant spécifiquement sur ce sujet, dans laquelle nous rappelons qu'une indépendance économique égale pour les femmes et pour les hommes est primordiale et que l'égalité entre les femmes et les hommes sera décisive pour la croissance économique et l'emploi au cours de la prochaine décennie. Tout en nous félicitant des améliorations de la situation des femmes et des hommes dans le domaine de l'emploi en Europe, nous reconnaissons qu'il faut poursuivre les efforts pour améliorer la participation des femmes au marché du travail et pour faciliter la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle, pour les hommes comme pour les femmes. Par ailleurs, nous soulignons avec force que les violences faites aux femmes constituent un phénomène inacceptable, une violation du droit fondamental à la vie, à la sécurité et à la dignité et qu'elles font aussi fréquemment obstacle à l'emploi des femmes.
Nous réaffirmons notre ferme soutien à la mise en oeuvre de la Déclaration et du Programme d'action de Pékin, adoptés lors de la 4ème conférence mondiale sur les femmes en 1995, dont la mise en oeuvre globale par les Etats membres de l'Union européenne sera évaluée sous présidence suédoise. Nous soulignons que le pacte pour l'égalité entre les femmes et les hommes adopté par le conseil européen en juin 2006 ainsi que la feuille de route de la Commission européenne pour la période 2006-2010 constituent le cadre de nos initiatives communes. Dans la continuité du 1er trio des présidences, nous nous engageons à mettre en oeuvre un certain nombre de priorités, au cours des 18 prochains mois. Il s'agit notamment :
- d'augmenter l'emploi des femmes et de réduire les disparités entre femmes et hommes en matière d'emploi, de chômage et d'inactivité,
- de lutter contre les écarts salariaux,
- d'améliorer la qualité de l'emploi des femmes,
- de favoriser l'accès des femmes aux postes de décision et de direction,
- de développer l'entrepreneuriat féminin,
- de mettre en oeuvre des mesures actives pour prévenir et lutter contre toutes les formes de violence envers les femmes. Je tiens à cet égard à saluer les travaux de Cristiana MUSCARDINI sur « la lutte contre les mutilations sexuelles féminines pratiquées dans l'Union Européenne ». C'est un sujet, est-il besoin de le rappeler, dont la gravité est extrême tant il provoque des souffrances. Les mutilations sexuelles féminines sont une humiliation et une atteinte à l'intégrité physique et à la dignité des petites filles et des femmes que l'on ne peut tolérer. Nos préoccupations sont communes et nos échanges nous permettront, j'en suis persuadée, de progresser ensemble pour éradiquer cette forme de violence, et bien sûr toutes les formes de violence. Ma rencontre sur cette question, la semaine dernière, avec Mme Jet BUSSEMAKER, Secrétaire d'Etat néerlandaise à la Santé, au bien-être et aux sports a été particulièrement constructive. Pour mener à bien ces actions, nous continuerons à nous appuyer sur la pratique d'une politique transversale en faveur de toutes les femmes dans tous les secteurs où leurs droits ne sont pas établis.
Mesdames et Messieurs les députés, la Présidence française s'apprête à passer le relais à la Présidence tchèque et la qualité du travail qui a été conduit dans le cadre du trio nous permet de le faire en toute confiance.
Je vous remercie
source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 8 décembre 2008