Texte intégral
R. Sicard.- Bonjour à tous, bonjour L. Parisot.
Bonjour.
N. Sarkozy doit annoncer aujourd'hui une taxation de 1,1 % des revenus du capital, pour financer le RSA, cette allocation qui doit encourager les chômeurs à trouver un emploi. Ça ne concerne pas directement les entreprises, c'est les particuliers qui vont payer, et pourtant, vous êtes plus que réservée.
Tout d'abord, nous avons appris cette nouvelle hier, sur le campus de l'université d'été du Medef, qui rassemble plus de 6 000 chefs d'entreprise et donc on m'a posé beaucoup de questions hier. Mais, vous avez raison, ce n'est pas quelque chose qui concerne directement les entreprises. La question...
Alors, qu'est-ce qui vous gêne ?
La question c'est peut-être la méthode. La méthode consiste à penser un bon projet. Le RSA c'est une bonne approche pour faire en sorte que tous ceux qui ont été exclus du marché du travail ces dernières années, puissent le plus vite possible être à nouveau en contact avec l'entreprise, être à nouveau dans la vie active. Mais, face à ce projet que tout le monde considère comme pertinent, il y a un problème de moyens. Et je ne suis pas sûre que le moyen qui a été utilisé et qui a été, enfin, qui a été choisi, semble-t-il, par le Gouvernement, soit le bon. En clair, faut-il, face à chaque nouvelle idée, créer une nouvelle taxe ?
Il faut bien trouver l'argent quelque part, or on sait que les caisses de l'Etat sont vides.
Mais, écoutez, si à chaque nouvelle idée, on invente une nouvelle taxe, nous sommes déjà à la limite de la viabilité, en France, on va être totalement asphyxié très vite. Rendez-vous compte que le Gouvernement a décidé une augmentation des cotisations retraite. Alors, c'est très étonnant parce qu'on n'en a pas beaucoup entendu parler, ça a été annoncé fin juillet, début août, donc c'est passé sous le sable de la plage, mais c'est une augmentation qui de cotisations retraites, qui va toucher, et les salariés et les entreprises. Là, c'est une cotisation ou une taxation nouvelle qui touche effectivement les particuliers. Il faut bien comprendre que...
Qu'est-ce qu'il fallait faire ? Qu'est-ce qu'il fallait faire ?
Eh bien, il y a des économies à faire. Il y a peut-être des dépenses à supprimer. Est-ce que... C'est comme dans les ménages ou dans les entreprises, il est sain de regarder régulièrement si toutes les dépenses que nous engageons sont efficaces, sont utiles.
Il y a des dépenses importantes pour les allègements de charges des entreprises, justement. Est-ce que là-dessus il faut couper ?
Oh, c'est très simple. Nous avons un des coûts du travail les plus élevés d'Europe, du monde occidental ; je ne vais même pas faire la comparaison avec les pays émergents. Supprimer ces allègements de charges, c'est immédiatement mettre en danger des milliers de TPE et de PME et c'est immédiatement provoquer un risque pour des centaines de milliers de salariés. Il y a une étude qui a déjà été faite là-dessus, la suppression des allègements de charges pourrait provoquer 500.000, 800.000 chômeurs supplémentaires. Ce n'est certainement pas le moment.
Sur le financement du RSA, vous demandez à N. Sarkozy de revoir sa copie ?
Encore une fois, ce n'est pas un sujet qui concerne directement les entreprises, et moi je pose simplement la question de la méthode. Ce n'est pas la première fois que l'on voit qu'il y a de bons objectifs, qui sont fixés par le Gouvernement, par exemple sur la durée du travail, mais que la méthode et les moyens qui sont choisis, finissent par altérer, par abîmer le projet en lui-même. Je crois qu'il faut faire très attention, on ne peut jamais séparer l'objectif de la méthode.
Ce qui concerne directement les entreprises, c'est la croissance, elle est en recul au deuxième trimestre. Est-ce que vous, vous pensez que l'on est en récession ?
Vous savez, la croissance, ça concerne directement les entreprises et chaque Français. Je voudrais que tout le monde comprenne bien que la croissance et le pouvoir d'achat sont directement corrélés. Moi, ce qui m'inquiète, ce n'est pas simplement les mauvais chiffres du deuxième trimestre, en terme de croissance. Ce qui est préoccupant, c'est que la croissance française, depuis des années, est quasi systématiquement inférieure à la croissance de nos pays voisins, de nos pays partenaires européens et du reste du monde. Donc, il faut aujourd'hui se dire : certes, il y a un avis de tempête et il faut être lucide, nous sommes dans une mauvaise passe économique. Mais dans cette situation-là, quelles sont les décisions qu'il faut prendre pour avoir une vraie politique de croissance ? Une politique de croissance, c'est une politique qui stimule la production, qui encourage les entreprises, ce qui leur permettra de créer des richesses, et ce qui finira par revenir dans la poche de chaque salarié.
Une croissance faible, c'est sans doute plus de chômage, on connaîtra les chiffres tout à l'heure. Il ne faut pas s'attendre à de bons chiffres.
On ne peut pas dire. Moi, je n'ai pas de boule de cristal, j'attends d'avoir, comme vous, les informations.
Mais vous connaissez l'état d'esprit des patrons.
Il faut être prudent. L'état d'esprit des patrons c'est : « ouh là, il se passe quelque chose qui dépasse la France ». Nous sommes en grande réunion, en ce moment, sur le campus de Polytechnique, il y a 6.000 chefs d'entreprise présents, il y a des intervenants de très haut niveau et venus du monde entier. Hier soir... hier après midi, nous avons reçu le roi Abdallah II de Jordanie, il y a des intellectuels qui sont présents, par exemple A. Glucksmann, il y a des gens de la société civile qui n'ont pas les mêmes points de départ que nous, je pense par exemple à A. Legrand, vous savez, celui des tentes...
Des Don Quichotte.
Voilà, des Don Quichotte, et nous sommes tous là en train de confronter les idées, même s'il y a opinions divergentes, il y a une chose qui est claire, qui a été admise par tout le monde : c'est que c'est le monde entier qui est en mutation.
Et vous craignez une augmentation du chômage ?
Et donc il faut s'adapter à la mutation, pour justement éviter des risques d'augmentation de chômage. Et pour ça il faut vraiment comprendre que les entreprises ont un rôle crucial à jouer, elles sont même au coeur. En fait, l'entreprise, c'est a solution face à la situation actuelle.
Il y a un autre sujet qui fâche, c'est l'aide aux transports. Le Gouvernement vous a demandé de réfléchir avant le 15 septembre, à la façon d'aider les salariés à financer leur trajet pour aller au travail. Là aussi vous n'êtes pas enthousiaste.
D'abord, il faut bien comprendre que nous ne partons pas de zéro. Les entreprises versent chaque année, entre 4 et 5 milliards d'euros. 4 et 5 milliards d'euros.
Mais c'est dans certaines régions, seulement.
Non, pas du tout. Les entreprises versent entre 4 et 5 milliards d'euros pour financer les transports collectifs. Chaque Français peut regarder, c'est sur sa feuille de paie. S'il lit la ligne URSSAF transport, c'est une taxe qui peut aller - par exemple, vous êtes salarié dans la région parisienne, c'est une taxation qui est égale - à 2,6 % de votre salaire brut. C'est déjà très important. C'est une contribution majeure que nous apportons aux transports collectifs en France. Je ne suis pas sûre que nous puissions aller raisonnablement au-delà et encore une fois, la vraie question, c'est : comment j'augmente le pouvoir d'achat net, du salarié, et à lui, une fois qu'on lui a augmenté son pouvoir d'achat, de faire l'arbitrage qu'il veut, entre consommer plus d'essence ou une certaine quantité d'essence ou consacrer un peu plus d'argent à son logement ou que sais-je encore. L'entreprise ne peut pas être une entreprise providence, sinon elle meurt.
Alors, il y a un autre sujet délicat. F. Chérèque, le patron de la CFDT, écrit dans un livre que N. Sarkozy aurait pensé à une loi d'amnistie pour ce qui concerne l'affaire du patronat de la métallurgie, on se rappelle votre bras de fer avec D. Gautier- Sauvagnac. Une loi d'amnistie dans cette affaire, ça vous paraît une bonne solution ?
Il n'en est pas question. J'ai toujours dit qu'il fallait que la justice aile jusqu'au bout. Je suis d'ailleurs persuadée qu'elle travaille, qu'elle avance, aidée par la police, sur le sujet. Donc, ça c'est de la compétence de la justice et de la police. Quant à nous, organisation patronale, je pense aussi du côté des organisations syndicales, il faut penser le paritarisme du XXIème siècle, il faut se demander « mais comment, nous-mêmes, nous nous mettons au diapason du monde, avec des méthodes modernes, transparentes, éthiques ? ».
Merci L. Parisot.
Merci à vous.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 28 août 2008