Interview de Mme Laurence Parisot, présidente du MEDEF, à Europe 1 le 23 septembre 2008, sur le déficit public et la croissance pour 2009.

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Média : Europe 1

Texte intégral


 
 
M.-O. Fogiel.- Le déficit public annoncé est de 3 %, la croissance en 2009 ne devrait être que de 1 %, le budget 2009 va donc être dur à boucler. Et comme N. Sarkozy assurait qu'il ne voulait plus taxer les Français, craigniez-vous que les entreprises deviennent la tirelire gouvernementale ?
 
Ce matin, au Medef, nous faisons une conférence de presse que nous avons intitulé "les PO : la goutte d'eau ?" - avec un point d'interrogation. Les PO, qu'est-ce que c'est ? Ce sont les prélèvements obligatoires, c'est-à-dire ce qui rassemble à la fois les impôts, les taxes et toutes les charges sociales. Or en France, les PO à la fois sur les ménages et sur les entreprises, je dis bien sûr les deux, sur les ménages et sur les entreprises, sont à un niveau qui est quasi insupportable et qui met en danger toute nôtre économie.
 
Mais ce n'est pas ce que vous avait promis N. Sarkozy, vous êtes déçue de N. Sarkozy, L. Parisot ?
 
Je ne me pose pas la question en ces termes. Et si nous parlons aujourd'hui, c'est plutôt pour apporter notre contribution au débat, parce que le débat est complexe. D'ailleurs, ce qui a été tout à fait frappant pour nous tous en préparant cette conférence de presse, c'est l'extraordinaire difficulté à avoir des chiffres. C'est l'effort incroyable que nous avons dû faire pour essayer de trouver des agrégats qui nous permettent de comparer d'une année sur l'autre, est-ce que, oui ou non, les PO, les prélèvements obligatoires sur l'entreprise, est-ce que cela augmente ou pas ?
 
Je vous aide à calculer, puisque vous avez sorti votre calculette...
 
Ah vous êtes un bon statisticien, alors !
 
Non, j'ai repris dans la presse ce qu'a dit E. Woerth. Il parle de 17,6 milliards de baisses d'impôts contre 2,6 milliards de hausse. Donc quand on fait une simple soustraction - jusque-là c'est à mon niveau - manifestement, cela contredit ce que vous nous dites.
 
Eh bien justement, c'est là toute la difficulté, c'est que les services du ministère de l'Economie et des Finances ont rendu les choses tellement illisibles que nous n'y retrouvons pas ce que vous venez de dire. Et nous, nous avons constaté sur la partie que nous connaissons bien, à savoir les entreprises, premièrement, que les entreprises françaises sont les plus taxées au monde - au monde ! Deuxièmement, que cette taxation n'a pas cessée d'augmenter depuis quelques années. Troisièmement, que sur l'année qui s'achève, il y a eu une légère augmentation, je ne dirais que "légère", mais ce "que léger" est déjà trop. Et dernier point, ce qui est actuellement dans les tuyaux du Gouvernement, c'est tout à fait inacceptable.
 
Vous ne pensez pas que si le Gouvernement fait ce choix-là, un gouvernement de droite, c'est qu'il n'a pas d'autres solutions L. Parisot ?
 
Je pense surtout qu'il faut avoir une vision économique, une vision économique de long terme. Et il faut comprendre que si pratiquement tous les autres pays du monde occidental ont réussi - donc, cela se fait sur plusieurs années - à baisser les fameux PO, prélèvements obligatoires, en particulier, sur les entreprises, c'est qu'il y a donc la possibilité de le faire. Il n'y a pas de raison que nous soyons les seuls à ne pas pouvoir le faire. Et surtout, ce n'est plus seulement un problème purement économique, c'est devenu un problème politique. C'est-à-dire la question qui est posée aujourd'hui à tous les députés et sénateurs, de droite comme de gauche, c'est est-ce que nous voulons que la France reste un pays de tout premier plan ? Si nous le voulons, baisser les PO est une exigence absolue.
 
Donc ça, c'est ce que vous demandez au gouvernement de N. Sarkozy et de F. Fillon aujourd'hui ?
 
Oui, tout à fait. Et ce, d'autant plus...
 
Et vous êtes entendu ?
 
Je le saurai dans quelques jours, pas simplement à l'occasion du discours du président de la République, mais au moment du débat sur le budget. Mais il est très, très important de comprendre que la croissance du pouvoir d'achat, le maintien de l'emploi, etc. passe par là et ce, d'autant plus qu'il y a la crise financière.
 
Franchement, après l'élection de N. Sarkozy, est-ce que vous vous attendiez, un an et quelque après, à tenir ce genre de discours ? Vous ne pensiez pas qu'un gouvernement de droite, incarné par N. Sarkozy- vous souriez ! -, devrait avoir compris ce genre de discours assez libéral ?
 
Je pense qu'il y a beaucoup de choses qui ont été comprises par ce gouvernement et le président de la République. Il y a eu dans la première année du mandat du Président des décisions qui vont dans le sens que je dis, et qui sont tout à fait favorables. Par exemple, le crédit impôt recherche, pour faire de la France une économie de l'innovation, c'est majeur.
 
Mais depuis, il y a la réalité qui a peut-être rattrapé le Gouvernement...
 
Non, ce n'est pas la réalité. La réalité c'est quelque chose d'intolérable en termes de prélèvements obligatoires qui empêchent les entreprises de grandir. Savez-vous qu'il y a 50.000 entreprises qui ont déposé le bilan sur le premier semestre de l'année. C'est catastrophique ! Est-ce qu'il n'y a pas un lien avec les PO ?
 
Concrètement, la prime transport cela fait parti des PO ?
 
Oui, bien sûr.
 
Et vous êtes contre la prime transport ?
 
Oui, j'ai toujours dit que de toute façon, ce n'était pas à un gouvernement, quel qu'il soit, de devenir lui-même le chef d'entreprise et de dire "tiens là, je vais rembourser telle carte de transport ; là je vais donner tel remboursement de frais". Il faut peut être donné un peu plus de libre arbitre, et au chef d'entreprise et aux salariés.
 
Aujourd'hui, au-delà de votre conférence de presse - on a bien compris, vous allez mettre la pression sur le Gouvernement -, il y a un gros mouvement, celui de salariés de La Poste : 6 Français sur 10 disent ne pas être favorables à un changement du statut de La Poste. Et vous ?
 
Il y a même un sondage IFOP - vous savez, c'est mon entreprise - qui dit cela. Je crois que cela veut dire qu'il faut expliquer, qu'il faut expliquer qu'aujourd'hui les entreprises, y compris, des entreprises qui ont une vocation de service public, pour continuer à améliorer leurs performances, ont besoin de capitaux, que ces capitaux, par définition, l'Etat ne peut plus les apporter. Il faut donc faire appel aux marchés et donc prévoir une évolution pour que La Poste puisse un jour faire appel au marché, c'est tout à fait logique.
 
Donc vous demandez de la pédagogie ce matin ?
 
Oui. Mais je pense que le président de La Poste, J.-P. Bailly, est capable de le faire.
 
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 23 septembre 2008