Interview de Mme Laurence Parisot, présidente du MEDEF, à RTL le 26 septembre 2008, sur la crise économique et le plan de relance.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


 
 
 
V. Parizot L. Parisot, bonjour !
 
Bonjour, V. Parizot !
 
Voilà, on précise que ça ne s'écrit pas pareil. Vous êtes évidemment sur RTL ce matin pour réagir au discours de N. Sarkozy. On a parlé de tout ça dans le journal, mais rappelons qu'hier, dans le discours, il y avait un passage qui s'adressait directement aux patrons, notamment aux grands patrons. N. Sarkozy : Les modes de rémunération des dirigeants doivent être désormais encadrés, il y a eu trop d'abus, il y a eu trop de scandales. Ou bien les professionnels se mettent d'accord sur des pratiques acceptables, ou bien le Gouvernement de la République règlera le problème par la loi, avant la fin de l'année. Les dirigeants ne doivent pas pouvoir prétendre à un parachute doré lorsqu'ils ont commis des fautes ou mis leur entreprise en difficulté.
 
L. Parisot, vous êtes d'accord ?
 
Je suis tout à fait d'accord. Je vous rappelle que plus d'une fois, j'ai marqué mon indignation face à des excès, face à des abus et il y a quelques mois déjà, j'ai installé au Medef, un Comité éthique - je lui ai demandé de travailler sur cette question compliquée, des rémunérations des dirigeants. Et le Comité éthique du Medef va remettre dans quelques jours ses propositions, qui je pense, pour l'essentiel vont aller dans le sens du président de la République.
 
Cela doit être compliqué effectivement, parce que le dispositif, il existe déjà dans la loi de 2007, dite la loi TEPA, il y a déjà un texte qui prévoit que l'attribution des parachutes dorés est liée aux performances.
 
C'est compliqué, parce que la question est en réalité internationale. Nous la traitons, là, en ce moment au niveau national, mais il faut comprendre que ces grands dirigeants sont en concurrence sur un marché européen, voire mondial. Si nous voulons mettre de la modération dans le système, il faut aussi faire en sorte que partout ailleurs, on mette de la modération. Mais ceci dit, attention, il ne s'agit pas non plus de prendre pour cible tous les dirigeants de toutes les grandes entreprises françaises. Je peux vous dire que la quasi-totalité sont des hommes et des femmes de grand talent, qui aiment leur pays, qui ont envie que notre pays reste parmi les premières puissances économiques du monde. Et ce n'est pas parce qu'il y a eu, deux, trois, quatre au cours des cinq dernières années, choses, tout à fait scandaleuses qu'il faut tous les clouer au pilori.
 
Il paraît que vous avez, directement évoqué le sujet avec le président de la République, mercredi soir, avant-hier, vous confirmez ?
 
Oui, c'est vrai, mais ce n'était pas la première fois que nous en parlions ensemble et c'est pour ça que je vous ai dit qu'on peut clairement dire qu'il y a une convergence de vue très grande entre le Président et moi sur cette question.
 
Alors sur le reste, on retient que le Président a annoncé qu'il n'y aurait pas de politique d'austérité, mais pas de plan de relance non plus. Est-ce que cela veut dire ; on serre les rangs et on attend que cela passe ?
 
Ah, je n'ai pas du tout trouvé le président de la République passif, bien au contraire. J'ai ressenti dans son discours une envie d'agir et une énergie qui...
 
Une envie d'agir sans doute, mais comment ?
 
Eh bien avec une vision globale, cohérente d'avenir, qu'il nous a proposée. Il faut lire le discours, il ne faut pas regarder simplement ou écouter quelques extraits. Ce qui était tout à fait remarquable, c'est que, le président de la République a parlé économie, tout d'abord en étant lucide ; ensuite, en intégrant à la fois les problématiques locales, européennes et internationales. En disant le cap qu'il faut donner sur des réformes essentielles, par exemple, quand il a dit qu'il fallait réduire le nombre d'échelons de collectivités locales. Voilà un axe d'économies pour le budget de l'Etat, le budget public général de la France, qui peut nous donner sur le moyen terme des marges de manoeuvre pour être plus compétitifs.
 
Le Président a parlé hier, on a entendu, il a prononcé le mot, de récession. Selon les informations de RTL, les chiffres du chômage pour le mois d'août qui seront annoncés lundi seraient mauvais, même les pires depuis environ 15 ans. Est-ce que ça aussi c'est un effet de la crise des subprimes ?
 
C'est possible.
 
Et est-ce que finalement, le président n'a pas aussi noirci le tableau pour faire passer un certain nombre de mauvais résultats annoncés ou à venir ?
 
Je trouve que le Président n'a ni rosi, ni noirci le tableau ; le Président a eu un discours de vérité. Nous savons tous, depuis quelques mois, qu'un ralentissement économique sérieux est à craindre. Ce qui se passe, en plus, depuis quinze jours, qui est extraordinairement grave, à savoir une véritable crise financière qui va renchérir le coût du crédit, diminuer le volume de crédit disponible, bien sûr que tout ceci impacte l'économie. Je crois que le défi que nous devons tous nous donner, c'est : comment éviter la récession. Moi ce qui me frappe depuis quelques jours, c'est ce qui se passe aux Etats-Unis. On peut dire et je suis la première à le penser que les Américains ont fait des bêtises, mais énormes. Mais alors, leur réaction d'unité nationale est tout à fait exceptionnelle. Je suis déçue et étonnée de voir qu'en France, ce matin, ce n'est pas sur ce même ton que nous sommes tous en train de réagir, alors que nous devrions être plus dans... oublions les clivages et ayons une approche quasi d'unité nationale.
 
Et quand vous entendez certains remettre en cause le modèle capitaliste, cela vous fait quoi ?
 
Eh bien qu'ils nous proposent un modèle alternatif et puis on discutera. Mais je crois qu'il faut surtout avoir en tête que le bon capitalisme est un capitalisme de modération, d'esprit d'entreprise, d'esprit d'innovation et qui a le sens du risque. Et que, s'il doit être rémunéré, c'est parce qu'il a osé prendre des risques !
 
Merci, L. Parisot, d'avoir réagi ce matin sur RTL.
 
Merci à vous.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 26 septembre 2008