Texte intégral
M. Biraben, C. Roux et G. Leclerc.- M. Biraben : Le ministre de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement Durable et de l'Aménagement du Territoire, J.-L. Borloo est notre invité.
C. Roux : Hier, le paquet climat a été adopté par le Parlement européen, mais le ministre converti au vert se remet à la politique. Après avoir lancé un appel aux orphelins du progressisme, de la social-démocratie, il est pressenti pour faire son entrée à la direction de l'UMP. En attendant, le Président recule, se montre prudent, défend l'égalité des chances façon Chirac et oublie la discrimination positive façon Sarkozy, bonjour !
M. Biraben : C. Roux bonjour ! Est-ce que le climat social est tendu au point que la pause dans les réformes s'impose ?
Moi je pense que la crise financière - on a vu valser des tas de choses - globalement crée une perte de repères et une angoisse. On voit un certain nombre de plans, de plans de licenciements forts. Je crois vraiment que les dégâts de la folie financière vont forcément laisser des traces pour tout le monde, ça c'est clair.
C. Roux : Est-ce que cela enlève déjà politiquement... est-ce qu'il calmer le jeu ?
Non, parce que tout dépend ce qu'on appelle réforme. Je crois que faire évoluer la société comme on le fait dans notre domaine est une nécessité que tous les Français comprennent très bien. Mais c'est vrai que quand je vois encore cette affaire-là - comment cela s'appelle : Madoff ? C'est une histoire de dingues quand même ! Donc, voilà, tout ça fait qu'on ne sait plus très, très bien dans quel type de société on vit et les problèmes de climat sont les seules bonnes nouvelles que nous ayons.
C. Roux : On va y venir sur le climat mais est-ce que tout ça, comme vous dites...
On va avoir du mal à en parler du climat !
C. Roux : Pas du tout, on va en parler du climat.
G. Leclerc : Parlons du climat social !
C. Roux : Voilà, du climat social, est-ce que ce climat-là exige un certain nombre de prudence, de modération après avoir conduit des réformes tambours battants ?
Ah, mais je crois que les réformes conduites tambours battants, sont des réformes qui avaient été annoncées avant, qui sont expliquées. Qui étaient dans le cadre d'un accord démocratique qui était le programme présidentiel. Donc je pense, effectivement qu'il faut bien expliquer, mieux expliquer et puis faire extrêmement attention à la fragilité d'un certain nombre de familles, d'un certain nombre de situations. Ça c'est une réalité, une fois de plus, je vous dis, le sentiment d'une société dont on ne comprend plus tout à fait les fondements et avec des chiffres...
C. Roux : Vous croyez que le Président ne comprend plus lui non plus ?
Ah, si, je crois que le président comprend très bien, ce qu'il a fait hier sur la diversité, problème essentiel pour notre république prouve qu'il comprend parfaitement ce qui se passe.
C. Roux : Quand il recule sur la classe de seconde, sur la réforme sur l'Education nationale, il comprend ce qui se passe ?
Ecoutez, vous savez, le ministère de l'Education nationale est sûrement le plus beau - contribuer à la transmission du savoir - et sûrement le plus difficile. Tous les ministres de l'Education nationale ont eu des moments un peu compliqués. Je crois que X. Darcos allé au départ sur le soutien à ceux qui avaient le plus de difficultés dans les écoles, c'est-à-dire le soutien scolaire adapté à la carte. Bon, là, il a décidé de prendre son temps pour retourner voir les syndicats.
G. Leclerc : Il a eu raison de prendre son temps, il a eu raison de...
Ecoutez, oui, évidemment il a raison de prendre son temps. Quand quelque chose est mal enclenché, est-ce que vous avez le sentiment que vous ne l'avez pas assez partagé, expliqué... La politique ce n'est pas une espèce de scoring de réformes. Vous faites des choses qui doivent être comprises, qui doivent être parfaitement appréciées...
C. Roux : C'est pour cela que ça bloque sur le travail le dimanche, sur l'audiovisuel, c'est parce que cela a été mal expliqué, cela a été mal compris ou c'est la majorité qui va mal ?
Non, il peut y avoir des sujets sur lesquels la majorité n'est pas en accord à 100%. Si vous parlez du travail du dimanche, il y a vraiment des opinions divergentes : ceux qui considèrent qu'il faut donner de la liberté, qui considèrent que quand les gens viennent à Paris, les touristes, cela pose un problème que cela soit fermé - c'est une des rares capitales au monde. Et il y a ceux qui souhaitent, vraiment préserver ce moment particulier de la respiration familiale.
C. Roux : Vous êtes dans quel camp ?
Moi je suis plutôt pour la liberté, très franchement, surtout que je suis dans une ville frontalière où les gens traversent...où on fait 7 kilomètres, 10 kilomètres pour aller faire ses courses le dimanche, donc, il faut regarder ça au cas par cas et laisser les mairies gérer ça.
C. Roux : Et le fait que ces textes soient contestés au sein même de la majorité, ce n'est pas un problème ça ? Est-ce que cela traduit un climat qui a changé au sein de la majorité ?
Non, non, non, à partir du moment où le Président a souhaité que le Parlement ait beaucoup plus de pouvoir, eh bien il l'exerce, il l'exerce, c'est aussi simple que ça. Il y a des opinions divergentes, il y a finalement en général, des points d'accord qui se font. Voilà, on est un pays démocratique. Moi, cela ne me choque absolument pas qu'il y ait des débats, mais vraiment pas.
C. Roux : Alors vous avez lancé un appel, « l'appel de Massy », une question ce matin, a-t-il été entendu au-delà de Palaiseau ? Au-delà de la blague, vous avez eu des réponses ?
M. Biraben : Massy, Palaiseau, ce sont deux villes l'une à côté de l'autre.
C. Roux : Vous avez eu une réponse, vous avez lancé un appel aux orphelins de la social-démocratie.
Eh bien oui, parce que moi je pense qu'on rentre vraiment dans un nouveau monde. Certes, dans dix ans, la société n'aura rien à voir avec ce qu'elle est aujourd'hui et donc, il y a travail de réflexion sur la République, sur la démocratie, sur l'organisation de nos sociétés, au plan énergétique, au plan urbain. Et je trouve que pour l'instant, à cette heure-ci, la gauche institutionnelle est très absente de ces débats-là, à ma très grande surprise. Ils l'ont d'ailleurs plutôt portée, il y a vingt-cinq ans ce type de réflexion. Et je me suis dit, tous ces gens qui sont progressistes, qui aiment anticiper dans la société, s'adapter...
G. Leclerc : Donc ce sont les déçus du PS que vous voulez rassembler ?
Oui, ou de ce qu'on appelle, les progressistes, la social-démocratie, enfin ceux qui ne sont pas dans...
G. Leclerc : Est-ce que vous pouvez donner des noms en vrac ?
Non, parce que ce n'est pas une pêche aux gens, non, non c'est pour discuter avec vous, moi, les obscures, les sans grades, comme disait Flambard. On ouvre des forums, on va en faire dans chaque département et dans chaque région, on l'avait fait pour le Grenelle de l'Environnement, je vous le signale, cela avait eu un très grand succès. Les gens ont très envie de discuter et de dialoguer, vous n'êtes pas obligé de vous inscrire dans un parti politique pour débattre. Alors vous pouvez le faire de manière associative, eh bien nous, on propose un lieu de forum.
C. Roux : Voilà, il y a un lieu de forum qui est le Parti radical. Est-ce que le Parti radical va devenir une arme anti Bayrou ?
Ecoutez, si cela se résumait à cela, ce serait vraiment pitoyable...
C. Roux : C'est de la politique, ce n'est pas grave !
Enfin, ce n'est pas celle que j'aime.
G. Leclerc : Oui, mais vous êtes un peu sur les mêmes terres, lui aussi il chasse sur les déçus du PS.
Non, mais moi je viens de dire : inventons le nouveau siècle. Je suis, au petit matin cela peut vous paraître étrange - mais je suis convaincu qu'il faut construire la vie en commun du siècle qui s'ouvre, voilà, je suis convaincu de ça. Je suis convaincu que vous ne vivrez pas, que vos enfants ne vivront absolument pas dans la même société que celle d'aujourd'hui. C'est un virage, il y a eu le virage de la fin du 19ème. Il a bien fallu que les partis politiques s'organisent, en France, cela a été autour de la République. Eh bien, là, on est à l'aube du 21ème siècle. Regardez la révolution à la fois psychologique, énergétique, politique des Etats-Unis d'Amérique, c'est extraordinaire.
M. Biraben : On va venir au climat, mais demain, ce sera également la diversité qu'on va évoquer tout de suite.
C. Roux : Oui, on est passé de la discrimination positive à l'égalité des chances. Qu'est-ce qu'il y a de très différent dans l'approche de N. Sarkozy par rapport à celle qui était portée par J. Chirac, dans cette démarche sur la diversité qu'il a annoncée hier ?
Eh bien d'abord il a nommé un commissaire pour faire ça.
C. Roux : Qui est un ami à vous !
Moi j'ai une énorme estime pour Y. Sabeg, c'est probablement... Il est extraordinaire cet homme : c'est celui qui aime le plus de tous ceux que j'ai vus, plus exactement, il en parle tout le temps, la République, la République française. C'est chevillé au corps, ce que l'on ne dit jamais quand on le présente, que c'est un homme qui vient de la DATAR. C'est-à-dire de l'aménagement du territoire, de la haute fonction publique, qui est une espèce de condensé de tous nos rêves et toutes nos contradictions. C'est quelqu'un qui est très engagé, moi je l'avais nommé pour le programme de rénovation urbaine où il a fait un boulot, discrètement, on n'en a jamais entendu parler. Il est allé voir dans tous les quartiers, comment l'opération se faisait ? Vraiment, on a monté ensemble les contrats de transition, professionnels qui ont été relancés par le Président à Valenciennes, il y a trois ou quatre semaines. Pour faire en sorte que les salariés, lorsqu'il y a des licenciements économiques, une espèce de plage, avec la même rémunération, pour essayer de nouveaux emplois. Etre formé à des nouveaux emplois en touchant la même rémunération qu'avant. Il fallait quelqu'un de cette envergure-là pour influer...
G. Leclerc : Vous voulez dire, c'est une autre envergure que A. Begag ?
Non, je ne suis pas du tout sur ce type de comparaison. A. Begag était un écrivain, était un esthète de cette chose-là. Alors que Sabeg, c'est un bâtisseur, d'ailleurs il l'est physiquement, construit comme ça, solide sur ses pattes de derrière et je pense que c'est bien d'avoir un homme de cette envergure là.
C. Roux : A propos de la diversité, N. Morano hier a eu des propos concernant R. Yade. Elle a dit que les personnes issues de la diversité devaient en faire plus que les autres. Que la diversité ne pouvait être un bouclier.
Je n'ai pas l'habitude de commenter des bouts de phrase que l'on sort d'un contexte comme ça. Non, parce que ce n'est pas... Pour tout vous dire, moi je suis venu vous parler du climat.
M. Biraben : On y arrive.
C. Roux : La prochaine fois vous venez avec les questions et les réponses, c'est mieux.
Parce qu'il y a eu un évènement majeur hier...
C. Roux : Est-ce que vous considérez que la diversité doit être un bouclier. Est-ce que vous considérez que la diversité doit être un bouclier ? C'est-à-dire qu'on doit être plus tolérant, y compris au sein du gouvernement avec des personnes, des ministres issus de la diversité ou pas ?
Je pense qu'il faut être tolérant, c'est une activité tellement difficile, il faut être tolérant, il faut être affectueux même...mais si, il faut être affectueux, ce n'est pas interdit. Vous savez c'est très difficile, vouloir exercer ce genre de responsabilités, il y a franchement une dimension de mission. C'est dur, il y a parfois un peu d'ingratitude, il y a aussi beaucoup de bonheur. Il n'est absolument pas interdit d'être solidaire et affectueux.
M. Biraben : Alors on va sur le climat, maintenant avec Gilles. G. Leclerc : Venons-en au climat, bon, réussite du plan climat européen, encore hier à Strasbourg. Mais en France, le plan de relance du président Sarkozy, il passe par la construction de nouvelles autoroutes. Alors est-ce que vous ne croyez pas que quand B. Obama, lui va lancer son New Deal vert, on va paraître un petit peu dépassé ?
Monsieur, vous avez mal lu le plan de relance à ce que je vois.
G. Leclerc : Eh bien c'est pour ça, vous allez nous l'expliquer.
Ah bon, le plan de relance, il est essentiellement sur des infrastructures dites « grenelliennes », maintenant cela devient...
G. Leclerc : Vous ne pouvez pas nier... pour les autoroutes ?
Si, si je dis absolument, il y a trois autoroutes qui avaient été décidées avant le Grenelle, donc la règle, c'est ce qui a été décidé avant, on ne remet pas en cause la parole de l'Etat. Voilà, c'est une affaire relativement simple.
M. Biraben : Mais ce n'est pas de la relance ?
Non, non seulement des trucs qui avaient été décidés très avant, on les accélère maintenant, voilà, cela s'arrête là.
G. Leclerc : Donc combien on va créer d'emplois verts ?
Ça c'est très difficile, vous savez cette société du chiffre annoncé, c'est toujours extrêmement dangereux. Ce qui est clair, c'est que nous avons aujourd'hui tous les moyens fiscaux et budgétaires pour les énergies renouvelables. Et heureusement, parce qu'hier le Parlement européen nous enjoint d'avoir 23% de notre énergie en énergie renouvelable. Cela va créer des centaines de milliers d'emplois, non délocalisables en France. Et surtout, la bataille de l'énergie qui est la bataille du 21ème siècle, de l'énergie propre, comme la relance possible de B. Obama, cette bataille est absolument cruciale. Donc ça les tramways, des TGV, enfin des sites propres en ville, cela peut être des tramways ou des sites plus légers. Les TGV accélérés, les canaux, notamment le canal Seine- Nord qu'on va, enfin, pour relier les grands ports. Tout ça est accéléré dans le plan de relance et amplifié et la fameuse rénovation urbaine chère Y. Sabeg.
G. Leclerc : Alors je vous cite B. Obama. Vous avez vu que votre homologue à l'énergie aux Etats-Unis maintenant sera un Prix Nobel de physique, ça vous l'avez vu ?
Vous voyez la grande différence entre leur niveau et mon niveau ?
G. Leclerc : Non, ce n'est pas ce que je voulais dire mais ce qu'a dit Obama en annonçant la nomination de Monsieur Chu : Nous allons créer des millions d'emplois avec un plan de relance qui verra les américains construire des parcs d'éoliennes, des panneaux solaires et des voitures propres. Est-ce qu'on est sur la même tendance ?
Oui, eh bien ils font exactement ce qu'on fait un an après, je suis navré de vous le dire. Ce qui est extraordinaire, c'est que, quand c'est un américain qui le dit, c'est la pierre philosophale, cela fait un an qu'on le dit et qu'on le fait en France, qu'on vote le Grenelle à l'unanimité pour ça. Que Vingt-sept pays d'Europe se mettent sur cette ligne-là, la plus grande décision, probablement des cents dernières années.
G. Leclerc : Qui a été unanimement saluée.
Ce qui s'est passé au Parlement européen, il faut quand même que les téléspectateurs le sachent. La semaine dernière, Vingt-sept pays à l'unanimité se mettent d'accord pour en gros, tripler les énergies renouvelables, en 8 ans, 2012-2020, c'est gigantesque. Modifier fondamentalement les émissions de CO² des voitures. Transformer l'économie et l'énergie de l'Europe, faire la transition, sortir de l'économie du charbon, en aidant nos amis polonais. Enfin, changer complètement la qualité des carburants, quelque chose de massif. Hier, moi j'y étais, je portais le siège de la présidence. Tout d'un coup, 600, plus de 600 députés de Vingt-sept pays au Parlement européen appuient sur le bouton et disent "oui". Ils sont présents et ils disent oui à cette révolution. L'histoire retiendra - l'histoire retiendra dans quelques années qu'hier, le 17 décembre, l'Europe aura été le premier endroit au monde où démocratiquement, s'impose de manière contraignante cette révolution. L'Europe a pris hier le leadership définitif de la croissance verte. Et je souhaite que nos amis américains fassent au moins la même chose.
M. Biraben : Une question de téléspectateur avec Léon, dont je souhaite qu'elle soit affectueuse, Léon ?
L. Mercadet : Oui, il y a beaucoup de questions pour J.-L. Borloo, mais cela ne m'étonne pas sur les voitures électriques et sur les emballages. Alors les gens bloquent là-dessus, mais puisque vous parliez de changement de civilisation, Gaëlle vous parle du dimanche, avec cette question, le dimanche et environnement. Le travail du dimanche n'est-il pas une occasion supplémentaire de consommer de l'énergie et donc de polluer davantage ? C'est quoi votre position, est-ce qu'il n'y a pas besoin d'un jour pour arrêter ?
Pour arrêter de consommer d'une manière générale ? La question, enfin j'imagine. Moi je trouve qu'il y ait cette journée...la seule question c'est que, en fonction des contraintes familiales des uns et des autres, à quel moment les familles s'organisent ? Mais vous avez vu que la consommation de carburant a baissé le mois dernier de 12,8%, alors que le pétrole baisse en ce moment. On est vraiment, les Français sont en tête, y compris de la révolution mentale avec nos insatisfactions. Ce que vous avez vu, puisque vous me parliez de B. Obama, ce qui a décidé le président américain. Tout le monde a di : ah ce qu'a fait la France ! Nous on a regroupé, pétrole, écologie, enfin énergie, écologie, habitat, mer, forêt, aviation dans un même ministère. Eh bien le président américain pour la première fois a mis en place presque la même chose. Energie et environnement et transport. Les Américains organisent leur pays sur le même modèle que ce qui a été en France, il y a un peu plus d'un an.
C. Roux : B. Obama fait du Borloo !
Eh bien écoutez, pourquoi voulez-vous gâcher votre plaisir quand notre pays, qui ne s'occupait pas trop de ces choses là, il y a quelques années, prend le leadership ? Sur ce débat qu'il y a eu en Europe, un autre truc extraordinaire...
M. Biraben : Très vite J.-L. Borloo, très très vite.
Oui, en une phrase, dans tous les pays, les Vingt-six autres, cela a été un débat très violent : doit-on faire ou pas le paquet climat énergie ? Comme nous le référendum vous savez de l'époque. Le seul pays où il y a eu unanimité où nous on a été je dois dire, ni l'opposition ne nous a mis en difficultés, ni les syndicats, personne, c'est la France. Ce qui nous a permis d'ailleurs d'assurer, je crois assez bien la présidence.
M. Biraben : Merci beaucoup à Gilles et Caroline, très bonne journée à vous J.-L. Borloo !
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 18 décembre 2008
C. Roux : Hier, le paquet climat a été adopté par le Parlement européen, mais le ministre converti au vert se remet à la politique. Après avoir lancé un appel aux orphelins du progressisme, de la social-démocratie, il est pressenti pour faire son entrée à la direction de l'UMP. En attendant, le Président recule, se montre prudent, défend l'égalité des chances façon Chirac et oublie la discrimination positive façon Sarkozy, bonjour !
M. Biraben : C. Roux bonjour ! Est-ce que le climat social est tendu au point que la pause dans les réformes s'impose ?
Moi je pense que la crise financière - on a vu valser des tas de choses - globalement crée une perte de repères et une angoisse. On voit un certain nombre de plans, de plans de licenciements forts. Je crois vraiment que les dégâts de la folie financière vont forcément laisser des traces pour tout le monde, ça c'est clair.
C. Roux : Est-ce que cela enlève déjà politiquement... est-ce qu'il calmer le jeu ?
Non, parce que tout dépend ce qu'on appelle réforme. Je crois que faire évoluer la société comme on le fait dans notre domaine est une nécessité que tous les Français comprennent très bien. Mais c'est vrai que quand je vois encore cette affaire-là - comment cela s'appelle : Madoff ? C'est une histoire de dingues quand même ! Donc, voilà, tout ça fait qu'on ne sait plus très, très bien dans quel type de société on vit et les problèmes de climat sont les seules bonnes nouvelles que nous ayons.
C. Roux : On va y venir sur le climat mais est-ce que tout ça, comme vous dites...
On va avoir du mal à en parler du climat !
C. Roux : Pas du tout, on va en parler du climat.
G. Leclerc : Parlons du climat social !
C. Roux : Voilà, du climat social, est-ce que ce climat-là exige un certain nombre de prudence, de modération après avoir conduit des réformes tambours battants ?
Ah, mais je crois que les réformes conduites tambours battants, sont des réformes qui avaient été annoncées avant, qui sont expliquées. Qui étaient dans le cadre d'un accord démocratique qui était le programme présidentiel. Donc je pense, effectivement qu'il faut bien expliquer, mieux expliquer et puis faire extrêmement attention à la fragilité d'un certain nombre de familles, d'un certain nombre de situations. Ça c'est une réalité, une fois de plus, je vous dis, le sentiment d'une société dont on ne comprend plus tout à fait les fondements et avec des chiffres...
C. Roux : Vous croyez que le Président ne comprend plus lui non plus ?
Ah, si, je crois que le président comprend très bien, ce qu'il a fait hier sur la diversité, problème essentiel pour notre république prouve qu'il comprend parfaitement ce qui se passe.
C. Roux : Quand il recule sur la classe de seconde, sur la réforme sur l'Education nationale, il comprend ce qui se passe ?
Ecoutez, vous savez, le ministère de l'Education nationale est sûrement le plus beau - contribuer à la transmission du savoir - et sûrement le plus difficile. Tous les ministres de l'Education nationale ont eu des moments un peu compliqués. Je crois que X. Darcos allé au départ sur le soutien à ceux qui avaient le plus de difficultés dans les écoles, c'est-à-dire le soutien scolaire adapté à la carte. Bon, là, il a décidé de prendre son temps pour retourner voir les syndicats.
G. Leclerc : Il a eu raison de prendre son temps, il a eu raison de...
Ecoutez, oui, évidemment il a raison de prendre son temps. Quand quelque chose est mal enclenché, est-ce que vous avez le sentiment que vous ne l'avez pas assez partagé, expliqué... La politique ce n'est pas une espèce de scoring de réformes. Vous faites des choses qui doivent être comprises, qui doivent être parfaitement appréciées...
C. Roux : C'est pour cela que ça bloque sur le travail le dimanche, sur l'audiovisuel, c'est parce que cela a été mal expliqué, cela a été mal compris ou c'est la majorité qui va mal ?
Non, il peut y avoir des sujets sur lesquels la majorité n'est pas en accord à 100%. Si vous parlez du travail du dimanche, il y a vraiment des opinions divergentes : ceux qui considèrent qu'il faut donner de la liberté, qui considèrent que quand les gens viennent à Paris, les touristes, cela pose un problème que cela soit fermé - c'est une des rares capitales au monde. Et il y a ceux qui souhaitent, vraiment préserver ce moment particulier de la respiration familiale.
C. Roux : Vous êtes dans quel camp ?
Moi je suis plutôt pour la liberté, très franchement, surtout que je suis dans une ville frontalière où les gens traversent...où on fait 7 kilomètres, 10 kilomètres pour aller faire ses courses le dimanche, donc, il faut regarder ça au cas par cas et laisser les mairies gérer ça.
C. Roux : Et le fait que ces textes soient contestés au sein même de la majorité, ce n'est pas un problème ça ? Est-ce que cela traduit un climat qui a changé au sein de la majorité ?
Non, non, non, à partir du moment où le Président a souhaité que le Parlement ait beaucoup plus de pouvoir, eh bien il l'exerce, il l'exerce, c'est aussi simple que ça. Il y a des opinions divergentes, il y a finalement en général, des points d'accord qui se font. Voilà, on est un pays démocratique. Moi, cela ne me choque absolument pas qu'il y ait des débats, mais vraiment pas.
C. Roux : Alors vous avez lancé un appel, « l'appel de Massy », une question ce matin, a-t-il été entendu au-delà de Palaiseau ? Au-delà de la blague, vous avez eu des réponses ?
M. Biraben : Massy, Palaiseau, ce sont deux villes l'une à côté de l'autre.
C. Roux : Vous avez eu une réponse, vous avez lancé un appel aux orphelins de la social-démocratie.
Eh bien oui, parce que moi je pense qu'on rentre vraiment dans un nouveau monde. Certes, dans dix ans, la société n'aura rien à voir avec ce qu'elle est aujourd'hui et donc, il y a travail de réflexion sur la République, sur la démocratie, sur l'organisation de nos sociétés, au plan énergétique, au plan urbain. Et je trouve que pour l'instant, à cette heure-ci, la gauche institutionnelle est très absente de ces débats-là, à ma très grande surprise. Ils l'ont d'ailleurs plutôt portée, il y a vingt-cinq ans ce type de réflexion. Et je me suis dit, tous ces gens qui sont progressistes, qui aiment anticiper dans la société, s'adapter...
G. Leclerc : Donc ce sont les déçus du PS que vous voulez rassembler ?
Oui, ou de ce qu'on appelle, les progressistes, la social-démocratie, enfin ceux qui ne sont pas dans...
G. Leclerc : Est-ce que vous pouvez donner des noms en vrac ?
Non, parce que ce n'est pas une pêche aux gens, non, non c'est pour discuter avec vous, moi, les obscures, les sans grades, comme disait Flambard. On ouvre des forums, on va en faire dans chaque département et dans chaque région, on l'avait fait pour le Grenelle de l'Environnement, je vous le signale, cela avait eu un très grand succès. Les gens ont très envie de discuter et de dialoguer, vous n'êtes pas obligé de vous inscrire dans un parti politique pour débattre. Alors vous pouvez le faire de manière associative, eh bien nous, on propose un lieu de forum.
C. Roux : Voilà, il y a un lieu de forum qui est le Parti radical. Est-ce que le Parti radical va devenir une arme anti Bayrou ?
Ecoutez, si cela se résumait à cela, ce serait vraiment pitoyable...
C. Roux : C'est de la politique, ce n'est pas grave !
Enfin, ce n'est pas celle que j'aime.
G. Leclerc : Oui, mais vous êtes un peu sur les mêmes terres, lui aussi il chasse sur les déçus du PS.
Non, mais moi je viens de dire : inventons le nouveau siècle. Je suis, au petit matin cela peut vous paraître étrange - mais je suis convaincu qu'il faut construire la vie en commun du siècle qui s'ouvre, voilà, je suis convaincu de ça. Je suis convaincu que vous ne vivrez pas, que vos enfants ne vivront absolument pas dans la même société que celle d'aujourd'hui. C'est un virage, il y a eu le virage de la fin du 19ème. Il a bien fallu que les partis politiques s'organisent, en France, cela a été autour de la République. Eh bien, là, on est à l'aube du 21ème siècle. Regardez la révolution à la fois psychologique, énergétique, politique des Etats-Unis d'Amérique, c'est extraordinaire.
M. Biraben : On va venir au climat, mais demain, ce sera également la diversité qu'on va évoquer tout de suite.
C. Roux : Oui, on est passé de la discrimination positive à l'égalité des chances. Qu'est-ce qu'il y a de très différent dans l'approche de N. Sarkozy par rapport à celle qui était portée par J. Chirac, dans cette démarche sur la diversité qu'il a annoncée hier ?
Eh bien d'abord il a nommé un commissaire pour faire ça.
C. Roux : Qui est un ami à vous !
Moi j'ai une énorme estime pour Y. Sabeg, c'est probablement... Il est extraordinaire cet homme : c'est celui qui aime le plus de tous ceux que j'ai vus, plus exactement, il en parle tout le temps, la République, la République française. C'est chevillé au corps, ce que l'on ne dit jamais quand on le présente, que c'est un homme qui vient de la DATAR. C'est-à-dire de l'aménagement du territoire, de la haute fonction publique, qui est une espèce de condensé de tous nos rêves et toutes nos contradictions. C'est quelqu'un qui est très engagé, moi je l'avais nommé pour le programme de rénovation urbaine où il a fait un boulot, discrètement, on n'en a jamais entendu parler. Il est allé voir dans tous les quartiers, comment l'opération se faisait ? Vraiment, on a monté ensemble les contrats de transition, professionnels qui ont été relancés par le Président à Valenciennes, il y a trois ou quatre semaines. Pour faire en sorte que les salariés, lorsqu'il y a des licenciements économiques, une espèce de plage, avec la même rémunération, pour essayer de nouveaux emplois. Etre formé à des nouveaux emplois en touchant la même rémunération qu'avant. Il fallait quelqu'un de cette envergure-là pour influer...
G. Leclerc : Vous voulez dire, c'est une autre envergure que A. Begag ?
Non, je ne suis pas du tout sur ce type de comparaison. A. Begag était un écrivain, était un esthète de cette chose-là. Alors que Sabeg, c'est un bâtisseur, d'ailleurs il l'est physiquement, construit comme ça, solide sur ses pattes de derrière et je pense que c'est bien d'avoir un homme de cette envergure là.
C. Roux : A propos de la diversité, N. Morano hier a eu des propos concernant R. Yade. Elle a dit que les personnes issues de la diversité devaient en faire plus que les autres. Que la diversité ne pouvait être un bouclier.
Je n'ai pas l'habitude de commenter des bouts de phrase que l'on sort d'un contexte comme ça. Non, parce que ce n'est pas... Pour tout vous dire, moi je suis venu vous parler du climat.
M. Biraben : On y arrive.
C. Roux : La prochaine fois vous venez avec les questions et les réponses, c'est mieux.
Parce qu'il y a eu un évènement majeur hier...
C. Roux : Est-ce que vous considérez que la diversité doit être un bouclier. Est-ce que vous considérez que la diversité doit être un bouclier ? C'est-à-dire qu'on doit être plus tolérant, y compris au sein du gouvernement avec des personnes, des ministres issus de la diversité ou pas ?
Je pense qu'il faut être tolérant, c'est une activité tellement difficile, il faut être tolérant, il faut être affectueux même...mais si, il faut être affectueux, ce n'est pas interdit. Vous savez c'est très difficile, vouloir exercer ce genre de responsabilités, il y a franchement une dimension de mission. C'est dur, il y a parfois un peu d'ingratitude, il y a aussi beaucoup de bonheur. Il n'est absolument pas interdit d'être solidaire et affectueux.
M. Biraben : Alors on va sur le climat, maintenant avec Gilles. G. Leclerc : Venons-en au climat, bon, réussite du plan climat européen, encore hier à Strasbourg. Mais en France, le plan de relance du président Sarkozy, il passe par la construction de nouvelles autoroutes. Alors est-ce que vous ne croyez pas que quand B. Obama, lui va lancer son New Deal vert, on va paraître un petit peu dépassé ?
Monsieur, vous avez mal lu le plan de relance à ce que je vois.
G. Leclerc : Eh bien c'est pour ça, vous allez nous l'expliquer.
Ah bon, le plan de relance, il est essentiellement sur des infrastructures dites « grenelliennes », maintenant cela devient...
G. Leclerc : Vous ne pouvez pas nier... pour les autoroutes ?
Si, si je dis absolument, il y a trois autoroutes qui avaient été décidées avant le Grenelle, donc la règle, c'est ce qui a été décidé avant, on ne remet pas en cause la parole de l'Etat. Voilà, c'est une affaire relativement simple.
M. Biraben : Mais ce n'est pas de la relance ?
Non, non seulement des trucs qui avaient été décidés très avant, on les accélère maintenant, voilà, cela s'arrête là.
G. Leclerc : Donc combien on va créer d'emplois verts ?
Ça c'est très difficile, vous savez cette société du chiffre annoncé, c'est toujours extrêmement dangereux. Ce qui est clair, c'est que nous avons aujourd'hui tous les moyens fiscaux et budgétaires pour les énergies renouvelables. Et heureusement, parce qu'hier le Parlement européen nous enjoint d'avoir 23% de notre énergie en énergie renouvelable. Cela va créer des centaines de milliers d'emplois, non délocalisables en France. Et surtout, la bataille de l'énergie qui est la bataille du 21ème siècle, de l'énergie propre, comme la relance possible de B. Obama, cette bataille est absolument cruciale. Donc ça les tramways, des TGV, enfin des sites propres en ville, cela peut être des tramways ou des sites plus légers. Les TGV accélérés, les canaux, notamment le canal Seine- Nord qu'on va, enfin, pour relier les grands ports. Tout ça est accéléré dans le plan de relance et amplifié et la fameuse rénovation urbaine chère Y. Sabeg.
G. Leclerc : Alors je vous cite B. Obama. Vous avez vu que votre homologue à l'énergie aux Etats-Unis maintenant sera un Prix Nobel de physique, ça vous l'avez vu ?
Vous voyez la grande différence entre leur niveau et mon niveau ?
G. Leclerc : Non, ce n'est pas ce que je voulais dire mais ce qu'a dit Obama en annonçant la nomination de Monsieur Chu : Nous allons créer des millions d'emplois avec un plan de relance qui verra les américains construire des parcs d'éoliennes, des panneaux solaires et des voitures propres. Est-ce qu'on est sur la même tendance ?
Oui, eh bien ils font exactement ce qu'on fait un an après, je suis navré de vous le dire. Ce qui est extraordinaire, c'est que, quand c'est un américain qui le dit, c'est la pierre philosophale, cela fait un an qu'on le dit et qu'on le fait en France, qu'on vote le Grenelle à l'unanimité pour ça. Que Vingt-sept pays d'Europe se mettent sur cette ligne-là, la plus grande décision, probablement des cents dernières années.
G. Leclerc : Qui a été unanimement saluée.
Ce qui s'est passé au Parlement européen, il faut quand même que les téléspectateurs le sachent. La semaine dernière, Vingt-sept pays à l'unanimité se mettent d'accord pour en gros, tripler les énergies renouvelables, en 8 ans, 2012-2020, c'est gigantesque. Modifier fondamentalement les émissions de CO² des voitures. Transformer l'économie et l'énergie de l'Europe, faire la transition, sortir de l'économie du charbon, en aidant nos amis polonais. Enfin, changer complètement la qualité des carburants, quelque chose de massif. Hier, moi j'y étais, je portais le siège de la présidence. Tout d'un coup, 600, plus de 600 députés de Vingt-sept pays au Parlement européen appuient sur le bouton et disent "oui". Ils sont présents et ils disent oui à cette révolution. L'histoire retiendra - l'histoire retiendra dans quelques années qu'hier, le 17 décembre, l'Europe aura été le premier endroit au monde où démocratiquement, s'impose de manière contraignante cette révolution. L'Europe a pris hier le leadership définitif de la croissance verte. Et je souhaite que nos amis américains fassent au moins la même chose.
M. Biraben : Une question de téléspectateur avec Léon, dont je souhaite qu'elle soit affectueuse, Léon ?
L. Mercadet : Oui, il y a beaucoup de questions pour J.-L. Borloo, mais cela ne m'étonne pas sur les voitures électriques et sur les emballages. Alors les gens bloquent là-dessus, mais puisque vous parliez de changement de civilisation, Gaëlle vous parle du dimanche, avec cette question, le dimanche et environnement. Le travail du dimanche n'est-il pas une occasion supplémentaire de consommer de l'énergie et donc de polluer davantage ? C'est quoi votre position, est-ce qu'il n'y a pas besoin d'un jour pour arrêter ?
Pour arrêter de consommer d'une manière générale ? La question, enfin j'imagine. Moi je trouve qu'il y ait cette journée...la seule question c'est que, en fonction des contraintes familiales des uns et des autres, à quel moment les familles s'organisent ? Mais vous avez vu que la consommation de carburant a baissé le mois dernier de 12,8%, alors que le pétrole baisse en ce moment. On est vraiment, les Français sont en tête, y compris de la révolution mentale avec nos insatisfactions. Ce que vous avez vu, puisque vous me parliez de B. Obama, ce qui a décidé le président américain. Tout le monde a di : ah ce qu'a fait la France ! Nous on a regroupé, pétrole, écologie, enfin énergie, écologie, habitat, mer, forêt, aviation dans un même ministère. Eh bien le président américain pour la première fois a mis en place presque la même chose. Energie et environnement et transport. Les Américains organisent leur pays sur le même modèle que ce qui a été en France, il y a un peu plus d'un an.
C. Roux : B. Obama fait du Borloo !
Eh bien écoutez, pourquoi voulez-vous gâcher votre plaisir quand notre pays, qui ne s'occupait pas trop de ces choses là, il y a quelques années, prend le leadership ? Sur ce débat qu'il y a eu en Europe, un autre truc extraordinaire...
M. Biraben : Très vite J.-L. Borloo, très très vite.
Oui, en une phrase, dans tous les pays, les Vingt-six autres, cela a été un débat très violent : doit-on faire ou pas le paquet climat énergie ? Comme nous le référendum vous savez de l'époque. Le seul pays où il y a eu unanimité où nous on a été je dois dire, ni l'opposition ne nous a mis en difficultés, ni les syndicats, personne, c'est la France. Ce qui nous a permis d'ailleurs d'assurer, je crois assez bien la présidence.
M. Biraben : Merci beaucoup à Gilles et Caroline, très bonne journée à vous J.-L. Borloo !
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 18 décembre 2008