Interview de M. Bernard Van Craeynest, président de la CFE-CGC, à BFM le 18 novembre 2008, sur le conflit à la SNCF, les heures supplémentaires et le climat social.

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Média : BFM

Texte intégral


HEDWIGE CHEVRILLON
Bernard Van CRAEYNEST, bonjour.
BERNARD VAN CRAEYNEST
Bonjour.
HEDWIGE CHEVRILLON
Vous êtes le président de la CFE-CGC. Bernard Van CRAEYNEST, donc une série de grèves, même s'il y en a une à la SNCF qui a pu être, pour l'instant, évitée. Est-ce que vous avez l'impression, lorsqu'on voit à travers le sondage du MONDE que l'emploi devient la première inquiétude des Français, est-ce que vous avez le sentiment qu'il y a une tension sur le front social ?
BERNARD VAN CRAEYNEST
Ah oui, absolument, parce que nous voyons bien que les conséquences de la crise financière transmises à l'économie et, maintenant, les répercussions que l'on mesure très concrètement depuis plusieurs jours, depuis plusieurs semaines, sur le front du social, et de l'emploi en particulier, il est clair que nous avons de sérieuses inquiétudes. J'ai, quasiment tous les jours, des remontées d'entreprises en difficulté qui ferment leurs portes, qui annoncent des plans de suppressions d'emploi, du chômage partiel. Evidemment, ça ne peut qu'aviver l'inquiétude de nos collègues.
HEDWIGE CHEVRILLON
Est-ce que, vous, vous allez, vous ne participez pas à ces différents mouvements sociaux ?
BERNARD VAN CRAEYNEST
Nous sommes dans le conflit à la SNCF qui est programmé pour cette fin de semaine parce que vous savez que la SNCF est toujours un cas très particulier...
HEDWIGE CHEVRILLON
Oui, ça, on le sait, oui.
BERNARD VAN CRAEYNEST
Pour avoir la possibilité de négocier sur les sujets préoccupants, il faut, malheureusement, s'annoncer déjà comme en conflit, potentiellement en grève, pour avoir la possibilité d'être autour de la table pour négocier.
HEDWIGE CHEVRILLON
Oui. Ah d'accord, donc c'est aussi un peu pour ça. Est-ce que... François CHEREQUE dit, il dénonce, dans une interview toujours au MONDE, il dénonce les méthodes du gouvernement, notamment sur les 70 ans, la retraite à, la possibilité de travailler jusqu'à 70 ans. Il dit « C'est un casus belli pour la CFDT ». Quelle est la position de la CFE-CGC sur ce dossier-là ?
BERNARD VAN CRAEYNEST
La CFE-CGC a toujours dit qu'elle était pour qu'on arrête les mesures couperets. Nous l'avions déclaré l'an dernier à l'occasion de la réforme des régimes spéciaux. Vous vous en souvenez sans doute. C'est vrai que, dans certaines entreprises comme EDF-GDF, suivant les métiers, il y avait ces retraites couperets à 50-55 ans. Il est clair que, aujourd'hui, ça n'est vraiment plus d'actualité à partir du moment où on demande de travailler plus longtemps. Pour autant, ce que nous dénonçons dans les méthodes du gouvernement, c'est que il se précipite sur tous les dossiers, il tire sur tout ce qui bouge dans le sens de systématiquement déréguler le social et, ça, ça n'est pas admissible. Quand Xavier BERTRAND nous explique, que, pour justifier que l'on ait la possibilité de travailler jusqu'à 70 ans, il nous met en exergue le cas de Guy ROUX, il oublie simplement de rappeler que, ce qui a défrayé la chronique il y a quelque temps à propos de Guy ROUX, finalement, il a eu son contrat et, trois mois après, il jetait l'éponge...
HEDWIGE CHEVRILLON
Oui, en disant que c'était trop difficile pour lui. Oui, absolument. On s'en souvient, oui. Est-ce que... Plus sur le fond. Toujours, toujours François CHEREQUE mais parce que, justement, on sent bien qu'il monte au créneau, en fait, ce qu'il dénonce, c'est la volonté du gouvernement, de, d'individualiser les droits, les droits au travail notamment.
BERNARD VAN CRAEYNEST
Eh bien, c'est ce que nous dénonçons, ce que j'avais particulièrement dénoncé l'été dernier à l'occasion du vote, le 23 juillet, de la fameuse loi sur la démocratie sociale mais aussi sur le temps de travail...
HEDWIGE CHEVRILLON
35 heures, oui.
BERNARD VAN CRAEYNEST
A savoir que le fait de faire sauter tous les plafonds de contingents annuels d'heures supplémentaires et de porter le forfait/jour de 218 à 235 jours. Nous n'avons pas particulièrement d'inquiétude lorsqu'il y a des représentants du personnel et des organisations syndicales dans les entreprises où il y a cette capacité donc de négociations collectives. Le problème, c'est que ça ne concerne que 90 000 entreprises en France. Il y en a plus de un million cent dans lesquelles il n'y a pas de représentants du personnel et où, effectivement, les salariés sont seuls face à leur employeur. Alors, bien évidemment, dans une majorité des cas, tout se passe très bien. Mais, quand il y a des difficultés, lorsqu'il y a une pression sur l'emploi, lorsque les conditions économiques que nous connaissons aujourd'hui font que, conditions économiques-conditions fiscales, font que, la seule variable d'ajustement, c'est la masse salariale, les salariés sont livrés à eux-mêmes. Les plus faibles sont, évidemment, en énorme difficulté et, ça, ça n'est pas admissible. Dans une démocratie comme la France, il n'est pas admissible qu'un gouvernement fasse sauter les dispositions minimales d'ordre public social pour protéger les plus faibles.
HEDWIGE CHEVRILLON
Mais, en même temps, paradoxalement, il n'y a pas de front syndical unifié. Donc, qu'est-ce qui se passe ?
BERNARD VAN CRAEYNEST
Il n'y a pas de front syndical unifié...
HEDWIGE CHEVRILLON
On voit les grandes divisions entre...
BERNARD VAN CRAEYNEST
Non, vous, vous allez un peu vite en besogne. Nous nous sommes retrouvés au début de ce mois. Nous nous revoyons lundi prochain, 24 novembre, pour, justement, examiner tous ensemble quelles réponses nous pouvons apporter à toutes les difficultés que rencontrent les salariés aujourd'hui. Là où, par ailleurs, nous sommes malheureusement fort occupés, c'est dans toutes les entreprises qui annoncent, encore une fois, des cessations de paiement, des liquidations judiciaires, des fermetures de sites, des suppressions d'emploi, du chômage partiel, des renvois d'intérimaires. Et, ça, bien évidemment, ça nous mobilise au cas par cas dans chacune des entreprises concernées.
HEDWIGE CHEVRILLON
Oui mais, par exemple, je reprends FO qui rappelait, hier, son souhait d'organiser une journée de grève interprofessionnelle public-privé mais, visiblement, il n'y a pas... Elle rencontre beaucoup de difficultés.
BERNARD VAN CRAEYNEST
Vous savez, malheureusement, les salariés sont tellement sous pression, sont tellement inquiets pour leur avenir, ont tellement de problèmes de pouvoir d'achat qu'il est très difficile de les mobiliser sur des mots d'ordre nationaux et, et qui ratissent large. C'est bien pour ça que, au nom de la CFECGC, je considère que, aujourd'hui, il faut employer d'autres méthodes. Et c'est bien pour ça que j'ai proposé, l'été dernier, et je n'ai pas perdu cela de vue, que nous prenions, finalement, le gouvernement au mot, à sa façon de, de pratiquer. Il nous a ouvert une porte extraordinaire avec la réforme la Constitution en juillet dernier, il y a certes... qui est le texte encore à adopter pour que ce soit rendu possible, mais j'ai annoncé au mois de juillet dernier, et nous le ferons, que, en particulier sur cette loi du 20 août et son volet temps de travail, nous déclencherons un référendum d'initiative populaire pour demander ni plus ni moins l'abrogation de cette loi. Et je pense que c'est par des mesures concrètes de cette nature que nous allons pouvoir faire évoluer le gouvernement et l'amener à tenir davantage compte de toutes les propositions que nous faisons et de toutes les observations que nous lui communiquons dans ce qu'il appelle « la concertation » où il reçoit fréquemment, il nous écoute toujours attentivement, il nous dit souvent que nous avons raison mais, malheureusement, il n'en tient que très rarement compte.
HEDWIGE CHEVRILLON
Oui. Un dernier mot, très rapidement, Bernard Van CRAEYNEST. Les restructurations dans la défense et dans l'aéronautique, discussions exclusives entre DASSAULT et ALCATEL pour la reprise des 20 % dans THALES. Vous qui connaissez très bien ce secteur, vous êtes très présent dans ce secteur, est-ce que vous êtes inquiet ou, au contraire, vous pensez que ça va déboucher sur une restructuration positive ?
BERNARD VAN CRAEYNEST
Nous l'espérons et nous y travaillons. Ce que nous constatons, c'est que nous avons, dans le secteur aéronautique, différentes contraintes et nous sommes bien conscients du fait que nous n'allons pas échapper au problème de la récession économique qui a des conséquences très directes sur le marché civil. Mais, ce que nous constatons aussi, c'est que, de plus en plus, pour baisser les coûts, on veut produire en zone dollar et que, bien évidemment, il y a une pression très forte sur les sites de production en France....
HEDWIGE CHEVRILLON
Oui, absolument, oui.
BERNARD VAN CRAEYNEST
Alors, tout ce qui ira dans le sens de consolidation de l'existant pour lequel on a énormément investi, énormément travaillé depuis des décennies, va tout à fait dans le bon sens. DASSAULT AVIATION a montré sa capacité à être innovant et à être une entreprise qui produit des produits de qualité et qui sait également gérer. Donc, ça, ça nous rassure plutôt.
HEDWIGE CHEVRILLON
...Merci beaucoup. Ca vous rassure plutôt. Eh bien écoutez, voilà. Merci. Bernard Van CRAEYNEST, président de la CFE-CGC.