Entretien de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, avec "France Info" le 4 janvier 2009, sur la demande européenne d'une trêve humanitaire et d'un cessez-le-feu dans la bande de Gaza adressée à Israël.

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Média : France Info

Texte intégral

La Troïka est composée des trois ministres, de la Commission et du Haut Représentant. C'est une formation très classique qui s'impose encore plus maintenant que la situation empire sur le terrain. Son action est nécessaire, ne serait-ce et c'est déjà beaucoup, pour des raisons d'accès humanitaire. A Gaza, il manque de tout : de nourriture, d'eau, de médicaments, de fuel pour le fonctionnement des machines. Voilà donc la première des raisons : comment faire pour que l'Union européenne puisse faire parvenir l'aide humanitaire plus encore que nous l'avons fait jusqu'à présent ?
Q - Israël avait refusé la trêve humanitaire que vous demandez. Pensez-vous qu'il y a davantage de possibilités de l'obtenir aujourd'hui ?
R - Israël avait, hélas, refusé le cessez-le-feu humanitaire mais l'aide passait. Nous le savons, en particulier d'après les renseignements que nous avons en particulier de la Croix Rouge internationale mais, maintenant, ce n'est plus le cas. Pour le moment, je crois - j'espère me tromper - que tous les points d'accès sont fermés. Notre intervention s'impose donc encore plus.
Il y a aussi des raisons politiques à ce déplacement. Il s'agit pour l'Union européenne de trouver ou, à tout le moins, de participer à l'élaboration d'une solution à New York, au Conseil de sécurité des Nations unies.
Nous nous coordonnons avec le président Sarkozy. Nous avons rendez-vous à Ramallah, chez le président palestinien, lundi à 17 heures.
Q - Le porte-parole du gouvernement israélien vient de déclarer qu'Israël bénéficiait d'une grande compréhension internationale. Que va demander Nicolas Sarkozy à Israël ?
R - Je ne sais pas ce qu'il veut dire par là. Nous avons précisé, comme nous le faisons toujours, que c'est en effet parce qu'il y a eu des roquettes pleuvant sur Israël et que la provocation à un moment donné a été trop forte, que le statu quo n'était plus possible. Mais nous avons également dit que la disproportion de la réponse semblait évidente. Hier, nous avons condamné, bien sûr, la pluie de roquettes sur Israël, mais également la progression des forces israéliennes.
Q - Comment expliquer que le Conseil de sécurité n'arrive pas à se mettre d'accord sur une résolution de condamnation de ce qui se passe actuellement à Gaza ?
R - C'est en effet insupportable. Mais il s'agit peut-être là du problème international le plus difficile du monde. L'existence de cet Etat créé après la guerre, après l'Holocauste, il a fallu l'imposer et qu'un Etat démocratique se crée. L'analyse n'est pas la même de la part de chacun des Etats et il n'est pas étonnant qu'il y ait des difficultés à trouver un accord à l'ONU.
Des divergences existaient entre les Européens au moment de la réunion du 30 décembre 2008 à Paris, sous la Présidence française du Conseil de l'Union européenne, mais à Vingt-sept nous sommes tombés d'accord pour le cessez-le-feu, pour l'arrêt des tirs de roquettes.
Comme la Présidence tchèque l'a précisée, nous continuons à avancer, dans l'esprit de la dernière réunion de Paris, nous nous obstinons.
Q - Demain Nicolas Sarkozy arrive dans la région, mais avec une situation qui a changé depuis son projet de se rendre dans le Proche-Orient. Est-ce que cela ne va pas être plus difficile pour le président Sarkozy d'obtenir un engagement de la part des Israéliens et du Hamas d'arrêter les combats ?
R - Oui, de la part d'Israël, et du Hamas d'abord, oui vous avez raison, mais faut-il renoncer parce que c'est terriblement difficile ? Ce n'est pas le genre du président Sarkozy.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 janvier 2009