Déclarations à la presse de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, notamment sur l'obtention d'un cessez-le-feu et un accès de l'aide humanitaire dans la bande de Gaza, New York le 6 janvier 2009.

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Circonstance : Réunion du Conseil de sécurité de l'ONU sur la situation au Proche-Orient à New York le 6 janvier 2009

Texte intégral

Je voudrais souligner le fait que, jusqu'à présent, l'ensemble des interlocuteurs va dans le même sens à savoir obtenir un cessez-le-feu, un accès humanitaire. Pour le reste, il y a effectivement des différences, mais toute la journée, nous avons parlé avec nos amis de la Ligue arabe, avec tout le monde.
Il apparaît maintenant que nous sommes tous en faveur de la déclaration du président Moubarak. Ce dernier est dans l'attente, d'ici demain, de la réponse d'Israël. L'ensemble des interlocuteurs considère cela comme un espoir et un bon signe.
Q - Pourriez-vous être un peu plus précis s'il vous plaît ? De façon concise ?
R - C'est assez difficile d'être concis, mais succinctement, le président Moubarak a invité le Premier ministre de l'Etat d'Israël au Caire, en Egypte. Je sais qu'il y a déjà un groupe de conseillers prêts à travailler dès demain. Nous sommes dans l'attente d'une réponse. Je ne veux pas interpréter et me tromper sur la déclaration égyptienne. La proposition égyptienne telle que rendue publique par le président Moubarak contient les points suivants : dans un premier temps, Israël et les factions palestiniennes doivent accepter un cessez-le-feu immédiat pour une période déterminée ce qui permettrait la sécurisation de passages pour l'acheminement de l'aide humanitaire à destination de Gaza et accorderait du temps à l'Egypte pour continuer ses efforts dans le but d'un cessez-le-feu détaillé et durable. Deuxièmement, l'Egypte souhaiterait inviter les deux protagonistes, Israéliens et Palestiniens, à une réunion d'urgence en vue d'obtenir une entente et l'assurance que l'actuelle escalade de violence ne se renouvelle pas, de négocier sur certains points, incluant la protection de la frontière, l'ouverture des points de passage et la levée du blocus.
L'Egypte invite à nouveau l'Autorité palestinienne et les factions palestiniennes à répondre aux efforts égyptiens afin d'obtenir une réconciliation nationale.
Q - Voulez-vous dire que, finalement, la solution se trouve en dehors du Conseil de sécurité ?
R - Ni à l'intérieur, ni à l'extérieur du Conseil de sécurité mais des deux côtés ! Nous devons prendre cela en considération parce que c'est une bonne nouvelle. Nous recevons parfois des bonnes nouvelles. Mais bien évidemment, il ne s'agit pas de dire qu'elle ne vient pas aussi du Conseil de sécurité.
Q - Quand vous parlez de l'Autorité palestinienne et des factions palestiniennes, voulez-vous dire qu'il y aura le Hamas ?
R - Je n'ai rien dit, il s'agit des mots du président Moubarak.
Q - L'Union européenne est-elle donc d'accord pour négocier avec le Hamas ?
R - Nous n'avons pas à être d'accord ou pas. Il s'agit de la proposition du président Moubarak, incluant le Hamas si vous voulez le dire ainsi.
Q - L'Union européenne pourrait-elle aider à contrôler la frontière entre Gaza et l'Egypte ?
R - Je crois que l'Union européenne aide déjà. Si vous avez lu la déclaration des 27 membres de l'Union européenne du 30 décembre dernier, vous voyez qu'il ne s'agit pas simplement d'aide mais d'une vision commune. Comme vous le savez, la Présidence tchèque de l'Union européenne était avec la Troïka et le président Sarkozy hier à Ramallah où je me trouvais également.
Je ne vous donnerai pas plus de détails. Ce sont les dernières avancées qui sont meilleures que ce qui se passait auparavant - mais je ne dis pas que le problème est résolu, pas du tout.
Un contrôle égyptien a été évoqué à la frontière entre Gaza et l'Egypte. Le président Moubarak a dit qu'ils étaient responsables et qu'ils travailleront avec Israël sur ce point précis. Mais il n'a pas évoqué une aide internationale. Ce qui ne signifie pas qu'ils ne parleront pas avec leurs partenaires internationaux, et pas seulement européens.
Q - Vous parlez de bonne nouvelle. Mais beaucoup de personnes au Proche-Orient diraient que ce que l'Egypte a annoncé c'est une mauvaise nouvelle, spécialement pour les populations de Gaza vivant sous les tirs, sans électricité. Ils attendaient, de la part du Conseil de sécurité, une action immédiate dès aujourd'hui. Mais en fait tout ce que vous avez dit n'augure rien de bon quant à l'adoption d'une résolution, tout comme le départ de M. Abou Mazen à Madrid, qui se rendra ensuite au Caire pour participer éventuellement à cette réunion proposée...
R - Le président Abou Mazen nous a fait savoir qu'il était contraint de partir, raison pour laquelle je l'ai salué avant son départ.
Q - Je comprends, mais concernant la résolution...
R - Une résolution n'aide pas les populations. Les résolutions n'aident pas de façon automatique et suffisante les populations. Le Premier ministre Olmert a annoncé il y a une demi-heure qu'ils ouvriraient demain un couloir humanitaire, c'est quelque chose.
Q - Je souhaiterais avoir votre réaction à la suite des déclarations du secrétaire d'Etat. Est-ce ce à quoi vous vous attendiez, ou est-ce quelque chose de plus optimiste ou qui vous rend plus optimiste ?
R - Ne comptez pas sur moi pour commenter toutes les déclarations. Nous agissons activement, non seulement en demandant mais en offrant une aide humanitaire, parce que nous sommes conscients de l'immense besoin de la population de Gaza. Nous le faisons, nous sommes prêts à le faire et nous le ferons.
Q - Le Conseil de sécurité a tenu de nombreuses réunions concernant la question du Proche Orient et a échoué quant à une prise de décision. Etes-vous frustré ?
R - Nous avons agi, la France et son président et pas seulement la France. Nous étions présents !
Q - Monsieur le Ministre, vous dites que ce qui va se passer au Conseil de sécurité va dépendre de ce qui se passera au Caire. Attendez-vous les résultats du Caire, des négociations avant d'agir ?
R - Nous ne sommes pas seulement obligés, mais nous sommes heureux de pouvoir compter sur ces quelques résultats. Nous devons en tenir compte bien entendu. Cela ne veut pas dire que nous ne tenons pas compte de ce qui se passe ici.
Il faut tenir compte des deux endroits : sur le terrain et au Conseil de sécurité, et nous y sommes. Nous sommes ici au Conseil de sécurité, sur le terrain, et dans l'effort diplomatique. Je crois que l'Union européenne fait ce qu'elle peut, la Troïka était là, et puis nous étions aussi, la France, à ses côtés. Voilà ce que nous pouvons faire.
Q - Vous avez parlé ce matin d'abord d'une séquence cessez-le-feu, puis humanitaire. Est-ce que le Conseil de sécurité agit dans ce sens ?
R - Nous continuons à parler de cela. Il me semble que nous allons dans ce sens.
Q - Est-ce que la résolution de ce conflit ne risque pas de faire ombre à la Présidence de la France au Conseil de sécurité ? On a tout de même l'impression que d'autres questions, notamment les questions africaines, comme le Darfour, sont écartées de l'agenda ?
R - Comptez sur moi pour que cette situation au Proche-Orient n'écarte aucune des autres urgences. Vous reconnaîtrez, cependant, que la situation à Gaza est extrêmement urgente, et nous avons - c'était une obligation - répondu à cette nécessité, à cette urgence, cela ne veut pas dire que le Darfour et d'autres sujets africains sont écartés comme vous l'avez dit.
La Présidence française du Conseil de sécurité dure un mois seulement, il n'y a plus de Présidence française du Conseil de l'Union européenne. C'est maintenant la Présidence tchèque, avec laquelle nous étions sur le terrain. Aujourd'hui, les représentants de cette Présidence tchèque sont à Amman. Ils remplissent leur devoir, ils se sont rendus dans tous les pays de la région et ont rencontré tous les protagonistes.
Q - Pourriez-vous nous expliquer où vous en êtes de la résolution du Conseil de sécurité ? Serait-elle complémentaire de l'initiative égyptienne ?
R - Notre priorité est d'obtenir un cessez-le-feu par tous les moyens dont nous disposons. C'est donc ma réponse : tous les moyens. Que ce soit sur le terrain - c'est-à-dire au Proche-Orient, d'où je viens, où j'étais hier soir - ou au Conseil de sécurité. Il n'y a pas de contradiction, au contraire.
Q - Que dites-vous à propos du fait que la principale proposition vienne du Caire et non pas du Conseil de sécurité?
R - C'est exactement comme si vous étiez en train de me dire que la paix vient du Proche-Orient et non pas d'ici, ce qui serait une excellente nouvelle !Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 janvier 2009