Interview de M. Gérard Larcher, président du Sénat, à RTL le 6 janvier 2009, sur le conflit entre Israël et le Hamas, l'examen du projet de loi sur l'audiovisuel et l'éventuelle augmentation de la redevance.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

J.-M. Aphatie.- Bonjour, G. Larcher.
Bonjour.
N. Sarkozy poursuit son périple au Proche-Orient. Au moment même où il posait le pied à Jérusalem, hier soir, pour réclamer un arrêt des combats à Gaza, le gouvernement israélien décidait d'intensifier son action militaire contre le Hamas. N'est-ce pas une forme d'humiliation pour le président de la République ?
Non, je crois que le président de la République est dans son rôle d'être un inlassable acteur de volonté à la fois d'exprimer la nécessité d'un cessez-le-feu humanitaire et de tenter toutes les voies et moyens pour qu'il y ait un dialogue entre Israël et les Palestiniens, même si le dialogue n'est pas direct avec Hamas et si les combats se poursuivent ...
Mais le gouvernement israélien n'a pas l'air d'écouter beaucoup le président de la République ?
Oui, mais c'est toujours ainsi pendant les phases de combat mais on sait bien que ce n'est pas les baïonnettes qui permettront à elles seules de trouver une solution, enfin ! un peu plus stable au Moyen-Orient.
P. Téjéro, correspondant d'RTL à Toulouse, raconte ce matin comment une voiture a été lancée contre une synagogue dans la Ville Rose. Redoutez-vous que ce conflit suscite des tensions dans la société française, G. Larcher ?
En tous les cas, tout transfert de ce conflit à l'intérieur de la communauté nationale serait naturellement inacceptable. Il y a là sans doute un geste, je l'espère, isolé, en tous les cas inacceptable ; et naturellement nous le condamnons.
Demain mercredi, le Sénat - puisque c'est la rentrée du Parlement aujourd'hui - mais demain, le Sénat va examiner le projet de loi sur l'audiovisuel qui devrait supprimer la publicité. Vous avez regardé la télévision, hier soir, G. Larcher ?
Non. Très honnêtement, j'étais avec des sénateurs représentant les Français établis hors de France.
Et donc, vous n'avez pas le temps ?
Je n'ai pas vu mais ça n'était pas un évènement en soi. Par contre, la décision...
Ah si, c'était un évènement, oui !
Par contre la décision que prendra...
Oui, pas de publicité après 20 heures !
La décision que prendra le Sénat est importante, notamment sur deux points. La gouvernance. Est-ce que la femme de César...
Excusez-moi ! Ce n'est pas un évènement ?
C'est une décision importante.
Ah bon !
C'est un évènement important dans le sens où nous retrouvons pour le service public une autre forme de rapport et notamment de ne pas avoir l'audimat comme élément de mesure et de détermination des programmes.
Donc, une décision importante. Alors, il y a quand même un paradoxe parce que le Sénat va examiner, demain, la suppression de loi dans la télévision publique qui est intervenue hier soir.
Le Sénat va examiner un certain nombre d'autres choses. D'abord le financement parce que cette décision aurait pu avoir lieu sans le vote du Parlement.
Bien sûr que le Sénat va examiner autre chose. Mais le Sénat va examiner quelque chose qui est entré en vigueur, hier.
Mais imaginons que le Sénat dise "non" à la suppression de la publicité.
Et alors, on remet la publicité ?
Eh bien oui parce que la loi prime, sur toute décision de conseil d'administration, sur tout décret. Pourquoi j'étais hostile au décret ? Parce que c'était à la fois un mauvais signe et la primauté revient à la loi ; et je crois que c'est ça qu'il est nécessaire de rappeler. Il appartiendra au Parlement de prendre au bout du compte sa décision.
C. Poncet dans Marianne, aujourd'hui : "Je suis très surpris qu'on applique une décision - C. Poncet, c'est celui qui était votre prédécesseur à la présidence du Sénat - je suis très surpris qu'on applique une décision avant que la loi soit votée. C'est une attitude, dit-il, particulièrement inélégante de l'Elysée à l'égard du Sénat". Vous partagez ce jugement ?
En tous les cas, j'ai fait savoir à l'Elysée, et c'était au mois de décembre, que toute décision à caractère règlementaire qui précédait la loi ne serait pas simplement inélégante mais en tous les cas, ne conduirait pas le Parlement à un examen serein. C'est ce que je souhaite au Sénat.
L'exécutif ne respecte pas le Parlement, G. Larcher ?
Non. Au contraire, l'exécutif va devoir respecter le Parlement encore plus parce que c'est la réforme constitutionnelle qui va conduire à l'extension des droits du Parlement. C'est un sujet qui va être majeur en 2009 avec notamment la mise en place de la réforme constitutionnelle.
Il y aura une majorité au Sénat, vous croyez, pour voter cette loi sur l'audiovisuel ?
Je crois qu'il y aura une majorité au Sénat autour de propositions qui seront avancées par les rapporteurs de la commission des Affaires culturelles.
Autour des modifications...
La question de la gouvernance. J'évoquais la femme de César, ou tout au moins je reprenais la chronique de monsieur Duhamel sur la femme de César. La femme de César, ce n'est pas ça. Certes, César choisit la femme ; mais encore faut-il l'aval des officiers d'état civil en quelque sorte que seront à la fois le CSA et le Parlement. Et le parallélisme des formes notamment sur la séparation éventuelle de César et de sa femme, eh bien le Parlement va souhaiter y intervenir, c'est un premier sujet qui s'appelle la gouvernance. Le second sujet, c'est les recettes de financement : la question de la redevance.
Vous voulez qu'elle augmente ?
Le sujet n'est pas simplement qu'elle augmente. La télévision, dans dix ans, ça va être autre chose que l'écran de télévision classique sur lequel la redevance était assise. C'est une réflexion qui doit être conduite. En tous les cas, le Sénat abordera ce dossier et ce sujet, et c'est une volonté de la commission des Affaires culturelles.
Vous pouvez être plus concret ?
Cela veut dire, par exemple, qu'il n'est pas inenvisageable que la redevance évolue pour apporter des recettes supplémentaires. Il n'est pas impossible qu'il y ait une réflexion notamment sur la taxation, sur les accès à Internet à la fin de 2009 parce que là, il y a de vrais sujets sur les ressources de financement mais aussi sur les nouveaux modes d'accès à l'image audiovisuelle.
Redevance sur les ordinateurs, par exemple ?
Non, pas simplement l'accès à Internet ; mais demain, il y a de nouvelles formes au travers desquelles nous regarderons l'image.
Le Parlement vote beaucoup de lois et même le président de la République s'enorgueillit qu'il en vote depuis 2007 plus qu'il n'en a jamais votées. Et quand on lit, par exemple, Les Echos du 30 décembre - c'est pas vieux le 30 décembre !, on apprend - c'est un exemple - que la Loi de modernisation de l'économie, qu'est-ce qu'on nous en a parlé de cette loi qui a été publiée au Journal Officiel, le 4 août. 50% des décrets sont en retard, disent Les Echos. Ca sert à quoi que vous votiez autant de lois ?
Ca me marque d'autant plus que j'ai été le président de la Commission spéciale de la loi de modernisation économique. C'est d'ailleurs une demande du Parlement d'accélérer, j'allais dire, la prise de décrets. En effet, il ne sert à rien de voter en urgence et de ne pas avoir, j'allais dire, les décrets essentiels à l'issue d'une période normale qui est une période de cinq mois.
Le Gouvernement fait mal son travail, G. Larcher ?
En tous les cas, il est important que la ministre de l'Economie et des Finances, d'ici la fin du mois de janvier, c'est l'engagement qu'elle a pris, prenne l'ensemble des décrets qui sont nécessaires, notamment à un moment où nous avons besoin que cette modernisation de l'économie, contribue au Plan de relance.
Il faut qu'elle se réveille, C. Lagarde !
Oh, elle a déjà agi mais, disons, accélérer les choses.
Le Sénat a toujours une image de marque qui n'est pas très bonne, G. Larcher. Ecoutez Anne Roumanoff, elle est aux Grosses Têtes, aujourd'hui : "Et puis, maintenant, on va pouvoir travailler jusqu'à 70 ans si on veut. Moi je dis : ça dépend quel métier tu fais ! Parce que sénateur, tu peux dormir pendant le boulot, mais euh..." Voilà : "Sénateur, tu peux dormir pendant le boulot !"
Oui, mais Anne Roumanoff ne sait peut-être pas que les sénateurs ne sont pas très différents en âge des députés. Il y a trois ans et demi d'écart. Et puis, je l'invite à me suivre une journée. Elle va voir que pendant le boulot, je ne dors pas et qu'après le boulot, je ne dors toujours pas. Invitation lancée !
G. Larcher, président du Sénat, qui ne dort pas, était l'invité de RTL ce matin. Bonne journée.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement