Interview de M. Laurent Wauqiez, Secrétaire d'Etat à l'emploi, à "RMC" le 20 janvier 2009, sur l'élection de Barack Obama, et sur les négociations sur l'assurance chômage.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

J.-J. Bourdin.- Secrétaire d'Etat chargé de l'Emploi, on va évidemment parler emploi avec vous, assurance chômage entre autres. Mais je voudrais que nous parlions de B. Obama. Vous serez où à 18 heures, ce soir ?

Je serai en négociation avec les partenaires sociaux. Mais je vais évidemment l'enregistrer. J'étais allé aux Etats-Unis au moment de son investiture, et puis j'ai même, c'est assez amusant, des compatriotes de Haute-Loire qui y seront, puisque mon département est le pays de Lafayette. Et donc, on a une délégation de Haute- Loire, des gens vraiment très... enfin qui n'avaient pas de liens spécifiques, et on a organisé un concours, donc il seront lors de l'investiture d'Obama, là-bas, aux Etats-Unis.

Donc, vous ne pourrez pas regarder en direct ?

Non.

Vous êtes mobilisé par le président de la République et par l'actualité ?

C'est normal, mon travail est là où on m'attend, ce n'est pas devant mon écran de télé, c'est sur les questions du chômage.

On va parler des questions de chômage. Mais qu'admirez-vous chez B. Obama, vous qui l'avez suivi ?

Deux choses toutes simples : la première, c'est que c'est quelqu'un qu'on écoute, c'est-à-dire, on le sent, il est très tendu vers les autres. Cela, je pense que c'est une qualité majeure quand on fait de la politique. Et la deuxième, c'est qu'il a une énergie...Enfin, voilà, on sent quelqu'un de très déterminé, que rien ne peut arrêter.

"Que rien ne peut arrêter". Vous êtes séduit par cette décontraction aussi ?

Oui, mais enfin...C'est plus lié à son personnage, c'est-à-dire que...

Ce calme devant l'évènement ?

Non.

Enfin, nous verrons, nous verrons, parce qu'il faut encore qu'il soit mis à l'épreuve B. Obama.

C'est un peu ce que j'allais dire. C'est-à-dire, maintenant - et moi le premier d'ailleurs - il faut passer du mythe à l'histoire. Là, il y a un mythe qui s'est écrit lors de son élection, maintenant il devient président des Etats-Unis, et on va aussi juger au pied du mur. Il y a un point sur lequel il ne faut pas se tromper, c'est qu'il est président des Etats-Unis ; il ne va pas venir avec la main sur le coeur pour faire des cadeaux à l'Europe. Donc, maintenant, il va falloir aussi être capable de faire des bras de fer, de défendre ce que sont nos intérêts, sur des sujets, comme l'industrie automobile, comme l'emploi, comme la vision des relations internationales.

Ce sera un partenaire difficile, rude ?

Oui, ce sera un partenaire rude comme l'ont été tous les présidents américains. Et notre travail, nous, c'est maintenant, au-delà de la fascination qu'on peut avoir pour le personnage, jamais perdre de vue ce que sont nos intérêts.

Attendez-vous de lui aussi qu'il mette fin à cette idée, qui a fait tant de dégâts, du choc des civilisations ?

Oui, parce que lui peut le porter ça ; il vient de l'Afrique, il est représentant des Etats-Unis, et visiblement il veut garder le lien avec l'Europe. Donc, il est capable de...Ça, c'est un point qu'il peut vraiment nous apporter. Et en lien avec le président de la République, sur des sujets comme le Proche-Orient, ça va être extrêmement intéressant de voir qu'est-ce qu'on arrive à faire bouger.

Parlons franco-français, maintenant, parlons chômage, parlons cotisations chômage. Est-ce que nos cotisations chômage vont baisser ?

La priorité d'abord, c'est que les prestations...

On va parler chômage, après des chiffres...

Bien sûr.

D'abord les cotisations. Mais j'ai une question directe : est-ce qu'elles vont baisser nos cotisations chômage ?

Je vais être très direct et très clair : la priorité, ce n'est pas la baisse des cotisations chômage, c'est qu'on accompagne mieux les chômeurs dans cette période, premièrement.

Comment les accompagner mieux, arrêtons-nous là ?

On a un accord qui aujourd'hui a été négocié par les partenaires sociaux...

Signé par la seule CFDT, pour l'instant ?

Pour l'instant, signé par la seule CFDT, on y reviendra peut-être. Je regarde cet accord et je me demande une seule question, très simple, basique : est-ce que c'est du plus ou du moins pour les demandeurs d'emploi ? C'est du plus. Par exemple, quelqu'un qui enchaînait des CDD et qui avait du mal à avoir des vrais droits à indemnités et assurance chômage, avec cet accord, il en aura. Prenons un exemple très simple : quelqu'un qui faisait douze mois de CDD, il avait une faible indemnisation. Quelqu'un qui faisait treize mois de CDI, il avait une indemnisation qui était du double, ça ce n'était pas juste. Deuxièmement, on pourra avoir un droit à indemnisations chômage dès le 4ème mois ; ça, c'est une nouvelle qui est très importante, notamment pour les jeunes qui ont du mal à cotiser suffisamment pour pouvoir rentrer dans le système d'assurance chômage, et qui ont ce parcours un peu de galère...

Je travaille quatre mois, j'ai droit l'indemnisation chômage si je perds mon emploi ?

Oui, et du coup surtout, ça vous permet d'avoir un vrai suivi dans le cadre notamment de l'agence pour l'emploi. Cela aussi, c'est du plus qui est intéressant. Et puis la troisième chose, c'est qu'il y a des sujets dedans qui sont traités, qui ne sont pas anecdotiques, par exemple, l'emploi des saisonniers. L'emploi des saisonniers, c'est un emploi qui est important en France, en ce moment dans les stations d'hiver, pendant les périodes d'été sur la Côte, surtout dans un pays comme le nôtre qui est touristique. Et cet accord permet de consolider l'emploi des saisonniers. Donc, je regarde l'accord...

Consolider, ça veut dire quoi ? Ils auront les mêmes droits ?

Ça veut dire que, si jamais rien n'est fait, l'emploi des saisonniers va exploser parce que...

Mais les saisonniers auront les mêmes droits ?

Ça veut dire qu'ils auront des droits à indemnisation ; ils travaillent pendant la période d'hiver de façon intense, et du coup ils acquièrent des droits.

Je suis saisonnier, je travaille trois mois par exemple...

Non, trois mois, non...

Je travaille quatre mois, ou cinq mois, ou six mois, j'aurai droit au chômage, indemnités pleines ?

On va prendre un exemple très concret : j'ai fait un déplacement en Corse, où vous aviez des gens qui travaillent dans le domaine de l'hôtellerie, qui travaillent huit mois, ils n'arrivent pas à faire une saison complète parce que la saison complète n'existe pas. C'est quoi ? S'ils font huit mois, pendant les quatre autres mois on les met dehors ou est-ce qu'on leur permet de compléter le salaire sur l'ensemble de l'année ? Ce régime-là est un régime qui est dans l'assurance chômage tel que l'accord est négocié. Donc, en clair, il n'y a que du plus. Ensuite, il y a une discussion, et certains partenaires sociaux disent : il n'y a pas assez de plus. La CGT, par exemple dit : nous, on en veut encore plus. Mon raisonnement, c'est : dans cette période-là, je préfère un accord qui fait avancer tout de suite les choses, plutôt que d'attendre un accord idéal qui n'arrive jamais.

Alors, question directe : est-ce que nos cotisations chômage vont augmenter ou baisser ?

Maintenant, la question là-dessus c'est quoi ? On a un régime pour l'instant d'assurance chômage - ce qui d'ailleurs est assez hallucinant quand on y pense - qui dégage de l'excédent. Personnellement, j'ai tendance à penser qu'avec la conjoncture qui nous attend, ça ne pas va durer.

Ça ne va pas durer, oui !

Mais dans cet accord est prévu quelque chose : c'est un mécanisme de baisse automatique des cotisations...

Donc, dans un premier temps, il va y avoir baisse des cotisations...

Non, seulement si jamais on garde un régime qui fait des excédents, c'est tout.

D'accord. Si le régime fait des excédents, baisse des cotisations ?

Oui, gardons des idées qui sont simples. Le but, c'est que l'assurance chômage n'est pas là pour faire des trésors dans son coin.

Imaginons - le chômage va s'aggraver dans les mois qui viennent, on va y revenir tout à l'heure - là, imaginons que le chômage s'aggrave fortement, et il risque de s'aggraver fortement, les comptes de l'assurance chômage vont être "plombés" comme on dit ? Ça veut dire quoi, que les cotisations chômage vont augmenter, là ?

Non, ça signifierait que, évidemment dans ces cas-là, on ne les baisse pas, voilà. Donc, en clair, si jamais il y a du grain à moudre et qu'on a des excédents, on les utilise pour baisser les cotisations, d'une part, mais surtout, pour améliorer dans la période le suivi des chômeurs.

La durée d'indemnisation : est-ce qu'on change la durée d'indemnisation ?

Dans le cadre de l'accord, il y a quelques paramètres qui bougent, notamment, pour ceux qui sont des chômeurs de longue durée, mais ce n'est pas le coeur de l'accord.

C'est-à-dire ?

C'est-à-dire qu'on relève un tout petit peu dans le cadre de l'accord les mois d'indemnisation qui sont prévus, notamment pour les chômeurs de longue durée. Mais ce n'est pas le coeur de l'accord. Le coeur de l'accord, c'est surtout, notamment pour les jeunes, et le fait que vous puissiez entrer plus rapidement dans l'assurance chômage. Le résultat qui est important, c'est qu'on escompte quand même que 150.000 à 200.000 chômeurs, si cet accord entre en vigueur, pourraient être mieux accompagnés. En période de crise, ce n'est pas négligeable.

Question directe : la CFDT signe, imaginons que ce soit le seul syndicat qui signe, l'accord est-il applicable ? Le Medef signe aussi, évidemment.

Les règles du paritarisme, qui sont assez subtiles, sont les suivantes, vous avez trois options : la première, vous signez l'accord ; la deuxième, vous ne signez pas l'accord, parce que vous considérez qu'il n'est pas suffisamment bon pour vous ; et la troisième, vous ne signez pas l'accord, et vous dites : vraiment cet accord est apocalyptique, je n'en veux pas, je m'oppose explicitement pour tout faire pour que cet accord n'entre pas en vigueur. Et la règle, telle que le paritarisme s'applique, c'est qu'il faudrait qu'il y ait trois syndicats qui disent explicitement que cet accord on n'en veut absolument pas. Je dis que la seule chose, ce sont deux repaires très simples : dans une période de crise, est-ce qu'on comprendrait qu'on ne fasse pas d'efforts pour améliorer l'assurance chômage ? La deuxième chose, un accord dans lequel il n'y a que du plus, est-ce que l'on décide de le jeter à la poubelle ou non ? Après, c'est à chaque partenaire social...

Que fera le Gouvernement si cet accord n'est pas entériné par les syndicats ?

En tout état de cause, on prendra nos...

Vous passez par la loi ?

De toute façon, on sera obligés.

Vous serez obligés. Mais vous prendrez vos responsabilités, ça veut dire quoi ?

En tout état de cause, on prendra nos responsabilités au sens où je ne pense pas que dans la période actuelle, nos compatriotes comprendraient qu'on laisse l'assurance chômage sans aucune amélioration.

Ca veut dire quoi "prendre vos responsabilités" ?

Ca veut dire, un, la première chose, c'est qu'on va voir qui signe. Deux, s'il n'y en a pas suffisamment, on posera la question explicitement aux partenaires sociaux de savoir est-ce que vous vous opposez ou est-ce que vous vous contenter de ne pas mettre votre signature. Et en fonction, soit on pourra suivre si jamais on a suffisamment de partenaires sociaux qui implicitement disent "OK, on vous laisse passer". Soit on prendra nos responsabilités, on reprendra la main.

Ca veut dire quoi ?
Cela veut dire qu'on décidera nous même de ce qu'on peut améliorer sur l'assurance chômage.

Vous imposerez le texte ?

On n'imposer pas le texte, on sera juste obligé de constater que les partenaires sociaux n'ont pas réussi à aboutir à un accord.

Donc vous imposerez le texte ?

Non, ce n'est pas ce que j'ai dit, parce que dans ce cas-là, on aura plusieurs options. C'est soit de dire qu'on repart sur une copie complètement différente, soit on agrée malgré tout cet accord.

Le chômage : certains disent 100.000 chômeurs de plus par mois, pendant l'année 2009. Vous avez les mêmes estimations ?

Aujourd'hui, il y a des prévisions qui ne sont plus les mêmes.

Les chiffres de décembre ?

On ne les a pas encore.

Mais vous avez des indications...

Non...

Aucune indication, rien du tout ?!

Je vous le dirais sans aucun problème, surtout que sur les chiffres, j'ai adopté une conduite qui...

Dire la vérité...

Voilà, il faut dire les choses. On ne donne pas confiance aux Français en racontant des histoires.

Donc, sur les chiffres du chômage de décembre, vous ne savez rien ?

Non par encore. On les aura d'ici dix jours.

Sauf que le chômage va augmenter. C'est malheureusement inéluctable dans cette période actuelle.

Oui, on est dans une crise qui est d'une ampleur incroyable. En Espagne, ils ont pris, en moins d'un an, 1,5 million de chômeurs en plus. On est dans une crise qui est d'une ampleur insoupçonnée.

Lorsque des instituts sérieux disent qu'en France il y aura 100.000 chômeurs de plus par mois pendant l'année 2009, est-ce que c'est crédible ?

Je vous donne mon sentiment ?

Allez-y.

Non. Pour une raison, c'est que je regarde depuis que j'ai nommé ministre les différentes prévisions des instituts ; ils les bougent quasiment tous les deux mois. On a une prévision de la commission européenne qui est tombée aujourd'hui, il y a trois, elle faisait une prévision qui était différente, de plus de 200.000 demandeurs d'emplois.

Le chômage à plus de 10 % en France, fin 2009, vous n'y croyez pas ?

Ce n'est pas que je n'y crois pas, c'est que je pense qu'aujourd'hui, personne n'est capable de dire à deux ans où est-ce qu'on sera, et que mon travail en tant que ministre, ce n'est pas de m'amuser à faire de la prévision, c'est juste de faire l'action et de délivrer sur les réformes qu'on attend.

Il faut quand même s'attendre à une augmentation régulière du nombre de chômeurs en France dans les mois qui viennent.

Oui, ça va être dur, c'est clair. Il y a des sujets qu'on avait d'ailleurs évoqué ensemble, il y a même pas deux mois. Sur ces sujets, entre temps, on a avancé.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 20 janvier 2009