Texte intégral
Réponse aux questions posées, au nom de leur groupe respectif, par messieurs les députés J. Lang (PS), R. André (RPR), R. Donnedieu de Vabres (UDF), D. Jacquat (DL), A. Bocquet (PCF), J. Pontier (RCV) au sujet de la situation au Kosovo.
« Monsieur le président,
Messieurs, mesdames les présidents
Mesdames, messieurs les députés,
Japprécie, comme un geste symbolique et utile, le fait que, à la suite dune décision prise par la conférence des présidents ce matin, vous ayez décidé de poser ensemble vos questions. Chacun naturellement la fait autour de ses analyses et de sa sensibilité, même si jai noté de fortes convergences. Et en tout cas, cela me permet, comme je my étais engagé, de continuer à informer le Parlement sur lévolution de la situation au Kosovo, et de le faire de façon globale.
Je recevrai dailleurs, demain en fin de journée, les présidents des commissions de la Défense nationale et des Affaires étrangères, les présidents des groupes parlementaires des deux Assemblées. Quant au ministre des Affaires étrangères et de la Défense, ils sexpriment dès aujourdhui devant les commissions parlementaires.
Lun dentre vous ma interrogé, vous venez dy faire allusion, monsieur le Président, sur les modalités dinformation pendant les deux semaines davril où le Parlement, normalement, ne doit pas siéger. Je vous confirme, monsieur le président, que le Gouvernement est à la disposition de la représentation nationale pour examiner pendant cette période les moyens de poursuivre le dialogue et léchange.
Pour lappréciation de cette crise dramatique au Kosovo, je voudrais dabord dresser le tableau de la situation militaire et rappeler les objectifs et les fondements de notre intervention. Je voudrais ensuite évoquer la situation humaine dramatique qui sest développée sur place et comment nous y faisons face. Je voudrais enfin dire que la nécessaire recherche dune solution politique à la crise du Kosovo est partagée par le Gouvernement.
Notre engagement aux côtés de nos alliés, dans les opérations militaires en Serbie, visent, depuis le début, vous le savez, à casser lappareil militaire et répressif serbe et à imposer une issue diplomatique et politique que M. Milosevic refuse obstinément depuis des mois. Nous nous y employons depuis près de deux semaines, en mettant en oeuvre les moyens aériens des forces alliées, pour frapper des objectifs bien sélectionnés. Et nous veillons à strictement contrôler au niveau politique, le Président de la République et moi-même, les phases des opérations et la nature des cibles.
Certains disent que ce processus est lent. Et face à la souffrance, oui il apparaît comme lent. Mais je rappelle quau-delà des aléas météorologiques, nous avons eu le souci constant, et nous le gardons, de limiter au maximum les pertes civiles et de réduire les risques pris par nos pilotes. Cest ainsi que les coups ont été dabord portés au dispositif fixe de commandement et de défense aérienne serbe. Ce préalable était militairement indispensable. Ils ont ensuite progressivement visé les forces militaires et de police, engagées dans la répression au Kosovo. Cest désormais sur cet objectif que nous concentrons le maximum de nos efforts.
Devant lobstination serbe et lampleur des exactions commises au Kosovo, nous avons, depuis 72 heures, intensifié les frappes et détruit de nombreux objectifs dimportance stratégique. Dans les prochains jours, la destruction des forces de répression ainsi que des centres névralgiques qui les soutiennent, sera poursuivie. Les engagements héliportés de notre allié américain, qui devraient survenir prochainement, sinscrivent dans une logique dintensification et de diversification de laction militaire. Il sagit là, sans changer le cadre général de notre action, de contrer par de nouveaux moyens, les forces militaires et paramilitaires serbes en action au Kosovo. Nous y sommes résolus.
De quoi sagit-il en effet ?
Les autorités serbes, depuis larrivée au pouvoir de M. Milosevic, nont jamais accepté que les Kosovars soient pleinement citoyens de la République fédérale yougoslave. Elles nont jamais accepté le retour au statut dautonomie quelles avaient elles-mêmes supprimé en 1989. Par la répression politique, par lintimidation policière, M. Milosevic a fait des Kosovars, des citoyens de seconde zone dans leur propre pays et, par là même, poussé à un mouvement continu des Kosovars vers lextérieur.
Face à cette situation, les pays du groupe de contact, dont la Russie, ont constamment recherché une issue politique. Dès la fin des négociations de Rambouillet, et avant même que les négociateurs ne se retrouvent à Paris, le pouvoir serbe a remilitarisé la région. Son objectif est de vider le Kosovo de toute sa population non serbe. Ses forces militaires et paramilitaires, ses milices recourent à toutes formes de violence : déportations massives, arrestations arbitraires, exécutions sommaires, destructions systématique des villages, du cadastre et de létat civil kosovar. Ces violations massives et volontaires des droits de lhomme, ces pratiques dun autre âge qui nous renvoient aux pires heures de lhistoire de lEurope justifient à elles seules que tout soit mis en oeuvre pour les arrêter. Les auteurs de ces crimes contre lhumanité doivent savoir quils néchapperont pas à la justice internationale.
Le tribunal pénal international a déjà engagé des procédures en application des résolutions du Conseil de sécurité. Cela sinscrit dans le développement constant de la justice pénale internationale dont une nouvelle étape sera franchie dans votre hémicycle - coïncidence historique tragique mais significative - aujourdhui même, avec lexamen de la révision constitutionnelle nécessaire à létablissement dune Cour pénale internationale à compétence générale.
Cest au nom des valeurs de liberté, de démocratie et de respect des droits de lhomme - qui, depuis cinquante ans, assurent à nos peuples la stabilité -,auxquelles désormais adhèrent les autres pays de lEurope, à lexception du régime serbe de Monsieur Milosevic, cest au nom de ces valeurs que nous intervenons aujourdhui. Il faut que les forces politiques serbes, il faut que les forces démocratiques serbes, il faut que ce peuple qui, dans le passé, a revendiqué ces valeurs, prennent conscience quen soutenant un tel régime, ils mènent leur pays à limpasse.
Jen viens maintenant, mesdames et messieurs les députés, à limmense drame humain, que représentent la déportation et lexode des populations du Kosovo, et qui appelle une puissante réaction sur le plan humanitaire. Nous devons montrer une solidarité sans faille avec ceux qui ont fui la terreur et ont trouvé refuge dans les pays voisins. Vous le savez, la communauté internationale se mobilise et tout particulièrement la France. Aujourdhui, des centaines de volontaires civiles et de soldats de nos forces armées acheminent et distribuent des produits de première nécessité, dans des conditions difficiles, en Albanie et en Macédoine. Ils participent également à la prise en charge sanitaire et à linstallation provisoire de ces centaines de milliers dhommes et de femmes.
Je ne pense pas, mesdames et messieurs les députés, que nous pouvions ouvertement anticiper sur le risque de création de ce désastre humanitaire, sauf à indiquer à Monsieur Milosevic quil pouvait lâcher ses sbires, ses troupes, commencer des exactions, entreprendre les déportations et que nous étions là, prêts, aux pourtours, pour accueillir. Alors, à tous ces hommes et femmes, militaires ou civils, qui interviennent sur le terrain, je veux, comme vous, rendre hommage.
Le gouvernement français a mis en oeuvre, dès la semaine dernière, un premier plan durgence qui a notamment permis dorganiser un pont aérien entre Istres, Tirana et Skopje. Nos forces armées ont été les premières à assurer la dépose par hélicoptère, à Kukës, de produits de première urgence. Elles sont renforcées, dès aujourdhui, par des unités de sécurité civile. Aujourdhui, jai décidé de tripler le montant de notre aide en la portant à 225 millions de francs. Ces fonds devraient permettre, en étroite liaison avec nos partenaires de lUnion européenne et de lAlliance, comme avec les agences compétentes de lONU, notamment le HCR, dorganiser et de sécuriser des lieux daccueil et de vie décents pour les réfugiés de Macédoine et du Nord de lAlbanie, ainsi que de soutenir les efforts du Haut-commissariat aux réfugiés et du Comité international de la Croix Rouge en Bosnie et au Monténégro.
A cela, nous ajouterons une première aide économique durgence pour soulager la Macédoine et lAlbanie qui payent un lourd tribut en recevant sur leur sol, ces réfugiés. Nous soutiendrons également les efforts multilatéraux en leur faveur, tant dans le cadre du FMI, en ce qui concerne la dette, que celui de la Banque mondiale, en ce qui concerne la reconstruction.
Au-delà de cet effort essentiel de solidarité, à légard de ces hommes et de ces femmes martyrisés, au-delà de notre devoir de protection, nous devons leur assurer un droit au retour dans leur pays dorigine. Cest là dailleurs, un enjeu fondamental de la confrontation qui se déroule aujourdhui. Mme Ogata, Mme Bonino, Médecins du monde, Médecins sans frontières, le Président albanais partagent cette vision. Nous sommes, bien sûr, attentifs aux problèmes particuliers qui se trouvent posés pour la Macédoine.
Avant que ce droit au retour puisse être assuré, notre pays est naturellement disponible pour accueillir temporairement sur son sol un certain nombre de ces personnes déplacées. Mais il souhaite que ces mouvements de réfugiés seffectuent sur la base du volontariat et sans que les personnes, et sans que les familles soient séparées, conformément au droit humanitaire international. Najoutons pas un transfert contraint à une déportation.
Comme je lai dit, dimanche soir - il semble quune partie de ce que jai dit nait pas été reproduit - au terme dune réunion de travail que javais organisée à Matignon, nous pourrons accueillir - utilisant pour cela lasile territorial institué il y a quelques mois par le Parlement, sur proposition du Gouvernement -, des réfugiés qui en feraient la demande.
En outre, nous sommes décidés à conduire une action particulière en faveur des blessés, des personnes malades et des handicapés. Nous sommes prêts également, en liaison avec les associations à favoriser les conditions dun accueil en France, par des familles qui le souhaiteraient. Si la France ne saurait accepter la politique du fait accompli de Monsieur Milosevic, elle se tient au premier rang de laction humanitaire sur le terrain et entend rester fidèle à sa tradition daccueil.
Je voudrais maintenant, mesdames et messieurs les députés, évoquer les perspectives politiques et diplomatiques qui, quelles que soient les difficultés, restent présentes à notre esprit. Notre objectif nest pas de détruire ni doccuper ni de démembrer la Serbie. Il nest pas de faire la guerre au peuple serbe. Tout en continuant les opérations militaires que Monsieur Milosevic nous impose, nous restons persuadés quune solution politique au conflit est souhaitable. Les frappes peuvent sarrêter dès que les conditions suivantes sont remplies : fin de la répression contre les populations civiles au Kosovo ; retrait des forces militaires et paramilitaires serbes ; retour des réfugiés ; acceptation des négociations.
Arrêter unilatéralement les frappes sans que nous ayons atteint nos objectifs reviendrait à accepter les conditions de Monsieur Milosevic et sacrifier le sort des Kosovars. Mais la poursuite des frappes, inévitable aujourdhui, ne doit pas nous interdire la recherche de solutions politiques et diplomatiques. Je sais que cest une conviction que partage le Président de la République.
A cette fin, il est essentiel que tous ceux qui croient, comme nous, à la primauté du droit et aux valeurs démocratiques, puissent être associés à la recherche de la paix pour le Kosovo. Cest pourquoi, au-delà des importantes rencontres qui doivent préparer le moment, que jespère proche, où les alliés et la Russie -partenaire, la Russie, déterminant à mes yeux - retravailleront ensemble à une solution politique, je suis convaincu que lorganisation des Nations unies devra jouer son rôle.
Au moment où a été décidée la participation de la France aux opérations militaires, nous nous sommes référés aux résolutions et aux exigences du Conseil de sécurité. Cest aux Nations unies et au Conseil de sécurité, avec lappui des organisations régionales, que devrait revenir la responsabilité première de la mise en oeuvre des solutions qui auront été définies. LOnu devrait à mon sens coordonner les opérations de soutien aux réfugiés, puis assurer le retour de ceux-ci une fois la paix revenue. Elle devrait aussi garantir leur sécurité dans un Kosovo autonome, et conférer sa légitimité à la force multinationale quil faudra vraisemblablement déployer à cette fin. Cela sera le point ultime dun processus quil faudra engager dès que possible et auquel le Gouvernement travaille dès à présent. Cest le sens de certaines propositions parlementaires, notamment du président de la Commission de la Défense nationale, que nous avons notées avec beaucoup dintérêt et qui convergent avec nos préoccupations. Il nous faut travailler, notamment au plan diplomatique, assidûment, pour leur permettre de déboucher.
Mesdames et messieurs les députés, notre détermination ne doit pas fléchir, mais elle doit être tendue vers une paix respectueuse de la personne humaine et du droit. »
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 07 avril 1999)
« Monsieur le président,
Messieurs, mesdames les présidents
Mesdames, messieurs les députés,
Japprécie, comme un geste symbolique et utile, le fait que, à la suite dune décision prise par la conférence des présidents ce matin, vous ayez décidé de poser ensemble vos questions. Chacun naturellement la fait autour de ses analyses et de sa sensibilité, même si jai noté de fortes convergences. Et en tout cas, cela me permet, comme je my étais engagé, de continuer à informer le Parlement sur lévolution de la situation au Kosovo, et de le faire de façon globale.
Je recevrai dailleurs, demain en fin de journée, les présidents des commissions de la Défense nationale et des Affaires étrangères, les présidents des groupes parlementaires des deux Assemblées. Quant au ministre des Affaires étrangères et de la Défense, ils sexpriment dès aujourdhui devant les commissions parlementaires.
Lun dentre vous ma interrogé, vous venez dy faire allusion, monsieur le Président, sur les modalités dinformation pendant les deux semaines davril où le Parlement, normalement, ne doit pas siéger. Je vous confirme, monsieur le président, que le Gouvernement est à la disposition de la représentation nationale pour examiner pendant cette période les moyens de poursuivre le dialogue et léchange.
Pour lappréciation de cette crise dramatique au Kosovo, je voudrais dabord dresser le tableau de la situation militaire et rappeler les objectifs et les fondements de notre intervention. Je voudrais ensuite évoquer la situation humaine dramatique qui sest développée sur place et comment nous y faisons face. Je voudrais enfin dire que la nécessaire recherche dune solution politique à la crise du Kosovo est partagée par le Gouvernement.
Notre engagement aux côtés de nos alliés, dans les opérations militaires en Serbie, visent, depuis le début, vous le savez, à casser lappareil militaire et répressif serbe et à imposer une issue diplomatique et politique que M. Milosevic refuse obstinément depuis des mois. Nous nous y employons depuis près de deux semaines, en mettant en oeuvre les moyens aériens des forces alliées, pour frapper des objectifs bien sélectionnés. Et nous veillons à strictement contrôler au niveau politique, le Président de la République et moi-même, les phases des opérations et la nature des cibles.
Certains disent que ce processus est lent. Et face à la souffrance, oui il apparaît comme lent. Mais je rappelle quau-delà des aléas météorologiques, nous avons eu le souci constant, et nous le gardons, de limiter au maximum les pertes civiles et de réduire les risques pris par nos pilotes. Cest ainsi que les coups ont été dabord portés au dispositif fixe de commandement et de défense aérienne serbe. Ce préalable était militairement indispensable. Ils ont ensuite progressivement visé les forces militaires et de police, engagées dans la répression au Kosovo. Cest désormais sur cet objectif que nous concentrons le maximum de nos efforts.
Devant lobstination serbe et lampleur des exactions commises au Kosovo, nous avons, depuis 72 heures, intensifié les frappes et détruit de nombreux objectifs dimportance stratégique. Dans les prochains jours, la destruction des forces de répression ainsi que des centres névralgiques qui les soutiennent, sera poursuivie. Les engagements héliportés de notre allié américain, qui devraient survenir prochainement, sinscrivent dans une logique dintensification et de diversification de laction militaire. Il sagit là, sans changer le cadre général de notre action, de contrer par de nouveaux moyens, les forces militaires et paramilitaires serbes en action au Kosovo. Nous y sommes résolus.
De quoi sagit-il en effet ?
Les autorités serbes, depuis larrivée au pouvoir de M. Milosevic, nont jamais accepté que les Kosovars soient pleinement citoyens de la République fédérale yougoslave. Elles nont jamais accepté le retour au statut dautonomie quelles avaient elles-mêmes supprimé en 1989. Par la répression politique, par lintimidation policière, M. Milosevic a fait des Kosovars, des citoyens de seconde zone dans leur propre pays et, par là même, poussé à un mouvement continu des Kosovars vers lextérieur.
Face à cette situation, les pays du groupe de contact, dont la Russie, ont constamment recherché une issue politique. Dès la fin des négociations de Rambouillet, et avant même que les négociateurs ne se retrouvent à Paris, le pouvoir serbe a remilitarisé la région. Son objectif est de vider le Kosovo de toute sa population non serbe. Ses forces militaires et paramilitaires, ses milices recourent à toutes formes de violence : déportations massives, arrestations arbitraires, exécutions sommaires, destructions systématique des villages, du cadastre et de létat civil kosovar. Ces violations massives et volontaires des droits de lhomme, ces pratiques dun autre âge qui nous renvoient aux pires heures de lhistoire de lEurope justifient à elles seules que tout soit mis en oeuvre pour les arrêter. Les auteurs de ces crimes contre lhumanité doivent savoir quils néchapperont pas à la justice internationale.
Le tribunal pénal international a déjà engagé des procédures en application des résolutions du Conseil de sécurité. Cela sinscrit dans le développement constant de la justice pénale internationale dont une nouvelle étape sera franchie dans votre hémicycle - coïncidence historique tragique mais significative - aujourdhui même, avec lexamen de la révision constitutionnelle nécessaire à létablissement dune Cour pénale internationale à compétence générale.
Cest au nom des valeurs de liberté, de démocratie et de respect des droits de lhomme - qui, depuis cinquante ans, assurent à nos peuples la stabilité -,auxquelles désormais adhèrent les autres pays de lEurope, à lexception du régime serbe de Monsieur Milosevic, cest au nom de ces valeurs que nous intervenons aujourdhui. Il faut que les forces politiques serbes, il faut que les forces démocratiques serbes, il faut que ce peuple qui, dans le passé, a revendiqué ces valeurs, prennent conscience quen soutenant un tel régime, ils mènent leur pays à limpasse.
Jen viens maintenant, mesdames et messieurs les députés, à limmense drame humain, que représentent la déportation et lexode des populations du Kosovo, et qui appelle une puissante réaction sur le plan humanitaire. Nous devons montrer une solidarité sans faille avec ceux qui ont fui la terreur et ont trouvé refuge dans les pays voisins. Vous le savez, la communauté internationale se mobilise et tout particulièrement la France. Aujourdhui, des centaines de volontaires civiles et de soldats de nos forces armées acheminent et distribuent des produits de première nécessité, dans des conditions difficiles, en Albanie et en Macédoine. Ils participent également à la prise en charge sanitaire et à linstallation provisoire de ces centaines de milliers dhommes et de femmes.
Je ne pense pas, mesdames et messieurs les députés, que nous pouvions ouvertement anticiper sur le risque de création de ce désastre humanitaire, sauf à indiquer à Monsieur Milosevic quil pouvait lâcher ses sbires, ses troupes, commencer des exactions, entreprendre les déportations et que nous étions là, prêts, aux pourtours, pour accueillir. Alors, à tous ces hommes et femmes, militaires ou civils, qui interviennent sur le terrain, je veux, comme vous, rendre hommage.
Le gouvernement français a mis en oeuvre, dès la semaine dernière, un premier plan durgence qui a notamment permis dorganiser un pont aérien entre Istres, Tirana et Skopje. Nos forces armées ont été les premières à assurer la dépose par hélicoptère, à Kukës, de produits de première urgence. Elles sont renforcées, dès aujourdhui, par des unités de sécurité civile. Aujourdhui, jai décidé de tripler le montant de notre aide en la portant à 225 millions de francs. Ces fonds devraient permettre, en étroite liaison avec nos partenaires de lUnion européenne et de lAlliance, comme avec les agences compétentes de lONU, notamment le HCR, dorganiser et de sécuriser des lieux daccueil et de vie décents pour les réfugiés de Macédoine et du Nord de lAlbanie, ainsi que de soutenir les efforts du Haut-commissariat aux réfugiés et du Comité international de la Croix Rouge en Bosnie et au Monténégro.
A cela, nous ajouterons une première aide économique durgence pour soulager la Macédoine et lAlbanie qui payent un lourd tribut en recevant sur leur sol, ces réfugiés. Nous soutiendrons également les efforts multilatéraux en leur faveur, tant dans le cadre du FMI, en ce qui concerne la dette, que celui de la Banque mondiale, en ce qui concerne la reconstruction.
Au-delà de cet effort essentiel de solidarité, à légard de ces hommes et de ces femmes martyrisés, au-delà de notre devoir de protection, nous devons leur assurer un droit au retour dans leur pays dorigine. Cest là dailleurs, un enjeu fondamental de la confrontation qui se déroule aujourdhui. Mme Ogata, Mme Bonino, Médecins du monde, Médecins sans frontières, le Président albanais partagent cette vision. Nous sommes, bien sûr, attentifs aux problèmes particuliers qui se trouvent posés pour la Macédoine.
Avant que ce droit au retour puisse être assuré, notre pays est naturellement disponible pour accueillir temporairement sur son sol un certain nombre de ces personnes déplacées. Mais il souhaite que ces mouvements de réfugiés seffectuent sur la base du volontariat et sans que les personnes, et sans que les familles soient séparées, conformément au droit humanitaire international. Najoutons pas un transfert contraint à une déportation.
Comme je lai dit, dimanche soir - il semble quune partie de ce que jai dit nait pas été reproduit - au terme dune réunion de travail que javais organisée à Matignon, nous pourrons accueillir - utilisant pour cela lasile territorial institué il y a quelques mois par le Parlement, sur proposition du Gouvernement -, des réfugiés qui en feraient la demande.
En outre, nous sommes décidés à conduire une action particulière en faveur des blessés, des personnes malades et des handicapés. Nous sommes prêts également, en liaison avec les associations à favoriser les conditions dun accueil en France, par des familles qui le souhaiteraient. Si la France ne saurait accepter la politique du fait accompli de Monsieur Milosevic, elle se tient au premier rang de laction humanitaire sur le terrain et entend rester fidèle à sa tradition daccueil.
Je voudrais maintenant, mesdames et messieurs les députés, évoquer les perspectives politiques et diplomatiques qui, quelles que soient les difficultés, restent présentes à notre esprit. Notre objectif nest pas de détruire ni doccuper ni de démembrer la Serbie. Il nest pas de faire la guerre au peuple serbe. Tout en continuant les opérations militaires que Monsieur Milosevic nous impose, nous restons persuadés quune solution politique au conflit est souhaitable. Les frappes peuvent sarrêter dès que les conditions suivantes sont remplies : fin de la répression contre les populations civiles au Kosovo ; retrait des forces militaires et paramilitaires serbes ; retour des réfugiés ; acceptation des négociations.
Arrêter unilatéralement les frappes sans que nous ayons atteint nos objectifs reviendrait à accepter les conditions de Monsieur Milosevic et sacrifier le sort des Kosovars. Mais la poursuite des frappes, inévitable aujourdhui, ne doit pas nous interdire la recherche de solutions politiques et diplomatiques. Je sais que cest une conviction que partage le Président de la République.
A cette fin, il est essentiel que tous ceux qui croient, comme nous, à la primauté du droit et aux valeurs démocratiques, puissent être associés à la recherche de la paix pour le Kosovo. Cest pourquoi, au-delà des importantes rencontres qui doivent préparer le moment, que jespère proche, où les alliés et la Russie -partenaire, la Russie, déterminant à mes yeux - retravailleront ensemble à une solution politique, je suis convaincu que lorganisation des Nations unies devra jouer son rôle.
Au moment où a été décidée la participation de la France aux opérations militaires, nous nous sommes référés aux résolutions et aux exigences du Conseil de sécurité. Cest aux Nations unies et au Conseil de sécurité, avec lappui des organisations régionales, que devrait revenir la responsabilité première de la mise en oeuvre des solutions qui auront été définies. LOnu devrait à mon sens coordonner les opérations de soutien aux réfugiés, puis assurer le retour de ceux-ci une fois la paix revenue. Elle devrait aussi garantir leur sécurité dans un Kosovo autonome, et conférer sa légitimité à la force multinationale quil faudra vraisemblablement déployer à cette fin. Cela sera le point ultime dun processus quil faudra engager dès que possible et auquel le Gouvernement travaille dès à présent. Cest le sens de certaines propositions parlementaires, notamment du président de la Commission de la Défense nationale, que nous avons notées avec beaucoup dintérêt et qui convergent avec nos préoccupations. Il nous faut travailler, notamment au plan diplomatique, assidûment, pour leur permettre de déboucher.
Mesdames et messieurs les députés, notre détermination ne doit pas fléchir, mais elle doit être tendue vers une paix respectueuse de la personne humaine et du droit. »
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 07 avril 1999)