Texte intégral
C. Bayt-Darcourt.- Bonjour, B. Thibault.
Bonjour.
Vous êtes à Montreuil, au siège de la CGT, dont vous êtes le secrétaire général. Avant de parler de votre rendez-vous avec les autres syndicats, j'aimerais entendre votre réaction à cette nouvelle aide de l'Etat, cette fois aux constructeurs automobiles : 6 milliards pour Peugeot et Renault.
Eh bien, écoutez, j'avais demandé au président de la République lors d'une précédente rencontre avec mes homologues syndicaux qu'avant tout plan du Gouvernement, il y ait une consultation en bonne et due forme des organisations syndicales du secteur automobile de manière à leur permettre d'apprécier l'opportunité de telle ou telle aide. Et j'espère bien, le président à ce moment-là avait donné son accord, j'espère bien qu'avant de donner plusieurs milliards d'euros au secteur de l'automobile les organisations syndicales seront amenées à exprimer leur opinion sur l'opportunité des aides, et notamment sur leur finalité.
Alors, des aides mais avec des contreparties quand même, notamment pas de fermeture d'usine, pas de licenciement.
Oui, et puis l'examen des conditions de travail. Il faut savoir que dans le secteur automobile, comme en bien d'autres endroits, quand il y a de l'activité on travaille à des cadences folles et les salariés ne sont que des variables d'ajustement. Lorsqu'on estime que les carnets de commandes ne sont pas pleins, que les stocks se remplissent, à ce moment-là, on condamne au chômage technique. Donc, d'une part, cadences infernales, dégradation de l'état physique des salariés qui travaillent dans le secteur ; et de l'autre, mise au placard lorsqu'il n'y a plus de travail ou lorsque les firmes estiment qu'il n'y a plus de travail à faire. Donc, il est aussi nécessaire de s'intéresser à une finalité sociale de ces aides publiques.
Alors, vous allez retrouver tout à l'heure les responsables des sept autres confédérations syndicales pour décider des suites à donner à la mobilisation du 29 janvier, forte mobilisation, 2,5 millions de personnes dans la rue, d'après vos calculs, 1 million selon la police. Pour vous, B. Thibault, c'est déjà sûr, il y aura une nouvelle journée d'action ?
Ecoutez, si je m'en réfère aux contacts et aux différents commentaires, appréciations publiques qu'ont émis les uns et les autres des responsables syndicaux, je pense que dans la soirée - cette réunion à lieu en fin d'après-midi - il est fort probable que l'ensemble des organisations syndicales annonce un autre rendez-vous revendicatif dans le prolongement du 29 janvier, étant entendu naturellement qu'entre ce rendez-vous, ce nouveau rendez-vous probable, et aujourd'hui, il y aura eu la rencontre à l'Elysée avec le Président de la République. C'est aussi un moyen pour rappeler que nous attendons des mesures concrètes et rapides que nous n'avons pas perçues dans le discours du président de la République la semaine dernière.
Justement, B. Thibault, vous parlez de ce rendez-vous à l'Elysée le 18 février. Dans quel état d'esprit irez-vous à cette réunion ?
Nous y allons sur la base de la plateforme commune des huit organisations syndicales concernant la situation actuelle qui se caractérise, effectivement, par une crise économique, financière et sociale - c'est ce qui nous préoccupe le plus - il n'y pas à nos yeux la réaction et les mesures appropriées, notamment s'agissant des protections à envisager en direction des salariés. Il y a une plateforme qui est précise sur la question du salaire et du pouvoir d'achat, sur la question de la préservation de l'emploi, sur la question de l'avenir des services publics, et il y a donc toute une série de sujets à aborder, et j'espère bien que nous ne traiterons pas uniquement des questions que le président de la République de son côté veut aborder avec les organisations syndicales, qu'il sera bien question aussi de revendications des organisations syndicales.
Mais aucune proposition faite jeudi soir par le chef de l'Etat ne vous a séduit, au moins satisfait ?
Elles ne sont pas de nature à répondre à l'urgence de la situation. Il ne suffit pas aujourd'hui d'ouvrir tel ou tel chantier de réflexion qui nécessitera par principe, puisqu'il s'agit de réformes lourdes pour certaines d'entre elles énoncées par le Président de la République, comme susceptibles d'être opérationnelles rapidement alors que par principe ce sont des chantiers qui nécessitent des réflexions de plusieurs mois et sur lesquels les représentants syndicaux d'ailleurs ne sont pas les seuls habilités à se prononcer. Je pense au débat sur l'évolution de la taxe professionnelle qui, et vous l'avez vu depuis que ça été évoquée, nécessite aussi une implication des élus des collectivités territoriales, voire des élus nationaux. Il y a urgence sur le pouvoir d'achat, on ne peut pas, tout comme sur l'emploi, nous renvoyer à des chantiers qui nécessitent de longs mois de réflexion.
Alors, autre sujet à la une de l'actualité, ce matin, B. Thibault, la Guadeloupe. Y. Jégo est rentré à Paris alors qu'il avait promis de rester en Guadeloupe jusqu'à l'émergence d'une solution. C'est un affront ?
Ecoutez, je ne suis pas impliqué directement dans ces discussions, ce sont les représentants locaux. Ce qui a été spectaculaire dans l'intervention du Président, et je ne sais si cela correspond à un choix délibéré, c'est d'avoir fait l'impasse totale sur la situation de blocage qui existe dans plusieurs des territoires ou départements d'Outremer alors que la situation est plus critique encore sur leur propre situation. Ces mouvements, ces grèves très massives s'expriment sur la vie chère, et dans des proportions qu'on a parfois du mal à percevoir sur le Continent. Ce que je ne comprends pas, c'est cette situation d'ignorance. Alors, pour ce qui est du départ annoncé comme précipité, il n'est pas normal, si c'est bien ce qui s'est produit, il n'est pas normal que le représentant de l'Etat qui était sur le terrain n'ait pas expliqué en quoi son départ se justifiait.
Merci B. Thibault, secrétaire général de la CGT, d'avoir choisi France Info ce matin. On suivra donc la décision des syndicats quant à une éventuelle nouvelle journée d'actions.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 9 février 2009