Texte intégral
M.-O. Fogiel.- Une grève, et maintenant ? Hier, entre 1 million selon le ministère de l'Intérieur et 2 millions de personnes selon la CGT, étaient dans la rue. Quoi qu'il en soit, une grosse mobilisation mais qui n'a pas paralysé le pays. [passages-antennes de chefs d'entreprise au sommet de Davos]. Alors, avez-vous l'impression d'être folklorique, et de vous payer un luxe de nantis ?
D'une part, les participants de Davos doivent faire preuve d'une grande modestie. Et je serais eux, j'éviterais les commentaires décalés.
Mais quand ils parlent de mondialisation qui met la productivité des pays en concurrence ? Et c'est ça la réalité contre laquelle vous vous battez B. Thibault.
Oui mais les responsables politiques, indiens ou autres, veulent faire l'impasse sur le fait par exemple que, dans 130 pays, le 7 octobre dernier, tous les syndicats du monde ont organisé une mobilisation coordonnée pour revendiquer le travail décent. C'est-à-dire dénoncer une mondialisation qui met en avant d'abord une logique mondiale de rentabilité financière...
Mais est-ce que ça change quelque chose cette mobilisation ? Est-ce que vous ne vous battez pas contre des moulins à vent ?
On ne peut pas reprocher, d'un côté aux syndicats d'agir strictement dans un cadre national, et dans le même temps leur reprocher de coordonner leur intervention auprès des instances internationales pour demander des changements sur les paramètres qui guident l'économie internationale. Ce qui est dénoncé par les syndicalistes et les salariés du monde entier, en Inde comme ailleurs, c'est la mise en concurrence des salariés par le moins-disant social. Alors moi, je veux dire contrairement à cette idée entretenue, qu'il n'y a pas qu'en France qu'il y a des mobilisations. Il y avait de grandes manifestations en Italie il y a dix jours, il y a des mouvements en Allemagne aujourd'hui, en Hongrie, en Roumanie. Et dès la semaine prochaine, pour tout vous dire, nous avons une réunion européenne en vue de coordonner des mobilisations de salariés à l'échelle de l'Europe.
Alors justement, à l'échelle de l'Europe mais également en France, N. Sarkozy va vous recevoir au mois de février, mais pas pour changer, pas pour faire de l'inflexion dans ses réformes, simplement convenir de programmes et vous donner le calendrier. Vous dites quoi ce matin sur Europe 1 ?
Ecoutez, nous allons voir, nous allons voir quelle va être la nature de ce rendez-vous. Nous avons des rendez-vous réguliers avec le président de la République. Là ce n'est pas, de ce point de vue là, critiquable. Le problème c'est que pour l'instant, nous ne sommes pas entendus à chacun de ces rendez-vous. Alors moi, ce que j'attends...
Mais est-ce que vous êtes optimiste ce matin ? Est-ce que vous pensez qu'au prochain vous serez entendu, vu la mobilisation d'hier ?
Je pense qu'il y a au moins 2 millions et demi de participants aux manifestations d'hier qui ont délivré un message clair. Et je l'ai dit, naturellement nous allons nous rendre à ce rendez-vous. Toute la question, maintenant, posée, est de savoir qu'est-ce qui va être à l'ordre du jour de cet entretien. Et pour ce qui nous concerne...
Mais s'il maintient ses réformes, vous ferez quoi ?
Nous l'avons dit, s'il n'y a pas prise en compte de la plate-forme des organisations syndicales, qui a valu cette mobilisation extraordinaire - personne, je crois, ne peut contester l'ampleur de la participation, l'ampleur du mouvement, par la diversité des participants. S'il n'y a pas de réaction répondant à la plate-forme des organisations syndicales, il y aura des suites à cette mobilisation. Donc moi, je souhaite...
Mais c'est quoi "des suites" ? Parce qu'on vous entend dire "des suites", mais on ne sait pas ce que c'est. C'est quoi "des suites" ?
Laissez nous en décider en temps et en heure. Il y a une réunion des syndicats lundi. Lundi soir, nous allons faire le bilan de la journée d'hier, et nous allons commencer à réfléchir aux futures étapes, si d'aventure il n'y a pas la réaction proportionnée à ce qui s'est passé hier.
Mais pour terminer, est-ce que vous pensez que la rue peut faire reculer aujourd'hui le Gouvernement ?
La question, ce n'est pas de faire reculer ou pas reculer. La question, c'est d'entendre les revendications. Il y a le constat d'une injustice flagrante d'une inadéquation des réponses qui sont apportées pour faire face à la crise économique, et singulièrement du peu de cas fait à la situation des salariés, des retraités, des jeunes, des précaires. C'est ça dont il faut rediscuter.
Mais d'une phrase vous demandez quoi ? Concrètement, une phrase s'il vous plaît, la première mesure qui vous satisfera lors de cette réunion à l'Elysée ?
Que le président de la République, et aussi les employeurs qui ont leurs propres responsabilités, ouvrent des cadres de négociation sur les sujets qui étaient portés dans cette manifestation et ces arrêts de travail. Sur les questions d'emploi, de salaire, de service public, de protection sociale. Il y a toute une palette de sujets qui ont été abordés par les organisations syndicales. C'est ça qui doit être à l'ordre du jour, sinon il y aura d'autres étapes de cette mobilisation.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 2 février 2009