Texte intégral
G. Morin Hier, à la suite d'une réunion qui avait suivi un séminaire, des décisions gouvernementales ont été annoncées. Est-ce un train de mesures important, est-ce un moyen d'attendre l'année qui vient ? Qu'est-ce selon vous ?
- "Il faudrait trouver le mot exact. En tout cas, personne ne peut dire que c'est un plan. C'est un catalogue de mesures sans cohérence, sans ordre, dispersées, des fonds de tiroir. Lorsqu'un gouvernement se trouve en difficulté, il arrive - c'est déjà arrivé à d'autres - qu'on demande aux cabinets ministériels de vider tous les tiroirs avec toutes les mesures qu'on pourrait proposer pour faire semblant de faire quelque chose. C'est un peu de cela dont il s'agit ici. C'est décevant, c'est faible et cela montre qu'il n'y a pas de politique, qu'il n'y a plus de vision, qu'il n'y a plus de force dans la politique."
Il y a eu d'une part des circonstances, un environnement, une période récente qui étaient un peu difficiles, donc, il fallait répondre à ces attentes, à ces difficultés. D'autre part, il y a une année à préparer. Est-ce que cela ne répondait pas à certaines attentes de salariés, de la population, des gens de gauche aussi qui ont sans doute besoin d'être soudés ?
- "Voulez-vous me citer une mesure qui réponde à cela ?"
Les mesures sociales, par exemple, ne répondent-elles pas à une attente des salariés ?
- "Lesquelles ? "
Sur les revenus minima.
- "Je ne veux pas vous coincer."
Certes, je ne suis pas porte-parole du Premier ministre.
- "Que peut-on peut citer qui n'est pas trop mal dans ce catalogue ? Probablement l'allongement de trois à six mois de la période pendant laquelle on peut cumuler un emploi avec une allocation. Je veux bien accepter cette idée ; le reste franchement, ce n'est pas cohérent, ce n'est pas fort, ce n'est pas financé, il n'y a pas de date. Il suffisait de voir l'embarras des journaux télévisés hier soir pour rendre compte de ce plan. Vos confrères avaient vraiment beaucoup de mal à dire ce qu'il y avait à l'intérieur. Tout le monde voit bien que c'est un catalogue fait à la va-vite pour répondre à une situation politique qui n'est pas bonne et dont tout le monde voit bien de quoi elle est faite : une défaite aux municipales suivie d'un accueil frisquet dans la Somme pour M. Jospin suivi d'un séminaire gouvernemental dont il n'est rien sorti. Alors, on fait un deuxième séminaire en mettant à la va-vite une série de mesures sans aucune cohérence entre elles, en annonçant qu'on va instituer des institutions, réunir des commissions, enfin comme toujours, la politique faite de mots et pas de faits."
Dites-vous comme E. Balladur hier sur France 2 que la France rencontre un moment psychologique difficile, une sorte de crise morale ?
- "La France - j'ai souvent employé cette expression - est en crise. Ici, c'est d'une crise sociale dont il s'agit. Ce qu'on oublie trop en lisant le catalogue gouvernemental, c'est que des dizaines ou centaines de milliers de Français ont hier marché à pied parce que les transports en commun dans les villes étaient en panne ; qu'il y a des dizaines de milliers de Français qui attendent des trains depuis trois semaines, qui restent sur les quais parce qu'ils ne trouvent pas de trains ; qu'il y a tous ces mouvements, les sages-femmes ou autres dont on voit bien qu'ils traduisent le malaise profond, par exemple, dans les hôpitaux."
Les salariés des entreprises qui craignent pour leur emploi n'ont-ils pas raison quand même de manifester ? Est-ce que le gouvernement ne doit pas faire quelque chose pour empêcher ces licenciements, les plans brutaux comme ceux annoncés par le groupe Danone par exemple ? Est-ce que vous laisseriez faire une entreprise qui gagne beaucoup d'argent et qui prévoit un plan de fermeture d'usine ?
- "Je crois qu'il y a deux choses différentes. La première, c'est Marks Spencer. Là, il y a quelque chose de brutal et de totalement inacceptable. En ce qui concerne Danone, il me semble qu'il faut accepter l'idée qu'une entreprise a non seulement le droit mais aussi le devoir d'adapter son outil industriel pour vivre dans le domaine de la concurrence. Quand on a des entreprises qui sont très sous-employées, c'est normal qu'on adapte. Simplement, il y a un devoir social auquel Danone ne doit pas se soustraire. Mais pour ma part, je ne mets pas dans le même pot Danone et Marks Spencer et je trouve que bien des réflexions du Gouvernement ou de la gauche sur ce sujet sont désordonnées et imprudentes parce que si l'on veut ouvrir des usines, il faut aussi pouvoir en fermer certaines. Autrement, on ment, on raconte des histoires. Deuxièmement, si l'on veut qu'il y ait des investissements étrangers, européens ou mondiaux en France, alors il faut donner aussi le sentiment que la France n'est pas hostile à l'outil industriel. Je le dis en ayant, vous le savez, des préoccupations sociales fortes et en tout cas assumées."
Est-ce que vous considérez qu'avec ce qu'il met en place, L. Jospin se donne les moyens de tenir un an jusqu'à l'élection présidentielle ?
- "Votre question en elle-même suffit à répondre. Il y a un scepticisme très grand. Ce n'est pas avec cela qu'il va tenir un an. "
Vous pensez qu'il faudrait qu'il s'arrête avant
- "Je pense que c'est extrêmement difficile, c'est à lui de répondre. Je crois que ses interrogations sur une éventuelle candidature présidentielle sont des interrogations sincères, assez fondées parce que la situation dans laquelle il se trouve n'est pas une situation excellente. Hier, vous avez un ministre du Gouvernement qui dit il faut qu'il aille prendre des vacances."
Mme Voynet.
- "Vous avez un deuxième ministre du Gouvernement qui dit à son collègue, " c'est toi qui dois aller prendre des vacances ". Et vous avez un troisième ministre du Gouvernement, M. Glavany qui dit "en effet, le risque d'usure est important.""
Cela permet d'oublier un peu les dissensions de la droite ...
- "Ce n'est pas vraiment un climat encourageant et mobilisateur. Pour le reste, c'est à lui de choisir évidemment."
Attendez-vous une chose précise de lui mardi prochain sur France 2 ?
- "Non, pas précisément. Je voudrais pour la France qu'il y ait une vision forte qui s'affirme, que les Français sachent où l'on va avec la politique que le Gouvernement mène. Et pour l'instant, en tout cas pour ma part, je reste terriblement sur ma faim."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 13 avril 2001)
- "Il faudrait trouver le mot exact. En tout cas, personne ne peut dire que c'est un plan. C'est un catalogue de mesures sans cohérence, sans ordre, dispersées, des fonds de tiroir. Lorsqu'un gouvernement se trouve en difficulté, il arrive - c'est déjà arrivé à d'autres - qu'on demande aux cabinets ministériels de vider tous les tiroirs avec toutes les mesures qu'on pourrait proposer pour faire semblant de faire quelque chose. C'est un peu de cela dont il s'agit ici. C'est décevant, c'est faible et cela montre qu'il n'y a pas de politique, qu'il n'y a plus de vision, qu'il n'y a plus de force dans la politique."
Il y a eu d'une part des circonstances, un environnement, une période récente qui étaient un peu difficiles, donc, il fallait répondre à ces attentes, à ces difficultés. D'autre part, il y a une année à préparer. Est-ce que cela ne répondait pas à certaines attentes de salariés, de la population, des gens de gauche aussi qui ont sans doute besoin d'être soudés ?
- "Voulez-vous me citer une mesure qui réponde à cela ?"
Les mesures sociales, par exemple, ne répondent-elles pas à une attente des salariés ?
- "Lesquelles ? "
Sur les revenus minima.
- "Je ne veux pas vous coincer."
Certes, je ne suis pas porte-parole du Premier ministre.
- "Que peut-on peut citer qui n'est pas trop mal dans ce catalogue ? Probablement l'allongement de trois à six mois de la période pendant laquelle on peut cumuler un emploi avec une allocation. Je veux bien accepter cette idée ; le reste franchement, ce n'est pas cohérent, ce n'est pas fort, ce n'est pas financé, il n'y a pas de date. Il suffisait de voir l'embarras des journaux télévisés hier soir pour rendre compte de ce plan. Vos confrères avaient vraiment beaucoup de mal à dire ce qu'il y avait à l'intérieur. Tout le monde voit bien que c'est un catalogue fait à la va-vite pour répondre à une situation politique qui n'est pas bonne et dont tout le monde voit bien de quoi elle est faite : une défaite aux municipales suivie d'un accueil frisquet dans la Somme pour M. Jospin suivi d'un séminaire gouvernemental dont il n'est rien sorti. Alors, on fait un deuxième séminaire en mettant à la va-vite une série de mesures sans aucune cohérence entre elles, en annonçant qu'on va instituer des institutions, réunir des commissions, enfin comme toujours, la politique faite de mots et pas de faits."
Dites-vous comme E. Balladur hier sur France 2 que la France rencontre un moment psychologique difficile, une sorte de crise morale ?
- "La France - j'ai souvent employé cette expression - est en crise. Ici, c'est d'une crise sociale dont il s'agit. Ce qu'on oublie trop en lisant le catalogue gouvernemental, c'est que des dizaines ou centaines de milliers de Français ont hier marché à pied parce que les transports en commun dans les villes étaient en panne ; qu'il y a des dizaines de milliers de Français qui attendent des trains depuis trois semaines, qui restent sur les quais parce qu'ils ne trouvent pas de trains ; qu'il y a tous ces mouvements, les sages-femmes ou autres dont on voit bien qu'ils traduisent le malaise profond, par exemple, dans les hôpitaux."
Les salariés des entreprises qui craignent pour leur emploi n'ont-ils pas raison quand même de manifester ? Est-ce que le gouvernement ne doit pas faire quelque chose pour empêcher ces licenciements, les plans brutaux comme ceux annoncés par le groupe Danone par exemple ? Est-ce que vous laisseriez faire une entreprise qui gagne beaucoup d'argent et qui prévoit un plan de fermeture d'usine ?
- "Je crois qu'il y a deux choses différentes. La première, c'est Marks Spencer. Là, il y a quelque chose de brutal et de totalement inacceptable. En ce qui concerne Danone, il me semble qu'il faut accepter l'idée qu'une entreprise a non seulement le droit mais aussi le devoir d'adapter son outil industriel pour vivre dans le domaine de la concurrence. Quand on a des entreprises qui sont très sous-employées, c'est normal qu'on adapte. Simplement, il y a un devoir social auquel Danone ne doit pas se soustraire. Mais pour ma part, je ne mets pas dans le même pot Danone et Marks Spencer et je trouve que bien des réflexions du Gouvernement ou de la gauche sur ce sujet sont désordonnées et imprudentes parce que si l'on veut ouvrir des usines, il faut aussi pouvoir en fermer certaines. Autrement, on ment, on raconte des histoires. Deuxièmement, si l'on veut qu'il y ait des investissements étrangers, européens ou mondiaux en France, alors il faut donner aussi le sentiment que la France n'est pas hostile à l'outil industriel. Je le dis en ayant, vous le savez, des préoccupations sociales fortes et en tout cas assumées."
Est-ce que vous considérez qu'avec ce qu'il met en place, L. Jospin se donne les moyens de tenir un an jusqu'à l'élection présidentielle ?
- "Votre question en elle-même suffit à répondre. Il y a un scepticisme très grand. Ce n'est pas avec cela qu'il va tenir un an. "
Vous pensez qu'il faudrait qu'il s'arrête avant
- "Je pense que c'est extrêmement difficile, c'est à lui de répondre. Je crois que ses interrogations sur une éventuelle candidature présidentielle sont des interrogations sincères, assez fondées parce que la situation dans laquelle il se trouve n'est pas une situation excellente. Hier, vous avez un ministre du Gouvernement qui dit il faut qu'il aille prendre des vacances."
Mme Voynet.
- "Vous avez un deuxième ministre du Gouvernement qui dit à son collègue, " c'est toi qui dois aller prendre des vacances ". Et vous avez un troisième ministre du Gouvernement, M. Glavany qui dit "en effet, le risque d'usure est important.""
Cela permet d'oublier un peu les dissensions de la droite ...
- "Ce n'est pas vraiment un climat encourageant et mobilisateur. Pour le reste, c'est à lui de choisir évidemment."
Attendez-vous une chose précise de lui mardi prochain sur France 2 ?
- "Non, pas précisément. Je voudrais pour la France qu'il y ait une vision forte qui s'affirme, que les Français sachent où l'on va avec la politique que le Gouvernement mène. Et pour l'instant, en tout cas pour ma part, je reste terriblement sur ma faim."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 13 avril 2001)