Déclaration de M. Gérard Larcher, président du Sénat, sur la présentation aux personnels du Sénat d'un programme d'auto-réforme de l'institution pour faire face à une montée de l'antiparlementarisme, Paris le 23 janvier 2009.

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Texte intégral

Messieurs les Questeurs,
Messieurs les Secrétaires Généraux,
Mesdames et Messieurs les Représentants des organisations,
Mesdames et Messieurs les membres du Personnel du Sénat,
Merci à vous d'être venus aujourd'hui pour cette rencontre que les Questeurs et moi-même vous avons proposée.
Je n'ignore pas que certains d'entre vous s'interrogeaient voire s'inquiétaient de ce qui est une première, une rencontre collective au début de l'année.
Et je n'ignore pas aussi que certaines rumeurs ont circulé au point d'angoisser certains.
Je vais vous rassurer en même temps que je souhaite vous impliquer dans notre action.
Je voudrais d'abord excuser René Garrec, souffrant, mais tous quatre, nous vous présentons nos voeux les plus sincères pour l'année 2009, à vous, à vos proches, et aux services du Sénat auxquels vous apportez un bien très précieux : votre engagement, votre travail.
Plus fondamentalement, nous tenons à dire merci à chacun et chacune d'entre vous pour ce que, tous, vous avez fait pour le Sénat, pour ce que vous faites pour le Sénat et pour ce que, demain, vous ferez pour le Sénat.
Vous le savez, notre pays traverse aujourd'hui une période difficile. Et, les périodes difficiles, vous le savez tout autant, favorisent l'antiparlementarisme.
De ce point de vue, il n'est donc pas surprenant que nous connaissions aujourd'hui l'un de ces moments d'antiparlementarisme dont l'histoire de notre pays est malheureusement coutumière. Mais, aujourd'hui, à la différence de ce qu'on a pu connaître dans les années 30 ou 50 où c'était la chambre des députés, c'est le Sénat qui est en « première ligne ».
Cette situation nécessite un travail d'explication envers les Français, mais aussi implique une exigence particulière dans notre fonctionnement.
Sur les propositions que MM. les Questeurs et moi-même avons faites, le Bureau du Sénat a déjà pris des décisions qui vont dans ce sens. Les Sénateurs se sont appliqués à eux-mêmes les principes d'auto-réforme qui les guident. Il nous incombe maintenant, avec vous, de conforter cette orientation. Il nous incombe maintenant, avec vous, d'oeuvrer afin que, dans trois ans, les Français ne se posent plus cette question qui, à nous, nous paraît incongrue : «Mais à quoi sert le Sénat ? ».
Ce travail d'explication, de transparence et d'exigence ne pourra être fait qu'avec vous. C'est donc à vous, tout naturellement, que nous faisons appel pour contribuer au succès des orientations que le Bureau a commencé à tracer, des orientations qui s'imposaient et qui seront mises en oeuvre.
La clarté et la transparence, cela veut dire, pour nous Sénateurs, faire connaître le bilan et les conditions de l'exercice des missions que la Constitution nous fixe.
La clarté et la transparence, c'est celles que nous devons à nos concitoyens en rendant accessibles et compréhensibles nos comptes.
La clarté et la transparence, cela veut dire, pour nous et pour vous qui êtes notre fonction publique, affirmer nos spécificités, en revendiquer les servitudes et les contraintes mais aussi assumer pleinement la singularité du statut, que je défendrai, que nous défendrons, qui en est la contrepartie.
La clarté et la transparence, cela veut dire la reconnaissance de la contribution des personnels de cette maison, qu'ils soient fonctionnaires ou contractuels, à l'accomplissement des missions du Sénat.
* Les Sénateurs ont voulu un « nouveau cap pour le Sénat ». Ce nouveau cap est inspiré par un certain nombre de convictions. Comme vous-même, les Questeurs et moi-même, nous aimons profondément cette Institution. Nous croyons qu'elle apporte des éléments essentiels à la vitalité de notre démocratie et à la solidité de la République. Nous croyons à la force de notre légitimité territoriale. Nous croyons que le Sénat porte en lui une culture d'avenir. Nous pensons que les personnels du Sénat constituent un de ses atouts maîtres.
Et nous avons des personnels de qualité, dont beaucoup sont des personnels d'élite, à commencer par les administrateurs au point qu'on nous les envie et qu'on voudrait parfois trop nous les prendre. J'ai pu comme Président de commission mesurer le talent et la disponibilité des personnels du Sénat.
Nous croyons aussi à la valeur travail et à la capacité de changer une situation donnée par la force de l'action collective.
Ensemble, nous croyons aussi que, pour être réellement créatrice, toute action collective doit s'appuyer sur un dialogue permettant à chacun de s'écouter, de se comprendre, de se respecter et -nous le souhaitons- de partager des objectifs communs.
Ces convictions sont celles qui animent, dans sa diversité, le Bureau du Sénat.
* Aujourd'hui, le Sénat est parfois regardé de manière critique souvent injuste. Alors, plus que jamais, il nous faut nourrir un projet fort pour l'Institution, un projet d'excellence pour son Administration. Les deux ne vont-ils pas de pair ?
Pour l'Institution, la mise en oeuvre de la révision constitutionnelle et la réforme de son règlement ouvrent des voies -et des exigences- nouvelles et de nouvelles méthodes de travail vont s'imposer. Ce sont de nouvelles perspectives qui s'ouvrent aux Sénateurs, mais aussi à l'Administration du Sénat, et donc à chacun d'entre vous.
Nous devons nous y adapter et non les subir.
Pour l'Administration du Sénat, il nous faut, à partir d'analyses menées tant en interne qu'en externe, réfléchir à l'adaptation de notre organisation pour répondre du mieux possible à nos missions : faire la loi, contrôler le Gouvernement, tracer l'avenir.
Ce qui existe est globalement de qualité. Nous vous proposons d'en faire une « administration de référence ». Une administration structurée autour des valeurs du service public. Une administration bâtie sur la confirmation de la valeur d'une fonction publique sénatoriale indépendante, à la compétence avérée, au dynamisme sans faille, une administration réactive, imaginative et attentive à ses coûts de fonctionnement. « Je travaille pour le Sénat » doit être un motif de grande fierté pour vous comme pour nous.
Je le dis à vos organisations professionnelles dont je sais qu'elles s'interrogent parfois : nous allons les rencontrer, travailler sur les thèmes que nous avons arrêtés en fin d'année et nous renforcer mutuellement ; nous n'engagerons les changements qui paraîtront utiles qu'après la phase d'échange et de dialogue.
Oui, si le temps est à l'action et à la détermination, il est aussi au dialogue, en essayant de faire de ce dialogue des moments de loyauté et d'intérêt général.
Ce dialogue, il doit être tout autant enrichi par la contribution de chacune et de chacun, présent ici ou retenu dans ses fonctions cet après-midi, à cette ambition partagée pour le Sénat.
Cette proposition, elle s'adresse donc aussi à chacun pour nous dire leurs suggestions, leurs attentes, leurs propositions en termes d'organisation du travail, de déroulement de carrière, de formation, d'action sociale.
À l'issue de ces analyses internes et externes, du dialogue institutionnel, des échanges directs, des orientations seront proposées, soumises, selon leurs objets, à la discussion collective.
Puis le Bureau, car c'est sa fonction, les arrêtera. Ainsi, nous aurons par l'auto-réforme construit et préparé l'avenir.
J'ai juste une dernière réflexion à vous soumettre. L'expérience des turbulences récentes, faite souvent de procès à charge et de caricatures prouve que, dans la tourmente, le Sénat ne peut vraiment compter que sur ses propres forces. Quand les temps ont été agités, les Sénateurs, d'où qu'ils soient et quelle que soit leur sensibilité, ont eu à coeur de défendre l'Institution du Sénat. Vous aussi. Mais regardez, qui a pris la défense du Sénat à l'extérieur ? A l'horizon, réfléchissez-y, nous avons vu peu venir.
C'est nous et nous seuls qui gagnerons la confiance nouvelle des Français dans le Sénat.
Pour poursuivre « la métaphore marine » qui a marqué ma candidature à la Présidence du Sénat, le navire Sénat est pour moi en quelque sorte en train de franchir le Cap Horn, avec des tourbillons venteux de forte puissance et des vagues plutôt hautes. Et nous aurons, pendant encore quelque temps, des courants forts et nous avons besoin de tout l'équipage à la manoeuvre pour finir de franchir ce cap périlleux. Soyons plutôt des Le Cam et des Riou dans le Vendée Globe, solidaires et courageux. Oui, c'est de vous, et de nous dont le Sénat a besoin.
Nous savons que vous êtes tous attachés au Sénat. Nous savons le travail que vous accomplissez. Nous connaissons son ampleur et nous connaissons sa qualité. Alors, ce que nous, les Sénateurs, nous nous demandons, nous vous demandons aujourd'hui, au travers de nous, c'est de contribuer à faire que le Sénat sorte grandi des épreuves qu'il a connues et qu'il connaît encore. On en a encore pour quelques mois.
Notre exigence constituera la meilleure arme pour nous aider à affirmer notre spécificité institutionnelle. Celle d'une Assemblée indépendante, en phase avec les citoyens de ce pays, innovante par son travail et ses propositions et en tous points exemplaire.
Alors, vous êtes inquiets, je le sais. Avant de venir ici vous l'étiez encore plus, certains sont même un peu sur la défensive, avant cette rencontre. Moi je vous propose d'avoir confiance, d'agir pour le Sénat, est-ce que vous croyez que nous nous serions engagés, que je me serais engagé pour le Sénat de cette manière si j'avais envie que le Sénat continue à faire le devant des jaquettes de livres à scandales.
J'ai envie d'un Sénat qui agisse pour la République, qui soit au service de la République, au service de la démocratie, et c'est à ça que nous travaillons, représentants des territoires.
Alors il y a des attentes sociales, c'est normal,
Il y a des hiérarchies, c'est normal.
Il y a des décisions, qui appartiennent aux organes de gouvernance du Sénat.
Jamais nous ne devons laisser abaisser le Sénat dont la fonction est essentielle. On le voit dans les jours qui viennent de se dérouler. Où se situe, parfois, le balancier stabilisateur des institutions, où se situe finalement le rocher qui permet dans la tempête politique de se rassurer de se retrouver, si ce n'est ici ?
Alors « l'esprit Sénat », ça ne peut pas être un esprit corporatiste car, quand on porte la France, on ne peut la porter par corporation intermédiaire.
Le Sénat de demain, son avenir dans l'intérêt de la démocratie ne sera assuré que si nous savons affronter, oser et réussir ensemble.
Je ne vous annonçais donc pas de cataclysme mais la volonté au contraire de maîtriser notre destin et de le maîtriser ensemble.
Très bonne année.Source http://www.senat.fr, le 2 février 2009