Texte intégral
O. Galzi Après leur démonstration de force du 29 janvier, les syndicats, unis, ont décidé hier soir d'appeler à une nouvelle grève générale, ce sera le 19 mars. Bonjour J.-C. Mailly.
Bonjour.
Le 19 mars, c'est un mois après la rencontre prévue au sommet, à l'Elysée, avec les syndicats. Pourquoi si tard ?
A la fois parce que nous voulons marquer notre détermination, et une grande détermination des organisations syndicales. FO avait fait cette proposition dès la semaine dernière, en disant : on pouvait décider d'une date après le 18, à la fois pour faire pression sur la réunion qui aura lieu le 18 février et aussi laisser un peu de temps pour voir quelles pistes vont réellement être ouvertes après le 18, ce que l'on va apprendre le 18 et les jours suivants. Et à partir de là, si on a satisfaction, eh bien tant mieux, bien entendu ; si on n'a pas satisfaction, il va y avoir une mobilisation très forte le 19 mars.
Alors, avoir satisfaction, ça voudrait dire quoi, concrètement ? Quels sont les points précis pour que vous soyez satisfaits et qu'il n'y ait pas cette grève ?
Eh bien, écoutez, il y a d'abord les points, que j'appellerais, qui relèvent du curatif, qui est indispensable, ceux qui sont soulevés d'ailleurs par le président de la République : je pense au chômage partiel, je pense à la situation des jeunes en précarité, ou des moins jeunes, et la situation des jeunes de moins de 25 ans. Ça, il faut compléter la convention d'assurance chômage sur tous ces points. Donc ça c'est des points que l'on accepte de discuter.
Mais c'est ce qu'il a proposé...
Oui, non mais ça, on accepte d'en discuter. Mais ce n'est pas réglé.
J'imagine bien, mais par exemple, vous vous êtes fixé un seuil, vous avez signé en décembre une nouvelle convention pour le chômage partiel ?
Le chômage partiel, il faut améliorer encore le niveau. Pourquoi ?
On est à 50 %, là, aujourd'hui, net.
On est à 60 % brut et ça fait 70 % en net, eh bien il faut monter le plus haut possible. Si on pouvait atteindre 85/90 % en net, ça serait quelque chose de bien, puisque quand les salariés sont plusieurs mois en chômage partiel, ça dégringole tous les mois et vous arrivez vite dans une situation d'endettement, voire de surendettement. Donc il faut régler ce problème-là, on peut aussi faire pression sur les banques, mais ça, tout ça, c'est du curatif indispensable. Il y a aussi, j'appellerai, de l'offensif, et ça c'est sur la politique économique, et là notamment nous plaidons pour des augmentations de salaires, que le pouvoir d'achat soit sur la table, également. Nous, nous le mettrons sur la table, le pouvoir d'achat.
Vous avez des chiffres, là encore ? Une augmentation fixée, générale, ça serait sur le Smic, ça serait quoi ?
On n'a pas fixé... Par exemple sur le Smic, on demande un coup de pouce au Smic. Ce que l'on réclame, c'est un coup de pouce au Smic. On voulait une vraie prime transport, elle n'a pas été obtenue. On veut conditionner les exonérations actuelles de cotisations patronales, 31 milliards d'euros par an, à peu près, à l'existence d'accords de salaires dans les entreprises, et qu'on ne nous dise pas que : « Ah non, non, non, il ne faut surtout pas augmenter les salaires, parce que ça va augmenter les importations ». Une étude vient de sortir, du Sénat, et qui montre très bien que pour les populations les moins aisées, quand elles dépensent 100 euros, il y a que 12,7 euros qui est à l'origine de produits importés. Alors, c'est un mauvais argument, que l'on arrête d'utiliser cet argument. Donc, il y a des possibilités, ça va booster la consommation et l'activité économique.
Le chef de l'Etat a bien dit : donner un énième coup de pouce au Smic, ça ne sert à rien. Vous, vous dites le contraire, ça veut dire que ça sera un point de rupture, ça, dans la négociation ?
Le pouvoir d'achat, sur le Smic ou sur d'autres facteurs, c'est un point demandé par Force ouvrière, mais c'est un point demandé par l'ensemble des organisations syndicales. Le chef de l'Etat a évolué, il a pris en compte l'inquiétude des salariés, eh bien il peut aussi prendre en compte leurs demandes. On verra bien, le 18 février. Moi, je peux dire que pour Force ouvrière, ce sera sur la table de la discussion le 18 février.
Alors, il a, cela dit, fait une proposition, finalement, d'utiliser le pactole des prêts aux banques, 1,4 milliard, pour financer des mesures sociales. Ça pourrait servir à ça, mais ça sera après 2009.
Oui, c'est 2010, ça. L'Etat aura récolté des banques 1,4 milliard d'euros à la fin de l'année. On ne va quand même pas attendre 2010 pour faire du social. La crise c'est en ce moment qu'elle est. On est au mois de février, je rappelle, donc il y a des décisions qui sont à prendre rapidement. Le Smic, ce n'est pas uniquement sur le budget de l'Etat, c'est peu sur le budget de l'Etat, mis à part pour les compensations sociales. C'est, quand on prend le conditionnement des exonérations, cotisations patronales, ce n'est pas sur le budget de l'Etat, ça, au contraire, ça peut même l'améliorer peut-être, le budget de l'Etat. Il y a des marges de manoeuvre. Ecoutez, le bouclier fiscal, qui est à destination des plus riches, tout le monde l'a expliqué, on pourrait très bien dire : attendez, stop, on l'arrête pendant toute la période de la crise et ça remet quelques milliards d'euros dans le circuit. Donc, il y a des possibilités d'action. Il faut bien comprendre qu'il y a un plan de relance sur l'investissement, qui aura des effets dans quelques mois. Or, la crise c'est maintenant, et elle peut encore s'aggraver et il faut compléter cela par des mesures sur la consommation.
Autre proposition du chef de l'Etat faite jeudi dernier, la suppression de la taxe professionnelle en 2010. Vous y êtes favorable ?
Je ne suis pas sûr que ce soit la taxe professionnelle, parce que 8 milliards d'euros, c'est de la technique, mais c'est le plafonnement de la taxe professionnelle. Ceci étant, on n'a jamais dit que c'était un bon impôt. Le problème c'est : il faut que les collectivités locales ne perdent pas de recettes, parce que c'est elles qui investissent, notamment sur le plan public, 73 % des investissements ce sont les collectivités locales, et par quoi on le remplace ? Si c'est pour le remplacer par un impôt payé par les ménages, ça va encore fragiliser la consommation. Donc, il y a une vraie réflexion à avoir et pour le moment on ne sait pas par quoi ce sera remplacé.
Le pacte automobile, près de 9 milliards, si on compte tout, près de 9 milliards d'euros ont été proposés pour les constructeurs automobiles et puis accessoirement aussi pour la filière, moyennant quoi il n'y aura pas de licenciement en 2009 et il n'y aura pas de fermeture de site dans les 5 ans. Ça vous convient, ce type d'engagement-là ?
Ça fait partie d'engagements écrits, pris... quand il y a une aide de l'Etat, les entreprises doivent avoir des contreparties et s'engager. Ceci étant...
C'est ce que vous avez demandé.
Oui, oui, non, tout à fait. Ça, sur le principe, on est d'accord, il faut que ça généralise ce genre de choses. Maintenant, pas de licenciement en 2009, c'est bien, mais enfin je rappelle quand même qu'il y a des plans de départ volontaire dans les deux grands constructeurs, donc c'est 2009, 2010 il n'y a pas d'engagement pour le moment. Et puis j'aimerais bien aussi qu'il y ait des engagements prévis chez les équipementiers. Je vais citer une entreprise, qui est Faurecia, 70 % ça appartient à Peugeot, eh bien là aussi il faut qu'il y ait des engagements, y compris du constructeur par rapport à sa filiale.
Vous aviez aussi proposé, pour faire face à la crise, de rétablir l'autorisation administrative de licenciement. Ça sera sur la table, ça aussi ?
Qu'il y ait un contrôle accru des pouvoirs publics sur les licenciements, oui. Pourquoi ? Parce que nous constatons, ça nous remontre de manière régulière, qu'il y a des entreprises qui profitent de la crise. Il n'y aurait pas la crise, elles n'auraient pas fait de plans sociaux. Et là, elles essaient de passer dans le tas, elles profitent pour se restructurer. Ça, ça n'est pas normal. Je prends l'exemple d'une entreprise qui fait des dividendes, qui fait des plans sociaux et qui a une aide de l'Etat. Donc, il faut un contrôle public accru sur les licenciements.
Donc, rétablissement de cette autorisation administrative ?
Ah, mais j'avais dit au président de la République, il y a deux mois, à titre provisoire, on pourrait envisager une procédure de ce type-là, oui, tout à fait.
Et ça sera sur la table, et non négociable pour la négociation de...
Le président de la République met des dossiers, on en met aussi et on fera le tri à la fin, mais il y a des... Oui, le contrôle public des licenciements, j'en parlerai, bien entendu.
Un tout dernier mot sur les régimes de retraite complémentaire qui sont aussi victimes de la crise. Il y avait des fonds qui avaient été placés et puis ils ont perdu en Bourse, comme tout le monde. Vous aviez...
Potentiellement.
Potentiellement. Et donc, ça voudrait dire que les déficits prévus en 2015 pourraient être atteints en 2010 ? Ça veut dire quoi ? Qu'il va falloir cotiser plus longtemps, qu'il va falloir augmenter la cotisation ?
Non. Eh bien écoutez, nous, les syndicats, et notamment FO, propose comme piste, une augmentation de la cotisation. Pour le moment, le patronat...
De combien ?
Eh bien un point de cotisations, à discuter de la répartition entre salariés et employeurs. Cela permettrait de passer assez facilement le cap. Il y a d'autres problèmes techniques sur lesquels je ne veux pas rentrer, mais il n'est pas question par exemple de dire : on va passer de 60 à 61 ans pour la retraite. Ça serait de la provocation.
Merci monsieur Mailly.
Merci à vous.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 10 février 2009