Point de presse de MM. François Fillon, Premier ministre et Herman Van Rompuy, Premier ministre de Belgique, sur les relations franco-belges, la gestion européenne de la crise économique, le rapprochement de Fortis et de BNPParibas et sur le soutien de l'Etat français à l'industria automobile, Paris le 12 février 2009.

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Circonstance : Point de presse conjoint avec M. Herman Van Rompuy, Premier ministre de Belgique à Paris le 12 février 2009

Texte intégral

Le Premier ministre français, François Fillon : Merci, Monsieur le Premier ministre.
C'était très important pour moi de prendre contact le plus vite possible avec le nouveau Premier ministre belge, tant les relations entre nos deux pays sont, à la fois, amicales, anciennes, profondes ; tant nos économies sont imbriquées. Et tant - et je viens de le constater une nouvelle fois avec l'entretien que nous avons eu - nos approches, des solutions en particulier à apporter à la crise que nous traversons, sont des approches communes.
Nous avons évoqué ce matin prioritairement, les réponses à la crise économique que traverse l'économie mondiale, et plus particulièrement nos économies européennes. Nous sommes tombés d'accord sur l'idée que la crise est une crise profonde, une crise qui va être forcément longue. Nous attendions, nous espérions que le moteur asiatique résisterait mieux qu'il ne résiste en réalité. Nous attendons avec impatience la mise en oeuvre du plan de relance américain qui a été décidée par le Congrès seulement hier, et dont les effets ne vont pas pouvoir se produire avant plusieurs mois. Nous avons donc maintenant la certitude que l'ensemble de l'année 2009 sera caractérisé par un ralentissement de l'économie, par une crise profonde, qui doit demander beaucoup de sang-froid de la part de l'ensemble des gouvernements, et beaucoup de coordination de la part des gouvernements européens.
Et nous avons en particulier évoqué ensemble la nécessité d'une coordination européenne des plans de relance. Naturellement, c'est à chaque Etat de prendre les mesures nécessaires à la relance de son économie. Mais ces mesures de relance doivent être coordonnées pour éviter les dangers du protectionnisme, pour éviter des effets pervers liés à des politiques qui ne seraient pas suffisamment cohérentes d'un Etat à l'autre. Et puis naturellement, nous partageons ensemble la conviction que ces plan de relance ne doivent pas nous faire perdre de vue la nécessité de réduire, à terme, les déficits publics et de respecter l'esprit du pacte de stabilité. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, en France comme en Belgique, les choix qui ont été faits en matière de relance, sont des choix d'investissements, sont des choix de dépenses qui ne sont pas des dépenses reconductibles, mais qui sont des dépenses destinées simplement, en 2009, voire en 2010, à relancer l'économie avant que nous ne reprenions les efforts de réduction de dépenses publiques que nous avons engagés les uns et les autres.
Et donc, dans cet esprit la prochaine réunion du Conseil européen, qui vient d'être décidée est évidemment bienvenue. Elle est bienvenue pour permettre d'échanger sur les plans de relance. Elle est bienvenue pour préparer le sommet du G20 pour lequel il faut que l'Union européenne ait des positions communes, des positions fortes. Nous pensons aussi que cette crise ne peut pas se passer sans que des réformes profondes du système financier international de la gouvernance mondiale ne soient décidées. Personne ne le comprendrait. Certainement pas les citoyens qui sont aujourd'hui confrontés à des difficultés économiques graves. Je pense à tous ceux qui perdent leur emploi du fait de cette crise économique, et qui n'admettraient pas - et ils auraient raison d'ailleurs de ne pas l'admettre - qu'on continue comme avant, sans rien changer à la régulation financière, à l'organisation des institutions financières internationales.
Et puis enfin, nous avons évoqué un certain nombre de sujets bilatéraux dont la situation de Fortis, dont je dis tout de suite que c'est un dossier qui ne regarde pas directement l'Etat français qui n'a pas de responsabilité dans cette affaire et qui n'est pas actionnaire de BNP-Paribas, au cas où tout le monde n'aurait pas compris cela.
Je voudrais remercier une nouvelle fois le Premier ministre belge de son accueil, nous réjouir des bonnes relations qui existent entre la France et la Belgique et qu'ensemble nous allons continuer à approfondir.
Premier ministre belge, H. Van Rompuy : Je propose qu'on ait quatre questions. Je ne dis pas deux belges et deux françaises, ou deux pour Monsieur Fillon et deux pour moi. On ne sera pas si rigoureux que ça...
Question : Est-ce que vous pensez, l'un comme l'autre, que le sauvetage de la banque Fortis peut se passer de la garantie de la BNP ?
Premier ministre belge, H. Van Rompuy : Jusqu'à présent, la banque Fortis est une banque qui est pratiquement à 100 % propriété de l'Etat belge. La situation de la banque Fortis, on y veillera, jusqu'à présent, et même le dernier jour, la situation est saine et donc on croit que cette banque est tout à fait viable avec le propriétaire qu'est l'Etat belge. Bien sûr, nous aurions préféré une autre solution mais l'actionnaire a parlé.
F. Fillon : Je voudrais d'abord rappeler que BNP-Paribas est une banque privée et donc je ne m'exprime qu'en commentant un projet de consolidation bancaire européenne qui nous avait semblé un projet positif et que nous avions accueilli avec satisfaction. Je ne peux que prendre acte de la décision des actionnaires et souhaiter naturellement que l'Etat belge prenne toutes les décisions qui seront nécessaires pour assurer la viabilité de la banque Fortis et la stabilité, derrière la question de Fortis, de l'ensemble du système financier européen.
Question inaudible.
Premier ministre belge, H. Van Rompuy : Donc, la décision d'utiliser ou non les 125 millions d'actions de l'Etat belge, avec droit de vote, était une décision qui a été prise par le conseil d'administration de Fortis Banque, m'a-t-on dit. Et Fortis Banque a proposé à l'assemblée générale de soumettre la question, si on pourrait utiliser ce moyen ou pas. Finalement, on ne l'a pas fait. Ce sont mes deux éléments de réponse ; c'est une décision d'une autre instance que le Gouvernement, c'est l'instance Fortis Banque/Conseil d'administration. En troisième lieu, il y a d'autres éléments qui ont joué : si l'investisseur chinois avait pris une autre attitude, la décision serait toute autre.
Question : Monsieur le Premier ministre Van Rompuy, j'aimerais savoir si vous faites partie de ceux qui dénoncent la tentation protectionniste de la France, avec son plan de soutien à l'automobile ?
Premier ministre belge, H. Van Rompuy : J'appartiens à ceux qui sont soucieux de l'application des règles de la saine concurrence, la concurrence loyale dans le marché intérieur européen. Et c'est aux instances européennes d'en décider.
F. Fillon : Si vous me permettez de répondre à cette question. Il faut faire attention aux mots qu'on utilise. Le mot de "protectionniste" est un mot qui n'a rien à voir avec la situation qui caractérise aujourd'hui ni l'industrie automobile française, ni les décisions qui viennent d'être prises. Je veux d'abord faire remarquer qu'il n'y a pas d'autre industrie automobile en Europe qui soit aussi déployée sur le territoire européen. Les constructeurs français fabriquent des voitures en Tchéquie, en Slovénie, en Slovaquie, en Espagne, au Portugal, en Grande-Bretagne. C'est assez difficile dans ces conditions de considérer que la France est un pays protectionniste.
Deuxièmement, les mesures que nous venons de prendre sont des mesures qui s'inscrivent parfaitement dans le cadre des dispositions des Traités. Nous avons en effet décidé de prêter à Renault et à PSA dans le cadre du régime général des prêts bonifiés qui a été notifié à la Commission et que la Commission a validé. Nous prêtons donc à nos constructeurs des sommes qu'ils n'arrivent pas à trouver auprès des établissements bancaires, compte tenu de la situation financière, à des taux qui sont des taux relativement élevés, en tout cas des taux qui sont des taux du marché, entre 6 et 7 %. Et les conditions que nous avons mises, sont des conditions qui sont parfaitement compatibles avec les règles de la concurrence, puisque nous avons souhaité, en échange de cet effort financier, pour empêcher ces établissements d'être confrontés à des difficultés graves, qui pourraient d'ailleurs avoir des conséquences sur l'emploi dans les autres pays européens, de ne pas fermer de site industriel, de site d'assemblement dans notre pays. C'est exactement ce qui se passe pour l'ensemble des aides d'Etat, qui sont déjà acceptées par l'Union européenne, et c'est exactement ce qui se passe dans les autres pays.
Je pense que quand les collectivités locales, en particulier en Allemagne, aident les constructeurs automobiles, elles y mettent quelques conditions de maintien de l'emploi sur le territoire national.
Question inaudible.
F. Fillon : Mes collaborateurs ont eu des contacts avec BNP-Paribas, pour que nous soyons informés de la situation. Mais encore une fois, l'Etat français n'est pas partie prenante dans ce dossier. L'Etat français n'a pas d'autorité sur BNP-Paribas, n'a pas d'intérêt dans BNP-Paribas. C'est une affaire... BNP-Paribas est une société privée. Nous regardons évidemment avec intérêt ce qui se passe. Nous en avons parlé ensemble avec monsieur le Premier ministre. Mais l'Etat français n'intervient pas dans ce dossier.
Merci beaucoup.
Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 16 février 2009