Interview de M. Yves Jégo, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, dans "Le Monde" du 13 février 2009, sur la nomination de deux médiateurs pour négocier la fin du conflit en Guadeloupe et sur le projet de loi de développement de l'outre-mer.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission la politique de la France dans le monde - Le Monde

Texte intégral

Le Monde : Les négociations sociales sont rompues en Guadeloupe. Vous remplacer par des médiateurs, était-ce une si bonne idée ?
Yves Jégo : Elles ne sont pas rompues. On est dans un jeu où chacun manie le rapport de forces, c'est classique. Les médiateurs font un travail formidable. Il faut maintenant que le patronat mette ses propositions sur la table. Ce n'est pas moi qui aurait pu jouer ce rôle. J'ai permis que les gens s'asseyent autour d'une table. Les négociations par branches, ce n'est pas le travail du ministre.
Le Monde : Avez-vous fait en Guadeloupe des promesses que vous n'avez pas pu tenir, notamment sur les salaires ?
Yves Jégo : Je n'ai jamais fait de promesses sur les salaires et je défie quiconque de trouver un écrit ou un enregistrement qui prouverait le contraire. Une loi de développement de l'outre-mer va arriver au Parlement, destinée à conforter l'économie. Voilà qui relève de l'Etat. Mes seules interventions ont porté sur l'évolution de ce texte. Je constate qu'il n'y a que le Parti socialiste pour dire que les augmentations de salaire aux Antilles devraient être assurées par l'Etat.
Le Monde : Le mouvement social a gagné en Martinique et bientôt à la Réunion. N'y a-t-il pas un problème de méthode ?
Yves Jégo : Le monde traverse une crise économique grave et les territoires éloignés de la métropole vivent cette crise de façon encore plus aigue. Je n'en suis pas surpris. Nous avons d'emblée prévu que les mesures du gouvernement pour les Antilles s'appliqueraient dans tous les territoires. C'est un plan global pour l'outre-mer que nous sommes en train de construire.
Ce ne sont pas des techniciens, voyant les choses depuis Paris, qui peuvent le bâtir. J'ai fait remonter vers la métropole les demandes venant du terrain. C'est là qu'il faut aller pour apporter des réponses appropriées. L'augmentation du Revenu de solidarité active, par exemple, c'est une réponse pragmatique que je n'aurais peut-être pas proposée si je n'étais pas allé sur place une semaine. Il faut partir du local pour construire un plan global, et pas le contraire. C'est cela la méthode.
Le Monde : Plusieurs députés demandent le report de l'examen de la loi sur le développement de l'outre-mer promis pour le 10 mars. Que leur répondez-vous ?
Yves Jégo : Ils se trompent. L'économie va mal. Si l'on reporte aux calendes grecques cet outil efficace que sont les zones franches globales portées par cette future loi, on aura fait exactement le contraire de ce qui est bon pour l'économie et de ce qu'attendent les entreprises.
Le Monde : Faudrait-il donner une plus grande autonomie à l'outre-mer ?
Yves Jégo : On voit bien, au travers des difficultés de sociétés déchirées qu'il ne s'agit pas seulement d'une crise sociale, mais plutôt sociétale. Il serait utile que les élus locaux réfléchissent à ce sujet pour qu'à l'avenir, il n'y ait pas besoin de la venue d'un ministre, pour que les syndicats, les salariés et le patronat puissent se parler et négocier.
Le Monde : Le patronat a-t-il quelque chose de concret à proposer au mouvement social ?
Yves Jégo : Quand on est en crise, après vingt-deux jours de blocage, je ne veux pas croire que tous les partenaires n'ont pas quelque chose à proposer. Le gouvernement l'a fait, les collectivités locales aussi. Il faut que les organisations patronales proposent quelque chose au regard des problèmes qui les concernent, c'est-à-dire les salaires. Je ne veux pas croire que l'un des partenaires serait défaillant.
Le Monde : Que vous inspirent les profits de Total, avec une trésorerie de plus de 12 milliards d'euros en décembre 2008 ?
Yves Jégo : Quand on désespère de voir certaines entreprises françaises en difficulté, on devrait se réjouir d'en voir une prospérer.
Le Monde : Vous n'êtes plus si ferme vis-à-vis des profits des compagnies pétrolières ?
Yves Jégo : Je souhaite que toute la transparence soit faite sur les mécanismes de constitution des prix du carburant Outre-mer et le gouvernement a désigné en décembre, à ma demande, une mission d'enquête à cet effet. Tout le système doit être mis à plat et expliqué. Nous devons répondre à la demande de l'opinion qui veut savoir comment se forment les prix et éventuellement s'il y a des dérives, les sanctionner.
Le Monde : La radio RCI, très écoutée aux Antilles, a subi des pressions de la part de grandes entreprises, qui sont leurs annonceurs, pour se séparer de son rédacteur-en-chef, Thierry Fundéré, dont la couverture des événements déplaisait ; qu'en pensez-vous ?
Yves Jégo : J'ai beaucoup de respect pour ce journaliste. Je suis interloqué. Au moment où nous traversons des moments difficiles, chacun devrait essayer de régler cette crise plutôt que de régler ses comptes.
Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 16 février 2009