Conférence de presse de M. Bruno Le Maire, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, notamment sur le plan français de soutien à l'industrie automobile et la position de la Commission européenne, à Bruxelles le 19 février 2009.

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Circonstance : Déplacement à Bruxelles, le 19 février 2009

Texte intégral

Bonjour à tous, je suis très heureux de vous retrouver pour faire un petit point sur la journée à Bruxelles et puis également sur les différents déplacements que j'ai pu faire, il y a quelques jours. Alors, aujourd'hui j'ai rencontré M.Olli Rehn, M. Günter Verheugen ensuite, et puis nous avons eu une longue séance de travail avec le cabinet du président de la Commission.
S'agissant de mon entretien avec M. Olli Rehn, nous avons pour l'essentiel fait un point sur l'adhésion de la Croatie à l'Union européenne. Je lui ai rappelé le soutien de la France à l'effort de médiation qui était fait par la Commission entre la Slovénie et la Croatie. J'ai appelé à ce que les deux parties trouvent rapidement un accord entre elles et le moyen d'une médiation pour remédier au problème territorial qui bloque pour le moment l'adhésion et la poursuite des travaux d'adhésion de la Croatie. Et j'ai rappelé, comme le Premier ministre François Fillon l'a fait ce matin avec M. Sanader, le plein soutien de la France à l'adhésion de la Croatie à l'Union européenne.
S'agissant de l'entretien avec M. Verheugen, j'ai tenu à rappeler que le plan français de soutien à l'automobile s'inscrivait strictement dans le cadre des règles communautaires et que nous avons veillé avec l'ensemble des membres du gouvernement concernés à ce que ce plan respecte les règles communautaires. Nous avons, comme vous le savez, fait une tournée avec le ministre de la Relance, Patrick Devedjian, il y a quelques jours. Nous sommes allés d'abord à Londres, puis à Berlin, puis à Prague, puis à Rome, pour expliquer quel était le sens de ce plan de soutien, et je dois dire que nous avons reçu un accueil très positif et très compréhensif de tous les partenaires européens que nous avons rencontrés, y compris la Présidence actuelle de l'Union. Comme vous le savez, la France vient de fournir à la Commission tous les éléments techniques qui lui permettront d'apprécier pleinement la conformité du plan de soutien français à l'industrie automobile aux règles communautaires et je souhaite vivement que ces arguments puissent convaincre la Commission.
Nous avons également passé beaucoup de temps avec Günter Verheugen à ouvrir la réflexion commune sur l'avenir de l'industrie européenne qui est pour moi, personnellement, mais pour l'ensemble du gouvernement aussi, sujet de préoccupation. Comme vous le savez, toute l'industrie européenne ou presque, est frappée très durement par la crise, en règle générale on ne parle que de l'industrie automobile qui est effectivement touchée de plein fouet. Je le dis en tant qu'élu de la Normandie qui comporte beaucoup d'entreprises et de sous-traitants automobiles. Mais au-delà de l'industrie automobile, ce sont également l'industrie de l'acier, l'industrie des transports, de la construction navale, de la chimie, qui sont touchées et qui appelle donc une réponse européenne forte et coordonnée. Cette réponse, nous avons commencé à y réfléchir avec Günter Verheugen. Je crois qu'il faudra approfondir cette réflexion. Elle peut prendre la forme de soutien à l'innovation, de prêts, d'une coordination plus étroite entre les Etats membres, également d'une vision stratégique commune en matière de relations commerciales avec les Etats non-membres de l'Union européenne. Je crois qu'il est impératif de poursuivre cette réflexion pour que nous apportions la réponse la plus forte et la plus offensive possible pour défendre l'industrie européenne. Il est essentiel que l'industrie européenne ressorte plus forte de la crise et qu'elle puisse à la faveur de la crise gagner en termes de compétitivité, gagner en termes d'innovation et rester créatrice d'emplois.
Avec le cabinet de M. Barroso, j'ai évidemment repris les éléments concernant le plan français de soutien à l'industrie automobile, rappelé les éléments que j'avais déjà indiqués à M. Verheugen, et puis nous avons fait le point sur le calendrier européen qui va être, comme vous le savez, un calendrier très chargé dans les semaines à venir, et je crois que c'est une très bonne chose, parce que face à la crise, il est essentiel que le travail des Etats membres, le travail de la Commission, le travail de la Présidence, soit le plus intense possible. La meilleure réponse que l'Europe peut apporter à la crise c'est un travail en commun qui soit le plus approfondi possible. Ce calendrier, je crois que vous l'avez tous bien présent à l'esprit, c'est d'abord la réunion des membres européens du G20 à Berlin, qui aura lieu dimanche, qui permettra déjà de commencer à préparer la réunion de Londres. Nous aurons ensuite la remise du rapport de Larosière qui, comme vous le savez, est très attendu, le 25 février prochain qui permettra de donner des indications sur une meilleure régulation financière. Ensuite, nous aurons la réunion informelle du Conseil européen à Bruxelles, le 1er mars, puis le Conseil européen à Bruxelles, à nouveau le 19 mars. Enfin, nous aurons la réunion du G20 de Londres, le 2 avril, et puis le Conseil sur l'emploi qui a été proposé par la Présidence tchèque, qui me paraît une excellente initiative, qui aura lieu le 7 mai.
Sur l'aspect financier, j'ai tenu à rappeler à la Commission que la France souhaitait que la réunion du G20 de Londres soit l'occasion de formuler une réponse forte et concrète à la crise financière. Je crois que rien ne serait pire que d'apporter à cette crise financière une réponse qui se contente de principes très généraux et qui ne débouche pas sur des conclusions concrètes à la fois sur la régulation, sur les paradis fiscaux et sur la supervision bancaire. S'agissant de la réponse à la crise économique qui sera l'objet des Conseils européens du 1er mars et du 19 mars, j'ai rappelé la proposition que la France avait faite à la Présidence tchèque il y a quelques jours, que cette réunion du 1er mars soit consacrée à la fois à la coordination des plans de relance, à l'ouverture de la réflexion sur l'emploi, la défense de l'emploi dans le cadre européen et, en dernier lieu, la défense de l'industrie dans le cadre européen. Je crois que la Commission, comme la Présidence, sont d'accord pour aborder l'ensemble de ces thèmes le 1er mars. Voilà les éléments très généraux que je voulais vous donner sur nos entretiens.
Je terminerai juste par une réflexion plus personnelle. On voit bien que depuis quelques jours on a pu entendre ici ou là, des remarques critiques des Etats, les uns envers les autres, ou de la Commission sur les Etats, des Etats sur la Commission. Je crois que ce qui est véritablement essentiel est que face à une crise sans précédent dont personne ne sait quand et comment elle se terminera, nous nous remettions le plus sereinement possible et avec le plus de volonté possible au travail pour trouver des solutions concrètes à proposer à nos concitoyens. En tout cas c'est comme ça que je conçois mon travail. Je suis prêt maintenant à répondre à toutes vos questions.
Q - N'est-il pas un peu gonflé de la part de la France de dire que la Commission est elle-même un peu gonflée sur les déficits ?
R - C'est précisément le genre de remarque dont je souhaiterais sortir. Je pense que la Commission, s'agissant du Pacte de stabilité, a rappelé quel était le cadre du Pacte de stabilité, a rappelé que le respect du cadre du Pacte de stabilité était important, elle est dans son rôle lorsqu'elle fait cela. En même temps, cela n'a échappé à personne, nous sommes dans des circonstances économiques et financières exceptionnelles et face à cette situation exceptionnelle, Christine Lagarde et Eric Woerth l'ont rappelé ce matin, l'urgence et la responsabilité du président de la République, comme du gouvernement français, c'est de prendre des mesures concrètes pour apporter des solutions à ces difficultés, des solutions aux citoyens français, personne ne peut reprocher au gouvernement français de prendre les mesures qui s'imposent pour faire face à la crise. Ces mesures se traduisent par de la dépense publique et elles conduisent mécaniquement à une dégradation temporaire des comptes publics. Il n'empêche que l'objectif de long terme, passée cette réponse immédiate à la crise, c'est bien le rétablissement des comptes publics, la limitation de l'endettement public, et la maîtrise de la dépense publique ; cela reste l'objectif français de long terme.
Q - Dans le cadre de la stabilisation budgétaire, la Commission entretient des objectifs à long terme. En 2010, la France doit se conformer aux mesures de consolidation budgétaire. Alors, n'est-il pas un peu trop prématuré de soumettre la France, en 2010, à la nécessité de consolidation budgétaire ?
R - J'estime que personne n'est aujourd'hui en mesure de savoir quel est exactement le calendrier de la crise. Ce qui est essentiel dans l'immédiat, c'est d'apporter des réponses, qui passent par de la dépense budgétaire, à la crise économique actuelle parce que nos concitoyens ne comprendraient pas que nous n'apportions pas ces réponses concrètes. Lorsque le redressement économique s'amorcera, lorsque nous verrons le bout du tunnel, il faudra revenir à la discipline budgétaire qui est la règle commune entre les Etats de l'Union.
Q - La Commission ne condamne pas la France pour ses plans de relance, mais n'est-ce pas une manière de dire que si le travail avait été fait avant la crise économique, on n'en serait pas là aujourd'hui, et que ce n'est pas très honnête ?
R - Je ne crois pas que ce soit une question d'honnêteté ou de malhonnêteté. La question c'est que jour après jour, vous assistez à une dégradation de la situation économique qui préoccupe profondément les citoyens français, comme le gouvernement et le président de la République qui ont la responsabilité de conduire la politique de la nation. Face à cela, l'urgence absolue pour nous, une fois encore, comme l'ont rappelé le président de la République hier, Christine Lagarde et Eric Woerth aujourd'hui, c'est de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que la crise soit la moins douloureuse possible pour les Français, et pour faire en sorte également, je le rappelle, que nous ne perdions pas des compétences industrielles qui sont précieuses et qui ne se retrouveront pas si nous laissons fermer un certain nombre de sites industriels et un certain nombre de laboratoires. Ensuite, lorsque ces décisions auront produit leurs effets, que les plans de relance collectifs auront produit leurs effets et qu'il sera possible de revenir au redressement des finances publiques, nous le ferons. Je crois que c'est cela ce cadre général et n'allons pas essayer de chercher des coups dans la tête de qui que ce soit parce que je ne crois vraiment pas que ce soit l'urgence et, l'essentiel aujourd'hui.
Q - Au sujet du plan automobile, quels sont les engagements concrets auxquelles les entreprises bénéficiaires de l'aide d'Etat doivent souscrire ?
R - Alors les engagements sont très simples. Premièrement, le maintien de l'emploi et donc l'absence de licenciement pendant l'année 2009. Deuxièmement, la préservation des sites industriels. Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que nous essayons, dans toute la mesure du possible, de limiter l'impact social de la crise sur les salariés. Il se trouve que, comme vous le savez, je suis élu en Normandie, que j'ai l'occasion de rencontrer beaucoup de salariés de la sous-traitance automobile et que je veux pouvoir leur expliquer, les yeux dans les yeux, que nous faisons le maximum pour qu'ils passent cette crise dans les meilleures conditions possibles.
L'absence de fermeture de sites industriels, cela veut dire quoi ? Cela veut dire que nous ne voulons pas perdre nos compétences industrielles. Si vous fermez un site de fabrication de voitures, il y a fort à parier que ce site ne réouvrira pas dans les années à venir, la compétence technologique, la compétence industrielle sera perdue.
Dernière remarque, je crois que lorsqu'on fait le choix de prêter l'argent à des constructeurs automobiles et qu'on leur vient en aide avec des prêts à des taux raisonnables et qui permettent de subvenir à leurs besoins de financement, il me paraît logique qu'en contrepartie l'Etat leur demande ces engagements que je vous ai indiqués.
Je précise juste qu'il n'y a aucun engagement sur la relocalisation des sites industriels qui se trouveraient dans d'autres Etats, par exemple des sites industriels que je viens de visiter moi-même, qui sont très performants, qui peuvent se trouver en Slovénie, en République tchèque ou ailleurs ; il n'y a pas d'engagement de ce type dans le plan automobile français.
Je précise également qu'il faut avoir une vision globale à l'intérieur du marché unique de ce qu'est l'industrie automobile. Si vous laissez tomber Renault ou Peugeot, si vous ne leur fournissez pas à chacun les trois milliards d'euros dont ils ont besoin pour poursuivre leurs activités, les premiers qui subiront les conséquences d'un effondrement possible du marché automobile et des sérieuses difficultés de Renault et Peugeot, c'est précisément les sites qui se trouvent en Slovénie, en République tchèque ou ailleurs. Je crois donc que, contrairement à ce que l'on a dit, ce n'est absolument pas du protectionnisme, c'est au contraire un moyen de garantir une solidarité des Etats membres et d'assurer le bon développement de l'industrie automobile européenne.
Q - Y a-t-il des mentions à l'investissement et à la recherche dans le domaine de l'automobile du futur dans le plan ? Pouvez-vous nous donner d'autres éléments précis qui figureraient dans le plan automobile?
R - Les deux engagements qui sont dans l'accord sont ceux que je vous ai indiqués. Il n'y a rien de plus précis et de plus contraignant sur les investissements en haute technologie, il y a la mention de la nécessité de poursuivre les investissements de haute technologie, de recherche sur la motorisation mais ce ne sont pas les engagements contraignants figurant dans l'accord.
Q - Nous allons avoir à restructurer l'appareil de production automobile. Cela ne signifie-t-il pas la fermeture de sites ailleurs qu'en France s'il faut adapter l'outil de production à la demande décroissante dans le secteur automobile ?
R - Après, il faudra voir de façon globale comment se définit le paysage industriel automobile européen à échéance de deux ou trois ans. Mais, là aussi, il faut je crois être le plus pragmatique possible. Les dirigeants des deux entreprises nous ont expliqué de la manière la plus claire possible que ce besoin de financement qu'ils avaient manifesté auprès de l'Etat français était un besoin de financement impératif et, par conséquent, il fallait que très rapidement on leur fournisse ce financement, faute de quoi les constructeurs automobiles français allaient rencontrer des difficultés sérieuses. Et ces difficultés sérieuses, je crois précisément que ce sont les pays qui ne sont pas la France qui auraient eu à en subir les conséquences très rapidement et qui auraient eu, notamment en termes de fermeture de sites et de suppressions d'emplois, à en subir les conséquences les plus fortes. Je crois que c'est comme ça plutôt qu'il faut voir le raisonnement.
Ensuite, que l'on réfléchisse à ce que sera l'avenir de l'automobile européenne à l'échéance de deux ou trois ans, c'est précisément ce dont on a convenu avec M. Verheugen. Il faudra regarder quel peut être cet avenir, comment tout cela va s'organiser, quelle est la surcapacité, comment on absorbe cette surcapacité en matière de production automobile, est-ce qu'il y a une surcapacité en termes d'emplois ? Comment est-ce que l'on résout ce problème ? Je crois qu'on le fera d'autant mieux qu'on ne sera pas au coeur du coeur de la crise.
Je vais vous dire, lorsque vous allez voir des salariés et que vous leur expliquez, voilà vous allez perdre votre emploi, dans une situation normale, ils perdent leur emploi, ils en retrouvent un dans un bassin voisin quelques jours, quelques mois plus tard parce qu'il y a d'autres activités qui fonctionnent bien. Lorsque vous êtes au coeur de la crise comme on l'est aujourd'hui, l'énorme difficulté c'est qu'il n'y a pas d'autres emplois dans d'autres secteurs parce que tous les secteurs sont touchés. Je crois donc que ce n'est pas le meilleur moment pour opérer les restructurations massives et pour mettre les salariés dans des situations impossibles.
Q - Finalement, n'êtes-vous pas en train de préempter ce débat sur ce que doit être l'environnement industriel? Vous allez obliger ces entreprises à faire des restrictions ailleurs ?
R - Je ne crois pas, je pense simplement que l'on permet aux constructeurs de passer un temps qui est un temps particulièrement difficile. On permet aux constructeurs de poursuivre leur activité, à charge pour eux dans les discussions qu'ils peuvent avoir entre eux, avec les autres constructeurs européens, avec la Commission, avec les responsables gouvernementaux, de définir ce que sera le paysage automobile à échéance de quelques mois. Je ne pense pas que cela préempte de quelque façon que ce soit ce paysage industriel automobile européen.
Q - Sur la question du plan automobile, le Premier ministre a critiqué, lors de sa venue à Bruxelles, le fait que la Communauté européenne n'avait pas mis en place de plan concret pour l'Union européenne. Un tel plan en matière industrielle a paru possible à la Commission aujourd'hui ?
R - La seule chose que je peux vous dire, c'est que j'ai trouvé une Commission qui était très lucide sur la situation industrielle en Europe et sur la gravité de la situation industrielle européenne, et très déterminée à essayer de travailler avec les Etats membres à des mesures de soutien à l'industrie européenne. Voilà tout ce que je peux vous dire aujourd'hui. Sur ces mesures de soutien, j'en ai cité quelques-unes, on peut regarder ensuite lesquelles seront mises en oeuvre.
Lorsque nous demandons depuis des semaines d'avoir des prêts de la Banque européenne d'investissement qui soient plus importants, je crois que la décision est en bonne voie et que nous aurons des prêts de la Banque européenne d'investissement qui seront beaucoup plus importants qu'ils ne l'étaient auparavant.
Je crois que sur l'aide à la recherche en matière notamment de motorisation électrique, je pense que là aussi nous sommes dans la bonne voie. Les Français et les Allemands vont essayer de travailler sur ce sujet. La Commission va apporter un soutien dans ce domaine-là. Donc, nous avons amorcé un travail là-dessus qui me paraît aller dans le bon sens.
Q - Quel est finalement l'accueil du plan automobile par la commission ? Y a-t-il une inflexion de la position de la Commission par rapport au plan automobile ? En d'autres termes avez-vous été convaincant ?
R - Vous savez le problème en politique c'est qu'il y a toujours un moment où c'est l'heure de vérité, c'est-à-dire que ce n'est pas à moi de dire si j'ai été convaincant. Si j'ai été convaincant la réponse de la Commission sera de dire que le plan ne pose pas de difficultés au regard des règles communautaires et, si je n'ai pas été convaincant, nous aurons une réponse différente.
Ce que je peux vous dire, en tout cas, c'est que la réaction des Etats membres auxquels nous avons rendu visite avec Patrick Devedjian, est une réaction positive, parce que tout le monde a les mêmes difficultés. Quand vous parlez avec les Allemands, un peu sérieusement, de la difficulté que rencontre un constructeur comme Opel, on voit bien que c'est une question majeure pour les Allemands, c'est une question qui se comprend très bien. Opel a fait 25 000 emplois directs en Allemagne, ce n'est pas une question que vous pouvez traiter comme cela d'une manière légère, c'est une question qui est grave dont il faut discuter, sur laquelle personne n'a de solution absolument évidente.
Ma conviction personnelle, c'est que ce plan de soutien à l'industrie automobile proposé par la France s'inscrit strictement dans le cadre des règles communautaires et j'espère qu'avec les éléments d'explication que nous avons donnés, la Commission partagera cet avis d'ici quelques semaines.
Q - Les arguments français sont désormais bien rôdés et connus. Quels aspects du plan leur posent problèmes ? Quelles questions ont-ils posées ?
R - Ils ne m'ont pas posé de questions particulières, j'ai présenté des arguments, et comme vous le dites vous-même, ce sont des arguments désormais bien rôdés et connus, ils vont apprécier le document qu'on leur a remis, qui est un document de six pages précis sur nos arguments et sur ce que contient réellement ce plan, et nous verrons si la Commission juge qu'effectivement il répond aux règles communautaires. Je crois très sincèrement qu'il répond strictement aux règles communautaires.
Q - Suite à l'intervention télévisée du président, n'y a-t-il pas de quoi être nerveux et n'y a-t-il pas non plus une dimension transatlantique ?
R - Je crois que le débat est en train d'évoluer. En effet, parce que la crise crée de la nervosité partout en Europe, parmi tous les Etats membres, nous avons eu depuis quelques jours une certaine nervosité dans les expressions, dans les remarques et les propos des uns et des autres sur le protectionnisme français que j'ai qualifiés d'injustes et d'inutiles. Je crois que ce débat commence à être dernière nous, il n'est pas tout à fait derrière nous mais je pense qu'il commence à être derrière nous parce que nous avons apporté les éléments d'explication nécessaire et parce que je crois que nos arguments sont convaincants.
En revanche, deux choses viennent maintenant. Premièrement, l'importance qu'il y a à coordonner les réactions européennes, parce que si nous voulons éviter ce genre de débat, il faut impérativement que nous coordonnions mieux nos mesures. Quand nous avons vu le nouveau ministre de l'économie allemand, nous lui avons dit, à partir de maintenant lorsque nous prenons de nouvelles mesures de soutien à tel ou tel secteur, de nouvelles mesures dans le domaine économique, nous essayons de coordonner le mieux possible nos travaux afin d'éviter des réactions d'incompréhension. La plupart du temps ces réactions d'incompréhension viennent de la méconnaissance de ce qu'il y a réellement dans les plans. Aussi surprenant que cela puisse paraître, lorsque vous allez parler avec le ministre de l'Economie allemand, il ne sait pas forcément ce qu'il y a dans le plan de soutien français de l'industrie automobile, pas précisément. Et bien cet échange précis, je crois qu'il est indispensable et c'est mon rôle de ministre en charge des Affaires européennes justement d'expliquer sur place et sur pièces, comme on dit juridiquement, à quel point nous faisons attention de respecter les règles communautaires.
L'autre aspect que je vois grandir et, qui répond à votre question, c'est une inquiétude dans beaucoup de pays européens, une inquiétude aussi de la Commission, sur le risque de protectionnisme venant de pays à l'extérieur de l'Union européenne. Que ce soient les Etats-Unis, la Chine, d'autres parties du monde, on voit qu'il y a cette tentation. Eh bien, je crois que l'Union européenne doit à la fois être exemplaire dans son comportement, dans le respect des règles du marché intérieur et, en même temps, faire preuve de suffisamment de pugnacité pour défendre ses intérêts à l'extérieur. Il ne faut pas non plus que l'Union européenne soit trop naïve à l'égard de ses concurrents commerciaux, il faut qu'elle fasse preuve de pugnacité.
Q - Lors de son intervention télévisée, le président n'a-t-il pas gaffé en confondant la République tchèque avec l'Inde ?
R - Je suis allé à Prague, j'ai discuté avec mon ami Sacha Vondra. Nous avons parlé de tout cela très librement et il me semble que le problème est derrière nous. Le président de la République verra M. Topolanek, je crois que tout cela est derrière nous et une fois encore, je pense qu'il faut bien mesurer la gravité de la crise à laquelle nous faisons face et les difficultés dans lesquelles sont nos citoyens qui sont inquiets, qui sont pour certains angoissés face à l'évolution de la situation. En tout cas, c'est comme cela que je conçois mon rôle : je veux trouver des solutions, des solutions concrètes, des solutions européennes, pour pouvoir dire voilà l'Europe ne restent pas les bras croisés face à la crise, l'Europe vous apporte des solutions à la crise.
Q - Concernant la réunion des pays européens du G20 dimanche à Berlin, y'a-t-il à l'ordre du jour des sujets non directement liés à l'agenda du G20 ? Sur la situation des pays d'Europe de l'Est par exemple ?
R - Tout cela n'est pas encore décidé. Je ne peux donc pas vous donner d'indications qui seraient fausses. Le coeur évidemment de cette réunion c'est la préparation du G20, donc les mesures qui seront prises par les Européens, collectivement, pour faire face à la crise financière et aboutir à une nouvelle régulation financière. Toute la difficulté sera de rapprocher des positions qui, pour le moment, ne sont ne sont pas parfaitement identiques. Il faut impérativement que les Européens présentent un front uni à la réunion du G20 à Londres. C'est la seule façon d'avoir une discussion constructive avec nos partenaires, notamment nos partenaires américains, à l'occasion de cette réunion. Le front n'est pas encore uni mais nous avons encore quelques jours pour y parvenir. Vous le savez très bien, nous partons de situations économiques différentes, donc d'intérêts économiques également différents. Tout le but d'une discussion, d'une négociation c'est de rapprocher ces points de vue de façon à parvenir à une position qui soit à la fois commune et forte, pas simplement commune mais commune et forte.
Q - Peut-on considérer ironiquement que cette crise serait une opportunité pour ne pas garder le secteur automobile tel quel, mais l'adapter aux exigences du paquet énergie-climat et ne pas maintenir des emplois comme on l'a fait dans les années 80 ?
R - Vous dites de manière provocante quelque chose qui peut être juste mais qui mérite d'être traité avec beaucoup de circonspection. La crise peut être l'accélérateur de bonnes décisions, pourvu que nous y répondions de manière unie, pourvu que nous prenions les décisions sereinement, et pourvu que nous faisions très attention, c'est le troisième point, à ce que dans la période de transition, qui conduit à ces bonnes décisions, qui conduit à des résultats concrets, nous fassions attention à la situation concrète de chaque salarié, de chaque personne qui va être touchée par le chômage, chaque personne qui va être touchée par la fermeture d'une usine ou d'un site industriel. Sous ces trois conditions, et c'est bien ce à quoi il faut travailler maintenant, avec la Commission, avec tous les Etats membres, la crise peut être un accélérateur de bonnes décisions.
Q - Sur le plan de relance européen de 5 milliards, comment pensez-vous, d'une part, que l'on pourra dépasser les règles budgétaires et, d'autre part, quel est le taux de retour français dans ces 5 milliards ?
R - Nous serons satisfaits de ce projet s'il donne des résultats rapides, s'il permet d'engager des moyens budgétaires de relance par la Commission rapidement. Il faut qu'en 2009 on puisse décaisser suffisamment d'investissements pour que cela puisse avoir un effet de relance. S'il faut attendre plusieurs années pour que cela soit effectif, alors cela n'a pas de sens.
En deuxième lieu, la Commission a fait une nouvelle proposition avec une réponse précise aux inquiétudes et aux réactions qui avaient été manifestées, notamment par l'Italie et la France. J'ai le sentiment - nous sommes en train d'examiner le document à la Commission - que la nouvelle mouture de la Commission va dans le bon sens. Pour l'instant on est en train de l'examiner, je ne veux pas vous donner de chiffres, c'est une amélioration significative par rapport au taux de retour précédent et cela va plutôt dans le bon sens. Mais l'essentiel pour nous, au-delà du taux de retour, c'est qu'il y ait un décaissement rapide en 2009 parce que ce sont 5 milliards qui doivent être consacrés à la relance immédiate, 5 milliards d'investissements de devenir en 2011 et 2012.
source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 février 2009