Interview de M. Hervé Morin, ministre de la défense et président du Nouveau Centre, à LCI le 3 février 2009, notamment sur la politique gouvernementale face à la crise, le Nouveau Centre et les élections européennes et sur les questions de défense.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

C. Barbier.- Rapports de force nouveau, changement de cap réclamé par les syndicats, hier, après leur réunion. Ce matin, F. Chérèque, sur RTL : « si le Président est rigide, le conflit sur durcira ». Ne faut-il pas céder, ne faut-il pas que jeudi soir, à la télévision, le président annonce un léger changement de cap ?

Je crois que surtout ce qu'attendent les Français c'est un... il y a une crise de l'horizon aujourd'hui, ce qu'ils attendent c'est qu'on leur redise où on va parce qu'il y a un besoin de confiance important. Et donc, je crois que d'abord et avant tout le président de la République doit fixer un cap au pays, redonner un horizon collectif à la France, et je crois que c'est cela d'abord et avant tout qu'on attend, parce que derrière tout ça, il y a aussi un besoin de moralisation. On ne peut pas à la fois demander aux chômeurs plus de contrôles et en même temps ne pas tirer des conséquences sur les responsabilités du haut niveau. Et donc, quand vous avez mis tout ça ensemble, vous avez tous les ingrédients d'une crise.

Est-ce que les Français ne demandent pas derrière les syndicats aussi des mesures d'urgence, par exemple une hausse du SMIC ou une aide sur la consommation ?

D'abord et avant tout, le plan de relance, le pouvoir d'achat ce sont des emplois, ce sont des salaires, et donc le plan de relance qui a été présenté hier par le Premier ministre est le meilleur moyen de répondre à la crise. Si vous faites simplement de la relance par la consommation, qui vous faites travailler ? Vous faites travailler les Chinois, vous faites travailler les Coréens, et je pense que d'abord et avant tout ce que doit faire l'Etat, c'est préserver l'avenir, c'est-à-dire les études, l'investissement, la recherche, et en même temps donner de l'activité à des secteurs importants comme le bâtiment, comme l'industrie, par des décisions d'investissement.

Faut-il un deuxième plan de relance ? Faut-il le mettre en chantier tout de suite pour compléter cette relance par l'activité par une relance tout de même par la consommation ?

Commençons d'abord à mettre en oeuvre ce plan de relance qui s'accompagne... qui n'est pas le seul, je veux dire on a eu déjà l'ensemble des mesures qui ont permis de remettre à peu près sur pied l'ensemble du système bancaire et financier, qui s'il s'était effondré aurait eu des conséquences absolument dévastatrices pour l'ensemble de l'économie. On a le plan de relance français, on a le plan de relance européen, on a l'action de l'ensemble des Etats avec lesquels nous commerçons tous les jours. Donc, voyons déjà si tout cela est en mesure de pouvoir recréer les conditions de la confiance avant de demander d'ores et déjà un nouveau plan de relance.

Pendant ce temps-là, la grogne sociale monte. Par exemple, les enseignants chercheurs d'université protestent contre leur nouveau statut, ils appellent à la grève, à la manifestation . Faut-il retirer le décret pour ne pas mettre d'huile sur le feu ?

Laissez V. Pécresse, qui a su gérer cette réforme de façon admirable, laissez-la faire, laissez-la voir. Elle a su discuter, elle a su créer les conditions d'autonomie des université, sujet, rappelez-vous, dont on disait, j'allais dire toutes tendances confondues, qu'il était absolument majeur pour l'avenir des universités françaises mais qu'il était infaisable. V. Pécresse a su le faire, laissez-lui le crédit d'être en mesure de pouvoir engager les discussions, le dialogue, la concertation qui permettra de trouver les éléments d'un accord.

Alors, vous dévoilez ce soir les ambitions du Nouveau centre en vue des élections européennes de juin. Alors, lancerez-vous des listes autonomes dans la compétition ?

Nous avons, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, nous avons vocation à être aux élections européennes parce que notre code identitaire, notre code génétique c'est notamment l'ambition européenne qui est la nôtre. Ce que nous savons aussi, et on vient d'en parler à l'instant, c'est qu'il y a en France une crise économique et une crise sociale qui sont en train d'arriver, et donc au moment des élections européennes nous devons avoir cette analyse simple : est-ce que c'est d'abord et avant tout notre ambition européenne que nous devons porter par nous-mêmes ou est-ce qu'au contraire la majorité a besoin d'être soudée pour aborder ces élections européennes ? C'est le débat que nous avons.

Votre réponse, vous, personnelle, vous êtes président du parti, c'est plutôt être soudé dans la majorité en période de crise ?

Je pense qu'on a besoin de cohésion, mais pour autant je n'ai pas vocation à ravaler mon ambition européenne et notre volonté à participer aux grands débats européens que doivent être ces élections européennes.

Donc, vous voulez des élus, des membres du Nouveau centre en places éligibles.

Oui, je veux...

... combien ?

Ce n'est pas un chiffre que je demande, ce que je souhaite c'est que cette campagne-là soit un vrai moment pour dire aux Français : vous avez eu beaucoup de doutes sur la construction européenne, vous avez constaté que quand il y avait une volonté politique, l'Europe était capable de régler les grands problèmes du monde et l'Europe est capable de proposer des solutions au monde ; elle n'est pas seulement là pour vous défendre de la globalisation ou de la mondialisation, mais elle est là pour pouvoir proposer un autre modèle que le modèle américain ou le modèle chinois. Et c'est ça que je veux défendre durant la campagne.

Pour l'incarner, par exemple, J.-M. Cavada, en troisième position sur la liste UMP Nouveau centre en Ile-de-France ce sera un symbole intéressant derrière Barnier et Dati ?

Ecoutez, nous avons désigné nos chefs de file et nous les avons désignés avec deux idées simples : 1) le renouvellement ; 2) des hommes et des femmes qui font partie du mouvement politique que nous avons engagé, c'est-à-dire la reconstruction d'une force politique de centre et de centre droit. J.-M. Cavada fait partie de ceux qui ont comme nous refusé le cheminement de F. Bayrou entre les deux tours de la présidentielle.

La balle est dans le camp de l'UMP donc, pour vous répondre maintenant il doit faire des offres ?

On va voir tout ça dans les semaines qui viennent.

Alors, vous avez apporté à N. Sarkozy quand même en 2007, vous le rappeliez, une partie du score réalisé par F. Bayrou au premier tour. Est-ce que vous ne vous sentez pas floué, on ne vous propose que des strapontins ?

Mais de quels strapontins vous parlez ?

De quelques places éligibles de ci de là pour bien vous mettre dans la discipline et dans l'accord de l'UMP.

Non !

L'UMP se durcit en ce moment.

Ecoutez, la question ne se pose absolument pas en ces termes. Votre perception des choses ne correspond pas à l'état de nos discussions. Les discussions elles sont simples : quels sont nos candidats ? Où avons-nous intérêt à porter cette ambition européenne ? Je prends un exemple : est-ce que dans la région ouest, nous n'avons pas besoin de reconstruire une force politique de centre et de centre droit que peut incarner le Nouveau centre ? Est-ce que nous n'avons pas vocation dans cette région profondément européenne, profondément centriste, à être en position privilégiée, voilà ?

On comprend cette volonté d'unité pour une élection sur liste, c'est le cas des européennes. Vous vous engagez dès aujourd'hui à ce qu'il y ait un candidat Nouveau centre au premier tour de la présidentielle 2012 ?

Tout ça est bien tôt ! C'est à trois ans et demi, l'élection présidentielle. Ce que je sais c'est que pour moi l'horizon de la formation politique que j'ai créée l'année dernière c'est l'horizon politique qui se situe en 2012. Ce que je souhaite c'est que notre formation politique, qui en l'espace de quinze mois a été capable de reconstruire un réseau d'élus locaux, qui a aujourd'hui plus de 9 000 militants, c'est-à-dire la moitié de ce que représentait l'UDF de 2007, ce que je souhaite c'est que cet horizon soit 2012. Je veux que nous soyons en état de compter au moment des élections présidentielles et législatives en 2002.

Pour les régionales en Ile-de-France, en 2010, vous êtes plutôt V. Pécresse ou plutôt R. Karoutchi pour la tête de liste UMP ?

Je laisse à l'UMP le soin de régler ses comptes.

Vous négocierez avec celui qui sortira du chapeau.

Oui, et on peut aussi avoir de très bons candidats en Ile-de-France en 2010.

Dix députés Nouveau centre sur vingt-trois avaient voté contre la réforme de l'audiovisuel en première lecture. Le texte définitif revient à l'Assemblée cet après-midi. Voteront-ils ce texte ? La redevance a été augmentée entre temps, c'était l'une de leurs revendications.

Il y avait deux revendications : la première celle de l'augmentation de la redevance pour grosso modo permettre à France Télévisions d'avoir les moyens de son développement ; et la seconde exigence était de réfléchir à un nouveau financement de l'audiovisuel public. Il y a eu un engagement pris par le président de la République que nous ayons ce travail et cette réflexion au cours de l'année 2009. Donc, à mon sens, enfin le groupe parlementaire...

... le texte est accepté.

... de F. Sauvadet le décidera ce matin, mais je pense que le texte est acceptable.

Alors, le nombre soldats français sera réduit sur les théâtres d'opérations extérieures, vous l'avez annoncé la semaine dernière. Tout le monde vous soupçonne de préparer le redéploiement en Afghanistan.

Oui, je sais pas comment on peut le dire, je le dis sous toutes les formes, sur tous les plateaux : il n'y a aucune corrélation entre la réduction de nos effectifs, qui correspond à une analyse militaire, politique, de chaque théâtre d'opération extérieure, et un éventuel renforcement en Afghanistan. D'une part, l'Armée française serait capable de mettre plus en laissant les effectifs au même niveau, si nous l'avions décidé. Et deuxièmement, très clairement, je le dis, et je le répète, la France n'a aucun plan de renforcement en Afghanistan. Pour une raison simple : c'est que nous avons déjà fait beaucoup depuis 2007.

Mais les Américains, on le sait, veulent un renforcement, ils vont nous demander de rajouter.

Oui, mais la France depuis 2007 a mis plus de 200 hommes au titre de la formation de l'Armée nationale afghane, et nous avons par ailleurs pris sous notre responsabilité un certain nombre de zones complémentaires, notamment la vallée de Kapisa. Et donc, l'effort qu'a effectué la France est déjà un effort qui anticipe, si je puis dire, ce que demandent les Américains. Et j'ajoute que la réponse ne saurait être seulement militaire. La réponse elle passe par une aide au développement, qui arrive mieux, plus directement aux Afghans, elle passe par une nouvelle gouvernance, elle passe par un dialogue et une réconciliation nationale. Donc, n'ayons pas seulement un message militaire en Afghanistan.

Bonne année 2008 pour les ventes d'armes françaises, mais toujours pas de Rafale vendu à l'étranger ?

Ecoutez, nous nous étions fixé comme objectif d'atteindre les 6 milliards d'euros d'exportations, nous serons à 6,4 milliards, et l'année 2009 en dépit de la crise s'annonce plutôt bien, et donc nous sommes en train progressivement de rattraper le retard qui était le nôtre depuis quelques années.

Est-ce que Kadhafi va nous acheter les Rafale comme il l'a promis ?

Ben, écoutez, vous le verrez bien !

Est-ce que le Clemenceau va bientôt partir pour être démantelé en Grande-Bretagne ou est-ce que les écologistes vous font peur ?

Il y a eu un jugement hier, le référé est très clair, nous pouvons engager le transfert du Clemenceau dans les chantiers britanniques.

H. Morin, merci et bonne journée.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 3 février 2009