Texte intégral
C. Roux, M. Biraben et G. Delafon- M. Biraben : Le ministre de la Défense, H. Morin, est notre invité.
C. Roux : Il défend, aux côtés du président de la République, le retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN ; une rupture par rapport à la tradition. De Gaulle avait pris le large en 1966 pour que la France ne soit pas entraînée dans des guerres qui ne sont pas les siennes. Changement de cap qui secoue la classe politique, alors que l'on découvre, sur le tard, que les sous-marins nucléaires jouent aux auto-tamponneuses dans les océans.
M. Biraben : H. Morin, bonjour. Est-ce que cette histoire de sous-marins qui jouent aux auto-tamponneuses vous a fait rire comme le ministre japonais qu'on vient de voir, ou est-ce qu'au contraire, vous étiez furieux quand vous l'avez appris ?
Non, furieux n'est pas le mot. C'est un incident incroyable ! Vous êtes dans l'Océan Atlantique, et par un hasard de circonstances extraordinaires, vous vous retrouvez face à un sous-marin nucléaire, lanceur d'engins britannique. C'est-à-dire que vous avez sur l'océan deux puissances nucléaires, la France et le Royaume-Uni, qui ont entre un et deux sous-marins à la mer, vous imaginez l'immensité de l'espace...
M. Biraben : Oui, c'est le deuxième plus grand océan du monde...
C. Roux : C'est juste inquiétant de savoir que cela repose sur le hasard, alors que ce sont des engins qui véhiculent des têtes nucléaires.
Mais oui, mais, on est face à une problématique technologique extrêmement simple, c'est que ces sous-marins sont indétectables, ils font moins de bruit qu'une crevette, et donc bien entendu, ils ne peuvent pas émettre, parce que s'ils émettent...
M. Biraben : Mais ils n'ont pas de sonar ?
Non, parce que s'ils émettent, ils deviennent détectables. Et donc leur système de navigation est un système de navigation par centrale inertielle et par cartographie extrêmement précise, qui leur permet d'aller notamment dans les parties des océans qui, en fonction de la chaleur de l'eau, des courants, etc., sont des parties des océans où ils sont encore moins détectables qu'ailleurs. Et donc, voilà...
G. Delafon : Attendez, on ne va pas croire au hasard...
Mais si...
G. Delafon : Mais non ! Ces sous-marins devaient jouer un jeu de guerre stratégique, au milieu de l'Atlantique ; dans la troisième dimension, ils se sont cognés dessus !
C'est malheureusement...
G. Delafon : Et puis, dans un mois, on va apprendre en commission d'enquête que, en fait...
Non, mais, il n'y a pas d'histoire dans cette affaire, les Britanniques ne sont pas en train de chasser les sous-marins français, et les sous-marins français ne chassent pas les sous-marins britanniques. Et les SNLE ne sont pas des sous-marins qui sont là pour chasser les autres, ils sont simplement là pour assurer une seule mission : d'être au fond de l'eau, là, il était remonté à mi-eau, puisque le choc s'est fait à mi-eau, mais ce sont des sous-marins qui sont là pour ne pas bouger et être là pour assurer la dissuasion nucléaire française.
C. Roux : Donc, cela veut dire que ça peut se reproduire ?
La preuve, c'est que ça ne s'est pas produit pendant cinquante ans...
C. Roux : Cela peut se reproduire. Rien ne sera fait d'ici à demain, après-demain ou les mois qui viennent, pour changer cet état de fait ?
Alors, vous permettrez qu'il y a des choses dont je ne puisse pas parler, puisqu'il s'agit quand même du coeur de la dissuasion française.
Mais vous allez prendre des dispositions au regard de ce qui s'est passé ou pas du tout ?
Il y a au moins, entre Français et Britanniques, des choses qu'on peut faire ensemble.
M. Biraben : Vous dire où sont les sous-marins respectifs. Ça devrait aider.
Ça peut être une des solutions, c'est notamment de réfléchir aux zones de patrouille...
C. Roux : Pardonnez-moi, mais tout ce que vous dites est très clair ce matin, il y a juste un doute, c'est que, on l'a appris grâce au Sun, cette information ; pourquoi est-ce que vous n'avez pas communiqué sur cet incident ?
Nous avons communiqué, et...
G. Delafon : Ah ben, oui, vous avez dit que c'était un container...
Ben oui, parce que la seule différence entre les Britanniques et nous, c'est que nous, dès que l'incident a eu lieu, le commandant du sous-marin est remonté à la surface pour dire : j'ai eu un choc, je pense que c'est un container qui était à mi-eau, il faut que je rentre à Brest. Et donc notre sous-marin est rentré à Brest, le sous-marin britannique a continué sa patrouille, et c'est quand nous avons communiqué que les Britanniques, qui venaient d'apprendre par leur commandant que, eux aussi, avaient eu un problème...
G. Delafon : Qu'ils avaient heurté un container...
Qu'ils nous ont dit : ah, dites donc, nous aussi, on a un problème. Et donc, les Britanniques sont venus voir le sous-marin, et en ont tiré la conclusion que c'était quelque chose entre deux.
C. Roux : Ce qui est très étonnant, c'est qu'on parle de dissuasion nucléaire, et on a l'impression que tout ça est assez aléatoire, qu'on n'a pas beaucoup d'informations sur la façon vraiment dont les choses se conduisent...
Ce n'est absolument pas aléatoire...
C. Roux : Dans les profondeurs des océans...
Mais je vous dis, je ne peux pas vous dire plus que cela, parce que je vous dis la vérité pure.
C. Roux : D'accord. Est-ce qu'il y aura une enquête...
Bien sûr, qu'il y a une enquête, il y a toujours une enquête à chaque fois qu'il se passe un incident, qu'un avion ait un incident, qu'il y ait un accident malheureusement mortel, qu'il y ait un problème majeur, à chaque fois, une enquête est menée, pour que nous puissions en tirer les conclusions qui s'imposent. Mais il faut quand même avoir en tête qu'en terme de technologie, nous sommes sur des bâtiments qui sont totalement indétectables, dans l'état actuel des technologies de détection, et qui ne peuvent être indétectables, que s'ils répondent à une seule contrainte et une seule obligation, c'est de ne jamais émettre. Dès lors que vous émettez la moindre onde, vous êtes détectable.
C. Roux : Cela veut dire que c'est un système qui a montré ses limites ?
Non, ce n'est pas un système qui a montré ses limites, parce que vous aurez remarqué que depuis cinquante ans, quoi, un peu moins de cinquante ans, ce système fonctionne.
C. Roux : Alors juste, ce matin, on a entendu les victimes, les familles des victimes du Bugaled Breizh, qui font un lien avec cette histoire, en disant : est-ce qu'on nous a dit la vérité sur ce qui s'est passé avec le Bugaled Breizh ; est-ce que vous comprenez leurs interrogations ce matin ?
Ecoutez, on est face à une problématique générale, c'est que dès lors que cela concerne la Défense, on estime toujours que la Défense ne dit pas la vérité, qu'elle a des secrets, etc., c'est comme ça. Or...
C. Roux : C'est parfois vrai !
Non, mais bon... parce qu'il y a des secrets militaires qu'il vaut mieux garder quand même. Mais il s'agit de la sécurité des Français quand même derrière tout ça. Mais la Défense a joué en la matière la transparence absolue. C'est-à-dire que tout ce qu'ont demandé les magistrats a été donné, déclassifié, toutes les informations sur les mouvements de nos sous-marins ont été données. Toutes les informations, me dit-on, sur les sous-marins de l'OTAN ont été données aux magistrats. Le juge d'instruction a considéré... bon, maintenant, il y a une procédure d'appel, si j'ai bien compris, donc laissons les magistrats faire les choses. Mais moi, c'est un principe simple que j'essaie de mettre en oeuvre depuis que je suis ministre, c'est de considérer qu'à chaque fois qu'un magistrat demande une information, je la livre. Donc la commission chargée d'examiner les documents liés au secret examine les pièces, les regarde, et je suis toujours, et même parfois, pour tout vous dire, quand j'ai le sentiment que cela pourrait éventuellement encore laisser un doute quelconque, eh bien, je vais même parfois au-delà de la commission, en disant : de toute façon, il n'y a rien, mais au moins, comme ça, ils n'auront pas cette idée qu'il pourrait y avoir quelque chose qu'on a caché.
M. Biraben : On passe à l'OTAN maintenant.
C. Roux : Oui, on passe à l'OTAN, le débat émerge dans la classe politique, il y a eu beaucoup de contestations au fait que la France réintègre le commandement intégré de l'OTAN justement ; est-ce que cette décision peut être unilatéralement par le président de la République sans débat au Parlement ?
Mais qui vous dit qu'il n'y aura pas un débat au Parlement ?
C. Roux : Ah, mais c'est une information que vous nous dites ce matin : il y aura un débat au Parlement ?
Ecoutez, ce que je sais, c'est que le général De Gaulle a quitté le commandement intégré en 1966 par une simple lettre. Et donc juridiquement, il n'y a pas besoin ni de débat ni de vote...
C. Roux : Politiquement ?
Mais je pense qu'il y a besoin qu'il y ait à un moment ou à un autre une expression du Parlement sur un sujet comme celui-ci.
C. Roux : Cela veut dire que le ministre de la Défense demande un débat avec vote au Parlement ?
Non, je n'ai pas dit avec vote, j'ai dit : un débat. Ce qui n'est pas la même chose.
C. Roux : Pourquoi, pas avec vote ?
Mais parce que, on est sur une décision, je veux dire, il faut replacer les choses, le contexte géostratégique de la décision du général De Gaulle est radicalement différent de celui d'aujourd'hui. En 1966, on est dans une logique de blocs, de guerre froide, de risques de conflit entre le pacte de Varsovie et l'Alliance Atlantique. Nous sommes dans une période où les forces sont affectées territorialement, où, grosso modo, on dit aux Français : vous, vous êtes chargés d'envahir la RDA, l'Allemagne de l'Est et la Tchécoslovaquie...
C. Roux : Les temps ont changé, voilà ce que vous nous dites ?
Aujourd'hui, l'Alliance Atlantique, à la fois, est un système de sécurité collective, est un système qui assure le maintien de la paix et assure des opérations de stabilisation, dans un contexte où le pacte de Varsovie n'existe plus. Donc considérer que le contexte géostratégique n'a pas changé radicalement, et que la position de la France mérite d'être regardée, c'est au moins la moindre des choses.
M. Biraben : On passe à l'Afghanistan maintenant.
G. Delafon : Oui, justement, le contexte a changé, et la priorité, tout au moins pour l'OTAN, c'est l'Afghanistan. La question que tout le monde se pose, c'est si cette réintégration dans des structures plus intégrées de l'OTAN, est-ce que ça ne va pas obliger la France à s'engager davantage ? Est-ce que vous avez eu des demandes des Américains ? Vous avez vu récemment le général Petraeus, est-ce qu'on vous a demandé davantage d'hommes et est-ce que vous allez y répondre ?
J'ai déjà eu l'occasion de répondre à cette question, la France a fait un effort extrêmement important en 2007 et 2008, puisque nous avons, à la fois, envoyé entre 200 et 300 hommes pour la formation de l'armée nationale afghane, puisqu'une des clés de notre départ, c'est que les Afghans soient en mesure d'assurer leur sécurité. Donc, une armée et une police. Et donc il y a un énorme effort de la communauté internationale pour former cette armée. Et nous, nous avons décidé de faire un effort supplémentaire en 2007 et en 2008. Par ailleurs, nous avons assumé une nouvelle responsabilité en région Est, en vallée de Kapisa, et donc l'effort qu'a effectué la France est un effort sans commune mesure par rapport à ce qu'ont fait les autres.
G. Delafon : Donc, pour l'instant, c'est suffisant ?
Et donc nous, nous disons aux Américains : nous avons fait un effort, et cet effort-là a anticipé vos demandes.
G. Delafon : Donc pas plus pour l'instant ?
Il n'y a aucun plan supplémentaire ou complémentaire en la matière.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 17 février 2009
C. Roux : Il défend, aux côtés du président de la République, le retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN ; une rupture par rapport à la tradition. De Gaulle avait pris le large en 1966 pour que la France ne soit pas entraînée dans des guerres qui ne sont pas les siennes. Changement de cap qui secoue la classe politique, alors que l'on découvre, sur le tard, que les sous-marins nucléaires jouent aux auto-tamponneuses dans les océans.
M. Biraben : H. Morin, bonjour. Est-ce que cette histoire de sous-marins qui jouent aux auto-tamponneuses vous a fait rire comme le ministre japonais qu'on vient de voir, ou est-ce qu'au contraire, vous étiez furieux quand vous l'avez appris ?
Non, furieux n'est pas le mot. C'est un incident incroyable ! Vous êtes dans l'Océan Atlantique, et par un hasard de circonstances extraordinaires, vous vous retrouvez face à un sous-marin nucléaire, lanceur d'engins britannique. C'est-à-dire que vous avez sur l'océan deux puissances nucléaires, la France et le Royaume-Uni, qui ont entre un et deux sous-marins à la mer, vous imaginez l'immensité de l'espace...
M. Biraben : Oui, c'est le deuxième plus grand océan du monde...
C. Roux : C'est juste inquiétant de savoir que cela repose sur le hasard, alors que ce sont des engins qui véhiculent des têtes nucléaires.
Mais oui, mais, on est face à une problématique technologique extrêmement simple, c'est que ces sous-marins sont indétectables, ils font moins de bruit qu'une crevette, et donc bien entendu, ils ne peuvent pas émettre, parce que s'ils émettent...
M. Biraben : Mais ils n'ont pas de sonar ?
Non, parce que s'ils émettent, ils deviennent détectables. Et donc leur système de navigation est un système de navigation par centrale inertielle et par cartographie extrêmement précise, qui leur permet d'aller notamment dans les parties des océans qui, en fonction de la chaleur de l'eau, des courants, etc., sont des parties des océans où ils sont encore moins détectables qu'ailleurs. Et donc, voilà...
G. Delafon : Attendez, on ne va pas croire au hasard...
Mais si...
G. Delafon : Mais non ! Ces sous-marins devaient jouer un jeu de guerre stratégique, au milieu de l'Atlantique ; dans la troisième dimension, ils se sont cognés dessus !
C'est malheureusement...
G. Delafon : Et puis, dans un mois, on va apprendre en commission d'enquête que, en fait...
Non, mais, il n'y a pas d'histoire dans cette affaire, les Britanniques ne sont pas en train de chasser les sous-marins français, et les sous-marins français ne chassent pas les sous-marins britanniques. Et les SNLE ne sont pas des sous-marins qui sont là pour chasser les autres, ils sont simplement là pour assurer une seule mission : d'être au fond de l'eau, là, il était remonté à mi-eau, puisque le choc s'est fait à mi-eau, mais ce sont des sous-marins qui sont là pour ne pas bouger et être là pour assurer la dissuasion nucléaire française.
C. Roux : Donc, cela veut dire que ça peut se reproduire ?
La preuve, c'est que ça ne s'est pas produit pendant cinquante ans...
C. Roux : Cela peut se reproduire. Rien ne sera fait d'ici à demain, après-demain ou les mois qui viennent, pour changer cet état de fait ?
Alors, vous permettrez qu'il y a des choses dont je ne puisse pas parler, puisqu'il s'agit quand même du coeur de la dissuasion française.
Mais vous allez prendre des dispositions au regard de ce qui s'est passé ou pas du tout ?
Il y a au moins, entre Français et Britanniques, des choses qu'on peut faire ensemble.
M. Biraben : Vous dire où sont les sous-marins respectifs. Ça devrait aider.
Ça peut être une des solutions, c'est notamment de réfléchir aux zones de patrouille...
C. Roux : Pardonnez-moi, mais tout ce que vous dites est très clair ce matin, il y a juste un doute, c'est que, on l'a appris grâce au Sun, cette information ; pourquoi est-ce que vous n'avez pas communiqué sur cet incident ?
Nous avons communiqué, et...
G. Delafon : Ah ben, oui, vous avez dit que c'était un container...
Ben oui, parce que la seule différence entre les Britanniques et nous, c'est que nous, dès que l'incident a eu lieu, le commandant du sous-marin est remonté à la surface pour dire : j'ai eu un choc, je pense que c'est un container qui était à mi-eau, il faut que je rentre à Brest. Et donc notre sous-marin est rentré à Brest, le sous-marin britannique a continué sa patrouille, et c'est quand nous avons communiqué que les Britanniques, qui venaient d'apprendre par leur commandant que, eux aussi, avaient eu un problème...
G. Delafon : Qu'ils avaient heurté un container...
Qu'ils nous ont dit : ah, dites donc, nous aussi, on a un problème. Et donc, les Britanniques sont venus voir le sous-marin, et en ont tiré la conclusion que c'était quelque chose entre deux.
C. Roux : Ce qui est très étonnant, c'est qu'on parle de dissuasion nucléaire, et on a l'impression que tout ça est assez aléatoire, qu'on n'a pas beaucoup d'informations sur la façon vraiment dont les choses se conduisent...
Ce n'est absolument pas aléatoire...
C. Roux : Dans les profondeurs des océans...
Mais je vous dis, je ne peux pas vous dire plus que cela, parce que je vous dis la vérité pure.
C. Roux : D'accord. Est-ce qu'il y aura une enquête...
Bien sûr, qu'il y a une enquête, il y a toujours une enquête à chaque fois qu'il se passe un incident, qu'un avion ait un incident, qu'il y ait un accident malheureusement mortel, qu'il y ait un problème majeur, à chaque fois, une enquête est menée, pour que nous puissions en tirer les conclusions qui s'imposent. Mais il faut quand même avoir en tête qu'en terme de technologie, nous sommes sur des bâtiments qui sont totalement indétectables, dans l'état actuel des technologies de détection, et qui ne peuvent être indétectables, que s'ils répondent à une seule contrainte et une seule obligation, c'est de ne jamais émettre. Dès lors que vous émettez la moindre onde, vous êtes détectable.
C. Roux : Cela veut dire que c'est un système qui a montré ses limites ?
Non, ce n'est pas un système qui a montré ses limites, parce que vous aurez remarqué que depuis cinquante ans, quoi, un peu moins de cinquante ans, ce système fonctionne.
C. Roux : Alors juste, ce matin, on a entendu les victimes, les familles des victimes du Bugaled Breizh, qui font un lien avec cette histoire, en disant : est-ce qu'on nous a dit la vérité sur ce qui s'est passé avec le Bugaled Breizh ; est-ce que vous comprenez leurs interrogations ce matin ?
Ecoutez, on est face à une problématique générale, c'est que dès lors que cela concerne la Défense, on estime toujours que la Défense ne dit pas la vérité, qu'elle a des secrets, etc., c'est comme ça. Or...
C. Roux : C'est parfois vrai !
Non, mais bon... parce qu'il y a des secrets militaires qu'il vaut mieux garder quand même. Mais il s'agit de la sécurité des Français quand même derrière tout ça. Mais la Défense a joué en la matière la transparence absolue. C'est-à-dire que tout ce qu'ont demandé les magistrats a été donné, déclassifié, toutes les informations sur les mouvements de nos sous-marins ont été données. Toutes les informations, me dit-on, sur les sous-marins de l'OTAN ont été données aux magistrats. Le juge d'instruction a considéré... bon, maintenant, il y a une procédure d'appel, si j'ai bien compris, donc laissons les magistrats faire les choses. Mais moi, c'est un principe simple que j'essaie de mettre en oeuvre depuis que je suis ministre, c'est de considérer qu'à chaque fois qu'un magistrat demande une information, je la livre. Donc la commission chargée d'examiner les documents liés au secret examine les pièces, les regarde, et je suis toujours, et même parfois, pour tout vous dire, quand j'ai le sentiment que cela pourrait éventuellement encore laisser un doute quelconque, eh bien, je vais même parfois au-delà de la commission, en disant : de toute façon, il n'y a rien, mais au moins, comme ça, ils n'auront pas cette idée qu'il pourrait y avoir quelque chose qu'on a caché.
M. Biraben : On passe à l'OTAN maintenant.
C. Roux : Oui, on passe à l'OTAN, le débat émerge dans la classe politique, il y a eu beaucoup de contestations au fait que la France réintègre le commandement intégré de l'OTAN justement ; est-ce que cette décision peut être unilatéralement par le président de la République sans débat au Parlement ?
Mais qui vous dit qu'il n'y aura pas un débat au Parlement ?
C. Roux : Ah, mais c'est une information que vous nous dites ce matin : il y aura un débat au Parlement ?
Ecoutez, ce que je sais, c'est que le général De Gaulle a quitté le commandement intégré en 1966 par une simple lettre. Et donc juridiquement, il n'y a pas besoin ni de débat ni de vote...
C. Roux : Politiquement ?
Mais je pense qu'il y a besoin qu'il y ait à un moment ou à un autre une expression du Parlement sur un sujet comme celui-ci.
C. Roux : Cela veut dire que le ministre de la Défense demande un débat avec vote au Parlement ?
Non, je n'ai pas dit avec vote, j'ai dit : un débat. Ce qui n'est pas la même chose.
C. Roux : Pourquoi, pas avec vote ?
Mais parce que, on est sur une décision, je veux dire, il faut replacer les choses, le contexte géostratégique de la décision du général De Gaulle est radicalement différent de celui d'aujourd'hui. En 1966, on est dans une logique de blocs, de guerre froide, de risques de conflit entre le pacte de Varsovie et l'Alliance Atlantique. Nous sommes dans une période où les forces sont affectées territorialement, où, grosso modo, on dit aux Français : vous, vous êtes chargés d'envahir la RDA, l'Allemagne de l'Est et la Tchécoslovaquie...
C. Roux : Les temps ont changé, voilà ce que vous nous dites ?
Aujourd'hui, l'Alliance Atlantique, à la fois, est un système de sécurité collective, est un système qui assure le maintien de la paix et assure des opérations de stabilisation, dans un contexte où le pacte de Varsovie n'existe plus. Donc considérer que le contexte géostratégique n'a pas changé radicalement, et que la position de la France mérite d'être regardée, c'est au moins la moindre des choses.
M. Biraben : On passe à l'Afghanistan maintenant.
G. Delafon : Oui, justement, le contexte a changé, et la priorité, tout au moins pour l'OTAN, c'est l'Afghanistan. La question que tout le monde se pose, c'est si cette réintégration dans des structures plus intégrées de l'OTAN, est-ce que ça ne va pas obliger la France à s'engager davantage ? Est-ce que vous avez eu des demandes des Américains ? Vous avez vu récemment le général Petraeus, est-ce qu'on vous a demandé davantage d'hommes et est-ce que vous allez y répondre ?
J'ai déjà eu l'occasion de répondre à cette question, la France a fait un effort extrêmement important en 2007 et 2008, puisque nous avons, à la fois, envoyé entre 200 et 300 hommes pour la formation de l'armée nationale afghane, puisqu'une des clés de notre départ, c'est que les Afghans soient en mesure d'assurer leur sécurité. Donc, une armée et une police. Et donc il y a un énorme effort de la communauté internationale pour former cette armée. Et nous, nous avons décidé de faire un effort supplémentaire en 2007 et en 2008. Par ailleurs, nous avons assumé une nouvelle responsabilité en région Est, en vallée de Kapisa, et donc l'effort qu'a effectué la France est un effort sans commune mesure par rapport à ce qu'ont fait les autres.
G. Delafon : Donc, pour l'instant, c'est suffisant ?
Et donc nous, nous disons aux Américains : nous avons fait un effort, et cet effort-là a anticipé vos demandes.
G. Delafon : Donc pas plus pour l'instant ?
Il n'y a aucun plan supplémentaire ou complémentaire en la matière.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 17 février 2009