Déclaration de M. François Sauvadet, président du groupe parlementaire Le Nouveau Centre, sur la motion de censure déposée par l'opposition, sa critique des propositions du PS pour relancer l'économie et le soutien du Nouveau Centre à l'action du gouvernement, à l'Assemblée nationale le 27 janvier 2009.

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Circonstance : Débat sur la motion de censure déposée par le Parti socialiste à l'Assemblée nationale le 27 janvier 2009

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames, Messieurs les Ministres,
Mes chers collègues,
Je voudrais tout d'abord m'adresser aux élus socialistes pour leur dire, en lien avec les événements de la semaine dernière, que l'obstruction n'est jamais une bonne réponse. Les Français sont confrontés, nous sommes confrontés à une crise sans précédent, financière, économique et notre responsabilité collective, c'est d'y faire face et d'y répondre. Cela fait des semaines que l'opposition pratique cette obstruction systématique. L'obstruction, il faut le reconnaître, tout le monde ici l'a utilisé à un moment ou à un autre mais il faut reconnaître aussi qu'elle ne sert pas la démocratie.
Elle prend aujourd'hui des proportions qui ne sont pas acceptables. Il y a quelques mois déjà, on a vu 137 000 amendements sur la fusion GDF-Suez ; sur le projet de loi de réforme de l'audiovisuel, 116 rappels au règlement et 50 suspensions de séance pour 80 heures de débat ; sur le projet de loi organique, avec plus de 7000 amendements déposés et des amendements identiques déposés 22 fois au total.
Pendant ce temps-là il y a des Français qui attendent des réponses, un débat clair sur ce que nous souhaitons les uns et les autres.
Je vous le dis, cette obstruction ne sert pas la démocratie. Et pendant que vous bloquez les débats, hé bien c'est l'action que vous empêchez.
Aujourd'hui, la situation est à tout le moins paradoxale avec motion de censure et c'est là une nouvelle fois un rideau de fumée sur un débat qui serait pourtant légitime. Là, franchement, demander la motion de censure au nom d'un débat sur le plan de relance alors que le débat a eu lieu tout juste un mois.
Parler de défense des libertés au Parlement alors que nous venons d'adopter une révision constitutionnelle qui ouvre une série de droits nouveaux au Parlement, personne n'est dupe. Cette motion de censure, rédigée et déposée à la va-vite, au lendemain d'une situation de tensions que vous avez très largement provoquée et souhaitée, n'est pas destinée à demander au Gouvernement de s'expliquer sur une politique qu'il mène depuis plus de 18 mois, ni même à proposer des pistes de réflexions et d'actions pour aider le pays à sortir de la crise. Cette motion de censure, on le sait tous, elle est là uniquement pour ressouder dans l'opposition systématique un parti socialiste profondément divisé sur le fond. On l'a entendu dès l'annonce du plan.
Le débat sur le plan de relance, pourquoi ne pas y avoir participé lorsqu'il a eu lieu ? Pourquoi n'avez- vous pas fait vos propositions à ce moment-là ? Et puis, j'y reviendrai, commencez par assumer la relance là où vous êtes en charge de responsabilités. Je pense aux régions, aux conseils régionaux, aux grandes villes. Or j'ai le sentiment que depuis plusieurs semaines, plusieurs mois, sur ce sujet de la relance, vous êtes restés aux abonnés absents. Et je le regrette.
A la lumière de ce qui s'est passé ces dernières semaines, je voudrais redire à la gauche que le Parlement doit être le lieu du débat. Il doit être le lieu de l'action. C'est pour ça que nous nous battons tous pour sa revalorisation. L'absence, ce n'est pas une réponse. C'est une posture. L'obstruction, ce n'est pas bon. Et en pratiquant cette obstruction systématique, je vous le dis comme je le pense, vous n'avez pas contribué pas à sa revalorisation mais bien davantage à son abaissement. Parce qu'il fallait obtenir des éclaircissements là où vous les souhaitiez et là où nous les souhaitions. C'est ce que nous avons fait. Les droits de l'opposition aujourd'hui et ceux des groupes dits minoritaires sont reconnus dans la loi que nous avons votée. Je regrette qu'à l'action vous ayez préféré la confusion.
D'ailleurs, ce n'est pas la première fois que vous pratiquez de cette manière.
La première motion de censure en avril dernier avait été justifiée par votre opposition à la politique économique du Gouvernement et finalement nous avons eu droit à un discours s'opposant à notre engagement en Afghanistan.
Aujourd'hui, avec cette nouvelle motion de censure, vous développez deux grandes idées selon lesquelles, d'une part, le Président de la République et le Gouvernement n'auraient pas pris les bonnes initiatives pour faire face à cette crise mondiale et d'autre part, les libertés seraient mises à mal.
D'abord une première remarque, vous avez attendu cinq mois pour proposer ce que vous appelez un plan de relance. Cinq mois. Cinq mois pendant lesquels, aux côtés du Président de la République et du Gouvernement, nous avons fait le choix de l'action, nous avons soutenu les initiatives prises par le Président au plan européen, nous avons soutenu les initiatives pour sauver le système bancaire français et international. Là où vous nous répétiez qu'il s'agissait de cadeaux, il s'agissait, on le voit bien, d'éviter purement et simplement l'effondrement du système bancaire.
Il y a eu l'action en direction des PME - TPE et 26 milliards d'euros pour sauver l'emploi. Et pendant ce temps, disons-le aux Français puisque c'est la vérité, vous étiez en train de vous préoccuper de vos campagnes internes. Pendant ce temps, nous avons fait des propositions, dans la majorité, et j'ai regretté l'absence, dans ce débat, de vos propositions qui sont arrivées bien tardivement.
Sur le fond maintenant. Ce que Martine Aubry a présenté, les choix que vous faites, ce sont des choix d'un autre temps. Parce que je crois profondément au Nouveau Centre que le premier soutien au pouvoir d'achat, c'est l'emploi, c'est le travail, permettre à chacun de se réaliser professionnellement. Et le second pilier, c'est la solidarité. La vraie, celle qui aide les gens au bord du chemin à revenir. Soutenir l'investissement, c'est soutenir l'emploi et soutenir l'emploi, c'est le premier soutien au pouvoir d'achat. Comme en 81, vous nous proposez de distribuer sans complexe et sans contrepartie. D'ailleurs, cela fait débat au sein même de votre parti. Je me permettrais ici de citer l'un des vôtres, Malek Boutih, qui qualifie votre plan de relance de « régression », qui « réitère une erreur grossière : il ne s'occupe pas des gens qui travaillent », qui prône un « éternel retour à l'assistanat ». Bref, il n'a pas de mots assez durs pour parler d'un plan que les Français jugent irréaliste.
Et cette baisse d'un point de la TVA que vous proposez, c'est 5 milliards d'euros. C'est un centime d'économie par euro dépensé, potentiellement. Est-ce vraiment efficace ? Je suis persuadé pour ma part que cette baisse d'un point n'aura aucun impact sur la croissance et ce pour un coût extrêmement élevé.
Autre proposition : vous demandez la suppression du plan travail-emploi-pouvoir d'achat. Comment, dans ces conditions, allez-vous justifier la suppression de la déductabilité des intérêts pour l'achat d'un logement tout en demandant un soutien plus grand au logement. Et ce n'est pas le moindre de vos paradoxes.
Ce plan de 50 milliards que vous proposez est un plan qui conduira le pays à des difficultés plus grandes encore, en aggravant notre déficit public à un niveau jamais atteint : 8.5% du PIB. Pour nous au Nouveau Centre, l'activité, l'emploi, c'est la priorité et il nous faut nous assurer systématiquement que chaque euro investi est un euro bien investit.
D'ailleurs, avec mon groupe, nous avons demandé la mise en place d'une mission d'information de suivi du plan de relance à l'Assemblée nationale, mission qui, au-delà de la commission des affaires économiques et de la commission des finances, permettra de marquer la volonté de notre assemblée de suivre les effets concrets du plan de relance. Et je vous le dis, s'il faut en infléchir certains des aspects hé bien nous n'hésiterons pas à le proposer.
Et surtout, n'oublions pas une chose, mes chers collègues, dès la crise passée il faudra retrouver le chemin de l'équilibre budgétaire. Nous n'avions déjà aucune marge de manoeuvre avant la crise alors je vous le dis, ne chargeons donc pas la barque de peur qu'un jour elle ne chavire.
Et puis, dans votre texte, pas un mot de l'Europe. Pas une référence à la nécessité d'avoir une coordination, comme l'a souhaité le Président de la République. La nouvelle gouvernance mondiale, la moralisation du capitalisme, la nouvelle définition que l'on doit donner à l'économie sociale qui vise à redonner au travail toute sa valeur face à un capital financier qui avait fini par dicter sa loi.
Ce que je souhaite, au Nouveau Centre, c'est que nous sortions plus forts de cette crise, pas plus faibles. Cela veut dit aussi qu'il faut que l'on continue l'effort de réforme qui a été entrepris. La réforme vers un Etat qui doit se concentrer sur ses missions, plus efficace, une république décentralisée qui assume ses missions.
Et puis je voudrais dénoncer la désinformation qui règne : vous faites comme si les 26 milliards d'euros contenus dans le plan de relance de l'économie n'étaient rien. Et bien, moi, au contraire, je pense que c'est quelque chose. 2 milliards d'euros pour aider les ménages en difficulté, je pense que c'est quelque chose. La création d'une prime de solidarité active et d'une aide à l'embauche pour les TPE, je pense que c'est utile. Pour les entreprises, notamment les petites et les moyennes, le remboursement accéléré de créances détenues par l'Etat et le remboursement annuel de la TVA, je pense que c'est utile. Car ce sont aussi nos entreprises que nous devons aider parce que ce sont elles qui forment le tissu économique de notre économie et sont la plus grande source d'emplois. Et puis l'accompagnement des collectivités locales, bien sûr que c'est essentiel. Ce sont elles qui forgent l'investissement. Elles travaillent au quotidien pour nos territoires.
Lorsque vous parlez d'améliorer l'accès au crédit et de créer des fonds régionaux pour financer directement les PME, oui bien sûr ! Nombreux sont ceux de nos entrepreneurs qui se plaignent aujourd'hui d'être bloqués par des banquiers devenus frileux et qui les empêchent de mener à bien leur activité. Mais je n'aurais qu'une chose à vous dire à ce sujet : qu'attendez-vous pour agir ? L'écrasante majorité des régions françaises sont dirigées par des élus du parti socialiste, alors qu'attendent-ils pour mettre en place ces fonds régionaux ? Depuis le début de cette crise, quand je vous entends, cinq mois après la crise, dire ce qu'il faudrait faire, hé bien les Français attendent de vous que, là où vous êtes en charge de responsabilité, vous agissiez. Or depuis plusieurs mois, vous êtes aux abonnés absents sur le terrain.
Quand on sait que 73% des investissements publics sont assurés par les collectivités territoriales, et que la moitié sont assurés par les régions, vous imaginez la responsabilité qui est la vôtre dans ces régions ? Vous détenez les deux tiers des grandes villes, plus de la moitié des départements. Qu'attendez-vous pour agir plutôt que vous tournez sans cesse vers l'Etat dont chacun connaît la situation.
Monsieur Montebourg, dans votre Conseil Général de Saône et Loire, j'apprends que vous avez réduit les investissements en direction des communes. Dans la région Centre, le plan de relance s'élève à seulement 11 millions d'euros sur un budget total de 800 millions. Et je pourrais multiplier les exemples. Hé bien, nous, élus du Nouveau Centre, là où nous sommes en charge de responsabilités, dans nos départements, dans nos villes, nous avons pris l'initiative. Dans le Loir et Cher, dans la Marne, en Côte d'Or. Président du Conseil général, j'ai engagé un plan de relance de 100 millions d'euros, j'ai engagé un plan de prévention du risque social pour aller au plus près des personnes qui sont concernées par les pertes d'activités. Voilà ce que les Français attendent de nous. Pas de l'incantation, pas de l'exortation. Ils attendent de nous des gestes concrets. Ils attendent de nous une direction. Et quand je vous vois aujourd'hui vous réjouir de l'ampleur des manifestations à venir, je voudrais vous dire que ces manifestations sont d'abord et avant tout des manifestations d'inquiétude et que la responsabilité politique c'est d'y répondre, avec sang froid, avec détermination et as d'encourager cette inquiétude.
Quant à la nécessité de la réforme, regardez autour de vous. D'autres pays ont réussi ce que nous avons entrepris. Nous évoluons aujourd'hui plus que jamais dans une société mondialisée et je ne pense pas, je dirai même que je suis convaincu que ce n'est pas en se repliant sur nous-mêmes que nous parviendrons à dépasser nos handicaps et à retrouver une place de choix dans le concert des nations. Malek Boutih a même parlé de bunkérisation...
Mais puisque nous en sommes aux propositions, Monsieur le Premier Ministre, le Nouveau centre en a fait une, toujours au goût du jour, que je me permets de vous reformuler aujourd'hui. L'idée, c'est de répondre simultanément au besoin de sécurité des épargnants et aux besoins de financement de l'investissement. Cette idée, c'est celle d'un emprunt garanti par l'Etat, sans coût pour ce dernier et mis à disposition du financement de l'économie. Cette idée d'emprunt citoyen s'inscrirait dans l'idée d'une participation citoyenne à l'économie. Une partie de cet emprunt pourrait, au surplus, servir aux PME et au financement de travaux d'infrastructures, en cohérence avec les engagements pris dans le cadre du Grenelle de l'environnement.
Il y a le soutien à l'économie d'un côté mais il y a aussi le soutien à ceux qui vont être le plus durement touchés par la crise de l'autre. Pour le Nouveau Centre, c'est une nécessité que d'avancer sur ces deux piliers, la performance de notre économie et l'équité sociale. Et je voudrais rappeler que depuis 18 mois, beaucoup a été fait en matière de justice sociale et nous y veillons : ne pas laisser les gens dans la difficulté, ne pas considérer qu'en leur donnant une allocation on a réglé leur problème maintenant et pour l'avenir. Et c'est là aussi une grande différence entre nous. L'effort sur les retraites et les pensions de reversion mais aussi le RSA, ce sont des mesures justes. Le service minimum dans les transports, qui, certes, doit être amélioré, c'est une mesure juste. La majoration des heures supplémentaires, le plafonnement des niches fiscales, ce sont des mesures justes. La modernisation du dialogue social, des relations commerciales, ce sont des mesures justes. Toutes, elles ont pour but de permettre à la France et aux Français d'affronter l'avenir avec de meilleurs outils.
C'est pour cela qu'au Nouveau Centre nous avons fait le choix de participer à l'action du Gouvernement, d'être un parti de Gouvernement et d'être un groupe politique tout simplement au service des Français et pas au service de l'ambition de tel ou tel.
Je voudrais répondre sur le deuxième point, celui des libertés publiques, qui est un sujet majeur en démocratie. Nous n'avons pas manqué d'ailleurs d'exprimer ce que nous avions à dire sur les fichiers qui existent depuis bien longtemps. Mais là encore, franchement, laisser croire aujourd'hui en France qu'il y aurait une menace sur les libertés publiques, c'est irresponsable. La révision constitutionnelle a été l'une des plus grandes réformes de ces 18 derniers mois. Elle vise précisément le contraire de ce que vous indiquez. Elle vise justement à redonner du pouvoir au Parlement. Regardez, aujourd'hui, nous débattons et votons sur l'envoi de troupes à l'étranger. Nous allons maîtriser en partie notre ordre du jour et nous avons à notre disposition davantage de moyens de contrôle de l'action du Gouvernement. Pour nous, ce n'est pas rien.
Nous, au Nouveau Centre, nous nous sommes également battus pour que soient conservés et respectés les droits des groupes minoritaires, pour que chacun puisse s'exprimer dans un pluralisme institutionnalisé. Nous avons également obtenu le respect de l'expression des groupes minoritaires dans le cadre du temps programmé. Et je souhaite que très vite on se remette au travail pour notre règlement intérieur.
Vous avez évoqué la justice et la récente réforme demandée par le chef de l'Etat de supprimer le juge d'instruction et d'instaurer un juge de l'instruction. Franchement, si vous pensez qu'on ne doit pas tirer toutes les leçons d'un système qui a connu l'affaire d'Outreau, qui connaît les transgressions permanentes du secret de l'instruction et jusqu'à ce journaliste qu'on est venu chercher chez lui, menotté pour une affaire de diffamation et conduit chez le juge d'instruction à 6 h du matin, sans compter les nombreux cas que l'on entend ici ou là. Donc, si vous pensez qu'il ne faut rien faire, assumez-le, nous, nous pensons qu'il faut faire évoluer ces systèmes en leur apportant des garanties. Depuis Pierre Arpaillange, il était alors Garde des Sceaux du Gouvernement Rocard, rien n'a bougé. Il y a avait pourtant un rapport qui concluait déjà à l'époque, à la suppression du juge d'instruction dont les missions d'investigations reprises par le ministère public seraient strictement encadrées.
Je voudrais lancer un appel au PS. Je voudrais dire au PS que ce qu'on attend d'une opposition moderne, c'est d'être d'abord une force de propositions. Cette stratégie de l'opposition systématique ne sert pas l'idée que je me fais, que nous nous faisons au Nouveau Centre d'une démocratie qui doit être respectueuse des opinions de chacun mais qui n'a de sens que si l'ensemble de l'action est mise au service des Français avec une vraie culture de l'évaluation. Défendre les libertés quand elles sont menacées, c'est une exigence première, agiter ce spectre en situation de crise pour jeter le trouble, c'est une lourde responsabilité. C'est donc l'esprit libre, l'esprit clair que nous ne voterons pas la censure du Gouvernement.
Source http://www.nc.assemblee-nationale.fr, le 28 janvier 2009