Texte intégral
J.-P. Elkabbach Demain, vous fêtez votre première année à Bercy. Bon anniversaire. Est-ce que l'anniversaire est bon ?
- "Oui."
Je ne parle pas pour vous personnellement mais je veux dire sur le plan de la politique économique qui est menée ?
- "Sur le plan général, les résultats de la France - tout le monde le reconnaît - sont positifs à la fois en termes de diminution du chômage, de maîtrise de l'inflation, de l'évolution positive du pouvoir d'achat. Tout cela est très bien. Mais en même temps, il reste beaucoup de difficultés parce qu'il y a des gens qui sont en difficulté, parce qu'il faut se projeter vers l'avenir, et puis parce qu'il y a des difficultés conjoncturelles liées à ce qui se passe aux Etats-Unis."
Est-ce que vous avez le sentiment d'avoir mis en accord vos idées, votre punch d'avant-Bercy avec vos décisions à Bercy ?
- "J'ai commencé, dans la ligne qui est fixée par le Premier ministre. J'avais dit avant de rejoindre le Gouvernement qu'il fallait aller vers une baisse des impôts. La vignette a été supprimée, l'impôt sur le revenu a baissé, la taxe d'habitation a baissé, il y a la prime pour l'emploi. Tout cela est positif."
Qu'est-ce qui résiste le plus alors ?
- "Ce qui résiste, c'est qu'on est tous un petit peu conservateurs quelque part même si on est à gauche."
"On est tous " : au PS ?
- "En général. La nature humaine est conservatrice. C'est vrai également qu'il y a toute une série de contraintes, mais la politique est là pour transformer les choses. Ce week-end avait lieu la réunion de Stockholm et le message général était à l'optimisme réaliste, c'est ce que j'ai ressenti depuis un an. Optimisme parce qu'on fait bouger les choses dans le bon sens et réalisme parce qu'il faut se confronter avec les choses telles qu'elles sont."
Permettez-moi de vous dire - parce que vous êtres assez satisfait de ce que vous faites...
- "Non, il faut rester très modeste et surtout ne pas être arrogant."
Hier, A. Juppé disait que le bilan économique de la gauche est lourd, qu'il ne prépare pas l'avenir. Je dis cela pour faire un peu de contradiction...
- "Cette semaine, je vais remettre un prix à un grand manager, décerné par un journal économique. Je me rappelle très bien que M. Juppé voulait vendre pour zéro franc l'entreprise de ce manager qui vaut 100 milliards actuellement."
M. Juppé aura compris de quelle entreprise il s'agit ! Après ou malgré les municipales, il faut selon vous maintenir le cap de la politique économique de 1997. Qu'est-ce que cela veut dire ? Est-ce que cela veut dire qu'on n'entend pas ce qui vient des quartiers populaires, des milieux pauvres ?
- "Au contraire, il faut toujours avoir les yeux et les oreilles bien ouvertes. Le résultat des élections est contrasté. Hier soir, je regardais la télévision et on voyait B. Delanoë élu, G. Collomb élu..."
Madame Keller élue, M. Perruchot élu...
- "Il y a donc des succès historiques - le mot n'est pas galvaudé - et en même temps des déceptions. Ces résultats sont très divers, c'est difficile de tirer une leçon unique parce qu'il y a des coins où cela a très bien marché d'autres où cela a mal marché, d'autres où on a fait des erreurs. J'hésiterais à tirer une leçon générale. Il y a simplement une ou deux choses qui me frappent. Il y a d'abord une demande de sécurité. Vous parliez des quartiers très populaires : je crois que là, comme partout, il y a une attente très forte de sécurité à laquelle il faut mieux répondre et puis une demande d'amélioration de la qualité de la vie, aussi bien l'environnement que le logement etc. Bien sûr, il y a toute une série de gens qui malheureusement sont encore exclus, à l'égard desquels il faut faire le maximum."
Vous aviez été un peu optimiste avant les élections sur les résultats ?
- "Je pensais que peut-être on serait un petit plus haut. Il y avait des succès que je n'imaginais pas, il y avait des défaites auxquelles je ne pensais pas. Beaucoup de ces défaites sont dues à nos propres erreurs, soit parce que les candidats ont été arrogants, soit parce que les successions ont été mal préparées, soit parce qu'il y a eu des divisions. C'est pour nous tous une grande leçon de modestie. J'ajouterai un point qui me paraît très important : un bilan ne suffit jamais. Si le bilan est bon, c'est très important parce que cela permet d'arrimer, de crédibiliser le projet. Mais les électeurs, que ce soit pour les élections locales ou pour les élections nationales, votent pour un couple bilan-projet. La qualité du bilan crédibilise le projet mais il faut toujours se projeter dans le futur."
Autrement dit, dans les prochains mois, est-ce qu'il faut un gouvernement qui gère ou un gouvernement qui réforme ?
- "Les deux. La gestions parce que si on n'a pas une bonne gestion, on met tout par dessus-tête, alors même qu'on est élu, désigné au gouvernement pour bien gérer. On est responsable des affaires du pays. Mais la gestion n'a de sens que si c'est pour améliorer ; il faut donc réformer, réformer, réformer. Vous faisiez allusion à ce que j'avais essayé de faire sous la conduite de L. Jospin depuis un an : des réformes. Il faut continuer pour l'année qui vient et pour la législature qui va venir."
Dans quel domaine faut-il bouger, s'il faut bouger ?
- "Dans beaucoup de domaines. Je prenais l'exemple de la sécurité : il faut être beaucoup plus crédibles. Mais il y a la question de l'environnement, la question du logement, la question de la lutte contre l'exclusion. C'est dans tous ces domaines-là qu'il faut bouger."
Est-ce que je peux revenir sur la question que j'ai posée tout à l'heure, à laquelle je n'ai pas eu de réponse ? Vous avez dit : "iI faut maintenir le cap de la politique économique." Qu'est-ce que cela veut dire ? Y aura t-il des corrections ? Est-ce que vous prévoyez des aménagements, des ajustements ?
- "Il peut toujours y avoir des ajustements. Concrètement, le cap de notre politique économique, c'est l'emploi. L'emploi, l'emploi, l'emploi. On a commencé à faire reculer le chômage - 1 million de chômeurs en moins - il faut continuer, et il faut essayer de briser le mur des 2 millions de chômeurs. Tout est subordonné à cela. Pour ce faire, il faut à la fois avoir une croissance suffisante, ce qui signifie avoir un pouvoir d'achat suffisant et des investissements forts. On prend des mesures pour cela. En même temps, il faut essayer de continuer de réduire les impôts, parce que si les impôts sont trop lourds, cela paralyse les gens. Enfin, il faut avoir ce qu'on appelle l'équilibre des finances publiques - c'est-à-dire ne pas sombrer dans le déficit, parce que le déficit, je le répète sans cesse, est un mot prétentieux pour dire que ce n'est pas nous qui allons payer nos propres efforts, mais nos enfants. Je suis pour une solidarité durable. C'est une approche de gauche et c'est cela qu'il faut développer en ayant, vous m'y invitiez tout à l'heure, l'oreille fine. S'il y a telle ou telle chose à corriger, on le corrigera."
Il va y avoir un séminaire du Gouvernement. Est-ce que vous dites ce matin, par exemple qu'il faut des orientations à gauche toutes, ou qu'il faut aller beaucoup plus vers la gauche ?
- "Ce n'est pas en ces termes que cela se présente. On a une politique de gauche, nous sommes des hommes et des femmes de gauche, et nous avons une politique de gauche dans la mesure où nous essayons de trouver un équilibre entre l'économique et le social. Notre politique économique, celle dont j'ai la charge, est une politique économique de l'emploi. Il peut y avoir tel ou tel accent mis sur tel ou tel point, s'il est insuffisant. Mais l'équilibre général continue à aller vers cette politique économique de l'emploi qui est la seule qui réduise les inégalités. C'est cela qu'il faut maintenir."
Est-ce qu'il n'y a pas deux contraintes : d'abord dans un an des élections, et ensuite une croissance dont vous dites qu'elle est encore bonne mais qu'elle n'est plus en hausse ?
- "C'est vrai qu'il y a ces contraintes. Pour ce qui concerne les élections, les gens ne sont pas aveugles, ils ne sont pas sourds. Si, tout d'un coup, on se mettait à faire une politique entièrement superficielle, subordonnée entièrement aux élections mais qui n'a pas de suite, et dont les conséquences sont insupportables, les gens diraient que c'est du pipeau. Donc, il faut être sérieux et en même temps réformateur. Sur le plan de la croissance générale, c'est vrai que ce qui se passe aux Etats-Unis a des incidences. Mais l'Europe est la zone du monde qui est quand même la plus protégée et, à l'intérieur de l'Europe, c'est la France qui, pour le moment - je touche du bois - s'en sort le mieux."
L'Europe c'est bon ?
- "L'Europe c'est bon."
Et l'euro reste un élément protecteur ?
- "Si on n'avait pas l'euro aujourd'hui, je peux vous dire que toutes les monnaies se baladeraient, feraient du yoyo. Les taux d'intérêt seraient plus hauts et l'emploi serait entravé."
La Banque centrale européenne a été critiquée parce qu'elle était absente et silencieuse. Elle se réunit dans quelques jours. Elle ne craint plus les risques d'inflation - c'est J.-C. Trichet qui le disait ici vendredi matin. Est-ce que vous pouvez dire que la voie est libre pour un geste, une décision ? Est-ce que ce serait bon pour l'économie européenne et donc l'économie française ?
- "La Banque centrale européenne est indépendante. Ce n'est pas à moi, ministre des Finances, de dire au président de la Banque centrale : "vous allez faire ceci, vous allez faire cela." Mais ce qui est certain, c'est que nous avons une croissance au niveau européen qui est moins forte que ce que nous anticipions et, en même temps, les tensions inflationnistes sont plus faibles qu'avant. Tous ceux qui regardent ces faits sont appelés à en tirer les conséquences."
Donc, s'il y avait une baisse des taux d'intérêt, vous ne seriez peut-être pas surpris, mais satisfait ?
- "Je serais satisfait de tout ce qui permet de relancer la croissance, parce que c'est la clef de l'emploi."
Sur le plan intérieur, est-ce que la majorité plurielle qui existe depuis quatre ans n'est pas en bout de course et se meurt ? Est-ce qu'elle n'a pas atteint ses limites ?
- "Pas du tout. Je crois qu'il faut comprendre ce que les élections municipales ont dit, même si ce sont des élections locales : il y a des messages, peut-être un certain nombre de corrections - j'ai parlé de la sécurité, de l'environnement - à faire. Mais la majorité plurielle doit continuer. J'ai toujours été persuadé d'une chose : si on admet que la majorité plurielle soit 2 + 2, en politique, 2 + 2 cela fait de temps en temps 5, de temps en temps 3. Il faut continuer à ce que cela fasse 5."
Si vous faites tous les calculs comme cela, vous allez nous effrayer...
- "C'est seulement dans ce domaine. Pour le reste, cela tombe juste, c'est mon travail que cela tombe juste."
Pensez-vous que vous pouvez contribuer à donner à la gauche, si cela est encore possible, le moral et le tonus ? Est -ce qu'il y a des vitamines du docteur Fabius ?
- "Il y a des vitamines du Gouvernement : écoute, modestie, projets. Si on se reporte cinq ans en arrière, quand je recevais des gens dans ma permanence à Grand-Quevilly, et notamment les mères de famille, elles me disaient : "Cela va être plus difficile pour les enfants que pour nous." Maintenant, quand je reçois des gens, ils ont parfois, et même souvent, des difficultés mais ils disent : "Les enfants ont une chance, cela va être possible dans le monde qui vient qu'ils saisissent leur chance." Notre travail, c'est de montrer qu'on est les meilleurs pour leur procurer cette chance."
Et vous avez dit qu'il faut rester modeste ?
- "Oui. Notre travail, c'est d'essayer de montrer."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 26 mars 2001)
- "Oui."
Je ne parle pas pour vous personnellement mais je veux dire sur le plan de la politique économique qui est menée ?
- "Sur le plan général, les résultats de la France - tout le monde le reconnaît - sont positifs à la fois en termes de diminution du chômage, de maîtrise de l'inflation, de l'évolution positive du pouvoir d'achat. Tout cela est très bien. Mais en même temps, il reste beaucoup de difficultés parce qu'il y a des gens qui sont en difficulté, parce qu'il faut se projeter vers l'avenir, et puis parce qu'il y a des difficultés conjoncturelles liées à ce qui se passe aux Etats-Unis."
Est-ce que vous avez le sentiment d'avoir mis en accord vos idées, votre punch d'avant-Bercy avec vos décisions à Bercy ?
- "J'ai commencé, dans la ligne qui est fixée par le Premier ministre. J'avais dit avant de rejoindre le Gouvernement qu'il fallait aller vers une baisse des impôts. La vignette a été supprimée, l'impôt sur le revenu a baissé, la taxe d'habitation a baissé, il y a la prime pour l'emploi. Tout cela est positif."
Qu'est-ce qui résiste le plus alors ?
- "Ce qui résiste, c'est qu'on est tous un petit peu conservateurs quelque part même si on est à gauche."
"On est tous " : au PS ?
- "En général. La nature humaine est conservatrice. C'est vrai également qu'il y a toute une série de contraintes, mais la politique est là pour transformer les choses. Ce week-end avait lieu la réunion de Stockholm et le message général était à l'optimisme réaliste, c'est ce que j'ai ressenti depuis un an. Optimisme parce qu'on fait bouger les choses dans le bon sens et réalisme parce qu'il faut se confronter avec les choses telles qu'elles sont."
Permettez-moi de vous dire - parce que vous êtres assez satisfait de ce que vous faites...
- "Non, il faut rester très modeste et surtout ne pas être arrogant."
Hier, A. Juppé disait que le bilan économique de la gauche est lourd, qu'il ne prépare pas l'avenir. Je dis cela pour faire un peu de contradiction...
- "Cette semaine, je vais remettre un prix à un grand manager, décerné par un journal économique. Je me rappelle très bien que M. Juppé voulait vendre pour zéro franc l'entreprise de ce manager qui vaut 100 milliards actuellement."
M. Juppé aura compris de quelle entreprise il s'agit ! Après ou malgré les municipales, il faut selon vous maintenir le cap de la politique économique de 1997. Qu'est-ce que cela veut dire ? Est-ce que cela veut dire qu'on n'entend pas ce qui vient des quartiers populaires, des milieux pauvres ?
- "Au contraire, il faut toujours avoir les yeux et les oreilles bien ouvertes. Le résultat des élections est contrasté. Hier soir, je regardais la télévision et on voyait B. Delanoë élu, G. Collomb élu..."
Madame Keller élue, M. Perruchot élu...
- "Il y a donc des succès historiques - le mot n'est pas galvaudé - et en même temps des déceptions. Ces résultats sont très divers, c'est difficile de tirer une leçon unique parce qu'il y a des coins où cela a très bien marché d'autres où cela a mal marché, d'autres où on a fait des erreurs. J'hésiterais à tirer une leçon générale. Il y a simplement une ou deux choses qui me frappent. Il y a d'abord une demande de sécurité. Vous parliez des quartiers très populaires : je crois que là, comme partout, il y a une attente très forte de sécurité à laquelle il faut mieux répondre et puis une demande d'amélioration de la qualité de la vie, aussi bien l'environnement que le logement etc. Bien sûr, il y a toute une série de gens qui malheureusement sont encore exclus, à l'égard desquels il faut faire le maximum."
Vous aviez été un peu optimiste avant les élections sur les résultats ?
- "Je pensais que peut-être on serait un petit plus haut. Il y avait des succès que je n'imaginais pas, il y avait des défaites auxquelles je ne pensais pas. Beaucoup de ces défaites sont dues à nos propres erreurs, soit parce que les candidats ont été arrogants, soit parce que les successions ont été mal préparées, soit parce qu'il y a eu des divisions. C'est pour nous tous une grande leçon de modestie. J'ajouterai un point qui me paraît très important : un bilan ne suffit jamais. Si le bilan est bon, c'est très important parce que cela permet d'arrimer, de crédibiliser le projet. Mais les électeurs, que ce soit pour les élections locales ou pour les élections nationales, votent pour un couple bilan-projet. La qualité du bilan crédibilise le projet mais il faut toujours se projeter dans le futur."
Autrement dit, dans les prochains mois, est-ce qu'il faut un gouvernement qui gère ou un gouvernement qui réforme ?
- "Les deux. La gestions parce que si on n'a pas une bonne gestion, on met tout par dessus-tête, alors même qu'on est élu, désigné au gouvernement pour bien gérer. On est responsable des affaires du pays. Mais la gestion n'a de sens que si c'est pour améliorer ; il faut donc réformer, réformer, réformer. Vous faisiez allusion à ce que j'avais essayé de faire sous la conduite de L. Jospin depuis un an : des réformes. Il faut continuer pour l'année qui vient et pour la législature qui va venir."
Dans quel domaine faut-il bouger, s'il faut bouger ?
- "Dans beaucoup de domaines. Je prenais l'exemple de la sécurité : il faut être beaucoup plus crédibles. Mais il y a la question de l'environnement, la question du logement, la question de la lutte contre l'exclusion. C'est dans tous ces domaines-là qu'il faut bouger."
Est-ce que je peux revenir sur la question que j'ai posée tout à l'heure, à laquelle je n'ai pas eu de réponse ? Vous avez dit : "iI faut maintenir le cap de la politique économique." Qu'est-ce que cela veut dire ? Y aura t-il des corrections ? Est-ce que vous prévoyez des aménagements, des ajustements ?
- "Il peut toujours y avoir des ajustements. Concrètement, le cap de notre politique économique, c'est l'emploi. L'emploi, l'emploi, l'emploi. On a commencé à faire reculer le chômage - 1 million de chômeurs en moins - il faut continuer, et il faut essayer de briser le mur des 2 millions de chômeurs. Tout est subordonné à cela. Pour ce faire, il faut à la fois avoir une croissance suffisante, ce qui signifie avoir un pouvoir d'achat suffisant et des investissements forts. On prend des mesures pour cela. En même temps, il faut essayer de continuer de réduire les impôts, parce que si les impôts sont trop lourds, cela paralyse les gens. Enfin, il faut avoir ce qu'on appelle l'équilibre des finances publiques - c'est-à-dire ne pas sombrer dans le déficit, parce que le déficit, je le répète sans cesse, est un mot prétentieux pour dire que ce n'est pas nous qui allons payer nos propres efforts, mais nos enfants. Je suis pour une solidarité durable. C'est une approche de gauche et c'est cela qu'il faut développer en ayant, vous m'y invitiez tout à l'heure, l'oreille fine. S'il y a telle ou telle chose à corriger, on le corrigera."
Il va y avoir un séminaire du Gouvernement. Est-ce que vous dites ce matin, par exemple qu'il faut des orientations à gauche toutes, ou qu'il faut aller beaucoup plus vers la gauche ?
- "Ce n'est pas en ces termes que cela se présente. On a une politique de gauche, nous sommes des hommes et des femmes de gauche, et nous avons une politique de gauche dans la mesure où nous essayons de trouver un équilibre entre l'économique et le social. Notre politique économique, celle dont j'ai la charge, est une politique économique de l'emploi. Il peut y avoir tel ou tel accent mis sur tel ou tel point, s'il est insuffisant. Mais l'équilibre général continue à aller vers cette politique économique de l'emploi qui est la seule qui réduise les inégalités. C'est cela qu'il faut maintenir."
Est-ce qu'il n'y a pas deux contraintes : d'abord dans un an des élections, et ensuite une croissance dont vous dites qu'elle est encore bonne mais qu'elle n'est plus en hausse ?
- "C'est vrai qu'il y a ces contraintes. Pour ce qui concerne les élections, les gens ne sont pas aveugles, ils ne sont pas sourds. Si, tout d'un coup, on se mettait à faire une politique entièrement superficielle, subordonnée entièrement aux élections mais qui n'a pas de suite, et dont les conséquences sont insupportables, les gens diraient que c'est du pipeau. Donc, il faut être sérieux et en même temps réformateur. Sur le plan de la croissance générale, c'est vrai que ce qui se passe aux Etats-Unis a des incidences. Mais l'Europe est la zone du monde qui est quand même la plus protégée et, à l'intérieur de l'Europe, c'est la France qui, pour le moment - je touche du bois - s'en sort le mieux."
L'Europe c'est bon ?
- "L'Europe c'est bon."
Et l'euro reste un élément protecteur ?
- "Si on n'avait pas l'euro aujourd'hui, je peux vous dire que toutes les monnaies se baladeraient, feraient du yoyo. Les taux d'intérêt seraient plus hauts et l'emploi serait entravé."
La Banque centrale européenne a été critiquée parce qu'elle était absente et silencieuse. Elle se réunit dans quelques jours. Elle ne craint plus les risques d'inflation - c'est J.-C. Trichet qui le disait ici vendredi matin. Est-ce que vous pouvez dire que la voie est libre pour un geste, une décision ? Est-ce que ce serait bon pour l'économie européenne et donc l'économie française ?
- "La Banque centrale européenne est indépendante. Ce n'est pas à moi, ministre des Finances, de dire au président de la Banque centrale : "vous allez faire ceci, vous allez faire cela." Mais ce qui est certain, c'est que nous avons une croissance au niveau européen qui est moins forte que ce que nous anticipions et, en même temps, les tensions inflationnistes sont plus faibles qu'avant. Tous ceux qui regardent ces faits sont appelés à en tirer les conséquences."
Donc, s'il y avait une baisse des taux d'intérêt, vous ne seriez peut-être pas surpris, mais satisfait ?
- "Je serais satisfait de tout ce qui permet de relancer la croissance, parce que c'est la clef de l'emploi."
Sur le plan intérieur, est-ce que la majorité plurielle qui existe depuis quatre ans n'est pas en bout de course et se meurt ? Est-ce qu'elle n'a pas atteint ses limites ?
- "Pas du tout. Je crois qu'il faut comprendre ce que les élections municipales ont dit, même si ce sont des élections locales : il y a des messages, peut-être un certain nombre de corrections - j'ai parlé de la sécurité, de l'environnement - à faire. Mais la majorité plurielle doit continuer. J'ai toujours été persuadé d'une chose : si on admet que la majorité plurielle soit 2 + 2, en politique, 2 + 2 cela fait de temps en temps 5, de temps en temps 3. Il faut continuer à ce que cela fasse 5."
Si vous faites tous les calculs comme cela, vous allez nous effrayer...
- "C'est seulement dans ce domaine. Pour le reste, cela tombe juste, c'est mon travail que cela tombe juste."
Pensez-vous que vous pouvez contribuer à donner à la gauche, si cela est encore possible, le moral et le tonus ? Est -ce qu'il y a des vitamines du docteur Fabius ?
- "Il y a des vitamines du Gouvernement : écoute, modestie, projets. Si on se reporte cinq ans en arrière, quand je recevais des gens dans ma permanence à Grand-Quevilly, et notamment les mères de famille, elles me disaient : "Cela va être plus difficile pour les enfants que pour nous." Maintenant, quand je reçois des gens, ils ont parfois, et même souvent, des difficultés mais ils disent : "Les enfants ont une chance, cela va être possible dans le monde qui vient qu'ils saisissent leur chance." Notre travail, c'est de montrer qu'on est les meilleurs pour leur procurer cette chance."
Et vous avez dit qu'il faut rester modeste ?
- "Oui. Notre travail, c'est d'essayer de montrer."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 26 mars 2001)