Texte intégral
C. Roux, M. Biraben et G. Delafon M. Biraben : Nous allons recevoir le secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, il s'appelle B. Le Maire. De quoi allons-nous lui parler ?
C. Roux : On va lui parler du plan de soutien à l'automobile, qui n'est pas protectionniste - on avait un peu compris le contraire... Donc là, la règle c'est : il n'est pas protectionniste, on va voir pourquoi ? Et puis, on va lui parler des pays de l'Est, qui sont en difficulté et qui appellent l'Europe à l'aide.
M. Biraben : Et qui veulent passer à l'euro...
C. Roux : Ce week-end, les 27 se sont retrouvés pour un sommet de crise. On avait compris, en écoutant le président de la République, que les aides d'Etat accordées aux constructeurs automobiles étaient conditionnées à la sauvegarde des entreprises en France. "On n'avait pas bien compris", nous a dit le Président, obligé d'en rabattre, un peu, pour démontrer, à Bruxelles, que la France n'est pas protectionniste.
M. Biraben : On vous propose un petit cas d'école, pour commencer cette interview. Imaginons, un constructeur automobile français, qui décide de délocaliser son activité, bénéficie-t-il ou pas, des aides de l'Etat ?
Non, il n'en bénéficie pas. Ils ont pris un engagement moral, qui est, en échange du soutien de l'Etat - 3 milliards pour Peugeot, 3 milliards pour Renault - de garder leurs entreprises en France, et de garder les emplois en France.
C. Roux : C'est un engagement moral ?
C'est un engagement moral...
C. Roux : C'est-à-dire que l'Etat n'a pas les moyens de les contraindre, de sauvegarder les emplois et les entreprises en France ?
Vous savez, je pense que ces entreprises pourraient, à l'avenir, avoir encore besoin de l'Etat français. Donc il me semble que c'est un accord qui a été conclu entre l'Etat et entre les entreprises, qui est dans l'intérêt de tous, qui est de faire en sorte, que Renault et Peugeot puissent continuer leurs activités en France, garder leurs emplois en France, garder des sites industriels en France. Mais il n'est pas question, comme cela a pu être dit, d'aller fermer une entreprise en République tchèque, ou ailleurs. L'idée de garder les activités en France...
G. Delafon : C'est ce qu'avait dit le Président, de fermer les entreprises en République tchèque ?
Ce qui a été conclu entre l'Etat français et les entreprises Renault et Peugeot, c'est de faire en sorte que, puisque nous les aidons, nous les aidons à hauteur de 6 milliards d'euros - ce n'est tout de même pas rien -, nous gardons les emplois et les entreprises en France. Vous savez que je suis élu en Normandie, il y a une entreprise qui s'appelle Renault Sandouville, c'est plus de 3.000 emplois qui sont en Normandie. Je crois que les salariés de Sandouville, par exemple, auraient du mal à comprendre que l'Etat français apporte 3 milliards d'euros à Renault, et que REnault quelques semaines plus tard, supprime des emplois ou ferme l'entreprise de Sandouville.
G. Delafon : Donc ça veut dire que si on ferme quelque part, si on doit fermer, on fermera plutôt en Tchéquie, qu'en France ?
Cela veut dire, qu'on essaie surtout de ne pas fermer et de garder les emplois, dans l'industrie automobile. Ce qui me paraît la réponse appropriée aujourd'hui, face à la crise. Je note juste que ce que nous faisons en France, en Allemagne, la question se pose exactement dans les mêmes termes : 25.000 emplois chez Opel sont menacés ; l'Etat allemand cherche à garder les emplois en Allemagne et à sauver Opel.
C. Roux : Donc la contrepartie, puisque quand même, il y a une contrepartie, "morale", c'est ce que vous dites, c'est de sauvegarder les emplois en France, malgré tout ?
La contrepartie morale, c'est de sauver l'emploi. Mais je crois que...
C. Roux : En France ?
En France. Mais je crois que ce qu'il faut bien comprendre, c'est que nous sommes dans une crise, dont personne ne sait exactement quand elle finira, dont tout le monde mesure la gravité. L'urgence absolue, aujourd'hui, c'est de sauver l'emploi et de sauver les compétences technologiques.
G. Delafon : Mais est-ce qu'il n'y avait pas eu une maladresse de la part du président de la République, en disant quand même, que bon, il fallait fermer, en gros, les usines en Tchéquie ? De dire ça, en présidence Tchèque, en Europe, est-ce que ce n'était pas une maladresse ?
Ce que je note, c'est que monsieur Topolanek et monsieur Sarkozy se sont très bien entendus à Bruxelles. Et que, ce qui est important, c'est de regarder vers l'avenir, surtout lorsqu'on est en période de crise.
C. Roux : Vous n'avez pas le droit, de dire que c'est une erreur de communication ?
Vous savez, je dis ce qui me paraît positif et utile à dire.
C. Roux : D'accord. La position des Suédois est intéressante, à propos de l'automobile, ils disent qu'en fait, il faudrait revoir le principe des subventions, puisque l'Europe produit 18 millions de voitures et le marché européen peut en absorber 11 millions. Est-ce qu'il ne faudrait pas arrêter de subventionner pour sauvegarder des emplois, d'une industrie, qu'il faudrait peut-être, revoir dans son modèle ?
Il faudra revoir, à long terme, ce qu'est l'industrie automobile européenne, c'est évident. Mais je pense que ce n'est pas à chaud qu'on traite ce genre de problème. On l'a fait dans le passé, on sait que ça ne marche pas. Ce n'est pas, lorsqu'on est face à une crise majeure, qu'on va dire : tiens, nous allons supprimer des postes, fermer des entreprises", et puis laisser des salariés dans une situation, où ils ne retrouveront pas d'emploi, précisément parce que c'est la crise. Qu'on réfléchisse à long terme sur ce que sera l'industrie automobile européenne, comment est-ce qu'elle peut survivre, comment est-ce qu'elle peut être une des meilleures au monde, ça me paraît être la bonne question. Et je vois, par exemple, que la Commission a proposé un plan, dans lequel, elle financerait des recherches à hauteur de 1 milliard d'euros sur le moteur électrique, ça, ça me paraît être la bonne direction.
G. Delafon : Oui, mais enfin, si on produit des voitures que les consommateurs n'achètent plus. Il faudrait peut-être y réfléchir avant le long terme ?
Je pense qu'on produit des voitures que les consommateurs n'achètent plus, parce qu'elles ne répondent pas à leurs demandes. Si vous arrivez à produire un véhicule plus petit, un véhicule qui protège mieux l'environnement, un véhicule qui fonctionne de manière électrique, donc qui peut circuler en ville sans aucun problème, je pense que vous vendrez mieux, qu'un gros 4X4 qui produit beaucoup de CO², qui ne répond plus, forcément, aux attentes des consommateurs.
C. Roux : Sur ce sujet, encore du plan de soutien à l'automobile, est-ce qu'il y a une incompréhension entre la France et Bruxelles ? Est-ce qu'on en est arrivé à des relations tendues entre N. Sarkozy et J.M. Barroso ?
Là aussi, vous savez, j'ai un esprit positif. Donc ce que je note, c'est que lorsqu'on s'exprime, lorsqu'on discute, on se comprend, même avec la Commission. Donc je suis allé, à trois reprises à Bruxelles, j'ai rencontré les services de monsieur Barroso, j'ai rencontré madame N. KROES, j'ai rencontré monsieur Verheugen. L. Chatel, de son côté, a fait la même démarche, a écrit, à deux reprises, à N. Kroes. Je pense que la conclusion de la Commission a été très claire samedi dernier : le plan français n'est pas protectionniste.
C. Roux : Il y a une incompréhension ou une maladresse de la France ?
Je pense qu'il y a une incompréhension, oui, je pense qu'il y a une incompréhension et que nous n'avons pas forcément expliqué suffisamment bien quels étaient les tenants et aboutissants de notre plan. Mais lorsqu'on explique, on a une réponse et elle est positive.
C. Roux : Deuxième partie de ma question, à laquelle vous n'avez pas répondu : est-ce que le climat est tendu entre N. Sarkozy et J.M. Barroso ? Quand on lui a posé deux fois la question, pour savoir s'il était le candidat, J.M. Barroso, le candidat de la France, pour le prochain renouvellement de la Commission, il n'y a pas eu de réponse de N. Sarkozy, qui a botté en touche.
Il a botté en touche, parce que c'est trop tôt. Je crois que, ce qui compte surtout, c'est de savoir comment est-ce que nous répondons, la Commission, les Etats membres, à la crise économique actuelle. Je crois que si les concitoyens européens, apprenaient que le seul sujet de discussion entre J.M. Barroso et N. Sarkozy, c'est de savoir si l'un va porter son soutien au renouvellement de l'autre, ils seraient inquiets.
C. Roux : Ce n'est peut-être pas le seul, mais ils en parlent, c'est un sujet ?
Je ne crois pas que ce soit un sujet. Je crois que le vrai sujet, c'est de savoir quelle est la réponse que la Commission, les Etats membres, apportent à la crise. Et ensuite, il y aura le renouvellement de la Commission, ça, tout le monde le sait. Et ce qu'a indiqué le président de la République qui est très important, dimanche, c'est que nous souhaitions que ce renouvellement de la Commission ait lieu dans son intégralité, à l'automne prochain, et qu'on n'ait pas une dissociation entre le choix du Président au printemps, et le choix de la Commission en septembre-octobre.
C. Roux : Est-ce que vous souhaitez, qu'il reste ? Est-ce que c'est un bon président de la Commission ?
Oui, c'est un bon président de la Commission. Mais c'est aux chefs d'Etat de faire des propositions, de regarder qui peut convenir le mieux, certainement pas au secrétaire d'Etat aux Affaires européennes...
C. Roux : Donc ce n'est pas acquis que ce soit, le candidat de la France ?
Nous verrons ce que décidera le président de la République.
M. Biraben : On passe aux pays de l'Est maintenant...
G. Delafon : Les pays de l'Est qui sont menacés de faillite. Qu'est-ce que déclencherait, pour la stabilité de l'Union européenne, la faillite d'un de ces pays ? Est-ce que ce n'est pas un risque d'éclatement majeur ?
Ce sera un risque, s'il y avait un risque de faillite d'un de ces pays...
G. Delafon : ...La Hongrie, la Hongrie ne va pas bien ; la Lettonie ne va pas bien du tout.
Aucun des pays que vous citez ne va bien, vous avez raison. Mais je crois qu'il ne faut pas non plus noircir trop la situation. D'abord, il y a un plan de soutien qui a été mis en oeuvre, il y a 25 milliards d'euros qui vont être apportés par la Banque européenne d'investissements, par la Banque Mondiale. Donc tout ça, va permettre déjà...
C. Roux : La Hongrie, c'est 160 milliards d'euros...
...Tout cela va permettre, déjà, de répondre, à la première difficulté de ces Etats. Deuxième chose, je pense qu'il faut bien distinguer la situation Etat par Etat. La situation de la Hongrie n'est pas la situation de la Lettonie, qui n'est pas la situation de la Pologne, qui n'est pas la situation de la République tchèque. Et d'ailleurs, les Tchèques ont fait savoir dimanche, de manière très claire, qu'ils ne souhaitaient pas être mis dans le même paquet que les autres Etats.
G. Delafon : Mais si l'un de ces pays fait faillite, qu'est-ce qu'on fait ? On paie ?
Moi, je l'ai toujours dit, il y a un principe de solidarité, entre les Etats membres de l'Union européenne et le principe de solidarité devra jouer dans tous les cas. Ça me paraît essentiel.
G. Delafon : Vous le savez très bien, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'élargissement est mal passé dans les opinions occidentales, quelque chose qui a été difficile à saisir. Est-ce que vous croyez que les électeurs de l'Ouest sont prêts à payer pour un pays de l'Est qui serait en faillite ?
Je vous le redis, je pense qu'il y a un principe de solidarité, il faut savoir prendre ses responsabilités. Nous avons accueilli ces Etats dans la famille de l'Europe, parce qu'ils en sont membres de droit, ils en sont membres historiquement, je dirais. Il n'y avait pas de question à se poser. Ils doivent maintenant bénéficier du même principe de solidarité que tous les autres Etats. Mais on doit le faire de manière responsable, en regardant ça au cas par cas. J'irai moi-même en Hongrie très prochainement. J'irai également en Autriche, pour regarder quelle est exactement la situation de ces Etats. Je me rendrai ultérieurement en Pologne. Je crois qu'il faut avoir un dialogue très étroit, très approfondi, pour regarder la situation de ces pays et apporter la réponse qui soit la plus appropriée possible, en se fondant...
C. Roux : Vous leur parlez de dialogue, ils vous répondent...
...En se fondant sur le principe de solidarité.
C. Roux : ...Monnaie sonnante et trébuchante.
Oui, mais les monnaies sonnantes et trébuchantes sont rares aujourd'hui. Donc il faut les dépenser à bon escient.
C. Roux : Est-ce qu'il faut accélérer l'entrée dans l'euro de ces pays-là ?
La perspective de l'euro, c'est la perspective naturelle pour tous ces Etats. Simplement, pour entrer dans l'euro, il y a un certain nombre de critères. Je pense qu'il ne serait pas sage, d'assouplir ou même d'affaiblir, ces critères. Pourquoi ? Parce que ce qui nous protège, nous, aujourd'hui, les 16 membres de la zone euro, c'est d'avoir des critères qui sont respectés par tous, et c'est d'avoir mêmes règles. Si nous changeons ces règles, nous risquons d'importer à l'intérieur de la zone euro les fragilités que nous voyons aujourd'hui dans ces Etats.
C. Roux : On change les règles, pour les déficits, on change les règles...
On ne les change pas pour les déficits.
M. Biraben : N. Sarkozy propose de changer sur les déficits ?
On ne les change pas pour les déficits. Pour le moment, il n'y a pas d'accord sur ce sujet-là.
M. Biraben : C'est une proposition ?
Il n'y a pas d'accord sur ce sujet-là. Et donc attendons de voir, si nous sommes capables, pour le moment, d'apporter la réponse appropriée. Je pense que nous le serons. Nous verrons ensuite si une accélération est possible. Mais je crois qu'il est très prématuré de parler de changement de règles, pour la zone euro, aujourd'hui.
C. Roux : Et vous dites que les circonstances exceptionnelles liées à la crise, ne peuvent rien changer concernant l'entrée dans l'euro, de ces pays-là ?
Je dis qu'au moment où je vous parle, changer les règles d'adhésion à la zone euro me paraît prématurées.
G. Delafon : Et vous savez que plus on va attendre, moins ils seront capables de rentrer dans l'euro.
Et plus vous attendez, plus vous êtes capables, aussi, d'apporter les réponses nécessaires. Je dis simplement, qu'il y a deux principes qu'on doit avoir bien présent à l'esprit. Le premier, c'est celui de la solidarité, je l'ai dit, je le redis, c'est très important. Le deuxième, c'est aussi celui de la responsabilité. Rentrer dans la zone euro, c'est respecter un certain nombre de critères, un certain nombre d'exigences que tous les 16 membres de la zone euro ont déjà respecté. Il est prématuré de dire qu'on va tout d'un coup abandonner ces critères-là.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 2 mars 2009
C. Roux : On va lui parler du plan de soutien à l'automobile, qui n'est pas protectionniste - on avait un peu compris le contraire... Donc là, la règle c'est : il n'est pas protectionniste, on va voir pourquoi ? Et puis, on va lui parler des pays de l'Est, qui sont en difficulté et qui appellent l'Europe à l'aide.
M. Biraben : Et qui veulent passer à l'euro...
C. Roux : Ce week-end, les 27 se sont retrouvés pour un sommet de crise. On avait compris, en écoutant le président de la République, que les aides d'Etat accordées aux constructeurs automobiles étaient conditionnées à la sauvegarde des entreprises en France. "On n'avait pas bien compris", nous a dit le Président, obligé d'en rabattre, un peu, pour démontrer, à Bruxelles, que la France n'est pas protectionniste.
M. Biraben : On vous propose un petit cas d'école, pour commencer cette interview. Imaginons, un constructeur automobile français, qui décide de délocaliser son activité, bénéficie-t-il ou pas, des aides de l'Etat ?
Non, il n'en bénéficie pas. Ils ont pris un engagement moral, qui est, en échange du soutien de l'Etat - 3 milliards pour Peugeot, 3 milliards pour Renault - de garder leurs entreprises en France, et de garder les emplois en France.
C. Roux : C'est un engagement moral ?
C'est un engagement moral...
C. Roux : C'est-à-dire que l'Etat n'a pas les moyens de les contraindre, de sauvegarder les emplois et les entreprises en France ?
Vous savez, je pense que ces entreprises pourraient, à l'avenir, avoir encore besoin de l'Etat français. Donc il me semble que c'est un accord qui a été conclu entre l'Etat et entre les entreprises, qui est dans l'intérêt de tous, qui est de faire en sorte, que Renault et Peugeot puissent continuer leurs activités en France, garder leurs emplois en France, garder des sites industriels en France. Mais il n'est pas question, comme cela a pu être dit, d'aller fermer une entreprise en République tchèque, ou ailleurs. L'idée de garder les activités en France...
G. Delafon : C'est ce qu'avait dit le Président, de fermer les entreprises en République tchèque ?
Ce qui a été conclu entre l'Etat français et les entreprises Renault et Peugeot, c'est de faire en sorte que, puisque nous les aidons, nous les aidons à hauteur de 6 milliards d'euros - ce n'est tout de même pas rien -, nous gardons les emplois et les entreprises en France. Vous savez que je suis élu en Normandie, il y a une entreprise qui s'appelle Renault Sandouville, c'est plus de 3.000 emplois qui sont en Normandie. Je crois que les salariés de Sandouville, par exemple, auraient du mal à comprendre que l'Etat français apporte 3 milliards d'euros à Renault, et que REnault quelques semaines plus tard, supprime des emplois ou ferme l'entreprise de Sandouville.
G. Delafon : Donc ça veut dire que si on ferme quelque part, si on doit fermer, on fermera plutôt en Tchéquie, qu'en France ?
Cela veut dire, qu'on essaie surtout de ne pas fermer et de garder les emplois, dans l'industrie automobile. Ce qui me paraît la réponse appropriée aujourd'hui, face à la crise. Je note juste que ce que nous faisons en France, en Allemagne, la question se pose exactement dans les mêmes termes : 25.000 emplois chez Opel sont menacés ; l'Etat allemand cherche à garder les emplois en Allemagne et à sauver Opel.
C. Roux : Donc la contrepartie, puisque quand même, il y a une contrepartie, "morale", c'est ce que vous dites, c'est de sauvegarder les emplois en France, malgré tout ?
La contrepartie morale, c'est de sauver l'emploi. Mais je crois que...
C. Roux : En France ?
En France. Mais je crois que ce qu'il faut bien comprendre, c'est que nous sommes dans une crise, dont personne ne sait exactement quand elle finira, dont tout le monde mesure la gravité. L'urgence absolue, aujourd'hui, c'est de sauver l'emploi et de sauver les compétences technologiques.
G. Delafon : Mais est-ce qu'il n'y avait pas eu une maladresse de la part du président de la République, en disant quand même, que bon, il fallait fermer, en gros, les usines en Tchéquie ? De dire ça, en présidence Tchèque, en Europe, est-ce que ce n'était pas une maladresse ?
Ce que je note, c'est que monsieur Topolanek et monsieur Sarkozy se sont très bien entendus à Bruxelles. Et que, ce qui est important, c'est de regarder vers l'avenir, surtout lorsqu'on est en période de crise.
C. Roux : Vous n'avez pas le droit, de dire que c'est une erreur de communication ?
Vous savez, je dis ce qui me paraît positif et utile à dire.
C. Roux : D'accord. La position des Suédois est intéressante, à propos de l'automobile, ils disent qu'en fait, il faudrait revoir le principe des subventions, puisque l'Europe produit 18 millions de voitures et le marché européen peut en absorber 11 millions. Est-ce qu'il ne faudrait pas arrêter de subventionner pour sauvegarder des emplois, d'une industrie, qu'il faudrait peut-être, revoir dans son modèle ?
Il faudra revoir, à long terme, ce qu'est l'industrie automobile européenne, c'est évident. Mais je pense que ce n'est pas à chaud qu'on traite ce genre de problème. On l'a fait dans le passé, on sait que ça ne marche pas. Ce n'est pas, lorsqu'on est face à une crise majeure, qu'on va dire : tiens, nous allons supprimer des postes, fermer des entreprises", et puis laisser des salariés dans une situation, où ils ne retrouveront pas d'emploi, précisément parce que c'est la crise. Qu'on réfléchisse à long terme sur ce que sera l'industrie automobile européenne, comment est-ce qu'elle peut survivre, comment est-ce qu'elle peut être une des meilleures au monde, ça me paraît être la bonne question. Et je vois, par exemple, que la Commission a proposé un plan, dans lequel, elle financerait des recherches à hauteur de 1 milliard d'euros sur le moteur électrique, ça, ça me paraît être la bonne direction.
G. Delafon : Oui, mais enfin, si on produit des voitures que les consommateurs n'achètent plus. Il faudrait peut-être y réfléchir avant le long terme ?
Je pense qu'on produit des voitures que les consommateurs n'achètent plus, parce qu'elles ne répondent pas à leurs demandes. Si vous arrivez à produire un véhicule plus petit, un véhicule qui protège mieux l'environnement, un véhicule qui fonctionne de manière électrique, donc qui peut circuler en ville sans aucun problème, je pense que vous vendrez mieux, qu'un gros 4X4 qui produit beaucoup de CO², qui ne répond plus, forcément, aux attentes des consommateurs.
C. Roux : Sur ce sujet, encore du plan de soutien à l'automobile, est-ce qu'il y a une incompréhension entre la France et Bruxelles ? Est-ce qu'on en est arrivé à des relations tendues entre N. Sarkozy et J.M. Barroso ?
Là aussi, vous savez, j'ai un esprit positif. Donc ce que je note, c'est que lorsqu'on s'exprime, lorsqu'on discute, on se comprend, même avec la Commission. Donc je suis allé, à trois reprises à Bruxelles, j'ai rencontré les services de monsieur Barroso, j'ai rencontré madame N. KROES, j'ai rencontré monsieur Verheugen. L. Chatel, de son côté, a fait la même démarche, a écrit, à deux reprises, à N. Kroes. Je pense que la conclusion de la Commission a été très claire samedi dernier : le plan français n'est pas protectionniste.
C. Roux : Il y a une incompréhension ou une maladresse de la France ?
Je pense qu'il y a une incompréhension, oui, je pense qu'il y a une incompréhension et que nous n'avons pas forcément expliqué suffisamment bien quels étaient les tenants et aboutissants de notre plan. Mais lorsqu'on explique, on a une réponse et elle est positive.
C. Roux : Deuxième partie de ma question, à laquelle vous n'avez pas répondu : est-ce que le climat est tendu entre N. Sarkozy et J.M. Barroso ? Quand on lui a posé deux fois la question, pour savoir s'il était le candidat, J.M. Barroso, le candidat de la France, pour le prochain renouvellement de la Commission, il n'y a pas eu de réponse de N. Sarkozy, qui a botté en touche.
Il a botté en touche, parce que c'est trop tôt. Je crois que, ce qui compte surtout, c'est de savoir comment est-ce que nous répondons, la Commission, les Etats membres, à la crise économique actuelle. Je crois que si les concitoyens européens, apprenaient que le seul sujet de discussion entre J.M. Barroso et N. Sarkozy, c'est de savoir si l'un va porter son soutien au renouvellement de l'autre, ils seraient inquiets.
C. Roux : Ce n'est peut-être pas le seul, mais ils en parlent, c'est un sujet ?
Je ne crois pas que ce soit un sujet. Je crois que le vrai sujet, c'est de savoir quelle est la réponse que la Commission, les Etats membres, apportent à la crise. Et ensuite, il y aura le renouvellement de la Commission, ça, tout le monde le sait. Et ce qu'a indiqué le président de la République qui est très important, dimanche, c'est que nous souhaitions que ce renouvellement de la Commission ait lieu dans son intégralité, à l'automne prochain, et qu'on n'ait pas une dissociation entre le choix du Président au printemps, et le choix de la Commission en septembre-octobre.
C. Roux : Est-ce que vous souhaitez, qu'il reste ? Est-ce que c'est un bon président de la Commission ?
Oui, c'est un bon président de la Commission. Mais c'est aux chefs d'Etat de faire des propositions, de regarder qui peut convenir le mieux, certainement pas au secrétaire d'Etat aux Affaires européennes...
C. Roux : Donc ce n'est pas acquis que ce soit, le candidat de la France ?
Nous verrons ce que décidera le président de la République.
M. Biraben : On passe aux pays de l'Est maintenant...
G. Delafon : Les pays de l'Est qui sont menacés de faillite. Qu'est-ce que déclencherait, pour la stabilité de l'Union européenne, la faillite d'un de ces pays ? Est-ce que ce n'est pas un risque d'éclatement majeur ?
Ce sera un risque, s'il y avait un risque de faillite d'un de ces pays...
G. Delafon : ...La Hongrie, la Hongrie ne va pas bien ; la Lettonie ne va pas bien du tout.
Aucun des pays que vous citez ne va bien, vous avez raison. Mais je crois qu'il ne faut pas non plus noircir trop la situation. D'abord, il y a un plan de soutien qui a été mis en oeuvre, il y a 25 milliards d'euros qui vont être apportés par la Banque européenne d'investissements, par la Banque Mondiale. Donc tout ça, va permettre déjà...
C. Roux : La Hongrie, c'est 160 milliards d'euros...
...Tout cela va permettre, déjà, de répondre, à la première difficulté de ces Etats. Deuxième chose, je pense qu'il faut bien distinguer la situation Etat par Etat. La situation de la Hongrie n'est pas la situation de la Lettonie, qui n'est pas la situation de la Pologne, qui n'est pas la situation de la République tchèque. Et d'ailleurs, les Tchèques ont fait savoir dimanche, de manière très claire, qu'ils ne souhaitaient pas être mis dans le même paquet que les autres Etats.
G. Delafon : Mais si l'un de ces pays fait faillite, qu'est-ce qu'on fait ? On paie ?
Moi, je l'ai toujours dit, il y a un principe de solidarité, entre les Etats membres de l'Union européenne et le principe de solidarité devra jouer dans tous les cas. Ça me paraît essentiel.
G. Delafon : Vous le savez très bien, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'élargissement est mal passé dans les opinions occidentales, quelque chose qui a été difficile à saisir. Est-ce que vous croyez que les électeurs de l'Ouest sont prêts à payer pour un pays de l'Est qui serait en faillite ?
Je vous le redis, je pense qu'il y a un principe de solidarité, il faut savoir prendre ses responsabilités. Nous avons accueilli ces Etats dans la famille de l'Europe, parce qu'ils en sont membres de droit, ils en sont membres historiquement, je dirais. Il n'y avait pas de question à se poser. Ils doivent maintenant bénéficier du même principe de solidarité que tous les autres Etats. Mais on doit le faire de manière responsable, en regardant ça au cas par cas. J'irai moi-même en Hongrie très prochainement. J'irai également en Autriche, pour regarder quelle est exactement la situation de ces Etats. Je me rendrai ultérieurement en Pologne. Je crois qu'il faut avoir un dialogue très étroit, très approfondi, pour regarder la situation de ces pays et apporter la réponse qui soit la plus appropriée possible, en se fondant...
C. Roux : Vous leur parlez de dialogue, ils vous répondent...
...En se fondant sur le principe de solidarité.
C. Roux : ...Monnaie sonnante et trébuchante.
Oui, mais les monnaies sonnantes et trébuchantes sont rares aujourd'hui. Donc il faut les dépenser à bon escient.
C. Roux : Est-ce qu'il faut accélérer l'entrée dans l'euro de ces pays-là ?
La perspective de l'euro, c'est la perspective naturelle pour tous ces Etats. Simplement, pour entrer dans l'euro, il y a un certain nombre de critères. Je pense qu'il ne serait pas sage, d'assouplir ou même d'affaiblir, ces critères. Pourquoi ? Parce que ce qui nous protège, nous, aujourd'hui, les 16 membres de la zone euro, c'est d'avoir des critères qui sont respectés par tous, et c'est d'avoir mêmes règles. Si nous changeons ces règles, nous risquons d'importer à l'intérieur de la zone euro les fragilités que nous voyons aujourd'hui dans ces Etats.
C. Roux : On change les règles, pour les déficits, on change les règles...
On ne les change pas pour les déficits.
M. Biraben : N. Sarkozy propose de changer sur les déficits ?
On ne les change pas pour les déficits. Pour le moment, il n'y a pas d'accord sur ce sujet-là.
M. Biraben : C'est une proposition ?
Il n'y a pas d'accord sur ce sujet-là. Et donc attendons de voir, si nous sommes capables, pour le moment, d'apporter la réponse appropriée. Je pense que nous le serons. Nous verrons ensuite si une accélération est possible. Mais je crois qu'il est très prématuré de parler de changement de règles, pour la zone euro, aujourd'hui.
C. Roux : Et vous dites que les circonstances exceptionnelles liées à la crise, ne peuvent rien changer concernant l'entrée dans l'euro, de ces pays-là ?
Je dis qu'au moment où je vous parle, changer les règles d'adhésion à la zone euro me paraît prématurées.
G. Delafon : Et vous savez que plus on va attendre, moins ils seront capables de rentrer dans l'euro.
Et plus vous attendez, plus vous êtes capables, aussi, d'apporter les réponses nécessaires. Je dis simplement, qu'il y a deux principes qu'on doit avoir bien présent à l'esprit. Le premier, c'est celui de la solidarité, je l'ai dit, je le redis, c'est très important. Le deuxième, c'est aussi celui de la responsabilité. Rentrer dans la zone euro, c'est respecter un certain nombre de critères, un certain nombre d'exigences que tous les 16 membres de la zone euro ont déjà respecté. Il est prématuré de dire qu'on va tout d'un coup abandonner ces critères-là.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 2 mars 2009