Entretien de M. Hervé Morin, ministre de la défense, dans "Aujourd'hui en France" du 8 mars 2009, sur la réintégration de la France dans le commandement de l'OTAN.

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Média : Aujourd'hui en France

Texte intégral

Q - Quel est l'intérêt, pour la France, de réintégrer le commandement de l'Otan ?
R - En moins de quinze ans, nous avons déjà réintégré toutes les structures de l'Otan, sauf deux. Nous sommes le quatrième contributeur financier de l'Alliance et le quatrième contributeur en forces. Nous participons, depuis 1995, à toutes ses opérations. Des généraux français ont commandé des opérations Otan, en Afghanistan en 2005 et au Kosovo en 2007. La vérité, c'est que, jusqu'à présent, nous étions des acteurs, importants certes, mais nous n'écrivions pas le scénario parce que nous n'avions pas de responsabilités au sein des structures de l'Otan. Le retour, dans le commandement, permettra de peser sur les grandes décisions stratégiques de l'Otan.
Q - Cela ne met-il pas en danger le choix d'indépendance de la France ?
R - Notre indépendance n'est ni discutable ni négociable. L'Otan, ce sont des décisions prises à l'unanimité et le retour dans le commandement intégré ne change pas la liberté de participer ou non à des opérations militaires. Je rappelle que 21 des 27 pays membres de l'Union européenne appartiennent à l'Otan. Notre grande ambition est que les Européens bâtissent une défense européenne. C'est en prenant une part de plus en plus importante de responsabilité dans l'exercice de leur sécurité que les Européens seront en mesure de peser plus au sein de l'Alliance atlantique.
Q - Les militaires français n'auront-ils pas du mal à travailler avec les Américains ?
R - Non. Depuis dix ans, sous l'impulsion du pouvoir politique - mais sans que cela ne suscite jamais le dixième du débat auquel on assiste aujourd'hui -, l'armée française n'a cessé de travailler avec les forces de l'Alliance. Nos états-majors sont certifiés Otan : aujourd'hui, quand nous sommes en opération avec des militaires américains, britanniques, canadiens ou d'autres, nous travaillons exactement de la même manière.
Q - Dans votre propre camp, des voix critiquent un alignement de la France sur l'Amérique...
R - La France assumera toujours ses positions en fonction de ses valeurs et de sa propre perception du monde. Quand la France décide de discuter avec la Syrie, demande-t-elle la permission à qui que ce soit ? Tout cela est indépendant de la question du retour dans le commandement intégré. Pour preuve, le fait d'y appartenir n'a pas empêché l'Allemagne de s'opposer aux Etats-Unis sur la guerre en Irak en 2003.
Q - Avant, l'ennemi était l'armée rouge soviétique. Qui est-il à présent ?
R - Aujourd'hui, le monde est probablement plus dangereux qu'il y a quinze ans. Nous devons considérer la menace terroriste, capable de frapper le coeur de nos cités. Il y a, malheureusement, de multiples autres menaces à la paix dans le monde.
Q - Qu'est-ce qui va changer pour la dissuasion nucléaire française ?
R - Rien. La force de frappe française restera totalement autonome. D'ailleurs, nous ne réintégrons pas le comité Otan des plans nucléaires.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 mars 2009