Interview de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé et des sports, à RMC le 11 février 2009, sur la réforme hospitalière, la création des agences régionales de santé et l'organisation des soins médicaux.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral


 
J.-J. Bourdin.- Notre invitée, R. Bachelot, ministre de la Santé des Sports. R. Bachelot, bonjour.
 
Bonjour, J.-J. Bourdin.
 
Merci d'être avec nous. On va parler hôpital, on va parler santé, ça nous concerne tous, mais auparavant, deux questions d'actualité, R. Bachelot. Le sommet du 18 février, la semaine prochaine, sera capital, vous l'avez dit, réunissant, peut-être des députés, tiens, je ne sais pas, j'ai vu que J.-F. Copé souhaitait que les députés soient présents.
 
C'est une bonne idée de J.-F. Copé. Effectivement, il y a très longtemps qu'il n'y avait pas eu un sommet social de cette importance, mais c'est vrai que nous traversons une crise mondiale et d'une ampleur inégalée, et il est tout à fait normal que ce sommet ait mis beaucoup de choses à l'instigation du Président du République au menu.
 
Je sais que N. Sarkozy souhaite que tout soit réglé avant ce sommet. Faut-il pour l'aborder sereinement retirer le décret réformant le statut des enseignants chercheurs ?
 
Oh non ! Je pense que V. Pécresse a tout à fait raison de vouloir en maintenir le principe. Il y a des négociations et des concertations sur les modalités, de façon à rassurer les enseignants chercheurs. Une médiatrice a été nommée. Je crois que c'est le bon moyen d'avancer et que V. Pécresse a rappelé justement tout ce qui avait été fait dans ce domaine pour notre université française. Elle est une ministre de qualité.
 
Alors, avant ce sommet faut-il trouver un accord en Guadeloupe et en Martinique ?
 
Y. Jégo est revenu...
 
...oui, reparti est là-bas.
 
... est revenu en Guadeloupe, est reparti. Et le Premier ministre après des réunions de travail approfondies a bien indiqué que l'augmentation de salaire, qui était le dernier point d'achoppement...
 
... oui, exact.
 
... parce qu'il y avait un cahier de mesures de 133 mesures, 132 ont fait l'objet d'un accord, il y avait cette augmentation de 200 euros qui ne relève pas l'Etat, vous le reconnaîtrez, mais qui relève...
 
Le Medef dit : « attendez ! »
 
... qui relève de la négociation des partenaires sociaux. Renvoyons cela à la négociation entre les partenaires sociaux.
 
Mais le Medef fait pression sur l'Etat, le patronat fait pression sur l'Etat.
 
Je comprends que l'ensemble des partenaires fassent pression sur l'Etat, mais chacun son métier.
 
Chacun son métier ! Donc, l'Etat n'a pas à intervenir dans...
 
L'Etat est le régulateur, il est le modérateur, il est celui aussi qui peut animer cette négociation sociale, mais ça relève bien...
 
Donc, pas d'allègement de charges sociales, pas d'allègement fiscal... Bien entendu ! Bon, d'accord. Parlons de votre texte discuté et débattu à l'Assemblée nationale, très important. Parlons de l'hôpital, la réforme de l'hôpital. Alors, d'abord un objectif, déficit de l'hôpital public en 2009, près d'un milliard d'euro. C'est bien cela, R. Bachelot ?
 
Oui, un petit peu moins.
 
Un petit peu moins, pas loin.
 
... allons ! En gros de masse, plus près de 800 million que de un milliard, voilà. Tout compte, 200 millions ce n'est pas rien.
 
Si votre texte passe, l'objectif, quel est l'objectif ?
 
Alors, ce texte est un texte d'organisation. Ce n'est pas un texte financier.
 
D'accord, mais il est fait aussi pour faire des économies.
 
Non mais, attendez, ne me coupez pas. Ne me coupez pas à chaque fois que je vais commencer des informations.
 
D'accord, allez-y ! Alors, je vous entends. Je vous écoute.
 
D'abord, pour dire que l'hôpital il a besoin de moyens. Nous avons augmenté dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité Sociale, dont nous avons discuté il y a quelques semaines à l'Assemblée nationale, nous avons décidé d'augmenter la ressource de l'hôpital de plus de 3 %, 3,1 % exactement. Par ailleurs, je pilote un plan d'investissement de l'hôpital, et en particulier de l'hôpital public de 10 milliards d'euros. Ce que je veux dire de façon très ferme, c'est que le déficit de l'hôpital n'est pas, j'allais dire une fatalité, et que le déficit de l'hôpital il est concentré sur certains établissements.
 
Alors, l'objectif c'est de réduire ce déficit ?
 
 
Pour ces hôpitaux, bien sûr.
 
De combien ?
 
Le retour à l'équilibre est un objectif. Puis-je rappelle là aussi que 54 % des hôpitaux publics sont en excédent et que le 80 % du déficit des hôpitaux publics est concentré sur 7 % des établissements. C'est bien qu'il ne faut pas considérer que le déficit est donc une fatalité. J'invite les hôpitaux qui sont en déficit à pendre les voies et les moyens de revenir à l'équilibre, et on les aide. On les aide, bien sûr.
 
Alors, je regarde la réforme : pouvoirs accrus accordés aux directeurs d'hôpitaux. Vous m'arrêtez si je dis des bêtises, ça peut arriver. Oh, non ! Mais si, ma chère Roselyne.
 
Non, non, Monsieur Bourdin.
 
Création des agences régionales de santé qui vont chapeauter le système de soins.
 
Qui vont l'organiser.
 
L'organiser.
 
Au plus près du terrain.
 
Au plus près du terrain, bien. Mutualisation des moyens entre établissements. On est bien d'accord.
 
Vous connaissez bien ma loi.
 
Rémunération variable des praticiens hospitaliers, ce qui veut dire que...
 
... pour certains.
 
... certains praticiens à l'hôpital gagnent moins que dans le privé.
 
Alors, on va essayer un petit peu d'organiser tout cela.
 
Allez !
 
Bon, l'organisation de la santé est l'organisation la plus centralisée sans doute qui puisse exister. Moi, je veux que de nouveaux acteurs puissent participer à l'organisation de la santé, des élus locaux, des professionnels de santé, des associations de malades. Je vais donc rapprocher l'organisation du terrain à travers des agences régionales de santé qui vont s'occuper non seulement de l'hôpital, mais aussi de la médecine dite de ville, la médecine ambulatoire, parce qu'il y a le problème des déserts médicaux.
 
Oui, mais alors le directeur des agences régionales de santé sera nommé en Conseil des ministres.
 
Oui, ça c'est très important parce que l'Etat...
 
... certains disent « c'est une étatisation de la santé ».
 
L'Etat est le garant de l'égal accès aux soins pour tous. D'ailleurs, on se presse de le rappeler, j'allais dire quotidiennement à la ministre de la Santé. Et d'ailleurs, pour parler de la santé, c'est moi que vous invitez, J.-J. Bourdin.
 
Ben, ça me paraît normal !
 
Je suis responsable de cette organisation de la santé et je crois que les Français veulent que l'Etat prenne toute sa place, mais ils veulent aussi que d'autres soient entendus, soient consultés, soient aussi, comme dirais-je... puissent discuter de tout cela.
 
Bien sûr !
 
Donc, moi, je fais donc ces agences régionales de santé où ces acteurs vont pouvoir discuter de tout cela. Alors, ça c'est le socle. Ensuite, il y a plusieurs sujets qui sont extrêmement importants. Vous avez parlé de l'hôpital avec ces trois mesures : 1) pouvoirs renforcés du directeur, oui, certes, mais pour mettre en oeuvre le projet médical qui est décidé par les médecins et par l'équipe soignante. Il ne met pas en oeuvre un projet...
 
... tout seul.
 
Il ne met pas en oeuvre un projet de gestion. D'ailleurs, c'est le projet médical qui garantit l'attractivité de l'hôpital. Ensuite, pouvoir faire en sorte de mutualiser les moyens à travers des communautés hospitalières de territoire. Je ne ferme aucun hôpital, je le répète, mais tous les hôpitaux n'ont pas vocation à tout faire.
 
Oui, chacun va se spécialiser, plus ou moins.
 
Le terme de « spécialiser » n'est peut-être pas...
 
... enfin, c'est ça dans les faits.
 
... mais il est évident qu'un petit hôpital rural de proximité ne peut pas avoir des plateaux techniques de haut niveau, pour simplifier.
 
On est bien d'accord. Il fera de la gérontologie.
 
Et troisième élément, attractivité des professions médicales à l'hôpital. On garde le statut de la fonction publique hospitalière, mais certains médecins peuvent décider de remplir des tâches supplémentaires, d'avoir plus de responsabilités, et on pourra avoir un statut contractuel tout en ménageant la fonction publique hospitalière. Alors, ça c'est l'hôpital. Et puis, il y a tout ce qui concerne la médecine de premier recours.
 
Alors, on va parler de la médecine, de la médecine et de la désertification médicale dans de très nombreux...
 
... c'est un très, très gros sujet.
 
Mais je sais ! On va en parler dans un instant. Un mot quand même, comment désengorger les urgences ? Je vous donne un chiffre - vous le connaissez mieux que moi, R. Bachelot, mai je le donne aux auditeurs ou aux téléspectateurs - : 20 millions de Français vont aux urgences chaque année, +5 % chaque année. Comment faire ?
 
Effectivement, nous voyons que nous avons un problème assez spécifique à la France, parce que si nous avions le taux des urgences, toute proportion gardée au niveau de la population, le même taux d'entrées en urgences qu'en Allemagne, nous n'en aurions que 6 millions. On voit donc qu'il y a des problèmes d'organisation dans le système et en particulier d'organisation dans la médecine...
 
... mais on va aux urgences parce que c'est gratuit.
 
... un problème d'organisation dans la médecine de ville et que trop souvent, parce que la permanence de soins y est insuffisamment assurée, on va aux urgences. Donc, tout le but de ma loi, c'est évidemment de décloisonner le système et en particulier qu'une meilleure organisation de la médecine dite de ville - mais parlons plutôt de la médecine générale, la médecine de premier recours - soit mieux organisée, que la permanence des soins y soit mieux assurée. La permanence des soins c'est la certitude qu'on va pouvoir trouver un médecin à toute heure du jour et de la nuit, et à certains moments du week-end. Et je confie la permanence des soins à ces agences régionales de santé dont je viens de vous parler. Ils vont aussi avoir en main les enveloppes financières parce qu'il y a quelque chose d'extraordinaire, J.-J. Bourdin, c'est qu'on a un système qui est à la fois très cher parce que les enveloppes consacrées à la permanence des soins par l'Assurance maladie c'est plusieurs centaines de millions d'euros - 400 millions d'euros - et puis en même temps ça ne marche pas. On cumule toutes les difficultés parce que ça ce n'est pas organisé au plus près du terrain avec les acteurs de terrain. Et donc, c'est ce que je fais avec les agences régionales de santé.
 
Bien, on va parler de la liberté d'installation des médecins dans deux minutes avec R. Bachelot qui est notre invitée sur BFM TV et sur RMC.
 
[...]
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 12 février 2009