Texte intégral
C. Barbier.- R. Bachelot, bonjour.
Bonjour C. Barbier.
Les Antilles s'enlisent dans la crise, durcissement... A qui la faute : aux grévistes, aux patrons, au gouvernement ?
Je crois que ce n'est pas une question de faute, mais il y a effectivement de très, très graves problèmes aux Antilles. Le secrétaire d'Etat, Y. Jégo, y est allé...
Trop tard...
...Il est y allé, il a travaillé. Il y a un certain nombre de mesures qui ont été actées. Reste sur la table la question du dialogue social. Pour ma part, en charge de la santé, j'ai une attention tout à fait particulière pour les Antilles, pour la Guadeloupe, je suis dans un travail de rénovation du tissu hospitalier, de prise en compte des problèmes spécifiques, sanitaires de la Guadeloupe. La Guadeloupe a du retard à rattraper sur beaucoup de plans, et il y a un travail...
Vous ferez un effort supplémentaire à cause de cette crise ?
Je fais déjà un effort supplémentaire, je crois qu'il y a un travail de profondeur, de confiance, de prise en compte des spécificités des Antilles qui est à mener, et que nous menons.
Alors le point dur, ce sont les salaires dans le privé. Pourquoi l'Etat refuse-t-il de financer cette hausse des salaires en aidant un peu les entreprises, ça débloquerait tout ?
Oui, mais parce que c'est une politique à courte vue. Je ne crois pas que ce soit la bonne solution, parce qu'il y a un travail de dialogue social, c'est les entreprises qui créent de la richesse, qui créent des salaires, et il n'est pas sain, je crois, que l'Etat vienne perturber ce dialogue social, ce n'est pas comme cela qu'on remet l'économie en route.
Alors, y a-t-il aussi un problème d'ordre colonial, comme le disent certains : les Blancs qui exploitent les Noirs, les Békés qui accaparent les richesses ?
Alors, vraiment, le poser comme ça, c'est une...
Il est posé comme ça par certains...
Oui, mais justement, c'est quelque chose de destructeur. Qu'il y ait des retards, qu'il y ait d'ailleurs, dans l'ensemble de notre pays, une question de diversité - ça, c'est quelque chose qui n'est pas seulement posé en Guadeloupe et aux Antilles - notre société, à l'aune de la victoire d'Obama aux Etats-Unis, n'est pas une société assez diverse. Et c'est vrai que, en Guadeloupe et aux Antilles, cette absence de diversité, cette absence de mixité sociale prend évidemment un retentissant encore beaucoup plus important.
Y. Jégo dénonce les opérations commandos de certains syndicats, y a-t-il une forme de terreur syndicale aux Antilles ?
Il faut évidemment faire respecter l'ordre républicain. Des images ont été montrées, des violences ont été ainsi désignées, elles sont absolument inacceptables.
Faut-il mettre le dossier Outre-mer sur le tapis des négociations mercredi, à l'Elysée ?
Je crois qu'il faut en tout cas que cette question de l'Outre-mer fasse l'objet, comme le président de la République d'ailleurs le souhaite, d'un comité interministériel spécifique. Qu'elle soit abordée au sein de cette réunion du 18, d'après-demain, pourquoi pas, mais je crois que ça mérite vraiment une réunion spécifique.
Alors, donc réunion mercredi, après-demain, vous le disiez, décisive entre syndicats, partenaires sociaux, l'Etat. Allocations familiales, coup de pouce aux chômeurs sans indemnités, est-ce que le Gouvernement ne va pas saupoudrer les milliards pour acheter la paix sociale ?
En tout cas, ce qu'il faut, c'est réfléchir à un certain nombre de dossiers qui me paraissent tout à fait prioritaires : les dossiers des familles, des travailleurs pauvres, de la précarité me paraissent à traiter en toute priorité, et c'est d'ailleurs ce que le président de la République a indiqué au menu de ces négociations qui seront, depuis maintenant quarante ans, les négociations sociales les plus importantes qu'on ait connues.
Il y aura du concret sur la table ?
Ah, j'en suis sûre.
Alors, vous n'avez plus, depuis le dernier remaniement, la tutelle de la jeunesse, c'est passé chez M. Hirsch, alors, c'est l'ancien monsieur "Pauvres" qui s'occupe des jeunes. Est-ce qu'on n'est pas en train d'envoyer les jeunes dans une voie de garage : ça y est, ils sont condamnés à subir la crise, on va d'ailleurs annoncer mercredi des mesures spécifiques pour eux ?
Je ne raisonne pas de cette façon. En fait, on se rendait compte que les questions de jeunesse dans notre appareil gouvernemental, depuis fort longtemps - ce n'est pas dans la structure gouvernementale actuelle - étaient saupoudrées entre un certain nombre de ministères et qu'il manquait une coordination. Pour ma part, je n'avais qu'une petite partie des questions jeunesse, qui se trouve massivement à l'Education, à l'université, aux affaires sociales, et que M. Hirsch, qui est un homme vraiment de dialogue, d'imagination, soit dans une position interministérielle pour arriver à mettre tout ça en coordination me paraît extrêmement important. Les jeunes, ce qu'ils veulent, c'est une bonne formation, un bon diplôme, et que ce diplôme débouche sur un bon emploi.
Alors justement, mercredi, l'une des idées qui sera sans doute sur la table, c'est la création de ce fonds social, ce fonds d'investissement pour aider à la formation, notamment des jeunes, des jeunes chômeurs...
Oui, c'est une idée de la CFDT, et qui mérite une analyse approfondie.
Et on va y mettre assez d'argent ?
C'est la négociation du 18, vous m'excuserez de ne pas vous donner en scoop des chiffres que je ne connais pas moi-même, C. Barbier.
Et l'indemnisation du chômage partiel : 70, 75, 80% ?
En tout cas, à améliorer.
Votre loi « Hôpital, Patient, Santé, Territoire » poursuit son parcours législatif. Des syndicats hospitaliers veulent en appeler dès aujourd'hui à des actions pour le début du mois de mars. Est-ce que vous n'allez pas être, un peu comme les universités, rattrapé et noyé par la crise ?
Oh, ce que je remarque, c'est que cette loi a fait l'objet d'une concertation inédite et d'une profondeur inégalée...
Et pourtant, appel à la grève...
En tout cas, ce que je remarque, c'est que donc pendant plus d'un an et demi, nous avons dialogué, nous avons creusé les solutions, c'est le terrain qui les a proposées. Ce que je remarque aussi, c'est que l'hôpital a besoin à la fois de moyens et d'organisation, dans des circonstances extrêmement difficiles, de dépression, de crise financière, nous avons augmenté les budgets de nos hôpitaux publics de 3,1%, c'est un effort tout à fait considérable, donc nous mettons de l'argent sur la table, l'hôpital ne supprime pas d'emplois, il en crée, et en plus, nous voulons le réorganiser, parce que c'est absolument indispensable, parce que si nous ne le réorganisons pas, eh bien, nous prélèverions indûment de l'argent dans le pouvoir d'achat des Français.
Le réorganiser ou le caporaliser, comme dit le socialiste J.-M. Le Guen, c'est-à-dire, le directeur aura pleins pouvoirs...
Oui, oh, c'est un propos de tribune. Au contraire, nous voulons l'organiser pour que le projet médical soit le moteur de cet hôpital. Finalement, nous sanctuarisons le pouvoir médical à l'hôpital ; le directeur, oui, c'est un patron, bien entendu, même si l'hôpital n'a rien à voir avec une entreprise, mais ce patron, il a une tâche : c'est de mettre en oeuvre un projet médical imaginé par les médecins et par l'ensemble de l'équipe soignante.
Alors, vous devez aussi lutter contre les déserts médicaux, allezvous consacrer la fin de la liberté d'installation des médecins, ils iront où on leur dira d'aller ?
Non, non, certainement pas, ce serait d'ailleurs une politique à courte vue, une politique de gribouille, qui ne ferait qu'accentuer les déserts médicaux. Ce que nous voulons, c'est mener une politique concertée, je remarque d'ailleurs que le paquet proposé par le Gouvernement a recueilli l'assentiment sur l'ensemble des bancs de l'Assemblée nationale, un schéma d'organisation, bien sûr, non opposable, mais qui dit : là, il y a besoin de médecins, là, on est en zone sur-dense ; des agences régionales de santé qui vont se comporter comme un guichet unique pour les aides, la création de maisons médicales ; les jeunes médecins ne veulent plus exercer tout seuls, des coopérations pour les professionnels de santé, une réforme des études médicales : former plus de médecins là où on en a besoin, regarder à former des spécialistes là où il y a des problèmes dans certaines spécialités, tout ça, ça forme un paquet cohérent pour lutter contre les déserts médicaux.
Vous souhaitez également lutter contre l'alcoolisme, notamment des jeunes. Allez-vous supprimer la pub pour tout alcool sur Internet ?
Non, alors, il n'y avait pas eu d'autorisation pour Internet au moment de la loi Evin au début des années 90, parce qu'Internet n'existait quasiment pas. Ce que je veux, c'est autoriser pour nos viticulteurs la possibilité de lutter à armes égales - allez sur Internet, vous allez voir que les viticulteurs du Chili ou d'Argentine, ils sont sur Internet - leur permettre de lutter à armes égales, mais l'interdiction des publicités intrusives, comme les pop up, interdiction des sites pour la jeunesse et pour les sites sportifs, et puis, évidemment, des messages sanitaires appropriés, et l'installation d'un comité de vigilance pour vérifier qu'il n'y a aucun dérapage. Ce que je veux, c'est encadrer pour protéger les jeunes.
Un adulte offrant de l'alcool à son enfant mineur, un amendement va rendre ça possible dans les cafés, vous allez l'empêcher ?
Je suis assez réservée sur cet amendement. Moi, ce que je veux, c'est qu'on en vienne à ce qui est, j'allais dire, la pureté de cristal, la pureté de cristal de la loi : les mineurs, pas d'alcool pour les mineurs, c'est clair, c'est simple, et je crois que tout ce qui va complexifier la loi va la rendre moins efficace.
Faut-il rendre publics et plafonner les salaires des footballeurs, comme on en parle dans plusieurs pays ?
Ce que je note d'abord, c'est que nos footballeurs sont plutôt moins bien payés que dans le reste de l'Europe, en Allemagne en particulier, mais aussi dans d'autres pays d'Europe. Ma foi, si les clubs veulent rendre ces salaires transparents, je n'y vois que des avantages. Moi, je serais plutôt favorable à la notion de... ça s'appelle "salary gap" en anglais, c'est-à-dire de limiter à un pourcentage du budget du club les salaires qui sont donnés aux joueurs, ce serait de bonne gestion.
Insultes racistes, apparemment, hier encore, lors du match de foot Lyon/Le Havre, faut-il durcir les sanctions ?
On n'est jamais assez dur pour lutter contre la bêtise, la vulgarité et l'incongruité totale qu'est le racisme.
R. Bachelot, merci et bonne journée.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 16 février 2009