Interview de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé et des sports, à RTL le 13 mars 2009, sur l'interdiction totale de la vente d'alcool et de tabac aux jeunes de moins de 18 ans et la publicité de l'alcool sur internet.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


 
 
 
 
 
J.-M. Aphatie.- Bonjour R. Bachelot, l'Assemblée nationale a voté cette semaine, à votre initiative, une interdiction totale de vente d'alcool et de tabac aux jeunes de moins de 18 ans ; avant, c'était 16 ans. Pourquoi avez-vous souhaité cette modification, R. Bachelot ?
 
Parce que la santé des jeunes est un des fils rouges de la politique de santé publique que je mène. Que l'alcoolisme des jeunes devient un fléau très inquiétant. Dans les quatre dernières années, le nombre de jeunes a augmenté de 50 %, des jeunes hospitalisés pour des alcoolisations massives, des comas éthyliques et on a une législation affreusement complexe : ventes à emporter, ventes à consommer sur place, les catégories de boissons, 16-18 ans. Si on veut qu'une législation soit appliquée, il faut qu'elle soit simple. La vente de tabac et d'alcool est maintenant interdite aux mineurs, c'est simple.
 
Mais vous savez très bien que c'est une loi qui ne sera pas appliquée, qui sera contournée - il y a des témoignages depuis que l'amendement a été voté. Voilà, les jeunes disent : si dans un bureau de tabac, on ne veut pas nous vendre, on va dans le suivant, et on trouve toujours.
 
Je sais bien que la loi peut être contournée. Mais, elle est aussi un signal d'alerte. Ce que je remarque c'est que dans les pays qui ont adopté ces législations extrêmement simples, cela a eu un effet totalement bénéfique, sur cette alcoolisation...
 
Lequel, par exemple ?
 
En Allemagne, par exemple. L'alcoolisation des jeunes a tout à fait baissé. Donc, la simplicité d'une législation c'est un élément tout à fait important. Mais évidemment ma politique ne se résout pas à des mesures d'interdiction. Même si elles doivent être portées par un texte législatif, par définition, je mène une politique globale, d'information, de prévention avec par exemple des campagnes d'information de l'Institut national de la prévention et de l'éduction pour la santé, des financements à des associations qui se mobilisent autour des jeunes pour expliquer les problèmes d'alcool, promouvoir des soirées étudiantes qui ne soient pas des open bar d'alcoolisation massive, ou ouvrir les consultations d'addictologie aux jeunes consommateurs alcoolisés.
 
Vous voulez lutter contre l'alcoolisme des jeunes, R. Bachelot, et en même temps, surprise, un amendement est adopté à l'Assemblée nationale pendant cette discussion, qui autorise la publicité de l'alcool sur Internet. "C'est incohérent", dit par exemple le docteur A. Rigaud, qui est président de l'Association nationale en alcoologie.
 
Le docteur A. Rigaud avec lequel je travaille a lui-même reconnu que la législation actuelle n'était pas en fait adaptée et que le média Internet n'avait pas été prévu par la loi Evin, parce que tout simplement, parce qu'il n'existait pas.
 
Pas prévu, donc pas pu ! Les jeunes vont beaucoup sur Internet, vous le savez R. Bachelot...
 
Vous me laissez aller jusqu'au bout de mon argumentation, Monsieur Aphatie !
 
Ils vont voir de la publicité pour l'alcool sur Internet.
 
J'avais dit, il y a plusieurs mois que je serais disponible pour moderniser cette législation en ouvrant la possibilité à nos viticulteurs de communiquer sur Internet, mais de façon très encadrée avec l'interdiction des sites jeunesse, des sites sportifs. L'interdiction de ce qu'on appelle les intrusions, les spam ou les pop up avec bien sûr des messages...
 
Ah, c'est un langage technique hein ! Mais c'est comme ça.
 
Eh bien oui, c'est comme ça, peut-être que vous n'allez pas sur Internet...
 
Très peu, très peu.
 
Vous êtes comme le Pape, monsieur Aphatie, vous n'allez pas sur Internet.
 
Ah, la comparaison n'est pas sympathique, mais enfin très peu, on va dire ça.
 
Et donc, bien entendu, des messages d'information adaptés, comme d'ailleurs les messages que vous avez sur votre antenne où vous passez des publicités pour les boissons alcooliques avec des messages d'information et de prévention, de façon, finalement à encadrer pour protéger.
 
Certains disent, R. Bachelot, qu'en fait vous avez rencontré le lobby viticole, mais vous l'aviez peut-être déjà rencontré avant ?
 
Non je n'ai pas rencontré le lobby viticole.
 
Cela existe le lobby viticole ?
 
Oui, bien sûr, oh, là, là ! Dans le ministère dont j'ai la mission, la responsabilité, les lobbies sont bien... nous entourent.
 
Il y en a un autre qui a l'air pas mal, cela concerne l'agro alimentaire. Vous faites de l'obésité une priorité de la politique de votre santé publique, dites-vous, et puis étonnement là aussi lors de la discussion parlementaire de cette semaine, vous n'avez pas interdit, vous avez laissez ouverte la possibilité de faire de la publicité pour les produits sucrés et gras, avant et après les programmes jeunesse à la télévision. Et là, on pensait quand même que vous feriez quelque chose !
 
Alors il y a eu effectivement un amendement là-dessus, mais j'avais bien indiqué une chose : c'est que nous étions en discussion, extrêmement ferme avec les acteurs du secteur. C'est-à-dire non seulement l'industrie agro alimentaire, mais les diffuseurs, les producteurs d'émissions de télévision ou de radio - en disant : moi je veux une politique volontariste. Je fais confiance à cette démarche volontariste, à cette démarche de proposition et nous étions en train de signer une charte, une charte d'ailleurs avec des engagements très, très précis de l'ensemble de la filière. Et je préfère laisser sa chance à cette démarche qui est une démarche de contrainte avec, par exemple des réductions très importantes données par les producteurs aux messages de santé publique, des émissions destinées à la jeunesse faisant la promotion d'une nourriture équilibrée et de l'activité sportive.
 
Mais s'ils font de la publicité, c'est pour vendre leurs produits, leurs produits sucrés-gras, comme on les appelle, c'est pour les vendre !
 
Et parallèlement, nous menons des chartes nutritionnelles avec les grands acteurs de l'industrie agro alimentaire pour qu'ils diminuent, le gras, le sucré, le salé. Alors maintenant, j'ai bien dit à tous ces acteurs de la filière qu'ils étaient sous contrôle. Le CSA va surveiller que quantitativement on tient bien les engagements et que qualitativement, que ces messages qui font de la promotion nutritionnelle donnent bien des messages qui vont faire de l'éducation à la santé.
 
Donc, vous les surveillez ?
 
Rendez-vous dans un an et si je vois que cela ne va pas, nous passerons par des mesures plus coercitives.
 
La menace est entendue. Lyon a été éliminé en 8ème de finale de la Coupe d'Europe - parce que vous êtes aussi ministre des Sports, R. Bachelot. J.-M. Aulas, président de l'Olympique Lyonnais dit : c'est à cause de la fiscalité qu'on a été éliminé. Barcelone par exemple a une fiscalité qui leur permet d'avoir des meilleurs joueurs que nous et donc on perd. Il a raison ?
 
Il a raison, mais enfin en l'occurrence, vu le match, il a plutôt tort, mais...
 
Vous l'avez regardé le match ?
 
J'en ai regardé des extraits, parce que j'étais évidemment...
 
Ah vous étiez occupée !
 
Il ne vous pas oublier que je défendais ma loi ! Non, il y a un vrai problème effectivement. Là où J.-M. Aulas a raison, c'est quand il parle des stades, car c'est vrai que...
 
Mais pas la fiscalité ?
 
Non, parce qu'il n'y a pas vraiment de différence notable. Mais quand on regarde le budget d'un club comme Lyon, eh bien c'est 150 millions. Quand on regarde le budget d'un club comme Barcelone, c'est 300 millions.
 
C'est bien, vous avez étudié les chiffres, c'est bien.
 
Eh bien, oui, je connais les chiffres d'affaires des clubs sportifs français, oui. Et là, il y a un vrai problème et il est vrai que les recettes provenant des stades c'est 25 % dans le reste des clubs européens et c'est 15% dans les clubs français. C'est pour ça qu'avec B. Laporte on veut mettre l'accent sur la construction de stades ou la rénovation.
 
Allez ! R. Bachelot qui suit aussi le football et donc on parle d'hôpital à 8h30 avec les auditeurs de RTL.
 
V. Parizot : Exactement, merci J.-M. Aphatie, parce que si Madame Bachelot va sur Internet, elle va aussi à la radio, sur RTL et pour dialoguer avec vous au 3210. Est-ce que vous êtes satisfait du fonctionnement de l'hôpital, puisqu'une réforme est annoncée, on vous attend. Vous parlerez avec la ministre dans un petit peu plus d'une demi heure.
 
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 13 mars 2009