Interview de M. Luc Chatel, secrétaire d'Etat à l'industrie et à la consommation, porte-parole du gouvernement, à "France Info" le 30 janvier 2009, sur le malaise social face à la crise et l'adoption du plan de relance gouvernemental.

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Média : France Info

Texte intégral

R. Duchemin.- La "Question du Jour", on la pose ce matin au porte-parole du Gouvernement. (...) Dites-moi, vous n'étiez pas en grève hier, vous : la télé, les radios, pour dire que le Gouvernement est à l'écoute des inquiétudes des Français. Vous pensez que ça va suffire comme message ?

Je crois qu'hier, ce à quoi nous avons assisté c'est une mobilisation d'inquiétudes, d'interrogations, un peu d'angoisse face à cette crise. On a une crise absolument sans précédent par son ampleur, par sa rapidité. Je rappelle que le début de la crise c'est le 15 septembre, et dès la fin du mois d'octobre et de la fin du mois de novembre, on a le chômage technique dans les usines automobiles, on a les répercussions sur l'emploi et donc les inquiétudes des salariés. Donc, je crois que le mouvement d'hier c'est d'abord ça, c'est d'abord de grosses inquiétudes face à une situation absolument sans précédent.

Mais la différence entre ce que vous êtes en train de nous dire, entre avant et après la manifestation, quelle est-elle ?

La différence c'est qu'il faut l'entendre, il faut entendre ces inquiétudes...

Et vous l'avez entendue ? M. Aubry dit que non.

C'est son analyse. Maintenant, je ne suis pas sûr que...Ce qui est important, c'est que le cap ce soit la sortie la plus rapide de la crise. Et le Gouvernement est totalement mobilisé avec l'ensemble de ceux qui souhaitent, qui sont prêts à travailler avec lui pour en sortir le plus vite possible. J'ai entendu hier beaucoup d'appels au dialogue, à la concertation, à l'échange. Je rappelle qu'en ce moment, nous avons un dialogue, un échange sur de nombreux sujets avec les partenaires sociaux. Il y a eu ces dernières six semaines quatre accords majeurs, en matière de négociations, entre les partenaires sociaux, à la fois, sur la convention de reclassement personnalisée, très important en situation de crise ; il y a l'assurance chômage qui est en cours de discussion ; il y a des questions qui sont très importantes pour les salariés et donc, il y a un échange, il y a un débat, il y a de la concertation.

La réponse pour l'instant du Gouvernement c'est l'adoption hier par le Parlement du plan de relance ?

C'est évidemment une réponse, parce que, comme je vous le dis, face à cette crise et face aux inquiétudes qui se sont manifestées hier, l'objectif c'est d'en sortir le plus vite possible. Et le plan de relance, c'est le meilleur moyen de sortir le plus vite possible de cette crise.

Vous dites "une réponse", ça signifie qu'il va y en avoir d'autres, et que l'Elysée va réfléchir à d'autres mesures à prendre pour aider les Français ?

Le Président a toujours dit que, si les circonstances le nécessitaient, le justifiaient, on ferait davantage. Simplement, l'enjeu aussi c'est que les mesures très fortes que nous avons fait adopter par le Parlement ces derniers jours, on les mette en oeuvre le plus vite possible. C'est ce qu'on va faire par exemple lundi ; il y a un Comité interministériel Aménagement du territoire qui se réunit, et qui décline sur l'ensemble du territoire français toutes les mesures du plan de relance. Je rappelle qu'il y a des mesures qui sont déjà effectives : la prime à la casse, le versement de la prime de solidarité active sera effectif le 1er avril, c'est une vraie réponse pour les salariés. Et puis, le président de la République a annoncé qu'il souhaitait revoir les organisations syndicales...

A la mi-février...

... pour parler avec elles, dans le courant du mois de février, il faut simplement le temps de préparer sur le fond cette rencontre et de fixer la date avec les organisations syndicales. Et l'objectif c'est quoi ? C'est de travailler avec les organisations syndicales sur le programme de réformes, de mesures, dans le domaine social, dans le domaine économique, qui seront prises au cours de cette année, et de discuter de la méthode, la façon dont on va travailler avec eux sur toutes ces réformes.

Cette réunion était déjà prévue à l'agenda du chef de l'Etat avec les organisations syndicales. Est-ce que ça signifie qu'il compte quand même bouleverser un petit peu le contenu de cette réunion ? Parce que B. Thibault a l'air un petit peu inquiet quand même, le leader de la CGT ce matin dit : "si on ne change rien, ça signifie qu'on n'a pas été entendus avec le mouvement d'hier".

D'abord pour être précis, elle était envisagée, elle n'était pas fixée. Donc le Président a indiqué hier qu'il souhaitait voir les syndicats, mais il a indiqué qu'il ne souhaitait pas les voir uniquement, comme l'a dit B. Thibault, sur l'ordre du jour, sur l'agenda. C'est bien sur le contenu, sur le détail des mesures, et sur la méthode, la façon dont on va travailler, dont le Gouvernement va travailler avec les organisations syndicales, avec les représentants des partenaires sociaux, sur les différentes réformes qui devront être mises en oeuvre au cours de l'année 2009. Donc, n'essayons pas de prendre prétexte sur des questions de méthode. Nous voulons rencontrer les organisations syndicales pour travailler avec elles sur le programme de réformes de l'année 2009. Comment on sort le plus vite possible de la crise, c'est ça le sujet.

Est-ce que ça signifie que d'ici là, le chef de l'Etat pourrait s'exprimer à la télévision, on en parle en tout cas ?

Le président de la République d'abord, s'exprime régulièrement ; j'étais encore avec lui à Châteauroux il y a 48 heures, il a eu l'occasion de s'exprimer, il le fait plusieurs fois par semaine. La question de savoir s'il communiquera directement vis-à-vis des Français, c'est le Président qui y répondra dans les prochains jours. Mais encore une fois, nous avons un Président qui est sur le terrain, et il l'a beaucoup fait depuis le début de cette année, qui est au contact des salariés, des ouvriers, et qui est totalement mobilisé sur les sujets sensibles dans la crise. J'étais encore avec lui cette semaine pour préparer le plan automobile qu'il annoncera dans les prochains jours, et qui sera aussi un éléments de réponse massif face à la crise, une réponse aux interrogations, aux inquiétudes d'hier.

Parmi les réponses qu'il pourrait éventuellement faire, est-ce que N. Sarkozy envisagerait, par exemple, de s'inspirer de ce qui se fait aux Etats-Unis ou dans d'autres pays, c'est-à-dire, donner directement des l'argent aux Français ? 1.000 euros de déduction d'impôts aux Etats-Unis, de l'argent aussi en Allemagne, est-ce que ça c'est quelque chose qui va être envisagé, qui peut l'être aujourd'hui ?

D'abord, je voudrais rappeler que depuis le début de cette crise, et N. Sarkozy l'avait dit dès son discours de Toulon, nous sommes très attentifs aux plus démunis. Quand nous avons par exemple inscrit à l'ordre du jour du Parlement le Revenu de Solidarité Active alors qu'un certain nombre d'autres responsables politiques auraient préféré débattre d'autres sujets, nous avons envoyé un signal en disant : c'est une priorité pour nous. Il a été adopté, il sera effectif à la fin de ce semestre. Lorsque le Président a décidé de revaloriser les minima sociaux, il a envoyé un message très fort. Lorsqu'on a versé fin novembre une prime exceptionnelle de crise, on a répondu aux attentes des moins favorisés. Maintenant, est-ce qu'il faudrait de nouvelles mesures en faveur de la relance par la demande ? Nous ne le pensons pas. Nous ne le pensons pas parce que l'expérience démontre que, les dernières années, les 30 dernières années, où il y a eu des plans de relance par la demande, ça n'a pas fonctionné, et ce qui nous semble important, c'est d'abord la relance de l'activité économique, de l'emploi par l'investissement, et c'est le contenu du plan de relance qui vient d'être adopté par le Parlement.

Cela signifie que vous n'irez pas piocher dans les idées du contre-plan de relance du Parti socialiste ? M. Aubry disait hier soir à la télévision qu'elle attendait justement une discussion éventuellement avec l'Elysée sur ce contre-plan.

Elle est extraordinaire ! Parce que nous avons proposé plusieurs discussions, nous avons organisé des débats au Parlement, dans le cadre du plan de sauvetage des banques, dans le cadre du débat sur le plan de relance...

Mais une rencontre avec le PS ?

Le Parti socialiste arrive quatre mois après avec un contre-plan de relance, dont une partie des mesures sont très bien puisqu'elles sont déjà mises en oeuvre par le Gouvernement, et les autres, malheureusement, l'expérience montre qu'elles sont totalement inefficaces, je pense notamment à la baisse de la TVA qui nous paraît absolument injuste pour notamment les salariés qui gagnent le moins en France.

Et s'il y a des choses à prendre dans ce plan, éventuellement, vous êtes prêt à en discuter, à vous réunir avec M. Aubry ?

Mais nous on est toujours prêts à discuter. Il faudrait simplement que le Parti socialiste par exemple accepte de revenir au Parlement pour débattre au cours des "Questions au Gouvernement", ça facilite la discussion.

Dernière question : mercredi, le préfet de la Manche a été muté, même chose hier en ce qui concerne le directeur de la Police nationale de la Manche. C'est quoi, c'est une mutation, c'est une affectation, c'est une sanction, comme disent certains élus y compris des élus UMP ?

D'abord, il faut bien avoir en tête qu'il y a des mouvements préfectoraux quasiment tous les mercredis, et donc c'est le lot des carrières préfectorales que d'avoir des mutations, parfois au bout de deux ou trois ans d'affectation, parfois au cours de six mois. Et ça, c'est la gestion du ministère de l'Intérieur qui fait qu'on mute les préfets.

Donc, il n'y a pas de lien direct avec les incidents qui se sont passés à Saint-Lô ?

Ecoutez ! Je veux dire, je ne suis pas un grand spécialiste de la gestion des ressources humaines des préfets, et ce n'est pas vraiment mon rôle. Il ne m'a pas échappé que le déplacement du président de la République ne s'était pas forcément passé dans les meilleures conditions. Pas uniquement d'ailleurs pour le Président, où il y a des manifestants qui l'ont approché de très près, mais aussi pour...et nous avons été alertés, le Président a été alerté, par les organisations syndicales dans la façon dont avaient été traités les manifestants eux-mêmes. Donc, j'imagine que cela a pu être pris en compte lors du mouvement préfectoral d'hier.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 2 février 2009