Texte intégral
M.-O. Fogiel - Vous êtes la présidente du Medef, les temps sont durs pour les salariés, 90.200 chômeurs de plus en un mois, c'est une hécatombe, hélas un record. Est-ce que déjà vous vous attendiez à de tels chiffres ?
Les temps sont durs pour les entreprises. Cela fait des semaines, pour ne pas dire des mois que je m'égosille, que je tire le signal d'alarme et que j'explique à tout le monde, et notamment au Gouvernement, que les carnets de commandes sont en chute libre et que les entreprises sont en train de mourir les unes après les autres.
Et vous n'êtes pas entendue auprès du Gouvernement ?
Insuffisamment, car je crois qu'il y a une tendance, une préférence à se concentrer sur les conséquences de cette situation, et à ne pas traiter en amont la cause de cette situation.
Et pourtant on a parlé d'un plan de relance pour l'emploi et pas pour l'investissement, alors vous dites quoi ?
Si, le plan de relance il est pour l'investissement.
Pardon, pas pour la consommation...
Tout à fait, mais il n'est pas suffisant. La difficulté vient du fait que la France est entrée dans la crise mondiale dans une situation de plus grande fragilité que ses principaux partenaires, notamment l'Allemagne, et par exemple aussi l'Europe du Nord ou même l'Angleterre. On est rentré dans une situation grave et nous-mêmes en étant plus fragiles dès le départ, c'est-à-dire avec des prélèvements obligatoires qui pèsent sur les entreprises françaises, qui leur donnent moins de réactivité face à la situation.
Mais vous demandez quoi concrètement parce que ça, c'est un discours qu'on entend maintenant depuis des semaines...
Ce n'est pas parce qu'on l'entend depuis des semaines, qu'il n'est pas pertinent.
Mais peut-être que vous n'êtes pas entendu, vous demandez quoi ?
Ce que je demande, c'est qu'il y ait une attention particulière portée aux entreprises françaises, petites et moyennes notamment.
Mais comment ?
Par exemple en disant que cette année, en 2009, un impôt qui est très important qui pèse sur le chiffre d'affaires des entreprises, qui s'appelle la "C 3 S", que cet impôt ne soit pas prélevé sur l'année 2009.
Donc vous demandez à ce que des impôts ne soient pas prélevés sur les entreprises l'année qui vient, cette année là ?
Sinon le chiffre du chômage, il est catastrophique, il est catastrophique parce que des entreprises sont en train de tomber en faillite.
Et donc ce sera pire après ?
Et ça, c'est depuis deux mois, je dis que le pic si on n'y prend pas garde, c'est pour la fin de ce premier semestre.
Vous voulez dire que là, c'est 90.000 chômeurs en plus pour le mois de janvier, ce sera pire après si on ne change rien aujourd'hui ?
Si on ne prend pas des mesures pour... Alors il y a ce que je viens de dire sur les prélèvements obligatoires, il y a d'autres choses qui sont dramatiques pour les entreprises en ce moment, notamment tout le système de l'assurance crédit qui est en train de pénaliser et de mettre au tapis, là aussi, des dizaines et des dizaines d'entreprises dans le secteur industriel. Il faut faire des choses pour demander aux assureurs crédits d'avoir des systèmes de notation qui ne mettent pas ces entreprises au tapis.
Est-ce que vous voulez dire qu'aujourd'hui, le Gouvernement, devant la pression de la rue, cède trop aux salariés finalement, aux chômeurs et ne soutient pas assez ces entreprises, parce qu'aujourd'hui on donne trop à la rue ?
Ce n'est pas une question de trop d'un côté ou...
Ben si, en même temps les caisses ne sont pas comme ça, pleines, et on ne peut pas distribuer à tout le monde.
Enfin il y a des choses que nous demandons qui ne relèvent pas forcément de distribution monétaire. Ce que je viens de dire que l'assurance crédit, il est évident qu'il faut qu'il y ait une mobilisation et qui touche des enjeux de réglementation et non pas des enjeux budgétaires.
Mais est-ce que vous êtes déçue du Gouvernement ?
La situation est extraordinairement difficile, je trouve que ce n'est pas le moment de chercher à distribuer des bonnes ou des mauvaises notes, des qualifications...
Mais est-ce que vous vous attendiez à une autre politique du gouvernement de N. Sarkozy ?
Il faut avoir une vision économique de la situation, cette vision n'est peut-être pas assez exprimée, parce que cette situation, c'est aussi une mutation économique. Moi, je voudrais aussi dire, notamment aux jeunes générations qui nous écoutent, qu'il y a des secteurs qui embauchent. Il ne faut pas non plus penser que tout est fermé, ce n'est pas vrai, il y a des activités qui sont demandeuses d'emplois. Il faut faire passer un message de transformation de l'économie, il va y avoir un nouveau modèle de développement économique, et ce nouveau modèle, ce sera le développement durable.
On comprend bien L. Parisot, mais est-ce que vous trouvez que le gouvernement Sarkozy aujourd'hui, devant la pression, finalement ne va pas dans la direction qu'il devait prendre, et ce qu'il vous avait dit ?
Il faut qu'il y ait une approche sociale, nous avons été les premiers, en dépit des caricatures qu'on essaie de faire aujourd'hui, à dire "attention il faut du social". Je dis que nous avons été les premiers car c'est nous qui avons lancé la négociation sur le chômage partiel, c'est nous qui avons mis sur la table des critères pour faire entrer le maximum de gens dans la protection d'assurance chômage. Donc cette dimension sociale, il faut l'avoir. Et moi, en plus, je vais vous dire ce matin, je dis aux organisations syndicales, à chaque numéro 1 des cinq grandes centrales syndicales françaises, "réunissons nous très vite, ensemble, nous les numéros 1, pour ouvrir une délibération sociale sur tout ce qu'on pourrait ensemble décider pour accompagner cette mutation économique". Il y a un enjeu social, mais il y a une mutation économique à accompagner.
Donc vous appelez ces leaders syndicaux.
Oui.
Un mot sur la polémique autour de F. Pérol et sa nomination donc à la tête de cette fusion. Ce matin, on apprend les pertes de Natixis, une perte de 2,8 milliards d'euros, donc cette filiale commune des deux banques. Vous pensez que cette polémique est stérile autour de F. Pérol ?
Premièrement, je note que tout le monde et je peux facilement faire partie de ce "tout le monde", considère que F. Pérol est un homme de très très grande qualité, et je crois qu'on aurait vraiment tort de se dire, "privons nous de ce talent là, de cette compétence là". Deuxièmement, je pense que la Commission de déontologie va se réunir, eh bien laissons là se réunir...
Mais pour vous, ça ne vous choque pas ?
Laissons la Commission de déontologie se réunir et c'est elle qui dira si, oui ou non, il y a une difficulté dans cette nomination. Je ne suis pas sûre que tous ceux qui sont en train de commenter aient tous les éléments pour apprécier la situation.
Et puis pour terminer vraiment, un mot sur la Guadeloupe : l'accord qui est presque aujourd'hui arrivé avec des patrons qui doivent mettre à la poche, vous dites quoi vous L. Parisot ?
Hier soir, j'ai eu le président du Medef Guadeloupe au téléphone, W. Angèle, qui me semblait extrêmement moteur dans les discussions pour faire avancer les choses, et je retrouve beaucoup d'espoir ce matin.
Vous avez de l'espoir ce matin sur la Guadeloupe ?
Oui.
Terminons par un oui ou un non : vous êtes choquée par les photos de S. Royal à la Une de Match ?
Je n'ai pas encore vu Paris Match, mais j'ai entendu qu'elle était elle même choquée et elle a raison. Il y a des limites qui sont trop souvent dépassées aujourd'hui dans notre pays. Ça concerne les médias, ça peut aussi beaucoup concerner Internet.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 26 février 2009