Texte intégral
J.-J. Bourdin.- Notre invitée ce matin, N. Morano, qui est secrétaire d'État chargée de la Famille. Bonjour. 74 % des Français - c'est un sondage, ce n'est qu'on sondage, mais quand même - 74 % des Français soutiennent les grèves et manifestations de jeudi prochain. Vous aussi ?
Bien sûr que non. Je ne vais pas vous dire que je soutiens les grèves...
Vous êtes dans les 26 % alors qui ne soutiennent pas.
Mais il y a une tradition française qui veut que avant même que l'on ait décidé, avant même que l'on ait appliqué, on demande déjà un mouvement de grève. Ce mouvement de grève a été annoncé par les partenaires sociaux avant même que se soit tenu le sommet social, qui a été d'ailleurs présidé par N. Sarkozy. Avant même qu'il y ait eu des annonces, avant même qu'il y ait eu un travail, des mesures annoncées, il y avait déjà un mouvement de grève qui était annoncé par les partenaires sociaux. Alors voilà, c'est une tradition française, on la respecte, on l'écoute, mais en même temps, la responsabilité des dirigeants, quelle est-elle ?
C'est irresponsable de faire grève, est-il irresponsable de faire grève jeudi ? Ou de manifester ?
Écoutez, moi je laisse à chacun la responsabilité de ses actes...
Mais à vos yeux ?
En ce qui concerne le Gouvernement, moi je suis membre du Gouvernement, être membre du Gouvernement, c'est d'abord...
Vous n'allez pas aller défiler, j'imagine ?
Ce n'est même pas que cela. C'est être en charge de la responsabilité, de l'écoute évidemment mais en même temps la démocratie ça n'est pas céder à tout ce que va demander la rue. Et est-ce que l'on demande à tous ceux qui ne vont pas défiler, qui seront à leur travail, qui attendent des réformes, qui veulent que nous nous sortions de la crise plus forts, est-ce que vous croyez qu'il ne faut pas écouter aussi de temps en temps la France qui ne défile pas ?
Mais vous seriez salariée de Continental, par exemple, vous seriez allée à Reims devant le comité d'entreprise pour manifester, pour dire votre colère ?
Mais je suis bien placée pour le savoir, monsieur Bourdin, puisque vous savez que dans ma ville, ma propre ville, l'usine Kléber a fermé. Et donc à ce moment-là, j'ai manifesté aux côtés des salariés. Pourquoi ? Pas pour dire attention - et je dis la vérité aux salariés - je leur ai dit : attention, il faut nous battre ensemble pour obtenir une bonne indemnisation et en même temps pour obtenir la ré-industrialisation immédiate du site. C'est exactement...
Mais vous ne croyez pas que dans la rue jeudi il y aura des quantités de salariés qui sont en train de perdre leur emploi ?
Attendez, laissez-moi terminer, parce que c'est important cet exemple, c'est très important. Les élus de gauche qui défilaient à nos côtés, qui à ce moment-là demandaient un moratoire pour empêcher la fermeture de cette usine Kléber, on ne les entend plus. Mais aujourd'hui, cette vérité que j'avais annoncée sur la réindustrialisation, avec la venue d'Acti call (phon), d'entreprises qui s'installent et dont on voit bien qu'aujourd'hui, sur les 900 salariés, près de 400 ont déjà retrouvé une solution professionnelle, ça c'est la responsabilité. Pourquoi ? Parce que croyez-vous que l'on aurait pu empêcher le groupe Michelin de se restructurer, alors qu'il est aussi créateur d'emplois ?
Ça veut dire quoi ?
Cette usine n'était plus productive, n'assurait plus la productivité.
Cela veut dire que la crise révèle l'impuissance des politiques ?
Non, au contraire, cela veut dire que cette crise nécessite la responsabilité politique, l'action, et surtout de ne pas mentir aux gens. Et de ne pas leur faire croire, comme je l'entends quelquefois, qu'il faut empêcher les licenciements. Mais c'est une erreur massive. Quand vous savez que ce groupe est en train de se restructurer...
Donc il faut admettre les licenciements chez Continental ? C'est ce que dit la direction ?
Ce n'est pas cela que je suis en train de vous dire, c'est comment...
Il faut admettre la fermeture de l'usine ?
Jamais par exemple, quand on voit le plan social qui été mené- je prends l'exemple de Michelin puisque c'est chez moi, ce plan social qui a été mené par Michelin -, avec des salariés qui ont en moyenne vingt ans d'ancienneté, ils sont partis avec des chèques d'indemnisation de 65 000 euros. Demandez à un salarié d'une petite entreprise s'il aurait la chance d'avoir un plan social de cette nature ? Donc il faut un plan social d'accompagnement, il faut en même temps accompagner vers la ré-industrialisation les sites, et c'est exactement ce que nous sommes en train de faire à Toul. Et je peux vous dire une chose, avec le courage, la vérité ça marche.
Oui, enfin on verra ce que ça donnera sur Continental, le courage et la vérité. On verra, parce qu'on n'est pas au bout de nos peines, enfin les salariés ne sont pas au bout de leurs peines...
Mais vous croyez que je ne comprends pas ce que peut...
Je ne crois rien du tout...
Non, non, mais s'agissant des salariés de Continental, vous croyez que moi, quand j'ai défilé aux côtés des salariés de l'usine Kléber...
Mais vous défileriez aux côtés des salariés de Continental ?
Pour les aider, pas pour dire des choses qui seraient impossibles...
Non mais est-ce que vous défileriez à leurs côtés, je vous pose la question ?
En tant que parlementaire, moi je l'ai fait à Toul. En tant que parlementaire.
Vous le feriez à...
En tant que parlementaire de ce secteur, je serais à leur côté. Mais je ne serais pas à leur côté pour leur mentir, monsieur Bourdin, parce que c'est trop facile, vous savez, de sortir son écharpe tricolore et de mentir aux gens.
On va quitter la politique, on va rester sur le terrain social, quoique. Besancenot souffle-t-il sur les braises, selon vous en ce moment ? Il demande une grève illimitée, reconductible, grève générale.
Monsieur Besancenot tient un discours d'irresponsabilité totale et de facilité. Dire qu'il faut une grève générale...
N'est-ce pas l'allié objectif de N. Sarkozy ?
Écoutez, franchement, nous notre rôle c'est de gérer la France, ce n'est pas d'aller chercher des alliés objectifs. Notre mission première, c'est de sortir notre pays de cette crise et surtout de le faire sortir de cette crise plus fort, renforcé, en ayant fait des réformes structurelles qui nous permettent de moderniser notre pays. Alors après, que l'on nous explique qu'il faut interdire les licenciements au détriment de mettre une entreprise complètement par terre, parce que quelquefois, malheureusement, lorsqu'il y a nécessité d'adapter les effectifs, c'est pour ressortir plus fort. Est-ce que vous croyez que lorsque nous avons pris la mesure d'accompagner plus fortement l'activité partielle - c'est une mesure qui a été issue du sommet social, elle était fondamentale -, d'indemniser à 75 % ceux qui sont en activité partielle, parce que l'on ne veut pas dire chômage partiel mais activité partielle...
Chez Continental, il n'y aura plus d'activité partielle, il n'y aura plus d'activité du tout.
Écoutez, je sais très bien que le Gouvernement va suivre de très près...
Je parle de Continental parce que c'est symbolique.
Mais Continental c'est Kléber, c'est la même chose. Vous ne croyez pas, on le sait très bien pour discuter avec les dirigeants de Michelin, même au niveau national, on voit à quel point le secteur du pneu et tout ce qui concerne le secteur automobile, est un des secteurs les plus impactés par la crise. Et donc Continental, évidemment, aura le suivi absolu du Gouvernement, de C. Lagarde...
C'est un rapace, O. Besancenot ? "Un rapace", c'est F. Chérèque qui le dit ?
Mais je le laisse avoir ses qualificatifs. Tout ce que je peux dire, c'est que monsieur Besancenot tient un discours qui peut sembler très populiste et qui est surtout irresponsable au regard de ce qui attend notre pays. On n'appelle pas à la grève générale alors que l'on sait très bien que nous avons besoin au contraire d'un maximum d'activité. Cela ne consisterait qu'à affaiblir le pays et surtout à affaiblir les plus nécessiteux d'entre nous, c'est-à-dire ceux qui ont le plus besoin, les plus fragiles. Et donc c'est un discours d'irresponsabilité.
Collectif budgétaire à l'Assemblée demain, il y a une discussion lancée par certains députés UMP, par le Nouveau centre aussi, qui demandent de taxer ceux qui gagnent plus de 300 000 euros par an. C'est une bonne idée ou pas, il y a un amendement qui a été déposé à l'Assemblée nationale ?
Non, je vous dis exactement comme je le pense, je pense que nous avons besoin d'investisseurs, nous avons besoin de chefs d'entreprises. Vous parlez de ceux qui gagnent plus de 300 000 euros, c'est 1 %...
Non mais je vous parle de ceux qui gagnent 300.000 euros, ce ne sont pas nécessairement des investisseurs, c'est aussi les revenus du capital, peut-être...
C'est 1 % de la population, certes, mais en même temps, monsieur Bourdin, je vais vous dire, l'objectif du Gouvernement, surtout du président de la République, a toujours été d'avoir une politique de justice, d'équilibre, c'est-à-dire de pouvoir faire revenir dans notre pays les investisseurs qui étaient partis. On évite 15 % de départs à l'étranger au jour d'aujourd'hui. 9 % sont revenus chez nous pour investir. L'engagement du président de la République s'agissant de cette justice et de cette vérité, puisque la campagne...
Donc on ne touche pas au bouclier fiscal ?
La campagne était d'annoncer ce bouclier fiscal, c'est-à-dire qu'on ne paye pas plus de 50 % de ses revenus en impôt. Ça a été clair devant les Français. Est-ce que vous croyez qu'au bout de même pas deux ans, il faudrait faire marche arrière et donc remettre en place un dispositif, ce qui serait déjà très complexe d'un point de vue fiscal, de dire : écoutez, pendant un an ou deux, on est désolés mais le bouclier fiscal ne marchera plus. Mais on dirait : qu'est-ce que c'est que ce pays d'une instabilité pareille ? On prend un engagement, on met en place une mesure et au final on revient dessus ? Mais attendez, la France n'est plus un pays crédible. On s'en va, on va ailleurs, là où on respecte ses engagements, là où on continue à mener une politique.
Enfin monsieur Obama a décidé de taxer les hauts revenus.
Mais pourquoi vous comparez monsieur Obama...
Non, je vous dis ça comme ça... Donc il a tort ?
On ne peut pas comparer la situation américaine et la situation française. Le taux d'épargne n'est pas le même, le taux d'endettement n'est pas le même, le taux d'activité n'est pas le même, le taux de chômage n'est pas le même et la protection sociale n'est pas n'est pas la même. Nous avons en France des amortisseurs sociaux très importants, ce qui fait que la France résiste mieux. Nous avons l'assurance chômage, nous avons l'assurance maladie, nous avons la retraite par répartition. Aujourd'hui, aux États-Unis...
On a beaucoup tapé là-dessus, pardonnez-moi, j'entendais la droite il y a quelques années...
... les seniors sont obligés de reprendre des formations pour retourner au boulot. Nous avons, nous, la chance d'avoir des amortisseurs sociaux, un taux d'épargne qui est de 11 % en France, qui est l'un des plus élevés, ce qui fait que la France tient mieux le choc. Et puis vous pourriez me parler de cette loi que les socialistes ont caricaturée et qu'ils appellent le paquet fiscal. Cette loi s'appelle l'emploi sur le travail. Vous pourriez en parler parce que c'est ce qui aide aussi la France à mieux tenir debout. Tout simplement parce que l'ensemble de cette loi, qui concerne très peu le bouclier fiscal mais les heures supplémentaires...
Oui enfin aujourd'hui, les heures supplémentaires, compte tenu de la situation économique, sont moins nombreuses.
Mais monsieur Bourdin, je vais vous dire une chose. Vous avez vu les chiffres, moi aussi. Et moi je suis allée dans les usines rencontrer les salariés. Quand, par choix, libre choix, vous choisissez soit de prendre vos RTT, soit d'avoir des heures supplémentaires, et donc d'avoir sur votre bulletin de salaire, en moyenne, 150 euros supplémentaires, 1 800 euros de plus à l'année, et cela sur votre bulletin de salaire première année, donc tout de suite, effet immédiat, l'année d'après vous ne payez pas d'impôt dessus.
Bon, simplement...
Oui mais c'est cela la loi sur le travail.
Simplement les RTT aujourd'hui...
C'est cela l'engagement du Président.
Heureusement qu'il y a les RTT aujourd'hui, vous le savez bien, dans les entreprises, en période de crise.
Mais il n'y a pas que les RTT, il y a l'ensemble des mesures que nous avons prises.
Oui mais heureusement que les RTT sont là, heureusement que les 35 heures on les a votées, non ?
Vous pourriez me parler du revenu de solidarité active, monsieur Bourdin...
Alors on va parler du RSA mais on va parler aussi de ce qui vous concerne directement, du statut des beaux-parents, parce que cela fait débat au sein même de l'UMP et j'attends des précisions de votre part, savoir où vous en êtes surtout. À tout de suite.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 17 mars 2009