Interview de M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat à l'emploi, à "Europe 1" le 6 février 2009, sur les mesures d'aide à l'emploi avec notamment les chèques emplois services, la rémunération du chômage à temps partiel et sur l'impact de la suppression annoncée de la taxe professionnelle.

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Média : Europe 1

Texte intégral

M.-O. Fogiel.- Hier soir, vous avez bien sûr écouté le président de la République, 90 minutes à la télévision, pas d'annonce précise, en tout cas pas vraiment. Des propositions... une annonce sur la taxe professionnelle. C'est ce qu'on attend d'un Président ? On avait l'habitude d'un Président qui décidait ?

Oui, mais ce qui s'est passé c'est qu'on a quand même des syndicats, des syndicats qui se sont exprimés fortement, et qui ont aussi des propositions en matière d'emploi.

Mais vous ne saviez pas avant que vous aviez des syndicats ? N. Sarkozy avait dit avant qu'il déciderait de toute façon. Donc, ce n'est pas une nouveauté qu'il y ait des syndicats en France ?

Oui, je crois que ce qu'il a montré aujourd'hui, enfin hier dans son intervention, c'est une méthode consistant à dire : si nous on agit tout seuls, on n'y arrive pas ! Si les syndicats agissent tout seuls, on n'y arrive pas ! Mais en revanche, si on fait un travail ensemble, un travail qui soit constructif, on peut faire avancer les choses.

Donc, il est pragmatique ce matin, N. Sarkozy. Avant, il était offensif et puis il a tiré des leçons de la première année et demie ?

Oui, mais c'est surtout que...enfin dans la discussion il y a des propositions qui sont avancées par la CFDT, par FO, par la CGT, il y a des propositions du côté des employeurs sur la formation aussi. Et dès aujourd'hui, ce qu'on va faire c'est rentrer en contact avec eux, sur une feuille de route qu'a fixée le Président hier, prendre les contacts toute la semaine prochaine, pour préparer cette réunion du 18 février. On ne peut pas à la fois nous dire...

Il était temps, non ?

...Non, je ne pense pas qu'il était temps, je pense qu'il y a toute une phase de travail qu'on a faite dans l'urgence, qui était sur l'emploi, et maintenant il y a une deuxième phase qui s'ouvre où il faut sans doute qu'on aille plus loin...

On va être très concrets sur...

(On va se ?) démultiplier en matière d'emploi, et là c'est un travail conjoint avec les syndicats.

On va être très concrets ce matin. N. Sarkozy a annoncé hier que les intérêts des prêts faits par l'Etat aux banques allaient rapporter 1,4 milliard euros. Que comptez-vous faire exactement de cet argent ?

D'abord, je trouve qu'il y a une morale à tout ça, c'est-à-dire que les banques par lesquelles la crise est arrivée, que ce soit l'argent qu'elles payent pour compenser l'aide de l'Etat qui finance les mesures de l'emploi, je trouve qu'il y a une certaine morale. Finalement, cela ne me déplaît pas.

Mais vous allez en faire quoi ?

Il y a trois principales mesures sur lesquelles il faut qu'on travaille. La première c'est le chômage partiel ; dans cette période de crise, il vaut mieux le chômage partiel que d'être licencié.

Donc, vous rémunérez de façon plus importante, les salariés qui sont au chômage partiel.

C'est la première chose. Mais la deuxième chose, c'est qu'il faut aussi que ce ne soit pas un dispositif inutile et stupide, où vous restez chez vous à ne rien faire. De ce point de vue, on peut proposer des actions de formation, et en profiter pour que les salariés puissent acquérir des nouvelles compétences. J'aime bien être concret. Hier, on a signé un accord dans le Nord, sur le domaine du textile, pour former les salariés aux nouvelles fibres techniques, notamment dans le domaine médical. Ce sont des marchés d'avenir, on profite de la crise où il y a cette activité partielle pour leur permettre d'acquérir ces nouvelles compétences. Cela, ce sont des idées malignes.

Et donc, par exemple, c'est un plan de relance par la consommation ce que vous nous racontez concrètement, ce n'est pas simplement par l'investissement ?

Non...Deuxième exemple, enfin juste ce qu'on essaye de faire, et notamment en matière d'emploi, c'est penser en dehors des cadres un peu tout faits. Il y a une deuxième idée qui a été mise hier sur la table par le Président, qui a tout de même été très précis, notamment sur les chèques emploi-service préfinancés. Qu'est-ce que c'est ? Par exemple, vous avez vos grands-parents qui sont tout seuls à la maison, ou vous êtes une famille où il vient d'y avoir un jeune enfant, vous travaillez en même temps, pas facile de s'organiser, on peut vous pré-financer des emplois services à la maison ; il va y avoir quelqu'un qui va pouvoir s'occuper de vos grands-parents ou quelqu'un qui va pouvoir s'occuper de vos enfants pendant que vous allez travailler. C'est une aide, une aide pour les familles, et en même temps ça crée un emploi.

Donc, c'est du social ?

...Cet emploi on est sûr qu'il n'est pas délocalisable et on est sûr qu'il est efficace.

À propos de délocalisations, une mesure précise : la suppression de la taxe professionnelle des industries en 2010, ce n'est pas la première fois qu'elle a été annoncée, J. Chirac l'avait faite en 2004, depuis on attend toujours. Cela a été présenté cette taxe comme une façon de lutter contre les délocalisations. Mais vous savez très bien que les coûts de production dans des pays comme l'Inde, la Chine, sont de 60 à 70 % plus bas que chez nous. Franchement, la suppression de la taxe professionnelle ce n'est pas ça qui va permettre de sauver des usines en France ?

Pardonnez-moi, mais quand vous allez sur le terrain et que vous consultez les entreprises, elles vous disent : votre dispositif il est quand même stupide ! Les entreprises qui produisent, qui sont soumises à la pression et au risque de délocalisation, ce sont celles qui sont frappées par la taxe professionnelle.

Oui, mais est-ce suffisant ?

...Celles qui n'ont aucun risque de délocalisation, elles ne payent rien. On va prendre un exemple simple : Assurance Banque n'acquitte aucune taxe professionnelle. À l'inverse, une entreprise qui travaille en sous-traitant automobile, elle va payer de la taxe professionnelle. Il y a peut-être une façon un peu plus maligne d'aborder les choses. Et je crois que c'est aussi une des choses qu'a essayées de faire hier le Président, c'est de dire : pensons en dehors des cas tout faits, allons chercher les idées qui peuvent nous aider.

Vous l'avez trouvé bon le Président, hier ?

Mon travail n'est pas de savoir s'il a été bon ou non...

Convaincant ?

... Moi ce qui m'a intéressé, c'est qu'il a fixé une feuille de route, qu'il n'a pas arrêté définitivement le cadre en disant : je veux, ça, ça, ça. Et qu'il a dit : on va travailler maintenant dessus avec les partenaires sociaux.

Sauf que vous avez entendu à l'autre bout, et notamment à Gandrange, tout à l'heure, il n'a pas convaincu, notamment les salariés qui ont perdu leur emploi, contrairement à ce qu'il a dit !

Je crois qu'il a, à la fois, hier, clairement assumé ses responsabilités et dit en même temps : je ne vous raconte pas d'histoire, on a une crise, il va y en avoir des conséquences dans notre pays. Notre seul travail, et notamment sur l'emploi, c'est de toute faire pour amortir cette crise. Et je pense que là-dessus, cette méthode consistant à travailler avec les partenaires sociaux, et rapidement, avec efficacité, ça me semble la plus appropriée.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 6 février 2009