Interview de M. Luc Chatel, secrétaire d'Etat à l'industrie et à la consommation, porte-parole du gouvernement, à "Europe 1" le 18 février 2009, sur la situation en Guadeloupe, sur les tensions et les discussions en cours, et sur la demande syndicale d'une hausse du Smic et des salaires.

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Média : Europe 1

Texte intégral

M.-O. Fogiel.- Vous êtes secrétaire d'Etat, chargé de l'Industrie et de la consommation et porte-parole du Gouvernement. Vous vous apprêtez à participer au sommet social cet après-midi. Mais avant ça, un mot sur la Guadeloupe : la situation s'est extrêmement tendue cette nuit avec des scènes de pillage, d'affrontements, trois policiers légèrement blessés par arme à feu. Vous avez entendu peut-être tout à l'heure le maire de Pointe-à-Pitre qui dit qu'il se sent abandonné. Qu'est-ce qu'on fait ce matin au Gouvernement, on laisse pourrir la situation ou on prend une décision ?

Je crois que le message du Gouvernement, c'est d'abord de lancer un appel au calme par rapport à ce qui se passe, d'ailleurs, j'ai entendu cet appel au calme émanant de plusieurs acteurs locaux, c'est le plus important. Je crois que la place des uns et des autres, elle est davantage autour de la table que sur les barricades.

Eh bien justement, autour de la table, est-ce que vous êtes autour de la table et est-ce que vous allez finalement donner cet argent qui va permettre au patronat d'augmenter les salaires, puisque ça bloque là-dessus, et manifestement, il y a eu un cafouillage, Y. Jégo aurait dit d'abord oui puis non ; aujourd'hui, vous dites quoi, vous, L. Chatel ?

Alors, je dis d'abord que nous sommes autour de la table, puisque, il y a une médiation qui est en cours, qu'il y a eu déjà énormément d'avancées. Je rappelle quand même...

Mais elles n'ont pas suffi, et on les a répétées depuis le début de la semaine. Aujourd'hui, est-ce que vous donnez de l'argent au patronat pour les charges sociales ?

Non, mais si on peut essayer de ne pas avoir une vision caricaturale, si vous voulez, il y a eu beaucoup d'avancées, il y a eu 131 points sur 132 qui ont fait l'objet d'un accord et de propositions du Gouvernement. Il y a un dernier point...

Mais monsieur Chatel, Y. Jégo nous l'a dit quand il est rentré d'Outre-mer, et depuis, vous entendez les affrontements de cette nuit, donc...

...Il y a un dernier point qui fait l'objet de débats, de discussions. La volonté du Gouvernement, c'est de faire aboutir la médiation qui a lieu en ce moment entre les partenaires sociaux. On voit bien que...

Comment ? Est-ce que vous mettez de l'argent sur la table ?

Mais il ne s'agit pas... Attendez, l'objet, c'est de faire aboutir, de faire avancer cette médiation, nous avons installé deux médiateurs sur place, qui prennent la tâche des deux parties, des partenaires sociaux, et l'objectif, c'est qu'on aboutisse sur ce point, parce qu'on ne peut pas en sortir par la violence.

D'où ma question : comment ? Manifestement, pas par la violence, mais il faut de l'argent, est-ce que vous le mettez ?

Par l'échange, par la discussion. Y. Jégo a déjà annoncé un certain nombre de choses, je rappelle que le président de la République a aussi demandé au Gouvernement de modifier, d'améliorer le projet de loi sur les départements et territoires d'Outre-mer...

Mais pourquoi vous ne répondez pas à cette question : est-ce que vous allégez ou pas les charges aux entreprises ?!

Mais je réponds à votre question : il y a une médiation qui est en cours, donc laissons faire les différents acteurs. Nous devons, notre responsabilité, c'est de les appeler au calme et de les encourager à revenir à la table des négociations.

En tout cas, vous ne leur promettez pas d'argent ce matin ?

Et ensuite, le président de la République recevra demain les élus des Antilles pour échanger, dialoguer avec eux sur ce sujet.

Est-ce que l'Outre-mer sera au menu de la rencontre sociale de l'Elysée d'aujourd'hui ?

Alors, si vous voulez, l'Outre-mer, elle est victime de la crise, à la fois une crise locale et structurelle de nos départements d'Outre-mer pour lesquels il faut une réponse spécifique, mais elle est aussi victime plus globalement de la crise mondiale à laquelle nous devons avoir une réponse globale.

Donc les réponses cet après-midi autour de la table. Est-ce qu'aujourd'hui, tout est déjà figé ou alors la discussion de cet après-midi, dès trois heures, ça aboutit à quelque chose ou alors, les réponses, on les connaît déjà, et tout à l'heure, c'est un peu un jeu de rôle ?

Non, cette réunion, elle a deux objectifs, d'abord, apporter une réponse concrète, immédiate, aux Français qui souffrent le plus de la crise, et il y aura aujourd'hui des mesures qui seront annoncées, qui seront présentées. Elles ont fait l'objet de discussions entre les partenaires sociaux et le Gouvernement, et donc elles seront présentées cet après-midi.

La suppression du deuxième tiers, par exemple ?

Et il y a une deuxième chose...

Est-ce qu'il y a la suppression du deuxième tiers ?

C'est une des propositions qui est sur la table, l'idée d'avoir des mesures fiscales, familiales également, qui permettent, en des temps difficiles de crise, un peu d'alléger la facture des Français. Et puis, le deuxième objectif de cette réunion, c'est d'entamer un certain nombre de discussions entre partenaires sociaux, et entre partenaires sociaux et le Gouvernement, sur des sujets qui ne vont pas se résoudre en deux ou trois heures de réunion.

Donc des discussions sur le long terme ?

Des discussions sur le long terme...

Des mesures concrètes ?

...Par exemple, le partage des profits, le partage des bénéfices des entreprises.

Mais par exemple, une question simple, une réponse simple : N. Sarkozy a parlé de ce milliard quatre des intérêts prêtés aux banques, qui seront donc redistribués pour les Français les plus modestes. Est-ce que c'est une enveloppe qui peut être dépassée cet après-midi, est-ce que c'est plus qu'un milliard quatre qui va être distribué ?

Ecoutez, d'abord, c'est au moins un milliard quatre. Je rappelle qu'un milliard quatre, c'est une somme importante. Elle a été prélevée par rapport à de l'argent qui a été utilisé pour le plan de sauvetage des banques. Il est légitime qu'on le réaffecte pour les Français qui souffrent le plus de la crise...

Mais est-ce qu'il y en aura plus ?

Ecoutez, c'est la suite des discussions qui décidera définitivement des mesures qui seront adoptées, et donc de l'enveloppe finale.

Mais ce n'est pas décidé, ce matin, là, ce n'est pas décidé par exemple ?

N'attendez pas, en m'invitant à 7h40, vous vous doutez que je ne vais pas vous dire le montant global des mesures qui seront annoncées à 15 heures.

Non, mais peut-être que vous pouvez les décrypter pour les auditeurs qui vous écoutent quand même. Ce matin, vous ne pouvez pas le dire, parce que N. Sarkozy va le faire lui-même, mais en même temps, c'est déjà décidé ce matin ?

Je ne peux pas le dire par respect pour les partenaires sociaux.

Mais est-ce que c'est décidé ?

Nous discutons avec les partenaires sociaux, il est légitime que, il y a un échange avec eux cet après-midi, que c'est à la suite de cet échange qu'il y ait des annonces qui soient faites par le Gouvernement.

Alors justement, les partenaires sociaux avec lesquels vous discutez, ils demandent une augmentation du Smic et des salaires. Vous allez les décevoir là-dessus ?

Ils ne demandent pas que ça. D'abord, si vous voulez, la priorité du Gouvernement, c'est l'emploi. Est-ce que l'augmentation du Smic a démontré, depuis vingt ans, que c'était la meilleure réponse sur le marché de l'emploi ? Je n'en suis pas sûr. Ensuite...

Mais monsieur Chatel, c'est ce qu'ils demandent !

Ils ne demandent pas que ça. Ensuite, ils ont fait beaucoup de propositions, nous avons entendu un certain nombre d'entre elles, et vous verrez, dans les propositions que retiendra le Gouvernement, il y en a un certain nombre qui émanent du Gouvernement. Je vous prends un exemple très concret : on vient d'annoncer un plan pour l'automobile ; moi, j'avais rencontré les différents syndicats, ils ont fait des propositions très concrètes, par exemple qu'en échange du chômage partiel, il y ait dix jours qui soient consacrés à la formation des salariés. Nous l'avons retenue dans le cadre du plan automobile, c'est une piste sur laquelle nous travaillons de manière plus globale pour les autres secteurs de l'économie.

Est-ce que vous avez retenu l'anticipation de la hausse du Smic dès le 1er avril ?

Ça, ça fait partie, typiquement, des sujets qui doivent faire l'objet de concertations et de discussions avec les partenaires sociaux. Je vous l'ai dit, il y a des mesures qui seront d'application immédiate, que le Gouvernement peut décider seul, par exemple des mesures fiscales ou des mesures familiales. Il y en a d'autres qui doivent faire l'objet de discussions avec les acteurs, avec les différents partenaires sociaux.

Mais est-ce que vous pensez qu'à l'issue de cette réunion de tout à l'heure, l'appel à la mobilisation du 19 mars va être caduc ?

D'abord, ce que j'observe, c'est que cet appel à la mobilisation, il a eu Page 14 sur 33 Journaux et invités du matin - Dept. Revues de presse - 01 42 75 54 41 18/02/2009 https://rpa.applications.pm.gouv.fr/journaux_et_invites.php3?date=2009-02-18 lieu avant la rencontre d'aujourd'hui. Il est donc, en quelque sorte, déconnecté des solutions, des propositions qui seront présentées...

Mais l'espoir, c'est quand même que les gens ne soient pas dans la rue le 19 mars...

Oui, vous savez, je crois que dans cette affaire, chacun est un petit peu dans son rôle. Le rôle des syndicats, c'est à la fois de faire des propositions de sortie de crise, comme ils l'ont fait depuis plusieurs jours, et d'être autour de la table aujourd'hui, et puis en même temps, de canaliser, de répondre à des impatiences de l'opinion. Donc je crois qu'ils sont dans leur rôle...

Mais vous leur dites quoi, de lever quand même leur appel au 19 mars ?

Mais nous verrons quelle sera leur réaction face aux propositions qui seront faites cet après-midi. Ce que j'observe, c'est qu'ils ont fait des propositions, et vous verrez qu'il y a certain nombre de ces propositions qui vont être retenues cet après-midi.

Vous nous confirmez que le président de la République parle à 20 heures ?

Je vous confirme qu'il y aura un compte rendu de la réunion de cet après-midi. La nature et les modalités de cette communication ne sont pas encore définies.

On saura ça dans la journée. Un mot : oui, non, est-ce qu'il faut taxer les profits de Total ?

Non, je ne pense pas que ce soit, l'idée de taxer la meilleure des idées. D'abord, faire des bénéfices en ce moment, ce n'est pas une mauvaise nouvelle, au moment où toutes les entreprises sont dans une situation difficile. La solution, je crois, c'est de travailler avec Total pour qu'ils investissent davantage, pour qu'ils financent par exemple la prime à la cuve - c'est ce qu'ils font. Mais aller taxer des bénéfices qui sont, je le rappelle, réalisés à 94 % hors de France, ce n'est pas le meilleur signal pour attirer des entreprises en France.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 18 février 2009