Déclaration de M. Brice Hortefeux, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, sur l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, le taux de fécondité en France et les violences conjugales, Paris le 4 mars 2009.

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Circonstance : Journées tables-rondes sur le thème "Nouveaux enjeux du partage de responsabilité entre les femmes et les hommes" au Conseil économique, social et environnemental le 4 mars 2009

Texte intégral

Permettez-moi, tout d'abord, de saluer les présidentes des trois délégations qui ont organisé cette journée de travail :
Mme Marie-Jo ZIMMERMANN, pour la délégation aux droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes de l'Assemblée nationale ;
Mme Michèle ANDRE, pour celle du Sénat ;
Mme Françoise VILAIN, pour celle du Conseil économique, social et environnemental.
- C'est la troisième fois que j'ai l'honneur de pouvoir m'exprimer ici, au Palais d'Iéna. En juin 2005, je venais d'être nommé par le Président CHIRAC, ministre délégué aux collectivités territoriales auprès du ministre d'État, Nicolas SARKOZY, et j'étais alors venu aborder le thème de l'intercommunalité. Il y a moins d'un an [le 9 mai 2008], j'étais revenu ici en tant que ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire afin d'échanger sur le codéveloppement. C'est, aujourd'hui, comme ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville que je m'exprime devant vous.
Nous le savons tous, la promotion du droit des femmes est un long chemin qui requiert patience, détermination et humilité. Mais aussi, disons-le, parfois fierté !
Je ne suis, en effet, pas peu fier d'avoir à mes côtés trois femmes, et non des moindres, comme secrétaires d'État et de mettre ainsi, pour une fois, la gent masculine en minorité numérique. C'est non seulement une chance au quotidien, mais c'est surtout un signe que les choses peuvent bouger... et même parfois s'inverser !
* Mon cas personnel mis à part, quel est, aujourd'hui, le constat ?
Depuis le premier rapport du CESE consacré au droit des femmes en 1972, beaucoup de progrès ont été accomplis. Pourtant, plusieurs vérités nous enseignent que la situation est encore loin d'être satisfaisante.
A. Nous venons de vivre quarante années d'émancipation des femmes.« La seconde moitié du XXe siècle, dans les pays développés et tout particulièrement en France, a été marquée par des avancées sociales majeures pour les femmes », peut-on lire en introduction de la dernière communication du CESE.
Ces avancées, quelles sont-elles ? Elles s'inscrivent tout à la fois :
* dans la sphère privée, avec la reconnaissance effective du droit des femmes à choisir si elles souhaitent devenir mères : 95% des femmes utilisent aujourd'hui une méthode contraceptive. J'observe, d'ailleurs, que vous avez consacré votre deuxième table ronde ce matin [présidée par Michèle ANDRE] à la thématique « Garantir les droits personnels » ;
* dans la sphère de l'école, avec la percée et la réussite des filles dans l'enseignement secondaire et supérieur : 25% des jeunes femmes de 25 à 34 ans détiennent un diplôme d'au moins bac+3, contre 20% des jeunes hommes de leur génération ;
* dans la sphère professionnelle, aussi, avec une féminisation continue de la population active, comme en atteste un taux moyen d'activité de 82% en 2006 pour les femmes âgées entre 25 et 59 ans. Je sais que votre première table ronde de la journée [présidée par Marie-Jo ZIMMERMANN] intitulée « Parvenir à l'égalité professionnelle » a traité de cette question ;
* et dans la sphère politique : la parité est presque atteinte au Parlement européen [44% de femmes], dans les conseils régionaux [48%] et dans les conseils municipaux des communes de 3 500 habitants et plus [48,5%]. [En revanche, au CES, seulement 21,5% des conseillers sont des femmes. Toutefois, le rapport de Dominique-Jean CHERTIER sur la modernisation du CESE remis au Président de la République le 16 janvier dernier préconise l'instauration de la parité d'ici 5 ans]. B. Malgré ces réelles avancées, beaucoup reste à faire. Certaines réalités sont même encore inacceptables. (1) Je n'accepte pas, par exemple, que les écarts de rémunération entre hommes et femmes puissent perdurer comme c'est le cas actuellement. Alors que la promotion des femmes dans l'activité économique est un facteur de croissance dans les pays développés, de grandes inégalités entre les hommes et les femmes existent notamment en matière salariale.
Ainsi, selon une étude de la DARES [Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère] datant d'octobre 2008 [mais portant sur 2006] :
- tous temps de travail confondus, les femmes sont rémunérées, en moyenne, 27% de moins que les hommes, ou, vu autrement, les hommes gagnent 37% de plus ;
- à temps de travail égal, l'écart est moindre mais toujours élevé : 16% ;
- à poste et expérience équivalents, il est encore de près de 10% [9,7%]. (2) Je n'accepte pas non plus les inégalités en matière de chômage, de précarité et de pénibilité. Les femmes connaissent un taux de chômage supérieur à celui des hommes : au troisième trimestre 2008, le taux de chômage des hommes s'élevait à 6,7%, celui des femmes continuant à progresser à 7,8% [soit 7,3% au total pour l'ensemble des hommes et des femmes].
Par ailleurs, les femmes sont surreprésentées dans les emplois à temps partiel et à bas salaires. Par exemple, elles comptent pour 83% des travailleurs à temps partiel. Enfin, leurs conditions de travail ne sont pas meilleures que celles des hommes : 58% des cas de troubles musculosquelettiques touchent les femmes. (3) Je n'accepte pas, enfin, l'accès très limité des femmes aux postes de responsabilité. Vous y avez consacré votre troisième table ronde [« Briser le plafond de verre », présidée par Françoise VILAIN] plus tôt dans l'après-midi, mais aussi une communication en 2007 intitulée « La place des femmes dans les lieux de décisions : promouvoir la mixité ». Deux choses m'ont frappé dans ce document :
- d'une part, que les femmes ne représentent que 36% des « cadres et professions intellectuelles supérieures » et seulement 17% des dirigeants d'entreprises ;
- d'autre part, que lorsque qu'elles parviennent à atteindre des postes de haut niveau, elles se retrouvent souvent et majoritairement dans des filières qui ne débouchent pas sur les plus hauts niveaux hiérarchiques. J'ajoute que 23 sociétés du CAC 40 n'ont aucune femme dans leurs instances dirigeantes, et que les femmes ne représentent que 6% des administrateurs de sociétés. Aucune femme n'est, aujourd'hui à la tête d'une entreprise du CAC 40 ! Enfin, dans la sphère politique, les femmes représentent seulement 18,5% des députés et 22% des sénateurs. II. Face à ce constat, quelle est notre politique ? Les choses sont claires : nous devons, comme nous y incite votre communication du 27 janvier, passer de l'égalité de droit à l'égalité de fait, c'est-à-dire de l'égalité formelle à l'égalité réelle.
A. Comme ministre du Travail, tout d'abord.
Où en sommes-nous aujourd'hui ? La loi du 23 mars 2006 a renforcé les règles applicables en imposant aux partenaires sociaux de négocier chaque année pour programmer des mesures permettant de supprimer les écarts au 31 décembre 2010.
Je le rappelle : la question de l'égalité salariale est majeure pour le Président de la République et l'ensemble du Gouvernement.
Preuves de notre détermination à aboutir : une conférence salariale s'est tenue la demande du chef de l'État en septembre 2007 et lors de la réunion avec les partenaires sociaux du 18 février dernier, le Président de la République a mis l'accent sur cette question.
D'ailleurs, lors de mes réunions bilatérales avec les huit dirigeants syndicaux et patronaux qui ont servi à préparer cette réunion du 18 février, j'ai souhaité à chaque fois aborder la question de l'égalité salariale. Concrètement, cela signifie que la question de l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes sera à l'ordre du jour de la concertation et de la négociation pour l'année 2009, ce que l'on appelle plus communément « l'agenda social ».
Comme j'ai pu le dire dans une Communication en Conseil de ministres que nous avons présentée ce matin avec Valérie LETARD, j'ai proposé aux partenaires sociaux qu'un dialogue s'engage au second semestre pour l'application, voire l'adaptation des règles actuelles, mais aussi pour déterminer les sanctions pour les entreprises qui ne respectent pas les règles du jeu, que ce soit en termes de rémunération ou d'obligation de négocier. J'ajoute que j'ai bien noté le souhait de Marie-Jo ZIMMERMANN de veiller, dans le cadre des réflexions sur le système de retraite, à ce que les inégalités entre les hommes et les femmes soient corrigées et en aucune façon aggravées.
B. Comme ministre de la famille, ensuite.
Notre pays connaît une démographie dynamique avec un taux de fécondité de 2,02 enfants par femme, pour l'année 2008 ce qui nous place en tête des pays européens.
C'est, certes, un formidable signe de confiance dans l'avenir, mais c'est surtout aussi un grand défi qu'il nous revient de relever collectivement : réussir la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle.
Je n'oppose pas l'une et l'autre, bien au contraire. On observe d'ailleurs, dans les pays occidentaux, que plus le taux d'emploi des femmes est important, plus le taux de fécondité est élevé. Les femmes font le choix de ne pas renoncer à leur carrière professionnelle ; il faut donc permettre aux familles de faire garder leurs enfants pendant les heures de travail. C'est aussi, bien sûr, un enjeu pour l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.
Ce n'est pas un hasard si j'ai effectué mon premier déplacement sur le terrain, dans une crèche d'entreprise [Thalès] à Vélizy ou encore si j'ai visité [le 13 février dernier] une crèche publique, celle de Fère-en-Tardenois, dans l'Aisne.
Très concrètement, notre objectif, avec la secrétaire d'État à la famille, Nadine MORANO, est de créer environ 200 000 places de garde d'ici 2012.
Sur toutes ces questions d'égalité salariale et de conciliation de la vie familiale et professionnelle, Valérie LETARD vous l'a dit ce matin : nous avons missionné Mme Brigitte GRESY, inspectrice générale des affaires sociales, pour établir des propositions que j'examinerai avec la plus grande attention et qui serviront de base à la concertation prévue dans l'agenda social au deuxième semestre 2009.
Le rapport de Mme GRESY devra notamment établir, comme l'a proposé Marie-Jo ZIMMERMANN, un bilan précis de l'adoption des plans de résorption des écarts salariaux entre les hommes et les femmes.
C. Comme ministre de la solidarité, j'entends lutter de manière résolue contre les violences faites aux femmes.
Quel est le constat ?
* 10% des femmes en France sont victimes de violences conjugales ;
* mais seulement 8% d'entre elles portent plainte ;
* pire encore, 166 femmes sont mortes, en 2007, sous les coups de leur compagnon. Grâce à l'engagement de Valérie LETARD, beaucoup a été fait en 2008.
Je pense aux familles d'accueil. 70 familles ont été choisies par les conseils généraux pour accueillir des femmes victimes de violence. Elles sont réparties sur un ensemble de 20 départements, dont 15 ont mis en place le projet dès la fin 2008, tandis que les 5 autres seront prêts en 2009. C'est-à-dire qu'en un an, nous avons atteint d'ores et déjà plus de la moitié de notre objectif qui était de 100 familles avant 2010.
Les femmes victimes sont désormais prioritaires dans les hébergements d'urgence. La ministre du logement, Christine BOUTIN, et Valérie LETARD ont diffusé récemment [le 4 août 2008] une circulaire sur l'hébergement et le logement des femmes victimes de violences, qui rappelle leur place prioritaire au sein des différents dispositifs.
La prévention en milieu scolaire : avec le ministère de l'éducation nationale, nous réfléchissons à la possibilité d'intégrer dans les manuels scolaires du collège et du lycée des messages de prévention et de lutte contre les violences sexistes.
Enfin, nous brisons la loi du silence avec le site internet (www.stop-violences-femmes.gouv.fr) qui permet aux victimes, comme aux témoins, de trouver assistance et d'obtenir toutes les informations utiles et pratiques pour entreprendre leurs démarches.
D. Enfin, comme ministre de la ville, j'entends agir pour les femmes dans les quartiers.
J'ai la chance de travailler sur ces sujets avec Fadela AMARA dont l'engagement associatif a nourri l'engagement politique. Son travail en faveur des femmes à la tête de l'association « Ni putes ni soumises » est connu et respecté de tous. Aujourd'hui : je souhaite concrétiser le plan « Espoir banlieue » qu'elle a élaboré.
Les difficultés, nous les connaissons. Dans les 751 zones urbaines sensibles,
30% des jeunes de 15 à 24 ans vivent dans une famille monoparentale ;
90% de ces familles monoparentales sont sous la responsabilité d'une femme ;
50% d'entre elles sont au chômage. S'ajoutent, pour nombre de ces femmes habitant ces quartiers, des difficultés dans l'accès à la formation professionnelle ainsi que, trop souvent, une insuffisante maîtrise de la langue française.
Pour dépasser ces difficultés, il nous faut agir dans 4 directions :
- donner accès à un apprentissage de la langue française, pour les femmes issues de l'immigration : c'est tout le sens des instructions que nous venons de donner, avec Eric BESSON et Fadela AMARA, pour que des formations au français, adaptées aux différents publics, soient dispensées dans une totale coordination entre les différents intervenants, qu'il s'agisse du nouvel Office français de l'immigration et de l'intégration [OFII] ou des opérateurs subventionnés par l'Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances [ACSé] ;
- améliorer la garde d'enfants dans les quartiers, car c'est d'elle que dépend la capacité des mères de famille à travailler : j'ai souhaité que, dans le cadre du plan de création des 200 000 places supplémentaires, un volet spécifique soit consacré à ces quartiers ;
- développer de nouveaux programmes d'accès à l'emploi, notamment dans les métiers des services à la personne ;
- enfin, mettre en oeuvre des actions d'aide à la parentalité pour que les mères de famille de ces quartiers soient pleinement autonomes et puissent exercer dans les meilleures conditions leurs fonctions de parent (connaissance de services publics, relation avec l'école, gestion du budget familial, etc.) De nombreuses opérations sont mises en oeuvre sur le terrain. Il nous faut désormais en renforcer la cohérence, mais aussi l'évaluation de l'efficacité.
Dans le même esprit, j'ai tenu à ce que le Planning familial soit très présent dans les quartiers de la politique de la ville. L'État lui consacrera, au total, en 2009, comme en 2010 et 2011, 3,41 millions d'euros, dont 500 000 euros, chaque année, pour financer ses actions dans les quartiers.
Mesdames et Messieurs,
Si la révision constitutionnelle du 8 juillet 1999 a introduit dans notre Constitution la parité politique entre les femmes et les hommes [« la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives »], celle de l'été dernier l'a promue à l'article 1er et l'a étendue « aux responsabilités professionnelles et sociales. » Cette réforme constitue une avancée importante : elle fixe aux pouvoirs publics des objectifs ambitieux.
Les lois ont été nombreuses. Elles étaient nécessaires - personne ne le conteste -, mais pas suffisantes - tout le monde en atteste. L'enjeu, aujourd'hui, c'est de continuer à progresser vers une égalité de fait.
Plus que de faire des lois, il s'agit de :
- lever un à un tous les obstacles concrets à ce nouveau partage de responsabilités entre les femmes et les hommes.
- valoriser tous les actions et les démarches qui permettent de progresser dans cette voie ;
- et, enfin, mobiliser tous les acteurs : c'est l'objet de notre rencontre d'aujourd'hui. Vous l'avez compris : mon action comme ministre chargé du droit des femmes peut se résumer en trois mots : concrétiser, valoriser et mobiliser.
Je vous remerciesource http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 5 mars 2009